24 avril 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 23/01346

Chambre civile 1-7

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7







Code nac : 96E









N° RG 23/01346 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VWSH



(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire













Copies délivrées le :



à :



M. [D]



Me GAVERIAUX



AJE



Me SAIDJI



Min. Public







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE



a été rendue, par mise à disposition au greffe, l'ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l'audience publique du 28 février 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles assisté par Céline KOÇ, greffier, le prononcé de la décision a été renvoyée à ce jour ;



ENTRE :



Monsieur [C] [D]

né le [Date naissance 2] 2002 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant, représenté par Me David GAVERIAUX de la SELARL GAVERIAUX, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 32, substitué par Me Margaux MAZIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 539



DEMANDEUR



ET :



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Direction des Affaires Juridiques, Bâtiment CONDORCET

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté par Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J076, substitué par Me Alexandra CHESNET, avocat au barreau de PARIS



ET :



Le ministère public pris en la personne de Mme GULPHE-BERBAIN, avocat général



Nous, Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles, assisté de Rosanna VALETTE, Greffier,







Vu l'ordonnance du tribunal judiciaire de Versailles, en date du 29 août 2022, prononçant un non-lieu à l'égard de monsieur [C] [D], devenue définitive par un certificat de non-appel du 6 janvier 2023 ;

Vu la requête de monsieur [C] [D], né le [Date naissance 2] 2002, reçue au greffe de la cour d'appel de Versailles le 23 janvier 2023 ;

Vu les pièces jointes à cette requête, le dossier de la procédure ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, reçues au greffe de la cour d'appel de Versailles le 04 août 2023 ;

Vu les conclusions du procureur général, reçues au greffe de la cour d'appel de Versailles le 23 janvier 2024 ;

Vu les lettres recommandées en date du 23 janvier 2023 notifiant aux parties la date de l'audience du 28 février 2024 ;

Vu les articles 149 et suivants et R26 du code de procédure pénale ;


EXPOSÉ DE LA CAUSE



Monsieur [C] [D] sollicite la réparation de sa détention provisoire du 14 janvier 2021 au 10 mai 2021 au centre pénitentiaire de [Localité 5].

Il sollicite dans sa requête les sommes suivantes :


10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

10 000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Dans ses conclusions reçues le 4 août 2023, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite une réparation du préjudice moral à hauteur de 5 000 euros. Il fait valoir que la précédente incarcération du requérant est de nature à atténuer le choc carcéral subi. Il ajoute que le requérant n'apporte aucun élément permettant de singulariser ses conditions de détention propres ni aucun élément justifiant son état psychologique. Au titre du préjudice matériel, l'agent judiciaire de l'Etat conclut au rejet de la demande d'indemnisation du requérant au titre d'une perte de ressources et d'une perte de chance de poursuivre son emploi, au motif que ce dernier n'apporte aucun élément probant tel qu'un contrat de travail ou un bulletin de paie. Enfin il sollicite de réduire à de plus justes proportions la somme demandée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues le 23 janvier 2024, le procureur général conclut à la recevabilité de la requête et s'en rapporte à l'appréciation du premier président s'agissant du montant de la réparation du préjudice moral subi. Il précise que le choc carcéral du requérant est incontestable en raison du jeune âge du requérant. Néanmoins, le procureur général retient que la précédente incarcération du requérant est de nature à atténuer le choc carcéral. Il ajoute que le préjudice moral ne peut être aggravé par les conditions de détention au motif qu'aucune violence, menace ou incident au cours de la détention n'est justifié. Au titre du préjudice matériel, le procureur général conclut au rejet de la demande d'indemnisation du requérant au titre d'une perte de ressources et d'une perte de chance de poursuivre son emploi, au motif que ce dernier ne fournit aucune pièce pouvant justifier de ses emplois et de ses salaires. Enfin, il sollicite la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête

Aux termes des articles 149, 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

La requête en indemnisation doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et toutes indications utiles prévues à l'article R26. Elle doit être présentée au premier président de la cour d'appel dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement acquiert un caractère définitif.

En l'espèce, il ressort de la fiche pénale du requérant que sa détention provisoire a démarré le 14 janvier 2021 jusqu'au 10 mai 2021, mais il était détenu pour autre cause du 14 janvier 2021 au 18 février 2021.

Ainsi, la requête est recevable pour une période de détention provisoire de 2 mois et 19 jours, soit 80 jours.



Sur le préjudice moral 

Monsieur [C] [D] a été incarcéré 2 mois et 19 jours, alors qu'il était âgé de 18 ans.

Le choc carcéral doit être relativisé dès lors que le requérant a déjà été détenu antérieurement.

Le requérant sera donc débouté sur ce chef.

S'agissant des conditions de détention, il appartient au requérant de justifier des conditions difficiles qu'il allègue.

En l'espèce, le requérant ne fournit pas de preuves justifiant des conditions de détention particulièrement difficiles, notamment au sujet des menaces de violence dont il aurait fait l'objet.

Le requérant sera donc débouté sur ce chef.

La somme de 10 000 euros paraît proportionnée eu égard à la période de détention injustifiée. Il convient donc d'allouer à monsieur [C] [D] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.



Sur le préjudice matériel 

Sur la perte de ressources et perte de chance de poursuivre un emploi

Le requérant a droit à l'indemnisation de l'ensemble des prestations non perçues pendant la période de détention. Il doit néanmoins apporter la preuve qu'il exerçait un travail et percevait des salaires avant son placement en détention.

En l'espèce, le requérant ne fournit aucun justificatif, contrat de travail, bulletin de paie ou autres pièces justifiant qu'il exerçait un travail et percevait des salaires avant son placement en détention provisoire.

Le requérant sera donc débouté sur ce chef.

Ainsi, le requérant sera débouté de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel.



Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



Statuant par ordonnance contradictoire,

DÉCLARONS recevable la requête de monsieur [C] [D] ;

DÉBOUTONS monsieur [C] [D] de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel ;

ALLOUONS à monsieur [C] [D] :


La somme de DIX MILLE EUROS (10 000 euros) en réparation de son préjudice moral ;

La somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


LAISSONS les dépens de la présente procédure à la charge de l'agent judiciaire de l'Etat.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE

Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles

Rosanna VALETTE, greffier



LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT

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