25 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/00036

Pôle 4 - Chambre 9 - B

Texte de la décision

République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/00036 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHCO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 11-21-000944





APPELANTE

Madame [L] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne





INTIMÉE

[5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparante





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie COULIBEUF, conseillère chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, présidente

Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, conseillère



Greffières : Madame Valérie JULLY, lors des débats et Madame Apinajaa THEVARANJAN, lors de la mise à disposition





ARRÊT :



- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Apinajaa THEVARANJAN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Le 3 décembre 2018, Mme [L] [V] a saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui a, le 31 janvier 2019, déclaré sa demande recevable.



            Le 19 avril 2019, la commission a imposé le rééchelonnement des créances sur une durée de 84 mois, moyennant des mensualités maximales de 136 euros.



            Le débiteur a contesté les mesures recommandées.



            Par jugement réputé contradictoire en date du 8 décembre 2021, le juge en charge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bobigny a déclaré recevable le recours, fixé la créance de la banque SNC [5] à la somme de 15 157,83 euros, fixé la capacité de remboursement à la somme de 91,94 euros et rééchelonné la dette sur une durée de 84 mois, sans intérêts, moyennant des mensualités de 91,94 euros.



            A l'appui de la décision, le juge a fixé la créance de la Banque SNC [5] à partir des pièces produites aux débats, a estimé que Mme [V] disposait de ressources s'élevant à la somme de 2 374,23 euros par mois, supportait des charges d'un montant de 2 282,29 euros et avait ainsi une capacité de remboursement de 91,94 euros.



            Le jugement a été notifié à Mme [V] le 9 janvier 2022.



            Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Paris le 20 janvier 2022, Mme [V] a formé appel de ce jugement, indiquant que son ex-mari a contracté le prêt auprès de la banque [5] en imitant sa signature et qu'il a par la suite bénéficié d'un effacement de la dette. Elle sollicite donc également un effacement de sa dette.



Par courrier parvenu au greffe le 19 janvier 2024, la banque SNC [5] a indiqué que M. [V] avait remboursé la somme de 5 401, 44 euros dans le cadre d'un plan de surendettement et Mme [V] celle de 2 114,62 euros, que restait donc due la somme de 9 794,83 euros sur la somme initiale de 17 125,25 euros.



            Les parties ont été convoquées à l'audience du 20 février 2024.



            A l'audience, Mme [V], comparante en personne, dit ne pas contester l'existence de la dette et maintenir sa demande initiale. Elle expose ne pas être à l'origine de la dette et souhaiter son effacement au motif que son ex-mari a effectué ce prêt et a bénéficié d'un effacement. Elle explique avoir un salaire d'environ 1 800 euros, la charge de deux enfants et ne pas avoir d'autre crédit à part celui objet du litige.



            La banque SNC [5], bien que régulièrement convoquée à personne, ne comparait pas ni personne pour elle.



            L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 25 avril 2024.


 

MOTIFS DE LA DÉCISION

            Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.

            La décision doit être confirmée en ce qu'elle a admis le recours de Mme [V].



            La bonne foi de Mme [V] n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point.



          Sur l'existence d'une situation irrémédiablement compromise



            Aux termes de l'article L.733-1 du code de la consommation, en l'absence de mission de conciliation ou en cas d'échec de celle-ci, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures suivantes:



1° Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ;

2° Imputer les paiements, d'abord sur le capital ;

3° Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal;

4° Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal.



            Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ».



            L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2 ».



            Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ».   



            En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en 'uvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.



            En application de ces textes, il incombe au juge de se référer aux éléments objectifs qui lui sont soumis, c'est-à-dire le rapport entre le montant des dettes et les revenus disponibles ou ceux prévisibles et de déterminer la part des revenus que le débiteur peut affecter au paiement de ses dettes au regard des éléments dont il dispose, en prenant en compte l'évolution prévisible des revenus du débiteur.



            Par ailleurs, il convient de rappeler que la situation n'est pas irrémédiablement compromise dès lors qu'elle est susceptible d'évoluer, du fait de l'âge du débiteur, de sa qualification et de sa situation personnelle.



A titre liminaire, il convient de préciser que contrairement à ce qu'indique Mme [V], le créancier précise que son ex-mari, M. [Z] [T], n'a pas bénéficié d'une mesure d'effacement des dettes mais d'un plan de désendettement à l'occasion duquel il a remboursé la somme de 5 401,44 euros sur la dette de la banque SNC [5].



            S'agissant de la demande de Mme [V], cette dernière, âgée de 48 ans, ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande, y compris en cours de délibéré comme elle a été autorisée à le faire.



Elle affirme bénéficier d'un salaire compris entre 1 700 et 1800 euros par mois, sachant qu'il avait été retenu un salaire moyen lors de la première audience de 1 994,23 euros. Alors qu'aucun changement d'emploi n'est évoqué et en l'absence de toute preuve contraire, il doit être retenu le même salaire.



Le montant de la pension alimentaire pour ses deux enfants mineurs est, selon ses déclarations, inchangé, soit 380 euros par mois. Elle percevrait 141 euros mensuels au titre des allocations familiales dont le montant serait intégralement retenu au titre d'un trop-versé, mais échoue à l'établir.



Les charges s'élevaient à 2 282,29 euros lors de la première décision. Le forfait actualisé 2024 pour trois personnes s'élève désormais à la somme de 1 472 euros auquel il ne peut être ajouté 1 200 euros au titre du loyer hors charges comme le demande Mme [V] en l'absence de tout justificatif mais sera ajouté celui invoqué en première instance, 987,79 euros, puisqu'il ressort de la convocation en première instance comme en appel qu'elle n'a pas déménagé. Sera prise en compte la mensualisation des impôts sur le revenu dans la même proportion que dans le jugement querellé puisqu'est retenu le même montant de salaire.



Les frais de déplacement pour 150 euros ne sont corroborés par aucune pièce.



Ainsi, Mme [V] dispose donc d'une capacité de remboursement selon le calcul suivant : revenus ' charges : (1 994,23 +380+141) ' (1 472+ 987,79+ 11,50) = 55 euros.



            Par conséquent, la situation de Mme [V] n'est pas irrémédiablement compromise et sa demande doit être rejetée.



En revanche, sa capacité de remboursement étant désormais de 55 euros au lieu de 91,94 euros, les mensualités seront fixées à ce montant sur une durée de 60 mois restant à courir, le reste dû en fin de plan sera effacé. Le changement du montant des mensualités sera effectif au 1er juin 2024.



            Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions à l'exception du montant des mensualités et de la durée du plan de désendettement et à l'exception du montant de la dette de la banque SNC [5] qui sera actualisée.



            Chaque partie supportera les éventuels dépens d'appel qu'elle a exposés.



PAR CES MOTIFS

LA COUR,



Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :



Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception du montant des mensualités, du montant de le dette de la banque SNC [5] et de la durée du plan de désendettement ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Fixe la créance de la banque SNC [5] à la somme de 9 794,83 euros ;



Dit que la situation de Mme [L] [V] n'est pas irrémédiablement compromise ;



Dit n'y avoir lieu à rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de la situation de Mme [L] [V] ;



Fixe la capacité de remboursement de Mme [L] [V] à la somme de 55 euros par mois ;



Dit que le montant des mensualités est fixé à la somme de 55 euros à régler le 1er de chaque mois, à compter du 1er juin 2024, et ce pendant 60 mois ;



Dit que le taux d'intérêt des créances est réduit à 0 %, et que les dettes reportées ou ré-échelonnées ne produisent pas d'intérêt ;



Dit qu'à l'issue du plan le solde de la dette est effacé ;



Rappelle qu'il appartiendra à Mme [L] [V], de prendre l'initiative de contacter le créancier pour mettre en place les modalités pratiques de règlement des échéances ;



Rappelle que pendant la durée du plan, Mme [L] [V] ne peut accomplir aucun acte qui aggraverait sa situation financière sauf autorisation ;



Dit qu'à défaut de paiement d'une seule de ces échéances à son terme, l'ensemble du plan est de plein droit caduc 15 jours après une mise en demeure adressée à Mme [L] [V] d'avoir à exécuter ses obligations restées infructueuses ;



Rappelle qu'aucune voie d'exécution ne peut être poursuivie par le créancier pendant toute la durée d'exécution des mesures sauf à constater la caducité de ces dernières ;



Rappelle que les mesures sont signalées au Fichier des incidents de paiement des remboursements de crédits aux particuliers et qu'une inscription sera maintenue pendant toute la durée du plan sans pouvoir excéder sept années ;



Dit qu'il appartiendra à Mme [L] [V], en cas de changement significatif de ses conditions de ressources à la hausse comme à la baisse, de ressaisir la commission de surendettement d'une nouvelle demande ;



Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle ;



Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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