CONFLIT DE JURIDICTIONS

Soc., 1 juillet 2020, n° 18-24.643, (P)

Cassation

Compétence internationale – Immunité de juridiction – Etats étrangers – Application – Exclusion – Acte de gestion – Cas – Exécution d'un contrat de travail – Production d'analyses économiques en vue du développement économique de l'Etat étranger – Portée

Le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation de ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en la matière.

Selon le droit international coutumier, tel que reflété par l'article 11, § 2, a, de la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, un Etat et les organismes qui en constituent l'émanation peuvent invoquer, devant la juridiction d'un autre Etat, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre le premier Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat, l'immunité de juridiction si l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique.

Viole le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui, pour accueillir la fin de non-recevoir tirée de ce principe, retient que le salarié, chargé d'analyses économiques et de relations se rapportant au développement économique d'un Etat étranger, exerçait des fonctions lui conférant une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public d'Etat, alors qu'il résultait de ses constatations que ces fonctions ne lui conféraient pas une telle responsabilité dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application dudit principe.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2018), l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes (l'ICE), est un organisme public, placé sous la tutelle du ministre italien du Commerce extérieur, qui a pour mission la promotion et le développement du commerce avec l'étranger et l'internationalisation du système productif italien, ainsi que la fourniture de services aux étrangers, en vue de développer les relations avec le marché national français et contribuer ainsi à la promotion des investissements étrangers en Italie.

2. Le 30 juin 2005, le ministre français des Affaires étrangères a reconnu que l'ICE faisait partie de la représentation diplomatique italienne à Paris.

3. M. N..., engagé par ledit institut le 6 février 1998 en qualité de « senior trade analyst », a été licencié, pour motif économique, par lettre du 18 février 2009.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande d'immunité de juridiction soulevée par l'ICE et, en conséquence, de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 1°/ que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant ni un pouvoir de décision, ni accès à des documents confidentiels et n'ayant donc aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; que pour faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. N... accomplissait des actes dans l'intérêt d'un service public de l'Etat italien et qu'il participait, par ses rapports, à influencer la mise en oeuvre de la politique commerciale à l'extérieur de l'Etat ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il n'était pas établi qu'il était investi de responsabilités particulières dans l'exercice du service public de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

2°/ que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; qu'en ne recherchant pas concrètement si M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il était chargé de responsabilité particulière dans l'exercice du service public de l'Etat italien la cour d'appel, qui s'est bornée à la description abstraite du poste occupé par M. N... telle qu'elle figurait dans son contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

3°/ que, en principe, un Etat ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre Etat, compétent en l'espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre lui et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat ; qu'il n'en va autrement que si, notamment, l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser des fonctions particulières de M. N... dans l'exercice de la puissance publique de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens et en particulier son article 11 ;

4°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu'en faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE et fondée sur l'immunité de juridiction sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette immunité ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. N... d'accéder à un tribunal, la cour d'appel a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble l'article 14, §1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

5°/ que, en statuant ainsi, sans rechercher si l'immunité de juridiction ne portait pas également atteinte au droit à un recours effectif en cas de violation du droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation de ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en la matière.

6. Selon le droit international coutumier, tel que reflété par l'article 11, §2, a), de la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, un Etat et les organismes qui en constituent l'émanation peuvent invoquer, devant la juridiction d'un autre Etat, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre le premier Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat, l'immunité de juridiction si l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique.

7. Pour faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par l'ICE tirée du principe de l'immunité de juridiction, l'arrêt retient que le salarié, diplômé de l'enseignement supérieur avait comme fonctions l'exécution et l'élaboration de textes complexes dans les langues italienne et française, la rédaction de correspondances requérant un approfondissement et des recherches spécifiques ainsi que l'élaboration de statistiques complexes, la fourniture d'une assistance directe à des sociétés italiennes et françaises, la réalisation d'études de marché sectorielles sur la base de programmes établis périodiquement, l'entretien de relations privilégiées avec les ministères français et les associations du secteur, la participation à des foires, colloques, séminaires pour approfondir la connaissance de secteurs et pour acquérir les noms de sociétés et des informations de marché, la rédaction de rapports à la suite de chaque participation, la réalisation d'enquêtes sur les agents importateurs et sur les formes de collaboration industrielle afin de développer la présence de produits italiens en France, l'utilisation du système informatique, l'organisation de la participation des sociétés italiennes aux foires et expositions et l'organisation, pour le secteur de sa compétence, d'expositions, foires et colloques, de sorte que, ayant un rôle déterminant dans la politique économique de développement des relations commerciales et d'investissement de l'Etat italien, influençant par ses études, ses rapports et ses enquêtes la mise en oeuvre de la politique commerciale de cet Etat et, en tant qu'interlocuteur des ministères et associations françaises, intervenant comme porte-parole de ce dernier, ce salarié exerçait des fonctions qui lui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public dudit Etat.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les fonctions du salarié ne lui conféraient pas une responsabilité particulière dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application du principe d'immunité de juridiction, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur la qualification par le juge d'un acte analysé comme participant de la souveraineté d'un Etat, à rapprocher : Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-13.790, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.

Com., 16 juillet 2020, n° 17-16.200, (P)

Rejet

Effets internationaux des jugements – Reconnaissance ou exequatur – Conditions – Absence de contrariété à l'ordre public international – Caractérisation – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 janvier 2017), la « County Court » de Luton (Royaume-Uni) a, le 8 juin 2010, prononcé la mise en faillite personnelle de M. X....

Le 18 juin suivant, cette même juridiction a désigné M. B..., en qualité de liquidateur du patrimoine de M. X..., à compter du 23 juin 2010.

2. Le 7 juin 2013, M. B..., ès qualités, a assigné M. X... et Mme C... devant le tribunal de grande instance de Bonneville, pour voir ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre eux sur un immeuble situé sur le territoire français.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

3. M. X... et Mme C... font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. B..., d'ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision relativement aux immeubles situés sur le territoire de la commune de la [...] et désigner à cette fin M. R..., notaire, et d'ordonner sous le ministère de la société Briffod et Puthod, avocat au barreau de Bonneville, les formalités préalables à la vente de l'immeuble aux enchères publiques à la barre du tribunal de grande instance de Bonneville, sur la mise à prix de 400 000 euros, avec faculté de baisse de mise à prix en cas de désertion d'enchères, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles 18, paragraphe 1, et 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité que le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité peut exercer sur le territoire d'un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l'État d'ouverture, à la double condition, d'une part, que, dans l'exercice de ses pouvoirs, il respecte la loi de l'État membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens, et, d'autre part, que ces pouvoirs n'incluent pas l'emploi de moyens contraignants, ni le droit de statuer sur un litige ou un différend ; qu'il s'ensuit que, même prévu par la loi de l'État d'ouverture pour la réalisation de l'actif du débiteur, le transfert au syndic de la propriété des biens appartenant au débiteur figure au nombre des procédés contraignants qu'il n'est pas en son pouvoir d'accomplir sur le territoire d'un autre État membre que celui de l'État d'ouverture, sur le fondement de l'article 18 du règlement précité ; qu'en décidant en l'absence de tout exequatur, que la procédure principale ouverte par la « County Court » de Luton bénéficie d'une reconnaissance de plein droit permettant à M. B..., trustee de M. X..., en vertu de l'article 18 du règlement, d'exercer sur le territoire d'un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l'État d'ouverture, dont l'exercice, à la place de M. X..., d'une action en partage d'un immeuble dont il était propriétaire indivis avec Mme C..., dès lors que la propriété en a été transférée au syndic par le seul effet du jugement d'ouverture, en vertu du droit anglais, la cour d'appel a violé cette disposition, ensemble les articles 3 et 6 du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ;

2°/ qu'il résulte de l'article 5 du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité que l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, appartenant aux débiteurs et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre État membre ; qu'il s'ensuit que le partage d'un immeuble indivis, à la demande du syndic, relève de la loi du lieu de situation du bien, à l'exclusion de la loi de l'État d'ouverture ; qu'en accueillant l'action en partage d'un immeuble indivis, dès lors que la propriété de la quote-part indivise du débiteur a été transférée au trustee comme le prévoit le droit anglais, sans qu'il soit au pouvoir du coïndivisaire, Mme C..., d'arrêter l'action en partage, en désintéressant les créanciers personnels de M. X..., comme le prévoit l'article 815-17 du code civil, ce qui aurait exigé du syndic que la créance soit certaine, liquide et exigible, la cour d'appel qui a fait application de la loi de l'Etat d'ouverture, a violé l'article 5 du règlement précité ;

3°/ que l'article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité impose au syndic de se conformer à la loi du lieu de situation de l'immeuble indivis lorsqu'il en provoque le partage, en vue de réaliser l'actif du débiteur contre lequel une procédure principale d'insolvabilité a été ouverte dans un autre Etat membre ; qu'en affirmant que l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité à l'encontre de M. X..., selon les règles du droit anglais, permettait à son trustee de provoquer le partage de l'immeuble dont le débiteur était propriétaire indivis, dès lors que la propriété en a été transférée au syndic selon les règles du droit anglais, pour exclure l'application de l'article 815-17 du code civil qui subordonne l'exercice de l'action en partage par le mandataire à la condition que le coïndivisaire puisse en arrêter le cours, en désintéressant les créanciers personnels de M. X..., ce qui aurait supposé que Mme C... connaisse le montant de la dette qu'elle devrait payer, la cour d'appel a violé l'article 18, § 3, du règlement précité, ensemble l'article 815-17 du code civil par refus d'application. »

Réponse de la Cour

4. L'article 16 du règlement (CE) n° 1346-2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité pose le principe de la reconnaissance dans tous les autres Etats membres de toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un Etat membre compétente en vertu de l'article 3.

5. Il résulte de l'article 18, § 1, que, en dehors d'hypothèses étrangères à l'espèce, le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, § 1, peut exercer sur le territoire d'un autre Etat membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l'Etat d'ouverture.

L'article 18, § 3, dispose que, dans l'exercice de ses pouvoirs, le syndic doit respecter la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens, et que ses pouvoirs ne peuvent inclure l'emploi de moyens contraignants.

6. En premier lieu, la cour d'appel, après avoir constaté que l'ordonnance de faillite du 8 juin 2010 était une décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale, en a exactement déduit qu'elle produisait, sans aucune autre formalité dans tout Etat membre, les effets que lui attribuait la loi de l'Etat d'ouverture et en particulier le transfert au syndic de la propriété des biens de M. X..., incluant sa quote-part indivise de l'immeuble situé en France, lui permettant d'exercer sur le territoire de cet Etat tous les pouvoirs qui lui sont conférés par ce transfert de propriété et en conséquence celui d'agir en partage de l'indivision.

7. En second lieu, l'arrêt retient que M. B..., devenu propriétaire des biens de M. X..., est coïndivisaire de l'immeuble avec Mme C... et qu'il agit en conséquence sur le fondement de l'article 815 du code civil et non sur celui de l'article 815-17 du même code. Ce faisant, la cour d'appel, reconnaissant les effets de la procédure d'insolvabilité attribués par la loi anglaise sur la propriété des biens du débiteur, a fait application de la loi de situation de l'immeuble pour déterminer le fondement et le régime de l'action engagée devant les juridictions françaises. C'est donc à tort que le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, postule que la cour d'appel aurait appliqué la loi anglaise sans exiger du syndic qu'il respecte la loi française, dans l'exercice de ses pouvoirs, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens et sans inclure l'emploi de moyens contraignants.

8. Par conséquent, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

M. X... et Mme C... font le même grief à l'arrêt alors :

« 1°/ que la conception française de l'ordre public international s'oppose à ce qu'il soit donné effet à la règle de droit anglais transférant au syndic la propriété des biens du débiteur contre laquelle une procédure d'insolvabilité a été ouverte ; qu'en décidant le contraire, au motif inopérant que les systèmes juridiques européens ont en commun de permettre l'appréhension des biens du débiteur failli, au lieu d'apprécier la contrariété à l'ordre public de la règle transférant au trustee la propriété de l'actif à partager, à la différence du transfert du droit d'administration qui entraîne à l'encontre du débiteur, un simple dessaisissement, la cour d'appel a violé les articles 3, 6 et 26 du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ;

2°/ que la conception française de l'ordre public international s'oppose à l'application de la règle de droit anglais privant le coïndivisaire du pouvoir d'arrêter le cours de l'action en partage de l'immeuble indivis, en s'acquittant de la dette du débiteur insolvable ; qu'en affirmant le contraire, au motif inopérant que nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision, la cour d'appel a violé les articles 3, 6 et 26 du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme. »

Réponse de la Cour

9. L'article 26 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 permet à tout Etat membre de refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que ce recours à la clause d'ordre public ne devait jouer que dans des cas exceptionnels (CJUE, arrêt du 21 janvier 2010, Mg Probud Gdynia, C-444/07, point 34).

10. La règle du transfert au syndic de la propriété des biens du débiteur, personne physique, mis en liquidation judiciaire, résultant de la loi anglaise, ne produit pas des effets manifestement contraires à la conception française de l'ordre public international.

La cour d'appel, qui a reconnu le droit d'agir de M. B... en partage de l'indivision entre M. X... et Mme C... sur un bien situé sur le territoire français comme étant une conséquence de la reconnaissance de l'ouverture en Angleterre de la procédure d'insolvabilité de M. X..., a fait l'exacte application des textes visés par le moyen.

11. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles 3, § 1, 16, 18, § 1, et § 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 ; article 815 du code civil ; article 26 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000.

Rapprochement(s) :

Sur le recours à la clause d'ordre public, cf. : CJUE, 21 janvier 2010, Mg Probud Gdynia, C-444/07, point 34.

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