25 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/00174

Pôle 4 - Chambre 9 - B

Texte de la décision

République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/00174 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAJ6



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 juin 2022 par le tribunal de proximité de VILLEJUIF - RG n° 11-22-000056





APPELANTE

Madame [R] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 11]

comparante en personne





INTIMÉES

ONEY BANK

Chez [13] - [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

non comparante



LA [9]

CF Franfinance Unite Contentieuse LBPF [Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 3]

non comparante



SIP [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

non comparante



[12]

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Jean-Louis PERU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087 substitué par Me Frédérique PARINAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0964





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie COULIBEUF, conseillère chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, présidente

Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, conseillère



Greffières : Madame Valérie JULLY, lors des débats et Madame Apinajaa THEVARANJAN, lors de la mise à disposition





ARRÊT :



- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Apinajaa THEVARANJAN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES





Le 14 septembre 2021, Mme [R] [C] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne qui a, le 12 octobre 2021, déclaré sa demande recevable.



Par décision en date du 7 décembre 2021, la commission a estimé que Mme [C] se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise et a recommandé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.



Un créancier, la société [12], a contesté les mesures recommandées.



Par jugement réputé contradictoire du 7 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villejuif a déclaré recevable le recours, constaté que la situation de Mme [C] n'était pas irrémédiablement compromise, dit n'y avoir lieu à effacement de ses dettes et renvoyé le dossier à la commission de surendettement.



La juridiction a estimé que Mme [C] disposait de ressources s'élevant à la somme de 1 800,65 euros, supportait des charges d'un montant de 1 426,63 euros et avait ainsi une capacité de remboursement de 374,02 euros, le maximum légal de remboursement étant de 439,81 euros.



La commission de surendettement, dans sa décision du 14 octobre 2022, a validé les mesures imposées suivantes, à savoir l'apurement de la somme de 2 625,76 euros en 12 mensualités de 218,81 euros en sus du loyer courant.



Le jugement a été notifié à la débitrice le 8 juin 2022.



Par courrier en date du 23 juin 2022, Mme [C] a formé appel de ce jugement en faisant valoir que le montant de ses dettes s'élevait à 13 418,24 euros, que le montant de ses ressources était de 1 813,27 euros et que le montant de ses charges était de 1 589,98 euros ne permettant pas de dégager une capacité de remboursement.



Par courrier reçu au greffe le 15 novembre 2023, la société [14] actualise ses créances aux sommes de 84,50 euros et de 1 041,52 euros.



Par courrier reçu au greffe le 14 février 2024, la direction régionale des finances publiques d'Ile de France actualise sa créance à la somme de 890,17 euros.



Par courrier en date du 22 décembre 2023 adressé à la Cour, Mme [C] indique avoir déposé un nouveau dossier de surendettement le 30 novembre 2023.



Les parties ont été convoquées à l'audience du 23 janvier 2024 lors de laquelle l'affaire a été renvoyée au 20 février 2024.



A l'audience du 20 février 2024, la société [12], représentée par son conseil, reprend à l'oral ses conclusions et sollicite de la Cour de :

-déclarer Mme [C] irrecevable et, en toutes hypothèses, mal fondée en son appel,

-en conséquence l'en débouter ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-confirmer le jugement rendu le 7 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection de Villejuif en toutes ses dispositions,

- actualiser sa créance à la somme de 6 885,91 euros arrêtée au 19 janvier 2024, échéance de décembre 2023 incluse,

-condamner Mme [C] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.



À l'appui de ses prétentions, elle explique que Mme [C] a fait l'objet de trois dossiers de surendettement précédemment à celui déposé le 14 septembre 2021 : le premier dossier a donné lieu à l'effacement d'une dette d'[12] pour 27 366,05 euros, le second dossier a donné lieu à un effacement partiel de la dette de Mme [C] à hauteur de 9 080,54 euros et à des mesures d'apurement qui ont été dénoncées en raison de leur non-respect, le troisième dossier a déclaré la débitrice irrecevable. La société [12] estime par ailleurs que Mme [C] ne présente pas une situation irrémédiablement compromise alors qu'elle a des ressources mensuelles de 1 865 euros et des charges de 1 446, 63 euros. La société [12] ajoute que la débitrice peut réduire ses charges en donnant congé de son box et en acceptant un logement plus petit que le T3 qu'elle occupe actuellement.



Mme [C], comparante en personne, s'oppose à la demande, sollicite quant à elle un effacement de ses dettes et précise ne souhaiter aucune autre mesure. Elle explique que le montant de ses retraites s'élève à 1 545,75 euros et qu'elle ne perçoit pas la somme de 400 euros par mois, retenue par le premier juge, au titre de la cohabitation senior au motif que cette organisation n'a pas pu se mettre en place. Elle détaille ses charges et indique qu'il lui reste 379,66 euros pour vivre.



L'affaire a été mise à disposition du greffe au 25 avril 2024




MOTIFS DE LA DECISION



Sur la recevabilité du recours



Il résulte de l'article R-713-7 que le délai d'appel, lorsque cette voie de recours est ouverte, est de quinze jours et qu'il est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire prévue aux articles 931 à 949 du code de procédure civile.



Le jugement a été notifié à Mme [C] par courrier du 8 juin 2022 et Mme [C] a interjeté appel le 23 juin 2022 et son appel est donc recevable.



Sur la bonne ou la mauvaise foi



Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi.



Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.



En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :

1° ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,

2° ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,

3° ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.



Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, mais également tout au long du déroulement de la procédure.



Le juge doit se déterminer au jour où il statue.



Si les créanciers ne sont plus recevables à solliciter du juge qu'il prononce l'irrecevabilité du débiteur au stade de la contestation des mesures, il reste que le juge peut et doit vérifier que le débiteur est toujours de bonne foi et est donc toujours recevable à bénéficier de la procédure de surendettement.



Sans évoquer le terme de mauvaise foi, la société [12] a repris la chronologie de tous les dossiers de surendettement déposés par Mme [C] ayant donné lieu à une irrecevabilité ou à un effacement partiel ou total de ses dettes de loyers et insisté sur son absence de recherches d'un logement moins cher, il doit donc être considéré que les éléments de sa bonne ou de sa mauvaise foi ont été évoqués dans les débats.



Si le fait de ne pas payer ses dettes avant la mise en place d'un plan ne peut en tant que tel être constitutif d'un élément de mauvaise foi, celui de ne pas le respecter alors qu'il est exécutoire ou de ne rien régler alors qu'il existe manifestement une capacité de remboursement est de nature à constituer cette mauvaise foi tout comme celui de ne pas changer de logement alors que le débiteur est dans l'incapacité manifeste de payer le loyer.



En l'espèce, Mme [C] est locataire d'un appartement T3 situé à [Localité 11] [Adresse 1] depuis le 5 juin 1991, dont le loyer actuel s'élève actuellement à 596,45 euros hors charges.



Âgée de 66 ans, Mme [C] est à la retraite, vit seule et n'a pas d'enfant à charge.



Elle a bénéficié de trois plans de surendettement avant celui dont il est fait appel :

Ayant donné lieu le 1er octobre 2008 à une décision d'effacement de ses dettes dont 27 366,05 euros au titre de la dette locative auprès d'[12],

Ayant donné lieu le 7 juillet 2017 à des mesures recommandées prévoyant des versements mensuels de 134,54 euros et un effacement partiel pour apurer une dette locative de 10 359,76 euros, plan dénoncé pour irrespect le 30 août 2019,

Ayant donné lieu à une décision d'irrecevabilité le 8 décembre 2020 pour mauvaise foi.



Elle a déposé un nouveau dossier de surendettement le 30 novembre 2023.



Ses difficultés de paiement du loyer de son appartement T3 sont récurrentes et existent depuis au moins 2008 ; or, malgré les multiples procédures de surendettement listées plus haut, qui lui ont permis d'effacer voire de diminuer largement son endettement locatif, elle ne parvient pas à régler son loyer mensuel courant de 595 euros.



Force est donc de constater que cet appartement est inadapté par sa taille et le montant de son loyer inadapté à sa situation.



Cependant, malgré les propositions du bailleur de relogement et mise en garde du juge de première instance, Mme [C] persiste à rester dans ce logement et à creuser ainsi sa dette de manière permanente.



Si elle justifie d'un dépôt de demande de logement social en 2022 renouvelé en 2023, elle reconnait à l'audience avoir refusé les propositions de relogement d'[12] en raison du quartier où se situaient les logements ou de leur état.



Enfin elle épargne 50 euros tous les mois sur un LEP et loue un box de parking pour 66,50 euros par mois, alors qu'elle n'a pas de véhicule et ne justifie pas d'une impérieuse nécessité de le garder, alors qu'elle sollicite dans le même temps l'avantage d'une procédure d'effacement de ses dettes nécessitant au préalable qu'elle modifie son train de vie.



Un tel comportement doit donc conduire à considérer que Mme [C] est de mauvaise foi.



Mme [C] soutient par ailleurs ne disposer d'aucune capacité de remboursement expliquant par ce biais qu'elle ne peut régler le loyer courant et à fortiori apurer son passif.



Il y a lieu de relever qu'il résulte des pièces produites que Mme [C] perçoit des retraites pour un montant total de 765,10 +262,32+ 349,23 / 12+ 489,23= 1 545,75 euros ; ses charges correspondent au forfait charges pour 1 personne (comprenant dépenses courantes d'alimentation, d'habillement, d'hygiène et ménagères, ainsi que les frais de santé, de transports et les menues dépenses courantes , les dépenses courantes inhérentes à l'habitation telles que l'eau, l'électricité (hors chauffage), le téléphone, et l'assurance habitation et le chauffage ) soit 866 euros auxquels s'ajoute le loyer hors charges de 596 euros, soit 1 462 euros au total.



Ces éléments chiffrés démontrent que Mme [C] disposait de revenus lui permettant de faire face à ses charges courantes dont le loyer et dégageait en outre une capacité de remboursement lui permettant de réduire son endettement.



Force est de constater que cela n'a pas été le cas.



Dès lors Mme [C] doit être déclaré de mauvaise foi et en conséquence irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement.



Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.



Sur les dépens et frais irrépétibles



Il apparaît équitable de laisser supporter à chacune des parties la charge des dépens et des frais irrépétibles par elle exposés.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe



Déclare Mme [R] [C] recevable en son appel ;



Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré le recours recevable ;



Constate que Mme [R] [C] est de mauvaise foi et la déclare irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement ;



Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle ;



Rejette la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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