25 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/13207

Pôle 4 - Chambre 7

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13207 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFKO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 21/00148





APPELANTE

COMMUNE [Localité 9]

[Adresse 10]

[Localité 9]

représentée par Me Jonathan HENOCHSBERG de l'AARPI LOIRÉ - HENOCHSBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : C1071, substitué à l'audience par Me Mathilde DU BESSET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482









INTIMÉES

S.C.I. MARLY

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Miguel BARATA de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1185





DIRECTION DÉPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Division Missions Domaniales

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée par Madame [L] [B], en vertu d'un pouvoir général







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Nathalie BRET, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseillère



Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.




*



EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



La SCI MARLY est propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 2] au [Localité 9], sur les parcelles cadastrées section K n°[Cadastre 6] et K n°[Cadastre 1] d'une superficie de 587m².



Il s'agit d'un bâtiment mixte composé d'un local commercial au rez de chaussée et d'un logement à l'étage.



La SCI MARLY a adressé à la commune [Localité 9] une déclaration d'aliéner (DIA) ce bien au prix de 1 150 000 euros.



La commune susvisée a réceptionné cette déclaration le 21 mai 2021.



La commune susvisée a exercé son droit de préemption au prix de 450 000 euros par courrier du 15 juillet 2021 adressé à la SCI MARLY.



La SCI MARLY a refusé cette proposition par courrier reçu le 6 septembre 2021, maintenant le prix indiqué dans la DIA.



Par requête et mémoire introductif d'instance datés du 21 septembre 2021, la commune [Localité 9] a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny en vue de la fixation du prix du bien préempté.



La commune [Localité 9] justifie avoir consigné le 1er décembre 2021 une somme de 67 500 euros auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations.



Après transport sur les lieux le 3 février 2022, le juge de l'expropriation a par jugement du 7 juillet 2022 :

- annexé la décision le procès verbal de transport ;

- rejeté la demande de nullité tirée du vice de fond du mémoire de saisine ;

- déclaré irrecevable la requête présentée par la commune [Localité 9] en fixation du prix du bien de la SCI MARLY situé [Adresse 2] au [Localité 9]), sur les parcelles cadastrées section Kn°[Cadastre 6] et Kn°[Cadastre 1] ;

- condamné la commune [Localité 9] à payer à la SCI MARLY la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la commune [Localité 9] aux dépens.



La commune [Localité 9] a interjeté appel le 29 juillet 2022 du jugement en toutes ses dispositions et par voie de conséquence demande de fixer le prix de l'immeuble de la SCI MARLY à la somme de 450 000 euros.



Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :





1/déposées au greffe par la commune [Localité 9] le 20 octobre 2022 notifiées le 24 octobre 2022 (AR intimé le 25 octobre 2022 et CG le 25 octobre 2022) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

'infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Et statuant à nouveau :

'fixer le prix de l'immeuble appartenant à la SCI MARLY, sis [Adresse 2], [Localité 9], cadastrée K [Cadastre 6] et K [Cadastre 1], à un montant de 450'000 euros, à l'exclusion de toute indemnité ;

'condamner la SCI MARLY à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner la SCI MARLY aux entiers dépens.



2/déposées au greffe par la commune [Localité 9] le 28 avril 2023 notifiées le 28 avril 2023 (AR appelant du 3 mai 2023 et AR CG le 2 mai 2023) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

'infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

'rejeter les demandes de la SCI MARLY tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du mémoire de saisine à voir prononcer la nullité du mémoire de saisine du tribunal ;

'rejeter la demande de la SCI MARLY tendant au constat de l'absence de prétentions particulières du mémoire d'appel et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ;

'rejeter la demande de la SCI MARLY tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en fixation du prix d'aliénation de l'immeuble préempté ;

Et statuant à nouveau :

'fixer le prix de l'immeuble appartenant à la SCI MARLY, sis [Adresse 2], [Localité 9], cadastrée K [Cadastre 6] et K [Cadastre 1], à un montant de 450'000 euros, à l'exclusion de toute indemnité ;

'condamner la SCI MARLY à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner la SCI MARLY aux entiers dépens.



3/adressées au greffe par la SCI MARLY le 13 janvier 2023 notifiées le 14 mars 2023 (AR appelant le 17 mars 2023 et CG 17 mars 2023) aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

- à titre principal :

'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du mémoire de saisine de l'autorité préemptrice soulevée par la SCI MARLY ;

'statuant à nouveau,

'prononcer la nullité du mémoire de saisine du tribunal notifié par la commune des [Localité 9] ;

- à titre subsidiaire :

'constater que le jugement ne s'est prononcé que sur l'irrecevabilité de l'action engagée par la commune [Localité 9] ;

'constater que le dispositif du mémoire d'appel notifié par la commune [Localité 9] ne comporte aucune prétention particulière sur ce chef du jugement ;

en conséquence,

'rejeter l'appel et confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

à titre très subsidiaire,

'confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en fixation du prix d'aliénation de l'immeuble préempté engagée par la commune [Localité 9], pour violation des dispositions de l'article R 213-11 du code de l'urbanisme et de l'article R311-30 du code de l'expropriation ;

à titre infiniment subsidiaire,

'constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel en présence d'un jugement ayant prononcé l'irrégularité de la saisine du tribunal ; en conséquence, renvoyer l'affaire devant le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny pour être jugé sur le fond ;

en tout état de cause,

-condamner la commune [Localité 9] à lui payer une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner la commune [Localité 9] aux dépens d'appel, dont distraction sera prononcée sur le fondement l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Miguel Barata, avocat au barreau de Paris.



4/Le commissaire du gouvernement n'a pas adressé ou déposé de conclusions.





EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



La commune [Localité 9] expose que :

La SCI MARLY est propriétaire d'un bien sis [Adresse 2] au [Localité 9].



Par déclaration d'intention d'aliéner du 19 mai 2021, le notaire a informé la commune, titulaire du droit de préemption, du projet de vendre ledit immeuble, pour un montant de 1'150'000 euros (pièce n°1).



Saisi pour avis, le service des domaines a évalué la valeur vénale de ce bien à un montant de 450'000 euros (pièce n°2).



Par décision du 15 juillet 2021, la commune, suivant l'avis des domaines, a décidé de préempter le bien (pièce n°3).



Par courrier notifié le 6 septembre 2021, le propriétaire par le truchement de son conseil, a refusé l'offre de prix de la commune (pièce n°4).



Cette décision de préemption s'inscrit dans un projet d'aménagement d'ampleur poursuivi par la commune pour la requalification du quartier la Fourche.



Un projet précis est poursuivi sur cette parcelle, avec une étude de faisabilité déjà menée, pour un immeuble mixte de commerces, logements sociaux et logements en accession, projet présentant un intérêt public particulier compte tenu de la situation de celui-ci (pièce n°5).



La commune a saisi par mémoire du 21 septembre 2021, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixation judiciaire du prix.



Ce mémoire a été notifié par courrier recommandé avec accusé de réception à la Direction Départementale des Finances Publiques (pièce n°6) et à la SCI MARLY (pièce n°7).



La commune a procédé à la consignation d'une somme égale à 15 % de l'évaluation de la DDFIP, notifiée à la SCI MARLY par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 décembre 2021 (pièce n°8), qui n'a jamais été retirée comme cela ressort de la mention « avisé non réclamé » figurant sur le bordereau d'envoi.



Par conclusions du 21 janvier 2021, le commissaire du gouvernement a réévalué son estimation de la valeur vénale du bien, à hauteur de 530'000 euros (pièce n°9), fondée sur 7 termes de comparaison.



Sur l'infirmation du jugement déféré :

-à titre principal, sur l'absence d'obligation de réitération de la notification par exploit d'huissier.



C'est à tort que le juge de première instance a considéré que l'acte de sa saisine aurait dû être signifié à la SCI MARLY.

Il résulte des dispositions de l'article R 213-11 du code de l'urbanisme, que le titulaire du droit de préemption qui est en désaccord avec le prix proposé par le propriétaire peut solliciter la fixation judiciaire de ce prix par la saisine de la juridiction compétente en matière d'expropriation au terme d'un mémoire adressé à celle-ci par courrier recommandé avec accusé de réception et que la procédure est par suite régie par les articles R311-9 à R311-32 du code de l'expropriation.



La saisine du juge de l'expropriation résulte de l'envoi du mémoire du titulaire du droit de préemption dans les formes requises par l'article R213-11 du code de l'urbanisme.



Il ressort de la jurisprudence rendue au visa de l'article R 311-30 du code de l'expropriation que l'exigence de réitération par voie d'huissier vise le mémoire valant offre de la collectivité.



Les arrêts de la Cour de Cassation proposés par la SCI MARLY en première instance et sur lesquels s'est fondé le juge de l'expropriation sont tous les deux relatifs au mémoire valant offre et non à l'acte de saisine de la juridiction.



Au regard de ces jurisprudences, il doit être conclu que :

'le « mémoire du demandeur » soumis à l'application de réitération par acte extrajudiciaire vise uniquement le « mémoire valant offre », qui est un acte propre à la procédure d'expropriation et prévu aux articles L311-4, R311-5 et R311-6 du code de l'expropriation, lesquels ne sont pas applicables à la procédure de préemption ;

'l'acte de saisine du juge de l'expropriation est un acte différent : lettre recommandée avec accusé de réception accompagnée du mémoire du titulaire dans la procédure de préemption (article R213-11 du code de l'urbanisme) et mémoire de saisine adressé par lettre recommandée avec accusé de réception dans la procédure d'expropriation (article R 311-9 du code de l'expropriation) ;

'ces derniers ne sont pas soumis à l'obligation de réitération par voie d'huissier posé par l'article R311-30 du code de l'expropriation, le titulaire du droit de préemption ou l'expropriant disposant d'un choix quant à la modalité de notification en application de l'alinéa premier de l'article R311-30 du code de l'expropriation.



En l'espèce, la ville a fait le choix de notifier l'acte de saisine du juge de l'expropriation à la SCI MARLY par lettre recommandée avec de réception ; elle n'avait nulle obligation de réitérer cette notification par voie d'huissier, dans la mesure où cette obligation ne concerne pas la notification du courrier de saisine du tribunal.



En jugeant que cette notification était irrégulière et devait entraîner celle de sa saisine, le juge de l'expropriation a entaché son jugement d'une erreur de droit et il sera infirmé par la cour.



-À titre subsidiaire, sur l'absence d'invocabilité par la SCI MARLY du moyen tiré du défaut de réitération de la notification par exploit d'huissier

Les conséquences d'un défaut de signification sur l'instance de fixation du prix ne correspondent pas à une fin de non-recevoir mais bien à une exception de nullité, ce qui suppose la démonstration d'un grief, ce que ne rapporte pas la SCI MARLY.



En application de l'article 122 du code de procédure civile, la fin de non-recevoir est strictement limitée aux moyens qui démontrent que le demandeur est dépourvu de droit d'agir et se distingue des exceptions de nullité, comme le soutient la doctrine.



Or, la Cour de Cassation a rejeté en des termes dépourvus de toute ambiguïté, le moyen tiré du défaut de signification du mémoire de saisine (civile, 3°, 24 octobre 2007, n° 06-15054).



La cour d'appel de Rouen (10 janvier 2012, n° 11/00227) et la cour d'appel de Versailles (3 septembre 2019, numéro 18/01464) ont confirmé cette position.



La prétendue fin de non-recevoir aurait dû être écartée par le juge de première instance.



-Sur le rejet du moyen tiré de l'absence de prétention en appel portant sur la recevabilité de l'action engagée par la commune



Aux termes de l'article 154 du code de procédure civile, pour que la cour soit saisie d'une prétention, il faut que le dispositif l'énonce.



Par arrêt du 17 septembre 2020 numéro 18-23 626, la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation précise que le dispositif des conclusions doit comporter une demande tenant à l'infirmation ou l'annulation du jugement pour que la cour puisse y donner droit, pour les appels formés à compter du 7 septembre 2020, mais en revanche, rien n'impose de préciser dans le dispositif les chefs de dispositif dont il est demandé l'infirmation (2ème, civile, 3 mars 2022, n°20-20017).



Rien n'impose à la partie faisant appel d'un jugement ayant accueilli la contestation de la partie adverse tenant à la recevabilité de son action, de formuler, en sus de la prétention tendant à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, une demande tendant au constat de la recevabilité de son action.



En l'espèce, la commune [Localité 9] respecte strictement les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile et les principes posés par la jurisprudence.



-Sur l'absence de nullité du mémoire de saisine

Les articles R311-12 du code de l'expropriation et 768 du code de procédure civile, imposent l'exigence de motivation des mémoires et conclusions ; le juge recherche si la partie qui a proposé un chiffrage a motivé celui-ci de manière à permettre aux parties d'en discuter utilement, dans le respect du contradictoire (cour d'appel de Lyon, 26 juin 2007, n° 15/03707, cour d'appel de Rouen, 8 mars 2011, n° 10/01748, civile, cass, 3°, 21 septembre 2010, n° 08-70384 , cour d'appel de Paris, 14 décembre 2017, n° 16/22 321).



Seule importe que cette offre puisse être utilement discutée dans le respect du contradictoire, celui-ci ne s'appréciant pas à la seule lecture du mémoire de saisine du juge de l'expropriation mais sur l'ensemble de la procédure.



En l'espèce, le mémoire de saisine du juge de l'expropriation comporte des informations précises sur la nature, la consistance et la situation juridique du bien : position géographique, extrait cadastral, destination, surface, loyer annuel actuel, état de dégradation, présence d'un occupant sans droit ni titre à l'étage ; il précise que le prix de 450'000 euros proposé est élaboré par référence à ces éléments et aux « termes de comparaison avec les ventes intervenues à proximité », au regard de la « moyenne des ventes observées dans le secteur autour de 1200 euros/m² ».



Pour établir ce prix, la commune s'est également fondée sur le premier avis du service des domaines par lequel celui-ci a avancé un chiffrage identique de 450'000 euros.



La SCI MARLY disposait donc de l'ensemble des éléments lui permettant de discuter contradictoirement de la valeur vénale proposée par la commune.



-Sur la fixation du prix



Le bien est cadastrée K n° [Cadastre 6] et K n° [Cadastre 1].



Il s'agit d'un bâtiment de 1971 en R+1, développant une vitrine sur la RN3 et de 12 m pour une profondeur de 30 m. Ce bâtiment est édifié sur un terrain de 587 m².



Le rez-de-chaussée est à usage de local commercial dans lequel est installée une épicerie, une surface utile brute de 360 m² de surface dont une surface de vente de 250 m², avec un loyer annuel de 50 4000 euros hors-taxes et hors charges.







L'état du local est particulièrement dégradé.



A l'étage figure un logement 70 m² squatté par un occupant sans droit ni titre à la date de la décision de préemption, puis libéré lors de la visite des lieux.



Le Service des Domaines a formulé une première estimation de la valeur du bien à 450'000 euros et une seconde estimation de valeur à 530'000 euros au terme de conclusions datées du 21 janvier 2022.



Il sera relevé que, parmi les trois termes de comparaison retenus par le commissaire du gouvernement dans sa seconde estimation, le terme n°7, mentionne une valeur de 2 682 euros/m², de nature à augmenter substantiellement la moyenne de ces trois termes ; or, ce terme bénéficie d'une meilleure configuration que le bien de la SCI MARLY.



Compte tenu de l'état particulièrement dégradé du bien, de la situation juridique de l'occupation du logement à l'étage, des termes de comparaison avec les ventes intervenues à proximité et des estimations réalisées par les services des Domaines, il convient de maintenir le montant de 1800 euros/m² au titre de la valeur vénale, inférieur à la moyenne des ventes observées dans le secteur autour de 1200 euros/m².



La valeur du bien doit être estimée à 1800 euros/m² X 250 m²= 450'000 euros.



La SCI MARLY répond que :

-Sur la nullité du mémoire de saisine

En application des articles R311-12 du code de l'expropriation et 768 du code de procédure civile, il est de jurisprudence constante qu'une offre indemnitaire ou de prix qui ne comporte aucune forme d'explication, ni aucun terme de comparaison est entaché de nullité, tant cette justification et cette motivation ressortent du respect des droits du propriétaire préempté, qui doit pouvoir connaître les raisons et les modalités du prix proposé (cour d'appel de Douai, 15 juin 2009, RG 08/01932, cour d'appel de Paris, 1er février 2018, RG 16/22751).



Il s'agit d'une nullité de fond.



Or en l'espèce, le mémoire de saisine notifié par la commune [Localité 9] ne comporte pas le moindre terme de comparaison qui permettrait de connaître la référence sur la base de laquelle elle a fondé sa proposition de prix.



En outre, l'avis du Service des Domaines sur lequel la demanderesse se fonde ne comporte lui-même aucun terme de comparaison.



Il est demandé à la cour d'infirmer le jugement qui a rejeté l'exception de nullité du mémoire de saisine, et de prononcer cette nullité.



-Sur l'absence de prétention en appel portant sur la recevabilité de l'action engagée par la commune

Le jugement s'est exclusivement prononcé sur la recevabilité de l'action judiciaire engagée par la Commune [Localité 9] dans le cadre de sa préemption, en fixation du prix d'aliénation de l'immeuble préempté.



Par arrêt du 30 janvier 2020, statuant sur la portée de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes au sujet de la rédaction du dispositif des conclusions d'appel, qui a été précisé par un arrêt du 4 février 2021 (numéro 19-23615) et par un autre arrêt rendu le 30 septembre 2021.



La cour d'appel d'Amiens a confirmé que dès lors que le dispositif des conclusions initiales d'appel, qui demandaient l'infirmation du jugement attaqué, ne soulevait pas de prétentions







à l'encontre du chef principal querellé, elle ne pouvait se prononcer sur les autres prétentions et n'était donc saisie d'aucune contestation de la décision de première instance (28 juin 2022, n° 20/04071).



-Sur l'irrecevabilité d'action de la commune

Sur l'article R311-30 du code de l'expropriation, la Cour de Cassation a rendu un arrêt de cassation (23 septembre 2014, n° 13-20 249), et par arrêt du même jour a apporté des précisions sur le régime procédural de cette exception, à savoir une fin de non recevoir (n°13-16 283).



En l'espèce, la notification du mémoire de saisine de la juridiction d'expropriation n'a pas touché la SCI MARLY, de sorte que la commune [Localité 9] avait l'obligation du procéder par voie de signification.



Il est certain que l'article R 311-30 du code de l'urbanisme s'applique au « mémoire du titulaire du droit de préemption », c'est-à-dire au mémoire de saisine, de sorte que la commune [Localité 9] avait bien l'obligation de procéder à nouveau à la notification de son mémoire « par voie de signification ».



Le jugement doit donc être confirmé.



Il ne s'agit pas d'une exception de nullité de procédure, mais d'une irrégularité de la formalité de saisine de la juridiction, dont la preuve n'impose pas de justifier d'un grief pour être recevable.



Le jugement sera confirmé sur ce point.






SUR CE, LA COUR



- Sur la recevabilité des conclusions



Aux termes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du 29 juillet 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.



À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.



L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.



Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.



Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.



Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.









En l'espèce, les conclusions de la commune [Localité 9] du 20 octobre 2022 et de la SCI Marly du 13 janvier 2023 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.



Les conclusions de la commune [Localité 9] du 28 avril 2023 sont de pure réplique à celles de la SCI MARLY ne formulent pas de demandes nouvelles, et la pièce n°12 correspond à un arrêt de la cour de cassation du 3 mars 2020, n°20-20017 ; ces conclusions et cette pièce sont donc recevables au-delà des délais initiaux.



- Sur le fond



Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'il juge nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.



Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.



L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.



Aux termes de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l'acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu'il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de 2 mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.

À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation selon les règles mentionnées à l'article L 213-4.

En cas d'acquisition,l'article L 213-14 est applicable.



Aux termes de l'article L 213-4 du code de l'urbanisme, à défaut d'accord amiable le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment l'indemnité de remploi.



Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.



L'appel de la commune [Localité 9] porte sur toutes les dispositions du jugement ; à titre principal, elle conteste l'absence d'obligation de réitération de la notification par exploit d'huissier et à titre subsidiaire, l'absence d'invocabilité par la SCI MARLY du moyen tiré du défaut de réitération de la notification par exploit d'huissier ; elle conclut au fond sur le prix du bien.



La SCI MARLY demande l'infirmation du jugement pour voir prononcer la nullité du mémoire de saisine du tribunal notifié par la commune [Localité 9] et elle conclut ensuite à titre subsidiaire sur l'absence de prétention particulière du mémoire d'appel de la commune [Localité 9], à titre très subsidiaire sur la confirmation du jugement et à titre infiniment subsidiaire sur le renvoi de l'affaire devant le juge de l'expropriation.





-sur l'irrégularité du mémoire de saisine de la commune [Localité 9] pour vice de fond



Aux termes de l'article R311-12 du code de l'expropriation, les mémoires, signés par les parties lorsqu'elles sont dispensées de constituer avocat ou leurs représentants, comportent l'exposé des moyens et prétentions des parties. Celles-ci joignent les documents et pièces qu'elles entendent produire.

Les mémoires indiquent le montant demandé ou offert pour l'indemnité principale et, le cas échéant, pour chacune des indemnités accessoires. Ils donnent éventuellement toute précision utile au sujet des offres en nature.



Le premier juge a rejeté la demande de nullité tirée d'un vice de fond présenté par la SCI MARLY.



Celle-ci demande l'infirmation, en indiquant qu'il est de jurisprudence constante qu'une offre indemnitaire de prix qui ne comporte aucune forme d'explication, ni aucun terme de comparaison est entaché de nullité, tant cette justification et cette motivation ressortent du respect des droits du propriétaire préempté, qui doit pouvoir connaître les raisons et les modalités du prix proposé ; qu'il s'agit d'une nullité de fond au regard des enjeux et obligations procédurales pour le propriétaire exproprié ou préempté ; qu'en matière d'expropriation, il est constant que seule la production de références constituées par des ventes fermes et définitives ou par des jugements de fixation d'indemnités ou de prix rend recevable une proposition de prix ou d'indemnité fondé sur des termes de comparaison ; qu'en l'espèce, le mémoire de saisine notifié par la commune du Pavillon-sous-bois ne comporte pas le moindre terme de comparaison qui permettrait de connaître la référence sur la base de laquelle est fondé sa proposition de prix, que le mémoire évoque « des termes de comparaison avec les ventes intervenues à proximité», mais n'en comporte pas le moindre et qu'en outre l'avis des Domaines sur lequel la demanderesse se fonde ne comporte lui- même aucun terme de comparaison.



Elle demande donc de prononcer la nullité du mémoire de saisine de la commune [Localité 9] et, par voie de conséquence, la nullité de la procédure.



La commune [Localité 9] demande la confirmation en indiquant que son mémoire de saisine du juge de l'expropriation comporte des informations précises sur la nature, la consistance et la situation géographique du bien : position géographique, extrait cadastral, destination, surface, loyer annuel actuel, état de dégradation, présence d'un occupant sans droit ni titre à l'étage et qu'il précise que le prix de 450'000 euros proposé a été élaboré par référence à ces éléments et aux « termes de comparaison avec les ventes intervenues à proximité », au regard de la « moyenne des ventes observées dans le secteur autour des 2 200 euros/m² ».



Le mémoire de saisine de fixation du prix article R213-11 du code de l'urbanisme de la commune [Localité 9] (pièce n° 3) indique :

«II discussion

Le bien est cadastré n°K[Cadastre 6] et K [Cadastre 4].



Bâtiment de 1971 en R+1, développant une vitrine sur la RN3 de 12 m pour une profondeur de 30 m. Ce bâtiment est édifié sur un terrain de 587 m² :

le rez-de-chaussée est à usage de local commercial dans lequel est installée une épicerie, d'une surface utile brute de 360 m² de surface dont une surface de vente de 250 m². Le loyer annuel est de 54'000 euros hors charges.



L'état du local est particulièrement dégradé.



A l'étage figure un logement de 70 m² actuellement squatté par un occupant sans droit ni titre.





Compte tenu de l'état particulièrement dégradé du bien, de la situation juridique de l'occupation du logement à l'étage, de sa situation juridique et des termes de comparaison avec les ventes intervenues à proximité, il convient de retenir un montant de 1 800 euros/m² au titre de la valeur vénale, inférieur à la moyenne des ventes observées dans le secteur autour de 2 200 euros/m².



Dans ces conditions, la valeur du bien doit être estimée à 1 800 X 2 150 m² soit 450'000 euros, soit exactement la valeur estimée par le service des domaines (pièce n°2).»



Il en ressort que le mémoire de saisine en fixation du prix versé par la commune [Localité 9] fait état des caractéristiques du bien (désignation des parcelles, surface, description et état d'entretien du bien) ; il propose une évaluation chiffrée par référence à la valeur du m² du bien, par rapport à la fois à des termes de comparaison avec des ventes intervenues à proximité et à l'avis du service des Domaines.



Il contient donc une évaluation chiffrée et une présentation du calcul telles qu'exigées par la Cour de cassation ( 3°civ,12 mai 1993, n°91-70348).



En conséquence, le premier juge a exactement considéré que le mémoire de saisine de la commune [Localité 9] contient l'exposé de ses moyens et n'est pas entaché de nullité au regard des dispositions de l'article R 311-12 du code de l'expropriation.



Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de la SCI MARLY tirée d'un vice de fond du mémoire de saisine.



- sur l'irrégularité de la notification du mémoire de saisine



Le premier juge sur le fondement des articles R 213-11 du code de l'urbanisme et R 311-30 du code de l'expropriation a considéré que la notification du mémoire de saisine est irrégulière, puisque la SCI MARLY ne justifie pas, suite à la notification du mémoire de saisine par lettre recommandée avec accuse réception avisé à une date inconnue retourné avec la mention ' destinataire inconnu à l'adresse » avoir procédé à la signification de la saisine de la juridiction par voie de signification ; qu'en conséquence, la notification du mémoire de saisine est irrégulière, et que cette irrégularité qui entraîne celle de la saisine du juge, constitue une fin de non-recevoir qui peut être invoquée sans avoir à faire la preuve d'un grief.



Le premier juge a en conséquence déclaré irrecevable la requête présentée par la commune du Pavillon-sous-Bois en fixation du prix du bien de la SCI MARLY.



L'article R 213-11 du code de l'urbanisme dispose que si le titulaire du droit de préemption estime que le prix mentionné à l'article R 213-10 est exagéré, il peut, dans les 15 jours à compter de la réception de la réponse du propriétaire, saisir la juridiction compétente en matière d'expropriation par lettre recommandée adressée au secrétariat de cette juridiction.

Une copie, en double exemplaire, du mémoire du titulaire du droit de préemption est joint à la lettre adressée au secrétariat de la juridiction. Le propriétaire doit en être informé simultanément.

Il est ensuite procédé comme il est dit aux articles R311-9 à R311-32 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

À défaut de saisine de la juridiction dans le délai fixé par le présent article, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l'exercice de son droit de préemption.



L'article R311-30 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit quant à lui que lorsque la notification du mémoire du demandeur a été faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et n'a pas touché son destinataire dans les conditions prévues l'article 670 du code de procédure civile, il est procédé à nouveau par voie de signification.









La commune [Localité 9] demande l'infirmation pour les motifs suivants :

à titre principal, sur l'absence d'obligation de réitération de la notification par exploit d'huissier.



Aux termes de l'article R 213-11 du code de l'urbanisme, la saisine du juge de l'expropriation résulte de l'envoi du mémoire du titulaire du droit de préemption dans les formes requises par cet article.



L'article R 311-10 du code de l'expropriation dispose que le demandeur notifie simultanément à la partie adverse une copie du mémoire.



Si le demandeur est l'expropriant, la copie de son mémoire reproduit en caractères apparents les dispositions des articles R311-11, R311-12 du 1er alinéa de l'article R311-13 et de l'article R311-22.



Les règles applicables aux notifications effectuées dans ce cadre sont prévues par l'article R 311-30 du code de l'expropriation qui dispose que la notification du jugement et arrêts aux parties et au commissaire du gouvernement se fait conformément aux dispositions des articles 675 à 682 du code de procédure civile.



Les autres notifications prévues par le présent livre sont faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception par voie de signification. Elles peuvent être valablement faites aux représentants des parties, sous réserve des règles propres à notification des décisions mentionnées à l'alinéa précédent.



Lorsque la notification du mémoire du demandeur a été faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et n'a pas touché son destinataire dans les conditions prévues l'article 670 du code de procédure civile, il y est procédé à nouveau par voie de signification.



Il ressort de la jurisprudence rendue au visa de l'article R 311-30 du code expropriation que l'exigence de réitération par voie d'huissier vise le mémoire valant offre de la collectivité et non l'acte de saisine de la juridiction.



Elle en conclut que le « mémoire du demandeur » soumis à l'obligation de réitération par acte extrajudiciaire vise uniquement le « mémoire valant offre », qui est un acte propre à la procédure d'expropriation et prévu aux articles L311-4, R311-5 et R311-6 du code de l'expropriation, lesquels ne sont pas applicables à la procédure de préemption ; que l'acte de saisine du juge de l'expropriation est un acte différent : lettre recommandée avec avis de réception accompagnée du mémoire du titulaire de la procédure de préemption (article R213-11 du code de l'urbanisme) et mémoire de saisine adressée par lettre recommandée avec accusé de réception de la procédure d'expropriation (article R311-9 du code de l'expropriation) et que ces derniers ne sont pas soumis à l'obligation de réitération par voie d'huissier posé par article R311-30 du code de l'expropriation, le titulaire du droit de préemption où l'expropriant disposant d'un choix quant à la modalité de notification (alinéa 1er de l'article R311-30 du code de l'expropriation).



Elle indique qu'elle a fait le choix de notifier l'acte de saisine du juge de l'expropriation à la SCI MARLY par lettre recommandée avec accusé de réception et qu'elle n'avait nulle obligation de réitérer cette notification par voie d'huissier, dans la mesure où cette obligation ne concerne pas la notification du courrier de saisine du tribunal.



À titre subsidiaire, sur l'absence d'invocabilité par la SCI MARLY du moyen tiré du défaut de réitération de la notification par exploit d'huissier.



Elle indique que si la cour devait juger que la notification de l'acte de saisine du juge de l'expropriation devait être réitérée par voie d'huissier, elle ne pourra que constater que c'est à tort que le juge de première instance a accueilli ce moyen.



En effet, ce moyen n'est pas constitutif d'une fin de non-recevoir mais bien une exception de nullité, ce qui suppose la démonstration d'un grief, ce que ne rapporte par la SCI MARLY.



La SCI MARLY demande la confirmation en indiquant que la notification de saisine de la juridiction d'expropriation n'a pas touché la SCI MARLY, de sorte que la commune des [Localité 9] avait l'obligation de procéder à nouveau par voie de signification.



Elle indique que le texte de l'article R311-30 du code de l'expropriation ne distingue aucunement suivant la forme de ce mémoire, qu'il s'agisse du mémoire classique d'un mémoire valant offre et qu'il n'existe pas de « mémoire valant offre » en matière de préemption, le mémoire de saisine étant le mémoire classique établi pour cette occurrence ; l'article R213-11 du code de l'urbanisme vise le « mémoire du titulaire du droit de préemption », et vise ensuite l'application de l'article R311-30 du code de l'urbanisme.



En outre, il ne s'agit pas d'une exception de nullité de procédure, mais d'une irrégularité de la formalité de saisine de la juridiction, dont la preuve n'impose pas de justifier comme demandé par la commune [Localité 9] d'un grief pour être recevable.



En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la commune [Localité 9] a adressé sa requête accompagnée de son mémoire de saisine en fixation du prix au greffe de la juridiction de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny par lettre recommandée reçue le 24 septembre 2021 et a notifié à la SCI MARLY son mémoire de saisine en fixation du prix par lettre recommandée avec accusé de réception avisée à une date inconnue et retournée avec la mention : « destinataire inconnu à l'adresse ».



L'article R213-11 alinéa 2 du code de l'urbanisme prévoit expressément : « il est ensuite procédé comme il est dit aux articles R311-9 à R 311-32 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique » ; or, l'article R311-30 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que lorsque la notification du mémoire du demandeur a été faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et n'a pas touché son destinataire dans les conditions prévues à l'article 670 du code de procédure civile, il est procédé à nouveau par voie de signification ; la rédaction de ce texte, est issu du décret n° 2014-1135 du 26 décembre 2014, d'une proposition de réforme formulée par la Cour de cassation dans son rapport pour l'année 2019.



Selon cet article tel qu'interprété par la Cour de cassation (3ème, civ, 23 septembre 2014 numéro 13-20 249), selon l'ancien l'article R 13-41 devenu l'article R311-30 du code de l'expropriation, il suffit que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le mémoire du demandeur n'ait pas été remis à son destinataire pour que ce demandeur ait à procéder à nouveau à cette notification par acte extrajudiciaire.



En outre, la Cour de cassation par arrêt du 23 septembre 2014 n° 13-16 283 indique que cette irrégularité, qui entraîne celle de la saisine du juge peut être invoquée sans avoir faire la preuve d'un grief.



Cette obligation de signification prévue par l'article R311-30 du code de l'expropriation ne peut viser comme invoqué par la commune [Localité 9] l'hypothèse du « mémoire valant offre » visée à l'article R311-6 du même code, puisque le premier article vise expressément « le mémoire du demandeur », c'est-à-dire le mémoire de saisine, le texte ne distinguant pas la forme de ce mémoire, puisqu'il s'agit d'un mémoire classique d'un mémoire valant offre, et ce d'autant qu'il existe pas de « mémoire valant offre » en matière de préemption, et que l'article R213-11 du code de l'urbanisme vise le « mémoire du titulaire du droit de préemption », et vise ensuite l'application de l'article R311-30 du code de l'urbanisme.









En conséquence, l'article R 311-30 du code de l'urbanisme s'applique au « mémoire du titulaire du droit de préemption », c'est-à-dire au mémoire de saisine.



Il résulte de ces textes que pour saisir le juge, le demandeur doit adresser sa demande par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la juridiction de l'expropriation accompagnée de deux exemplaires de son mémoire, notifier, simultanément, sa demande par lettre recommandée avec accusé de réception, à la partie adverse et réitérer cette notification à la partie adverse par voie de signification si le destinataire n'a pas été touché par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.



En l'espèce la commune [Localité 9] a adressé sa requête accompagnée de son mémoire de saisine en fixation du prix au greffe de la juridiction de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny par lettre recommandée reçue le 24 septembre 2021, notifié à la SCI MARLY son mémoire de saisine en fixation du prix par lettre recommandée avec réception avisée à une date inconnue et retournée avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse » et ne justifie pas de la notification de la saisine de la juridiction à la SCI MARLY par voie de signification comme l'exigent les articles précités, alors que la lettre recommandée avec accusé de réception n'a pas touché son destinataire.



Il en résulte que la notification du mémoire de saisine est irrégulière.



Cette irrégularité, qui entraîne celle de la saisine du juge, constitue une fin de non-recevoir, qui peut être invoquée sans avoir à faire la preuve d'un grief, et non une cause de nullité, comme invoqué par la commune [Localité 9], comme l'a jugé la Cour de cassation dans l'arrêt précité du 23 septembre 2014 numéro 13-16 283.



En conséquence, il convient de confirmer le jugement qui a exactement dit que sa saisine est irrégulière et que la requête présentée par la commune [Localité 9] en fixation du prix du bien de la SCI MARLY est irrecevable.



Il n'y a donc pas lieu de statuer sur le moyen soulevé par la SCI MARLY tenant à l'absence de prétention d'appel portant sur la recevabilité de l'action engagée par la commune.



En effet, en cas de saisine irrégulière du juge de l'expropriation, l'appel est dépourvu d'effet dévolutif.



- Sur l'article 700 du code de procédure civile



Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la commune [Localité 9] à payer à la SCI MARLY la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité commande de débouter la commune [Localité 9] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à verser à la SCI MARLY la somme de 3 000 euros sur ce fondement en cause d'appel.



- Sur les dépens



Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance.



La commune [Localité 9] perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel, dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Miguel Barata, avocat au barreau de Paris.













PAR CES MOTIFS,



La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,



Statuant dans la limite des appels ;



Déclare recevables les conclusions et pièces des parties ;



Confirme le jugement entrepris ;



Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;



Déboute la commune [Localité 9] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la commune [Localité 9] à payer à la SCI MARLY la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la commune [Localité 9] aux dépens.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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