20 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-84.012

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00354

Titres et sommaires

JURIDICTIONS DE L'APPLICATION DES PEINES - Peines - Peine privative de liberté - Réduction de peine - Crédit de réduction de peine - Retrait - Appel - Appel du seul condamné - Retrait d'une durée supérieure à celle fixée par le juge de l'application des peines - Impossibilité

Les dispositions réglementaires de l'article D. 49-41-2 du code de procédure pénale qui permettent au président de la chambre de l'application des peines, sur le seul appel du condamné et sur réquisition du procureur général, d'ordonner un retrait de crédit de réduction de peine d'une durée plus importante que celle fixée par le juge de l'application des peines, ne peuvent l'autoriser à déroger à la règle, de nature législative, de l'interdiction d'aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel

Texte de la décision

N° T 23-84.012 F-B

N° 00354


SL2
20 MARS 2024


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 MARS 2024



M. [R] [K] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 31 mai 2023, qui a prononcé sur un retrait de crédit de réduction de peine.

Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 9 mars 2023 le juge de l'application des peines a retiré quinze jours de crédit de réduction de peine à M. [R] [K].

3. Celui-ci a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen proposé par M. [K]

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a prononcé soixante jours de retrait de crédit de réduction de peine, alors :

1°/ que les réquisitions du ministère public n'ont pas été communiquées au condamné ;

2°/ qu'il n'a pas été répondu à l'argumentation selon laquelle les commissions de discipline et les sanctions dont M. [K] a fait l'objet ont été truquées, alors même que le président de la chambre de l'application des peines n'était pas obligé d'en tenir compte, et a ainsi fait preuve de partialité ;

3°/ que l'ordonnance n'est pas motivée, comporte des motifs erronés et ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle.

Réponse de la Cour

5. Pour ordonner le retrait de soixante jours de crédit de réduction de peine à l'encontre du demandeur, le président de la chambre de l'application des peines énonce que les moyens portant sur la régularité de la procédure disciplinaire ne relèvent pas du juge judiciaire, une sanction disciplinaire n'étant pas un préalable indispensable à un retrait de crédit de réduction de peine.

6. Il retient qu'il résulte de la procédure disciplinaire versée au dossier, en particulier des courriers rédigés par le condamné, que ceux-ci contiennent des termes injurieux et outrageants à l'encontre de l'administration pénitentiaire, de ses agents et d'un magistrat de la cour d'appel de Paris.

7. Le juge en déduit que le mauvais comportement visé à l'article R. 57-7-2, 5°, du code de procédure pénale est donc constitué et qu'il est de nature à fonder le retrait de crédit de réduction de peine.

8. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'application des peines a répondu aux arguments essentiels du condamné, et a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen.

9. En effet, les dispositions de l'article 712-12 du code de procédure pénale ne prévoient pas la communication au condamné des observations du ministère public à l'occasion d'un appel formé contre une ordonnance portant sur un retrait de crédit de réduction de peine, et le demandeur n'avait pas sollicité en l'espèce cette communication des observations du ministère public, qui n'était pas appelant.

10. Le moyen sera en conséquence rejeté.

Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Vu l'article 515 du code de procédure pénale :

11. Selon ce texte, la cour d'appel ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver le sort de l'appelant.

12. La Cour de cassation juge que ce principe s'applique aux décisions rendues en matière d'application des peines qui peuvent être attaquées par la voie de l'appel, les règles générales applicables à ce type de recours devant recevoir application, sauf si la loi en décide autrement (Crim., 17 mars 1977, pourvoi n° 76-93.148, Bull. crim. 1977, n° 102).

13. Elle applique ce principe, en particulier aux décisions prises en matière de réduction de peine. Elle juge ainsi qu'encourt la cassation, pour méconnaissance du principe de la prohibition de l'aggravation du sort de l'appelant sur son seul appel, l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines qui, saisi du seul appel du condamné, infirme l'ordonnance du juge de l'application des peines lui ayant accordé une réduction supplémentaire de peine et dit que sa situation ne justifiait aucune réduction de peine (Crim., 12 février 2014, pourvoi n° 13-81.683, Bull. crim. 2014, n° 42).

14. La même solution doit être appliquée à la décision du président de la chambre de l'application des peines qui, sur le seul appel du condamné d'une ordonnance lui ayant retiré un crédit de réduction de peine, prononce le retrait d'un crédit de réduction de peine d'une durée supérieure.

15. Pour ordonner le retrait de soixante jours de crédit de réduction de peine à l'encontre du condamné, ce magistrat a retenu notamment qu'il y a lieu d'aggraver la sanction prononcée par le juge de l'application des peines en raison tant de la gravité des propos tenus par le condamné que de la répétition des manquements au règlement intérieur.

16. En statuant ainsi, alors que les dispositions réglementaires de l'article D. 49-41-2 du code de procédure pénale qui permettent au président de la chambre de l'application des peines, sur le seul appel du condamné et sur réquisitions du procureur général, d'ordonner un retrait de crédit de réduction de peine d'une durée plus importante que celle fixée par le juge de l'application des peines, ne peuvent l'autoriser à déroger à la règle, de nature législative, de l'interdiction d'aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel, le président de la chambre de l'application des peines a méconnu le texte législatif susvisé.

17. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 31 mai 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-quatre.

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