24 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/01631

Pôle 6 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01631 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFPL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS









APPELANT



Monsieur [Z] [V]

Né le 8 avril 1967 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Chanel DESSEIGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0607







INTIMEE



E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 775 663 438

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920















COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Véronique MARMORAT, présidente

Fabienne ROUGE, présidente

Anne MÉNARD, présidente





Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC









ARRET :



- Contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présente lors de la mise à disposition.








EXPOS'' DU LITIGE





Monsieur [Z] [V], né le 8 avril 1967, a été embauché par la Régie autonome des transports parisiens 15 juillet 1991 en qualité d'élève machiniste-receveur, puis commissionné le 1er août 1992 en qualité de machiniste-receveur (ligne de bus), évoluant le 1er mars 1999 en qualité de conducteur de métro (ligne 3), à laquelle s'est ajoutée la fonction de moniteur jusqu'en 2014. Il a pris sa retraite en juin 2021.



Le 22 juin 2018, monsieur [V] a saisi le Conseil des prud'hommes de Paris afin de voir ordonner sa réintégration dans sa fonction de moniteur à compter de 2014, ainsi que son repositionnement catégoriel en conducteur référent, juger qu'il aurait fait l'objet d'une exécution déloyale de son contrat de travail, et dès lors annuler les sanctions disciplinaires prononcées les 3 juillet 2017, 17 octobre 2017, 27 novembre 2017. Cette affaire a été radiée le 10 septembre 2019.



Monsieur [V] a saisi la même juridiction le 12 juin 2020 afin de voir ordonner sa réintégration dans sa fonction de moniteur à compter de 2014, son repositionnement catégoriel en conducteur référent, juger qu'il aurait fait l'objet d'une exécution déloyale de son contrat de travail, annuler les mêmes sanctions disciplinaires ainsi que celle prononcée le 28 août 2018.



Par jugement du 15 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a : 


Déclaré prescrites les demandes de monsieur [V] relatives à la cessation de ses fonctions de moniteur,

Débouté monsieur [V] de ses demandes de réintégration, du repositionnement catégoriel, et de sa demande de dommages-intérêts,

Déclaré irrecevable les demandes concernant l'annulation de la sanction du 28 août 2018,

Débouté monsieur [V] du surplus de ses demandes.




Monsieur [V] a interjeté appel de cette décision le 4 février 2021



Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [V] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant de nouveau de


ordonner sa réintégration dans sa fonction de moniteur à compter de 2014 jusqu'à son départ en retraite en juin 2021

ordonner son repositionnement catégoriel en qualité de conducteur référent

condamner la Régie autonome des transports parisiens à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts en raison des préjudices subis

annuler les sanctions disciplinaires des 3 juillet 2017, 17 octobre 2017, 27 novembre 2017 et 28 août 2018

ordonner le paiement de la journée de disponibilité d'office du 28 août 2018 soit la somme de 167,69 euros

débouter la Régie autonome des transports parisiens de toutes ses demandes et prétentions

condamner la Régie autonome des transports parisiens aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à charge d'appel et celle de 1 500 euros pour la première instance.




Par conclusions signifiées par voie électronique le 29 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la Régie autonome des transports parisiens demande à la cour de

A titre principal


confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

condamner monsieur [V] aux dépens et à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et celle de 1 500 euros pour la procédure d'appel


A titre subsidiaire si la cour venait à considérer les demandes de monsieur [V] non prescrites et recevables


débouter monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

condamner monsieur [V] aux dépens et à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et celle de 1 500 euros pour la procédure d'appel




La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.




Motifs



Sur les irrecevabilités



Sur la prescription




Principe de droit applicable




Selon l'article L 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.




Application en l'espèce




La Régie autonome des transports parisiens expose qu'il est établi et non contesté que monsieur [V] a cessé de percevoir les primes afférentes au monitorat depuis mai 2014 et qu'il a saisi le Conseil des prud'hommes au delà du délai de 3 ans prévu par l'article L 3245-1 du code du travail alors que monsieur [V] prétend que la cessation de sa fonction de moniteur ne lui a pas été notifiée et qu'ainsi, aucune prescription ne peut lui être opposée.



S'agissant d'une action en répétition de salaire, le point de départ du délai de 3 ans court à partir du jour où la prime a cessé d'être versée soit à compter de mai 2014. En conséquence, monsieur [V] ayant saisi le Conseil des prud'hommes le 22 juin 2018, sa demande relative à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de la qualité de moniteur référent est prescrite.



En conséquence, il convient de confirmer le Conseil des prud'hommes sur ce point.



Sur les demandes additionnelles




Principe de droit applicable




Selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par les demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.



Son article 70 précise que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont redevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.




Application en l'espèce




La Régie autonome des transports parisiens expose que l'acte introductif d'instance de monsieur [V] du 22 mai 20218 ne comportait les demandes suivantes :


annuler la sanction du 28 août 2018

ordonner le paiement de la journée de disponibilité d'office du 28 août 2018 : 167,69 euros.




L'employeur souligne le fait que ces demandes ont été adressées le 6 mars 2019 soit la veille de l'audience du 7 mars 2019 et qu'en tout état de cause il s'agit d'une demande additionnelle, n'ayant aucun lien de connexité avec ses demandes initiales.



La cour observe que ces demandes s'inscrivent dans les demandes précédentes visant à l'annulation des sanctions disciplinaires prononcées par la Régie autonome des transports parisiens à l'encontre de monsieur [V]. En conséquence, il convient d'infirmer le jugement critiqué sur ce point et de traiter toutes les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires.



Sur les sanctions disciplinaires




Principe de droit applicable




Aux termes des articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.



Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.



Selon l'article L 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.




Application en l'espèce




Sur les retards



Les procédures disciplinaires prononcées relatives au retard se présentent ainsi







Date des faits



faute



sanction





3 juillet 2017



intervalle de 8 minutes 25 secondes au lieu de 2 minutes 30 seconde



avertissement prononcé le 24 juillet 2017 remis en main propre le 31 juillet 2017





9 octobre 2017



intervalle de 7 minutes 35 secondes au lieu de 5 minutes



rappel à l'ordre prononcé le 8 novembre 2017 présenté le 13 novembre 2017





16 novembre 2017



intervalle de 3 minutes 10 au lieu de 1 minute 45



avertissement prononcé le 6 décembre 2017 notifié le 8 décembre 2017







Monsieur [V] affirme que les sanctions disciplinaires relatives aux retards dont il a fait l'objet sont abusives. Il fait valoir qu'il s'agirait de 6 retards de 1 à 4 minutes sur l'année 2017, tenant compte des 160 départs effectués par mois, sans jamais atteindre le seuil des 10 dérives autorisées par mois fixé par le syndicat Unsa et explique que les retards cumulatifs de la journée pèseraient sur la durée des intervalles lors du service de nuit, et ne laissent ainsi aucun temps de pause ou de repos entre les trajets ce qui contrevient au statut du personnel.



Il résulte des pièces produites que :


pour le retard du 3 juillet 2017, monsieur [V] a reconnu le jour même s'être trompé de tableau de service et que c'est sur l'appel du chef de poste qu'il est parti prendre sa rame avec retard

pour celui du 9 octobre 2017, monsieur [V] a expliqué ce retard par des troubles gastriques l'obligeant à aller aux toilettes dans l'intervalle de retournement de la rame.

pour le retard du 16 novembre 2017, monsieur [V] explique que ce retard a été pris en raison de l'ordre donné par le chef de poste de changer de coté d'entrée dans la loge du conducteur.




La cour prenant en compte les 800 départs annuels effectués par monsieur [V] estime les sanctions prononcées disproportionnées et fait droit à la demande d'annulation.



Sur l'incident avec une voyageuse







Date des faits



faute



sanction





20 juin 2018



une voyageuse dit avoir été agressé par le conducteur de la ligne 3 à la station [5] à 22 h 18



disponibilité'office d'un jour prononcé le 28 août 2018 réceptionné le 3 septembre 2018







Monsieur [V] expose que cette sanction repose sur l'unique témoignage de la voyageuse laquelle indique qu'elle a pris une photo du numéro de la rame à 20 h 28, heure à laquelle le salarié se trouvait dans sa rame à la station [7] pour une agression supposée effectuée à 22 h 18 et que la procédure serait irrégulière.



Pour établir ces faits, la Régie autonome des transports parisiens ne fournit qu'une copie du supposé courriel de la voyageuse faisant état d'une photo qui n'est pas jointe de sorte que la matérialité des faits et l'implication de monsieur [V] ne sont pas suffisamment établis pour justifier une quelconque sanction.



En conséquence, il convient d'annuler cette sanction et de condamner la Régie autonome des transports parisiens à verser à monsieur [V] la somme de 167,69 euros en paiement de la journée de disponibilité d'office du 28 août 2018.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,



Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de monsieur [V] relatives à la cessation de ses fonctions de moniteur ;



L'infirme pour le surplus ;



Statuant à nouveau sur ce point,



Annule les sanctions disciplinaires prononcées par la Régie autonome des transports parisiens à l'encontre de monsieur [V] les 24 juillet 2017, 8 novembre 2017, 6 décembre 2017 et 28 août 2018 ;



Condamne la Régie autonome des transports parisiens à verser à monsieur [V] la somme de 167,69 euros en paiement de la journée de disponibilité d'office du 28 août 2018;



Vu l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la Régie autonome des transports parisiens à verser à monsieur [V] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure et appel et à la somme de 1 000 euros pour la procédure de première instance;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens de première instance et d'appel.











LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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