24 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/01681

Pôle 6 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01681 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDF4E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/09628









APPELANTE



Madame [I] [G] [P] [C]

Née le 11 septembre 1974 en Algérie,

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091







INTIMEE



S.A.R.L. HAMMAM DU CANAL, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 415 274 893

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Abir BEN CHEIKH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 137







:









COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne MENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne MENARD, présidente

Fabienne ROUGE, présidente

Véronique MARMORAT, présidente





Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC









ARRET :



- Contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Anne MENARD, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présente lors de la mise à disposition.








EXPOSE DU LITIGE :



Madame [G] [P] [C] a été engagée par la société Hammam du Canal le 1er juillet 2017 en qualité d'hôtesse d'accueil esthéticienne.



La société a fait l'objet d'une enquête pour proxénétisme et sa gérante a été mise en examen. L'établissement a été fermé sur décision judiciaire.



Madame [G] [P] [C] n'a plus travaillé à compter du 26 juin 2019. Une nouvelle gérante a été désignée, mais l'établissement a fait l'objet d'une fermeture administrative le 2 août 2019 et ses comptes bancaires ont été bloqués. Les recours n'ont pas permis la réouverture dans des délais rapides.



La salariée a saisi la formation de référés du conseil de prud'hommes qui par ordonnance du 16 octobre 2019 a condamné la société au paiement des salaires.



Le 30 septembre 2019, Madame [G] [P] [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, et elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 25 octobre 2019.



Le 28 octobre 2019, l'employeur a engagé une procédure de licenciement économique, dans le cadre duquel madame [G] [P] [C] a accepté un contrat de sécurisation professionnelle.



Par jugement en date du 11 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a débouté madame [G] [P] [C] de ses demandes.



Madame [G] [P] [C] a interjeté appel de cette décision le 5 février 2021.



Par conclusions récapitulatives du 16 avril 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement, et de condamner la société Hammam du Canaul à lui payer les sommes suivantes :


3.042,50 euros à titre d'indemnité de préavis,

304,25 euros au titre des congés payés afférents,

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non versement en temps utiles des salaires,

30.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.




Par conclusions récapitulatives du 9 juillet 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la sociégé Hammam du Canal demande à la cour de confirmer le jugement, subsidiairement de dire que le licenciement économique est régulier, plus subsidiairement de faire application du barême de l'article L1235-3 du code du travail.



La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.








MOTIFS



- Sur la prise d'acte de la rupture



La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail ; si les manquements sont établis, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une démission dans le cas contraire.



En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employeur n'a plus fourni de travail à la salariée, et ne l'a plus rémunérée, à partir du mois de juin 2019, et jusqu'à la prise d'acte de la rupture. Il s'agit des obligations principales de l'employeur, de sorte que leur non respect constitue un manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail, peu important à cet égard les difficultés auxquelles la société Hammam du Canal était elle-même confrontée.



Cette prise d'acte a entrainé la rupture immédiate du contrat de travail, et le fait que la salariée [G] accepté le CSP qui lui a été ultérieurement proposé ne permet pas de redonner vie au contrat.



- Sur le préavis



Madame [G] [P] [C] qui avait plus de deux ans d'ancienneté a droit à un préavis de deux mois.



L'employeur qui n'a pas pris en compte sa prise d'acte a continué à la rémunérer jusqu'à son licenciement, de sorte que ses salaires des mois d'octobre et novembre lui ont été payés, étant précisé que dans le cadre du CSP l'employeur a en outre versé entre les mains de pôle emploi le montant du préavis.



Il ne sera pas fait droit à la demande de ce chef.



- Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse



Pour demander à la cour d'écarter le barème prévu par l'article L1235-3 du code du travail, madame [G] [P] [C] se fonde sur les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, et sur les dispositions de l'article 10 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail.



Les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée disposent : 'en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître : a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ; b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. A cette fin, les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial'.

Au regard de l'importance de la marge d'appréciation laissée aux Etats contractants par ces dispositions, elles ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.



Aux termes de l'article 10 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail, qui est d'application directe en droit interne, 'si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationale, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée'.



Le terme 'adéquat' doit être compris comme réservant aux Etats une marge d'appréciation.



Les dispositions des articles L1235-3 et L1235-3-1 du code du travail, qui écartent le barème en cas de nullité du licenciement, qui laisse au juge la possibilité de proposer la réintégration, et qui encadre le montant des indemnités en fonction de la taille de l'entreprise et de l'ancienneté du salarié, sont ainsi compatibles avec les dispositions de l'article 10 de la convention 158 de l'OIT.



Aucun de ces fondement ne conduit donc la cour à écarter l'application de ces dispositions.



Madame [G] [P] [C] avait deux années d'ancienneté à la date de la rupture, et elle était âgée de 45 ans. Elle ne donne aucun élément sur son préjudice.



Il lui sera alloué une somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail.



- Sur la demande de dommages et intérêts pour paiement tardifs des salaires



Les salaires de juin à septembre 2019 ont été payés au mois de novembre 2019.



L'ordonnance de référé qui a ordonné le paiement des salaires a alloué de ce chef une somme de 500 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts.



Ce montant sera confirmé, la salariée ne donnant aucun élément sur l'étendue de son préjudice.





PAR CES MOTIFS





La cour,



Infirme le jugement ;



Statuant à nouveau,



Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;



Condamne la société Hammam du Canal à payer à madame [G] [P] [C] les sommes suivantes :


3.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des loyers, en deniers ou quittance pour tenir compte de la condamnation ayant le même objet déjà prononcée par la juridiction des référés ;




Vu l'article 700 du code de procédure civile,



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société Hammam du Canal à payer à madame [G] [P] [C] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. ;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Condamne la société Hammam du Canal aux dépens de première instance et d'appel.







Le greffier La présidente

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