25 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-11.581

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00402

Titres et sommaires

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Délégué syndical - Délégué syndical suppléant conventionnel - Désignation - Désignation par un syndicat représentatif - Conditions - Candidat ayant obtenu 10 % des suffrages exprimés - Portée

Selon l'article L. 2143-3, alinéa 1, du code du travail, et sous la réserve prévue à l'alinéa 2 du même article, une organisation syndicale représentative qui désigne un délégué syndical doit le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés. S'agissant d'une disposition d'ordre public tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle s'applique nécessairement également au délégué syndical suppléant conventionnel, dont le mandat est de même nature que celui du délégué syndical

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Droits syndicaux - Exercice - Domaine d'application - Délégué syndical suppléant conventionnel - Désignation - Conditions - Candidat ayant obtenu 10 % des suffrages exprimés - Portée

Texte de la décision

SOC. / ELECT

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2020




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 402 FS-P+B

Pourvoi n° F 19-11.581




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020

1°/ Mme M... F..., domiciliée [...],

2°/ Mme D... Q..., domiciliée [...],

3°/ le syndicat CGT du Crédit agricole de Paris et d'Ile-de-France, dont le siège est [...],

ont formé le pourvoi n° F 19-11.581 contre le jugement rendu le 22 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la caisse régionale du Crédit agricole d'Ile-de-France (CADIF), dont le siège est [...], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme F..., de Mme Q... et du syndicat CGT du Crédit agricole de Paris et d'Ile-de-France, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la caisse régionale du Crédit agricole d'Ile-de-France, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mme Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris, 22 janvier 2019), que le syndicat CGT du Crédit agricole de Paris et d'Ile-de-France (le syndicat) a désigné le 29 novembre 2018 Mmes Q... et F... en qualité de déléguées syndicales suppléantes, en application de l'article 5 de la convention collective nationale du Crédit agricole ; que la caisse régionale du Crédit agricole d'Ile-de-France (la CADIF) a saisi le tribunal d'instance d'une requête en annulation de ces désignations, au motif que les représentants désignés ne remplissaient pas la condition d'avoir obtenu 10 % des suffrages exprimés lors des dernières élections ;

Sur le premier moyen, ci après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que le syndicat et les salariées font grief au jugement d'annuler les désignations, datées du 29 novembre 2018, de Mmes F... et Q... en qualité de déléguées syndicales suppléantes alors, selon le moyen :

1°/ que chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; qu'il résulte de l'article 5 de la convention collective que les organisations syndicales représentatives sont habilitées à désigner un délégué syndical suppléant exclusivement doté d'une fonction d'assistance du délégué syndical titulaire ; que le tribunal d'instance, pour annuler les désignations de Mmes F... et Q... en qualité de déléguées syndicales suppléantes, a retenu que celles-ci ne justifiaient pas d'une audience électorale de 10 % obtenue lors des précédentes élections professionnelles ; qu'en statuant ainsi, lorsque la condition de l'audience électorale s'impose seulement à l'égard des délégués syndicaux habilités à engager la collectivité des salariés par leurs prérogatives, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail, ensemble l'article 5 de la convention collective nationale du Crédit agricole ;

2°/ qu'il résulte de l'article 5 de la convention collective que les organisations syndicales représentatives sont habilitées à désigner un délégué syndical suppléant exclusivement doté d'une fonction d'assistance du délégué syndical titulaire ; que pour annuler les désignations de Mmes F... et Q..., le tribunal d'instance a retenu que certains accords collectifs au sein de l'entreprise avaient été préalablement signés par des délégués syndicaux suppléants ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants à établir que les délégués syndicaux suppléants avaient par leur signature engagé la collectivité des salariés, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;

Mais attendu que, selon l'article L. 2143-3, alinéa 1, du code du travail, et sous la réserve prévue à l'alinéa 2 du même article, une organisation syndicale représentative qui désigne un délégué syndical doit le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés ; que s'agissant d'une disposition d'ordre public tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle s'applique nécessairement également au délégué syndical suppléant conventionnel, dont le mandat est de même nature que celui du délégué syndical ;

Qu'il en résulte que le tribunal d'instance, qui a retenu que, malgré le silence de la convention collective, les délégués syndicaux suppléants devaient respecter la condition d'audience électorale conformément aux termes de l'article L. 2143-3 du code du travail et qui, constatant que ce n'était pas le cas des délégués syndicaux suppléants désignés par le syndicat CGT, a annulé les désignations, a statué à bon droit ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme F..., Mme Q... et le syndicat CGT du Crédit agricole de Paris et d'Ile-de-France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR constaté la compétence du tribunal d'instance ;

AUX MOTIFS QUE « le syndicat CGT, comme Mmes F... et Q..., soutiennent que l'action du Crédit Agricole d'Ile de France tendrait à contester la licéité de l'article 5 de la convention collective nationale du Crédit Agricole et que ce contentieux en annulation ou en interprétation, relèverait du tribunal de grande instance ; que l'action du Crédit Agricole d'Ile de France se fonde sur les dispositions d'ordre public de l'article L. 2143-3 du Code du travail, dont les conditions d'application relèvent de l'appréciation de la juridiction compétente en matière de contentieux professionnel ; qu'en conséquence le tribunal d'instance est compétent » ;

ALORS QUE le tribunal de grande instance est compétent pour statuer sur la légalité d'une disposition conventionnelle ; que l'article 5 de la convention collective nationale de la branche des Caisses régionales de Crédit Agricole et autres organismes institue un délégué syndical suppléant dont la mission est expressément définie comme une mission d'assistance du délégué syndical titulaire, lequel exerce ses prérogatives dans le respect des prévisions légales ; que le tribunal d'instance, considérant que le contentieux dont il était saisi relevait du contentieux électoral et professionnel, s'est déclaré compétent pour statuer sur la validité des désignations de Mmes F... et Q... ; qu'en statuant de la sorte quand la contestation portait sur la licéité de l'article 5 de la convention collective nationale de la branche des Caisses régionales de Crédit Agricole et autres organismes en ce qu'il détermine les conditions de désignation du délégué syndical suppléant, le tribunal d'instance a violé la convention collective précitée et l'article 1103 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé les désignations, datées du novembre 2018, de Mmes F... et Q..., en qualité de déléguées syndicales suppléantes de la Caisse Régionale du Crédit Agricole d'Ile de France ;

AUX MOTIFS QUE «l'article 5 de la convention collective nationale du Crédit Agricole stipule «
chacun de ses délégués syndicaux titulaires est assisté par un délégué syndical suppléant, qui bénéficie de la même protection légale
» ; que l'article L. 2143-3 du Code du travail prévoit que « Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33. La désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs. Elle peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques » ; qu'ainsi une organisation syndicale peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents, au sein de l'entreprise, ou parmi ses anciens élus, seulement en cas de carence de candidats ayant recueilli au moins 10% des suffrages aux dernières élections ; que Mme F... n'était pas candidate aux dernières élections du Comité Social et Economique et Mme Q... a obtenu moins de 10 % des suffrages exprimés au premier tour de ces élections ; qu'elles ont été l'une et l'autre désignées comme déléguée syndicale suppléante, alors qu'il n'est pas contesté que plusieurs autres candidats de la CGT remplissaient la condition d'audience électorale personnelle (10% des suffrages aux dernières élections) ; que l'obligation nouvelle de désigner les délégués syndicaux, en priorité, parmi les candidats ayant obtenu 10% des suffrages aux dernières élections, est une règle d'ordre public ; que c'est la raison pour laquelle ni un accord collectif, ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent avoir pour effet de déroger à l'obligation légale faite aux organisations syndicales représentatives de choisir en priorité le délégué syndical parmi ces candidats (Soc., 28 septembre 2011, pourvoi n° 10-19.113, publié au bulletin et Soc., 29 mai 2013, n° 12-26.457 ; publié au bulletin) ; que l'article 5 de la convention collective nationale du Crédit Agricole ne limite pas les pouvoirs des délégués syndicaux suppléants, semblables à ceux des délégués syndicaux titulaires ; qu'ils bénéficient tous les deux d'une protection identique ; que les délégués syndicaux suppléants sont chargés d'assister les délégués syndicaux dans l'ensemble de leurs tâches, spécialement lors de la négociation des accords collectifs ; qu'à cet égard, ils sont convoqués à toutes les réunions de négociation, comme à la signature des accords au même titre que les délégués syndicaux ; qu'ainsi, Madame A..., déléguée syndicale suppléante CDFT a signé l'accord sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, comme le contrat de génération du 16 décembre 2016, ou l'avenant à l'accord sur l'indemnité francilienne du 28 mars 2018 ; que de même, M. V..., délégué syndical suppléant CFTC, a signé l'accord sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes du 8 janvier 2016 ; que c'est pourquoi, de façon à ne pas remettre en cause l'exigence de représentativité posée par le législateur, par la loi du 20 août 2008 qui a mis fin à un système fondé sur la représentativité présumée, et respecter l'article L. 2143-3 du Code du travail, d'ordre public, déclaré conforme à la constitution par le Conseil Constitutionnel, les délégués syndicaux suppléants, conventionnels, doivent être désignés dans les mêmes conditions que les délégués syndicaux, et remplir la condition d'audience électorale personnelle minimale ; qu'en l'espèce, Mmes F... et Q..., qui ne remplissent pas cette condition, ne pouvaient être désignées comme déléguées syndicales suppléants ; que pour cette raison, leurs désignations datées du 29 novembre 2018, sont annulées » ;

1° ALORS QUE chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; qu'il résulte de l'article 5 de la convention collective que les organisations syndicales représentatives sont habilitées à désigner un délégué syndical suppléant exclusivement doté d'une fonction d'assistance du délégué syndical titulaire ; que le tribunal d'instance, pour annuler les désignations de Mmes F... et Q... en qualité de déléguées syndicales suppléantes, a retenu que celles-ci ne justifiaient pas d'une audience électorale de 10 % obtenue lors des précédentes élections professionnelles ; qu'en statuant ainsi, lorsque la condition de l'audience électorale s'impose seulement à l'égard des délégués syndicaux habilités à engager la collectivité des salariés par leurs prérogatives, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du Code du travail, ensemble l'article 5 de la convention collective nationale du Crédit Agricole ;

2° ET ALORS QU'il résulte de l'article 5 de la convention collective que les organisations syndicales représentatives sont habilitées à désigner un délégué syndical suppléant exclusivement doté d'une fonction d'assistance du délégué syndical titulaire ; que pour annuler les désignations de Mmes F... et Q..., le tribunal d'instance a retenu que certains accords collectifs au sein de l'entreprise avaient été préalablement signés par des délégués syndicaux suppléants ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants à établir que les délégués syndicaux suppléants avaient par leur signature engagé la collectivité des salariés, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du Code du travail.

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