29 mai 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-26.457

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01007

Titres et sommaires

SYNDICAT PROFESSIONNEL - droits syndicaux - exercice - domaine d'application - délégué syndical - désignation - conditions - candidat ayant obtenu 10 % des voix - portée - representation des salaries - dérogation - dérogation résultant d'un accord collectif ou d'un engagement unilatéral de l'employeur - possibilité (non)

Ni un accord collectif, ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent avoir pour effet de modifier l'obligation légale faite aux organisations syndicales représentatives de choisir en priorité le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10% des voix au premier tour des dernières élections professionnelles. Il en résulte qu'un syndicat, qui est en droit de contester l'avantage accordé par l'employeur à un autre syndicat en violation d'une règle d'ordre public, ne peut en revanche revendiquer à son profit le bénéfice de cet avantage illégal

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que par une lettre du 31 mai 2012, le syndicat francilien de la propreté CFDT a informé la société SENI propreté multiservices de la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical au sein de l'établissement du Kremlin-Bicêtre ; que l'employeur a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de cette désignation, M. X... n'ayant pas été candidat aux dernières élections professionnelles organisées en juin 2010 ;

Attendu que pour rejeter la demande de l'employeur, le tribunal énonce que l'exigence légale subordonnant la désignation aux fonctions de délégué syndical à la condition préalable que le salarié ait présenté sa candidature aux élections et ait obtenu un minimum de voix, se heurte au principe de valeur constitutionnelle de l'égalité entre syndicats, dès lors qu'en l'espèce il est établi et non contesté, que l'employeur a laissé un autre syndicat désigner un salarié non candidat aux élections, comme délégué syndical et que ce délégué est toujours en fonction ; que cette tolérance, quand bien même elle résulterait d'une erreur, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, oblige l'employeur à accepter que les autres syndicats puissent désigner leurs délégués syndicaux dans les mêmes conditions contraires à la loi, sous peine de violer le principe d'égalité entre syndicats ;

Attendu cependant que ni un accord collectif, ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent avoir pour effet de modifier l'obligation légale faite aux organisations syndicales représentatives de choisir en priorité le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix au premier tour des dernières élections professionnelles ; qu'il en résulte qu'un syndicat, qui est en droit de contester l'avantage accordé par l'employeur à un autre syndicat en violation d'une règle d'ordre public, ne peut en revanche revendiquer à son profit le bénéfice de cet avantage illégal ;

Qu'en statuant comme il a fait, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 septembre 2012, entre les parties, par le tribunal d'instance de Villejuif ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société SENI propreté multiservices.

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D'AVOIR débouté la société Seni Propreté Multiservices de sa demande en annulation de la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical CFDT, en date du 31 mai 2012 au sein de l'établissement du Kremlin Bicêtre ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de 50 salariés au moins qui constitue une section syndicale désigne parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise, de délégation unique du personnel ou de délégués du personnel un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté que le Syndicat CFDT est un syndicat représentatif au sein de l'établissement du Kremlin Bicêtre de la société Seni Propreté Multiservices ; qu'à ce titre, à l'issue des élections des délégués du personnel et des représentants au CE, le syndicat CFDT pouvait donc désigner un délégué syndical ; que cependant en application de l'article L. 2143-3 du code du travail, ce délégué syndical devait impérativement être désigné parmi les candidats aux élections professionnelles ayant obtenu au moins 10 % des voix au premier tour des dernières élections ; qu'or, en l'espèce, lors des élections des délégués du personnel ayant eu lieu le 11 juin 2010, M. X... n'était candidat à aucune fonction ; que la CFDT ayant eu des candidats obtenant plus de 10 % des voix, M. X... ne remplissait donc pas les conditions de représentativité exigées par l'article L. 2143-3 du code du travail ; que néanmoins, cette exigence légale subordonnant la désignation aux fonctions de délégué syndical à la condition préalable que le salarié ait présenté sa candidature aux élections et ait obtenu un minimum de voix, se heurte au principe de valeur constitutionnelle de l'égalité entre syndicats ; qu'en l'espèce il est établi et non contesté, que l'employeur a laissé un autre syndicat, le syndicat CFTC, désigner le 6 mars 2012 un salarié non candidat aux élections comme délégué syndical et que ce délégué est toujours en fonction ; que cette tolérance, quand bien même elle résulterait d'une erreur, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, oblige l'employeur à accepter que les autres syndicats puissent désigner leurs délégués syndicaux dans les mêmes conditions contraires à la loi, sous peine de violer le principe de l'égalité entre syndicats ;

ALORS QUE le principe d'égalité entre syndicats n'autorise pas le juge à écarter les dispositions d'ordre public de l'article L. 2143-3 du code du travail déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; qu'ayant constaté le caractère illicite de la désignation en qualité de délégué syndical par le syndicat CFDT de M. X... qui n'a pas été candidat aux dernières élections professionnelles du 11 juin 2010 et n'a pas obtenu au moins 10 % des voix et en validant cependant cette désignation au motif erroné que, par application du principe d'égalité entre syndicats, la tolérance de la société Seni Propreté Multiservices, qui aurait laissé le syndicat CFTC désigner le 6 mars 2010 un salarié non candidat aux élections comme délégué syndical, l'obligeait à accepter que les autres syndicats puissent désigner leurs délégués syndicaux dans les mêmes conditions contraires à la loi, le tribunal d'instance a violé les dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail.

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