24 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/13972

Pôle 4 - Chambre 2

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° , 21 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13972 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEGF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Août 2018 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX (1ère Chambre) RG n° 16/01861





APPELANT



Monsieur [Y] [L]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 11] (93)

[Adresse 1]

[Localité 9]



Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SGRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant : Me Sylvie RODAS de la SELARL SELARL RODAS DEL RIO, avocat au barreau de PARIS, toque : R126

Situation :





INTIMES



Monsieur [R] [P] [M] exerçant sous l'enseigne BET CETEBA

[Adresse 3]

[Localité 7]



DEFAILLANT



S.A. AXA FRANCE IARD recherchée en qualité d'assureur du Bureau d'études CETEBA

[Adresse 5]

[Localité 8]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant : Me Nathalie BERENHOLC, SELARL BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0207





INTERVENANTS



Monsieur [S] [T] désigné par décision du 11 décembre 2019 par la Cour Suprême de GIBRALTAR en qualité d'administrateur de la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED prise en qualité d'assureur de Monsieur [Y] [L]

Pricewaterhousecoopers Llp 1 Embankment Place, Wc2n 6rh

LONDON (Royaume-Uni)



Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant : Me Sylvie RODAS, SELARL RODAS DEL RIO, avocat au barreau de PARIS, toque : R0126



Monsieur [N] [J] désigné par décision du 11 décembre 2019 par la Cour Suprême de GIBRALTAR en qualité d'administrateur de la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED prise en qualité d'assureur de Monsieur [Y] [L]

Pricewaterhousecoopers Llp 1 Embankment Place, Wc2n 6rh

LONDON (Royaume-Uni)



Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant : Me Sylvie RODAS, SELARL RODAS DEL RIO, avocat au barreau de PARIS, toque : R0126







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Madame Perrine VERMONT, Conseillère,

Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère



qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT





ARRET :



- DEFAUT



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.






* * * * * * * * * *



FAITS & PROCÉDURE



M. & Mme [H] ont acquis en 2007, un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie situé [Adresse 4]), comprenant le droit au bail commercial consenti par M. & Mme [K], portant sur un local composé de deux bâtiments : un pavillon sur rue et un bâtiment utilisé comme fournil, situé en fond de parcelle, en limite de propriété avec le terrain situé au [Adresse 6], dont est propriétaire M. [Y] [L].



Dans le cadre d'un différend locatif, M. & Mme [H] ont fait état de désordres affectant la toiture de l'immeuble donné à bail, et obtenu, par ordonnance de référé du 4 avril 2012, la désignation d'un expert judiciaire en la personne de M. [V], dont la mission était notamment d'examiner les désordres existants et de déterminer la valeur locative des locaux donnés à bail.



Dans le même temps, M. [Y] [L] a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, des travaux de construction d'un immeuble collectif avec sous-sol sur le terrain situé au [Adresse 6], qu'il a confiés aux entreprises suivantes :

- M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, maître d'oeuvre d'exécution et bureau d'études structure assuré auprès de la société anonyme AXA France Iard,

- la société DS construction, entreprise générale en charge du gros-oeuvre, ayant souscrit une assurance auprès de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, par l'intermédiaire de la société Hera Courtage,

- la société Sol Progrès, géotechnicien, en charge d'une mission 'G2',

- la société Franki Fondation en charge de la réalisation des travaux suggérés par la société Sol Progrès, assurée auprès de la SMABTP.



La déclaration d'ouverture de chantier a été effectuée le 15 mai 2012 ; le même jour, suivant contrat du 15 mai 2012, M. [Y] [L] a souscrit une assurance 'responsabilité civile du maître de l'ouvrage' auprès de la société Elite Insurance Company.



Le 28 septembre 2012, lors de la réalisation par la société DS Construction de travaux de fondations et notamment de reprise en sous-oeuvre, une partie de l'ouvrage en cours de construction s'est effondrée, blessant un ouvrier et endommageant sérieusement le fournil de la boulangerie exploitée par les époux [H], situé en fond de parcelle ; la gravité des désordres et le risque de menace à la sécurité publique a justifié la prise d'un arrêté municipal d'interdiction d'accès aux abords de la propriété du [Adresse 6] et au local voisin du [Adresse 4].



La ville de [Localité 10] a également fait diligenter une expertise judiciaire, confiée par le juge administratif à M. [Z], lequel, aux termes d'un rapport établi le 29 octobre 2012, a préconisé la reprise du sous-oeuvre et un étaiement provisoire du mur du laboratoire de la boulangerie par des entreprises spécialisées, dans l'attente de la définition des ouvrages à réaliser pour le confortement définitif du bâtiment abritant le fournil.



La boulangerie a ainsi été fermée du 28 septembre 2012 au 6 novembre 2012 pour permettre la réalisation des travaux de confortement provisoire du mur du bâtiment abritant le fournil.



Par ordonnance de référé, rendue par le président du tribunal de grande instance de Meaux le 31 octobre 2012, les époux [H] ont obtenu, au contradictoire des époux [K] (bailleur), de la société Allianz (assureur des époux [K]), de M. [Y] [L], de la société DS construction, et du Bet Ceteba, une extension de la mission d'expertise, précédemment confiée à M. [V], aux désordres survenus le 28 septembre 2012, le juge des référés précisant que, le principe de travaux conservatoires urgents se trouvant d'ores et déjà établi, il appartenait à l'expert judiciaire d'en déterminer techniquement la nature, les époux [K] et leur assureur, la société Allianz, étant condamnés solidairement à en financer l'exécution pour le compte de qui il appartiendra.



La société Allianz Iard a relevé appel de cette ordonnance.



La société DS construction ayant vu son marché résilié en suite de l'accident de chantier du 28 septembre 2012, par contrat d'entreprise du 29 novembre 2012, la société SNS Bâtiment 2 s'est vue confier la réalisation du lot 'gros-oeuvre', et notamment les travaux de confortation du mitoyen suite au sinistre du 28 septembre 2012, selon études et recommandations du Bet Ceteba.



Statuant sur l'assignation délivrée le 28 janvier 2013 à la requête de M. [Y] [L], le juge des référés de ce tribunal a, par ordonnance du 27 février 2013, déclaré les opérations d'expertise judiciaire communes et opposables à la société AXA France Iard, assureur du Bet Ceteba (maître d'oeuvre d'exécution), la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, assureur de la société DS construction, la société Sol Progrès, la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche (assureur de la société Sol Progrès), la société Franki Fondation, la SMABTP (assureur de la société Franki Fondation), la société SNS Bâtiment 2, la société Sagena.



Le 30 avril 2013, un nouveau nouvel arrêté de péril, interdisant l'accès à la boulangerie a été pris ensuite de l'aggravation des dommages, consécutifs à la reprise des travaux de chantier.



Par assignation du 8 juillet 2013, les époux [H] ont de nouveau saisi le juge des référés, lequel, par ordonnance du 7 août 2013, a notamment :

- condamné solidairement les époux [K] et la société Allianz Iard à réaliser les travaux urgents tels qu'ils ont été arrêtés lors de la réunion d'expertise du 23 juillet 2013, sur le fondement des devis ATES et EBDF, afin de stabiliser le mur du fournil et le mur du bâtiment, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de la présente ordonnance, les travaux devant être réalisés sur autorisation des époux [K], propriétaires de l'immeuble, qui signeront les ordres de service,

- dit que M. [Y] [L] sera tenu in solidum au financement de ces travaux,

- condamné les époux [K], solidairement avec la société Allianz Iard, et in solidum avec M. [Y] [L] à payer aux époux [H] une indemnité provisionnelle de 48.000 € à valoir sur leur préjudice,

- ordonné la suspension du paiement des loyers futurs, à compter du 1er juillet 2013, jusqu'à ce que les conditions de la reprise de l'exploitation en toute sécurité soient réunies.



La société Allianz Iard a également relevé appel de cette ordonnance.



Par acte authentique du 28 mars 2014, les époux [H] ont acquis les murs du local commercial, devenant ainsi propriétaires du bien immobilier situé [Adresse 4].



Une quatrième ordonnance a été rendue le 13 mai 2014, aux termes de laquelle le juge des référés a condamné solidairement M. [Y] [L] et son assureur, la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire général pour les opérations en France, l'EISL, European Insurance Service Limited (ci après EISL), à payer aux époux [H] une provision de :

- 78.408,70 € HT au titre des travaux de second oeuvre aux fins de permettre la réouverture de la boulangerie, outre la TVA applicable au jour du règlement de ladite somme,

- 41.700 € HT a titre de la fourniture et pose du four, outre la TVA applicable au jour du règlement de ladite somme,

- 8.625 € HT au titre de la démolition du four existant et démontage de l'ensemble du matériel, outre la TVA applicable au jour du règlement de ladite somme,

- 11.510,58 € HT au titre du remontage de l'ensemble du matériel du fournil, outre la TVA applicable au jour du règlement de ladite somme,

- 6.000 € HT, au titre des travaux de maîtrise d'oeuvre pour ces travaux, outre la TVA applicable au jour du règlement de ladite somme,

- 50.000 € HT, au titre de la perte d'exploitation pour la période du 29 juin 2013 au 30 avril 2014.



Par deux arrêts distincts en date du 20 mai 2014, la cour d'appel de Paris a confirmé les ordonnances de référé rendues les 31 octobre 2012 et 7 août 2013 et ajoutant à cette dernière décision, condamné solidairement les époux [K] et la société Allianz Iard, in solidum avec M. [Y] [L], à payer aux époux [H] la somme provisionnelle de 11.638 €.



Après que plusieurs entreprises se soient succédées sur le chantier, les travaux de second oeuvre ont finalement été effectués et réceptionnés le 17 octobre 2014.



Les époux [H] ont pu reprendre leur activité et rouvrir la boulangerie le 21 octobre 2014.



L'expert judiciaire a déposé son rapport le 28 septembre 2015.



C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier délivrés les 15 mars 2016 et 4 avril 2016, les époux [H] ont assigné en ouverture de rapport, devant le tribunal de grande instance de Meaux, la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire général pour les opérations en France, EISL, et M. [Y] [L] aux fins de les voir condamner solidairement, sur le fondement de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, à les indemniser de leurs préjudices annexes et complémentaires.



Par actes d'huissier délivrés les 18, 22 et 30 août 2016, la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire général pour les opérations en France, EISL, et M. [Y] [L] ont assigné en intervention forcée M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, son assureur, la société AXA France Iard, la société DS construction, son assureur, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, la société Hera Courtage, M. et Mme [K], leur assureur, la société Allianz Iard, la société SMA, venant aux droits de Sagena, assureur de la société SNS Bâtiment 2.



Les deux instances ont été jointes.



Assignés par actes d'huissier du 18 août 2016, ni M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, ni la société AXA France Iard n'ont constitué avocat.





Par jugement réputé contradictoire du 30 août 2018, le tribunal de grande instance de Meaux a :



- constaté l'interruption de l'instance dirigée contre la société DS construction, en liquidation judiciaire depuis le 2 mai 2017,

- ordonné la disjonction de cette instance de la présente procédure,

- dit que l'instance disjointe portera le numéro de rôle général N° RG 18/03159,

- ordonné sa radiation du rôle des affaires du tribunal,

- dit que le rétablissement de l'instance dirigée contre la société DS construction sera subordonnée à la justification par M. [Y] [L] et/ou la société Elite Insurance Company d'une déclaration de créance effectuée à son passif et de la mise en cause du liquidateur judiciaire en fonction,

sur les demandes dirigées par M. et Mme [H] contre M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company,

- déclaré M. [Y] [L] responsable de plein droit des dommages subis par M. et Mme [H] sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage,

- entériné le rapport d'expertise de M. [V] en ce qu'il a évalué le coût des travaux réparatoires et de remise en état du fournil à la somme totale de 211.494,63 € HT, soit 261.633,58 € TTC (phases 1 et 2),

- constaté que les travaux des phases 1 et 2 ont été entièrement réalisés après financement par les sociétés Elite Insurance Company, assureur de M. [Y] [L] et Allianz Iard, assureur des époux [K],

- débouté M. et Mme [H] de leur demande d'indemnisation de la perte financière liée aux intérêts d'emprunt chiffrée à la somme de 3.166,84 €,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande relative à la perte de loyers d'un montant de 18.770,22 €,

- liquidé les préjudices matériels et économiques annexes subis par M. et Mme [H] en lien direct avec les troubles anormaux de voisinage consécutifs aux travaux de chantiers à la somme totale de 175.221,44 € HT, se décomposant comme suit :



préjudice d'exploitation : 161.749 €,

frais de constats d'huissier : 1.256,82 € HT, soit 1.508,18 € TTC,

factures correspondant à la pose des jauges Saugnac et à leurs relevés : 898,67 € HT, soit 1.078,40 € TTC,

loyers des mois d'octobre 2012, mai et juin 2013 : 5.518,95 €, soit 6.256,74 € TTC,

factures d'entreposage de matériel de la société Fournil 77 : 5.500 € HT (6.600 € TTC),

facture Wideber : 298 € HT (357,60 € TTC),



- liquidé le préjudice moral subi par M. et Mme [H] à la somme de 40.000 €, soit 20.000 € chacun,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et son assureur, la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire EISL, à payer à M. et Mme [H] la somme de 76.134,58 € au titre de leurs préjudices matériels et économiques annexes et moral, déductions faites des indemnités provisionnelles d'ores et déjà réglées à hauteur de la somme totale de 109.638 € et du montant de la TVA (29.448,86 €) récupérée par les époux [H], assujettis à cette taxe,

- dit que la société Elite Insurance Company pourra faire application de la franchise contractuelle prévue aux conditions particulières du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par M. [Y] [L],

sur les demandes de condamnation dirigées par M. [L] et la société Elite Insurance contre les époux [K] et la société Allianz Iard et la demande reconventionnelle en paiement de la société Allianz Iard,

- débouté M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire EISL, de la totalité de leurs demandes de condamnation dirigées contre les époux [K] et la société Allianz Iard, fondées tant sur le recours subrogatoire que sur le recours en garantie,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire EISL, à rembourser à la société Allianz Iard la somme totale de 68.374,34 €, versée en exécution des décisions rendues en référé,

sur les demandes de condamnation dirigées par M. [Y] [L] et la société Elite Insurance contre la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Hera Courtage,

- débouté M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire, de toutes leurs demandes de condamnation dirigées contre la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Hera Courtage, fondées tant sur le recours subrogatoire que sur appel en garantie,

sur les demandes de condamnation dirigées par M. [Y] [L] et la société Elite Insurance contre M. [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, la société AXA France Iard et la société SMA SA, assureur de la société SNS Bâtiment 2,

sur les demandes fondées sur la subrogation à concurrence de la somme de 292.788,6 €,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, et la société AXA France Iard à payer à la société Elite Insurance Company la somme de 226.575,85 € HT au titre des troubles anormaux de voisinage d'ores et déjà indemnisés,

- débouté la société Elite Insurance Company du surplus de ses demandes fondées sur son recours subrogatoire et de ses demandes dirigées contre la société SMA, assureur de la société SNS Bâtiment 2,

sur les demandes en garanties,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, et la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à proportion de 50 % des nouvelles condamnations prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard dans le cadre de sa demande reconventionnelle,

- débouté la société Elite Insurance Company et M. [Y] [L] de leurs demandes en garantie dirigées contre la société SMA, assureur de la société SNS Bâtiment 2,

sur les demandes accessoires,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à payer à M. et Mme [H], la somme de 5.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à payer à la société Allianz Iard, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, la société Hera Courtage, et à la société SMA la somme de 1.500 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba et la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company du montant des condamnations au paiement des frais irrépétibles prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz IARD,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba et la société AXA France Iard à payer à M. [Y] [L] et à la société Elite Insurance Company la somme de 2.000 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company aux dépens de l'instance, en compris en ce compris les frais d'expertise judiciaire à hauteur de la somme de 19.987,74 €, M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba et la société AXA France Iard étant solidairement condamnés à les garantir de cette condamnation,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.



M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company limited ont relevé appel partiel de ce jugement à l'encontre de M. [R] [P] [M] et la société anonyme AXA France par déclaration remise au greffe le 10 octobre 2018 enregistrée sous le n° RG 18 /22036.



La société anonyme AXA France a relevé appel partiel du même jugement le 13 novembre 2018 à l'encontre de M. [R] [P] [M], M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company limited affaire enrôlée sous le n° RG 18/24053.



Les deux procédures ont été jointes le 22 mai 2019 pour se poursuivre sous le n°18 /22036.



Par ordonnance du 24 juin 2020 le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance, la société Elite Insurance Company Limited ayant été placée sous administration judiciaire.



Par ordonnance du 12 mai 2021, l'affaire a été radiée du fait de l'absence de mise en cause ou d'intervention volontaire des administrateurs.



M. [U] [T] et M. [N] [J] étant intervenus volontairement dans la procédure, en qualité d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company Limited prise en sa qualité d'assureur de M. [Y] [L], l'affaire a été remise au rôle le 27 juillet 2021 sous le n° RG 21 /13972.



La procédure devant la cour a été clôturée le 13 décembre 2023.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



Vu les conclusions notifiées le 27 juillet 2021, par lesquelles M. [Y] [L], appelant, et M. [U] [T] et M. [N] [J] ès qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company Limited, intervenants volontaires, invitent la cour, au visa des articles 544, 1147, 1251-3 du code civil, L121-12 et L124-5 du code des assurances, à :

- déclarer MM. [U] [T] et M. [N] [J] du cabinet Price Waterhouse Coopers LLP, désignés en qualité d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company Ltd, en vertu d'une décision rendue le 11 decembre 2019 par la Cour Suprême de Gibraltar, recevables en leur intervention volontaire, au visa de l'article 554 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

à titre principal,

- juger que les desordres constatés sont de la nature de ceux qui relèvent des troubles anormaux du voisinage,

- juger que M. [Y] [L], maitre d'ouvrage non sachant, ne peut conserver à sa charge aucune des condamnations visant des désordres constatés dans le local commercial des époux [H], en l'absence de toute immixtion fautive de sa part ou de toute acceptation délibérée des risques,

en conséquence,

- déclarer M. [Y] [L] et son assureur, la société Elite Insurance Company, fondés à rechercher la responsabilité de M. [R] [P] [M], exercant sous l'enseigne Bet Ceteba, et dont l'identité a été mise en évidence par M. [V],

- infirmer le jugement en ce qu'il a :


limité à la somme de 226.575,86 € le montant de la condamnation solidaire de M. [R] [P] [M] exercant sous l'enseigne Bet Ceteba et de la compagnie AXA France au profit de la société Elite Insurance Company au titre des troubles anormaux de voisinage d'ores et déjà indemnisés et débouté la société Elite Insurance Company du surplus de ses demandes fondées sur son recours subrogatoire,

limité à la proportion de 50 % la condamnation solidaire de M. [R] [P] [M] exercant sous l'enseigne Bet Ceteba et de la compagnie AXA France à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company pour les nouvelles condamnations prononcées au profit des époux [H] et de la société Allianz dans le cadre de sa demande reconventionnelle,


statuant à nouveau,

- juger que M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company qui ont indemnisé les époux [H], sont subrogés dans les droits et actions de ceux-ci à concurrence des règlements effectués et qu'ils sont bien fondés à exercer leurs recours à l'encontre des parties auxquels les préjudices indémnisés sont imputables,

- juger que M. [R] [P] [M], exercant sous l'enseigne Bet Ceteba est techniquement et directement responsable des désordres, ce qui entraine la garantie de son assureur, la société AXA France,

en conséquence,

- condamner in solidum M. [R] [P] [M], exercant sous l'enseigne Bet Ceteba, et son assureur la société AXA France à garantir M. [Y] [L] et MM. [S] [T] et [N] [J], es-qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre,

- condamner in solidum M. [R] [P] [M], exercant sous l'enseigne Bet Ceteba, et son assureur la société AXA France, à régler un montant total de 293.562,69 €, soit la somme de 5.000 € à M. [Y] [L] et celle de 288.562,69 € à MM. [S] [T] et [N] [J], es-qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company,

y ajoutant,

- condamner in solidum M. [R] [P] [M], exercant sous l'enseigne Bet Ceteba, et son assureur la société AXA France, aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à leur payer la somme de 3.500 €, chacun, par application de l'article 700 du même code ;



Vu les conclusions notifiées le 22 mars 2022, par lesquelles la société anonyme AXA France Iard, appelante, demande à la cour, au visa de l'article L113-3 du code des assurances, de :

- l'exonérer de toute condamnation aux motifs que M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, n'a pas réglé à l'échéance ses primes d'assurance pour l'année 2012, ce qui a justifié la mise en demeure d'AXA France du 20 juillet 2012, et qu'en l'absence de règlement de la prime, les garanties du contrat se sont trouvées suspendues 30 jours après l'envoi de cette mise en demeure, soit à partir du 20 août 2012, et, avant que la police ne soit définitivement résiliée le 20 novembre 2012 à effet du 19 janvier 2013,

- en déduire que le sinistre survenu le 28 septembre 2012 s'est produit pendant la période où les garanties étaient suspendues, et avant que le contrat ne soit résilié,

- la juger recevable et fondée à refuser toute garantie pour le sinistre du 28 septembre 2012 et toutes ses conséquences, qu'il s'agisse des travaux nécessaires dans la propriété voisine pour remédier aux désordres, ou de l'ensemble des préjudices subis par les époux [H], ou par toute autre partie,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à rembourser à Elite Insurance Company la somme de 226.575,85 € et en ce qu'il l'a condamné à relever et garantir partiellement M. [Y] [L] et Elite Insurance Company des condamnations prononcées à leur encontre au profit des époux [H] et d'Allianz,

- admettre que la responsabilité de Bet Ceteba n'est pas engagée.

- rejeter toute demande à son encontre,

- rejeter toute demande, tout moyen ou toute fin contraires aux présentes écritures,

- condamner M. [Y] [L] et Elite Insurance Company représentée par ses administrateurs MM. [U] [T] et [N] [J] aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ; ;



Vu la signification de la déclaration d'appel à la requête de M. [Y] [L] et de la société Elite Insurance Company Limited, délivrée à M. [R] [P] [M] le 16 novembre 2018 remise à un tiers, l'assignation devant la cour avec notification des conclusions délivrée à à M. [R] [P] [M], le 17 mai 2019 à personnne habilitée ;

Vu la signification de la déclaration d'appel à la requête de la société anonyme AXA France délivré à M. [R] [P] [M] le 17 janvier 2019 par dépôt de l'acte en l'étude de l'huissier instrumentaire, la signification de conclusions d'appelant à la requête de la société AXA France délivrée à M [R] [P] [M] le 15 janvier 2019 à un tiers, l'assignation devant la cour avec notification des conclusions à la requête de la société AXA France Iard, délivrée à M. [R] [P] [M] le 7 mars 2019 à personne habilitée, l'assignation aux fins d'appel incident ou d'appel provoqué à la requête de la société AXA France délivrée à M. [R] [P] [M] le 9 avril 2019 par dépôt de l'acte en l'étude de l'huissier instrumentaire ;



Vu la signification des conclusions d'appelant, d'intervention volontaire et de réinscription de l'affaire au rôle à la requête de M. [Y] [L], M. [U] [T] et M. [N] [J] ès qualités, délivrée à M. [R] [P] [M] le 29 juillet 2021 à personne habilitée ;




SUR CE,



M. [R] [P] [M] n'a pas constitué avocat ; il sera statué par défaut ;



La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;



En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;





Sur la saisine de la cour



Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :

- constaté l'interruption de l'instance dirigée contre la société DS construction, en liquidation judiciaire depuis le 2 mai 2017,

- ordonné la disjonction de cette instance de la présente procédure,

- dit que l'instance disjointe portera le numéro de rôle général N° RG 18/03159,

- ordonné sa radiation du rôle des affaires du tribunal,

- dit que le rétablissement de l'instance dirigée contre la société DS construction sera subordonnée à la justification par M. [Y] [L] et/ou la société Elite Insurance Company d'une déclaration de créance effectuée à son passif et de la mise en cause du liquidateur judiciaire en fonction,

sur les demandes dirigées par M. et Mme [H] contre M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company,

- déclaré M. [Y] [L] responsable de plein droit des dommages subis par M. et Mme [H] sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage,

- entériné le rapport d'expertise de M. [V] en ce qu'il a évalué le coût des travaux réparatoires et de remise en état du fournil à la somme totale de 211.494,63 € HT, soit 261.633,58 € TTC (phases 1 et 2),

- constaté que les travaux des phases 1 et 2 ont été entièrement réalisés après financement par les sociétés Elite Insurance Company, assureur de M. [Y] [L] et Allianz Iard, assureur des époux [K],

- débouté M. et Mme [H] de leur demande d'indemnisation de la perte financière liée aux intérêts d'emprunt chiffrée à la somme de 3.166,84 €,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande relative à la perte de loyers d'un montant de 18.770,22 €,

- liquidé les préjudices matériels et économiques annexes subis par M. et Mme [H] en lien direct avec les troubles anormaux de voisinage consécutifs aux travaux de chantiers à la somme totale de 175.221,44 € HT, se décomposant comme suit :



préjudice d'exploitation : 161.749 €,

frais de constats d'huissier : 1.256,82 € HT, soit 1.508,18 € TTC,

factures correspondant à la pose des jauges Saugnac et à leurs relevés : 898,67 € HT, soit 1.078,40 € TTC,

loyers des mois d'octobre 2012, mai et juin 2013 : 5.518,95 €, soit 6.256,74 € TTC,

factures d'entreposage de matériel de la société Fournil 77 : 5.500 € HT (6.600 € TTC),

facture Wideber : 298 € HT (357,60 € TTC),



- liquidé le préjudice moral subi par M. et Mme [H] à la somme de 40.000 €, soit 20.000 € chacun,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et son assureur, la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire EISL, à payer à M. et Mme [H] la somme de 76.134,58 € au titre de leurs préjudices matériels et économiques annexes et moral, déductions faites des indemnités provisionnelles d'ores et déjà réglées à hauteur de la somme totale de 109.638 € et du montant de la TVA (29.448,86 €) récupérée par les époux [H], assujettis à cette taxe,

- dit que la société Elite Insurance Company pourra faire application de la franchise contractuelle prévue aux conditions particulières du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par M. [Y] [L],

sur les demandes de condamnation dirigées par M. [L] et la société Elite Insurance contre les époux [K] et la société Allianz Iard et la demande reconventionnelle en paiement de la société Allianz Iard,

- débouté M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire EISL, de la totalité de leurs demandes de condamnation dirigées contre les époux [K] et la société Allianz Iard, fondées tant sur le recours subrogatoire que sur le recours en garantie,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire EISL, à rembourser à la société Allianz Iard la somme totale de 68.374,34 €, versée en exécution des décisions rendues en référé,

sur les demandes de condamnation dirigées par M. [Y] [L] et la société Elite Insurance contre la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Hera Courtage,

- débouté M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company, prise en la personne de son mandataire, de toutes leurs demandes de condamnation dirigées contre la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Hera Courtage, fondées tant sur le recours subrogatoire que sur appel en garantie,

sur les demandes de condamnations dirigées par M. [Y] [L] et la société Elite Insurance contre la société SMA SA, assureur de la société SNS Bâtiment 2,

sur les demandes fondées sur la subrogation à concurrence de la somme de 292.788,6 €,

- débouté la société Elite Insurance Company du surplus de ses demandes fondées sur son recours subrogatoire et de ses demandes dirigées contre la société SMA, assureur de la société SNS Bâtiment 2,

sur les demandes en garanties,

- débouté la société Elite Insurance Company et M. [Y] [L] de leurs demandes en garantie dirigées contre la société SMA, assureur de la société SNS Bâtiment 2,

sur les demandes accessoires,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à payer à M. et Mme [H], la somme de 5.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à payer à la société Allianz Iard, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, la société Hera Courtage, et à la société SMA la somme de 1.500 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company aux dépens de l'instance, en compris en ce compris les frais d'expertise judiciaire à hauteur de la somme de 19.987,74 € ;



Le jugement est définitif sur ces points ;



Le jugement est contesté en ce qu'il a :

sur les demandes de condamnations dirigées par M. [Y] [L] et la société Elite Insurance contre M. [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, et la société AXA France Iard,

sur les demandes fondées sur la subrogation à concurrence de la somme de 292.788,6 €,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, et la société AXA France Iard à payer à la société Elite Insurance Company la somme de 226.575,85 € HT au titre des troubles anormaux de voisinage d'ores et déjà indemnisés,

sur les demandes en garanties,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, et la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à proportion de 50 % des nouvelles condamnations prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard dans le cadre de sa demande reconventionnelle,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba et la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company du montant des condamnations au paiement des frais irrépétibles prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard,

- condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba et la société AXA France Iard à payer à M. [Y] [L] et à la société Elite Insurance Company la somme de 2.000 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba et la société AXA France Iard à garantir [Y] M. [L] et la société Elite Insurance Company Limited des condamnations afférentes aux dépens comprenant les frais d'expertise ;



C'est l'objet de l'appel, tant de M. [L] et son assureur que de la sociéét AXA France, assureur de M. [P] [M] ;





Sur le rappel des faits et la responsabilité de M. [Y] [L] sur le fondement de la théorie du trouble anormal du voisinage




Sur les désordres et les responsabilités




M. [Y] [L] a entrepris, en qualité de maître de l'ouvrage, sur le terrain dont il est propriétaire indivis, [Adresse 6]), voisin de celui sur lequel est implantée la boulangerie exploitée par M. & Mme [H], la construction d'un immeuble collectif à usage d'habitation et de commerces ; le 28 septembre 2012, un accident de chantier, consistant dans le basculement d'un ouvrage en béton armé mis en place par la société DS construction, en limite de propriété avec le terrain [Adresse 4], a endommagé le bâtiment abritant le fournil de la boulangerie situé en fond de parcelle, la gravité des dommages et le risque pour la sécurité publique ayant nécessité, le même jour, un arrêté municipal de péril obligeant à la fermeture du fonds de commerce ; ce désordre causé au fonds voisin s'est trouvé aggravé à compter du 30 avril 2013, lors de la reprise des travaux par M. [Y] [L], qui a justifié un nouvel arrêté de péril qui n'a pu être levé que 14 mois plus tard ;



La gravité des désordres causés par les travaux de chantier a nécessité la fermeture du fonds de commerce exploité par les époux [H] du 28 septembre au 6 novembre 2012, puis du 30 avril 2013 au 20 octobre 2014, l'expert judiciaire ayant en outre relevé que les désordres constatés étaient de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendaient impropres à sa destination ;



Les désordres subis par M. & Mme [H], causés par les travaux de chantier voisin de leur fonds de commerce, excèdent les inconvénients normaux ce voisinage, ce qui n'est contesté par aucune des parties ;



M. [Y] [L] est responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage subis par M. & Mme [H] du fait des travaux de chantier dont il a été le maître d'ouvrage ;




Sur la réparation des préjudices




Le préjudice de M. & Mme [H] a été chiffré de la façon suivante :



¿ Préjudice matériel correspondant au coût des travaux de réparation et la remise en état du fournil



L'expert judiciaire, M. [V], a divisé en deux phases le coût des travaux réparatoires qu'il a évalués :

- s'agissant des travaux relatifs à la phase 1, consistant dans le confortement du bâtiment situé en fonds de parcelle du [Adresse 4] (le fournil) et les reprises de structure et de gros-oeuvre nécessaires, à la somme de 72.875,35 € HT, soit 87.160,11 € TTC, selon le détail qui suit :



devis SEP Europe Pavage du 28 octobre 2013 : 52.900,35 € HT, soit 63.268,82 € TTC (TVA 19,6%),

devis Lambin : 4.070 € HT, soit 4.867,72 € TTC (TVA 19,6%),

facture Fournil 77 du 28 janvier 2014 : 8.625 € HT, soit 10.315,50 € TTC (TVA 19,6%),

facture Wideber : 298 € HT, soit 357,60 € TTC (TVA 20%),

honoraires techniques : 6.982 € HT, soit 8.350,47 € TTC (TVA 19,6 %),



- s'agissant des travaux relatifs à la phase 2, consistant dans la remise en état de l'intérieur du bâtiment (fournil) et de ses aménagements de façon à permettre aux époux [H] de reprendre leur activité professionnelle, à la somme totale de 85.408,70 € HT, soit 95.290,44 € TTC, selon le détail qui suit :


devis Lambin : 52.365 € HT, soit 62.838 € TTC (TVA 20%),

devis Wideber : 21.058,70 € HT, soit 25.270,44 € TTC (TVA 20%),

devis TAB'S : 5.985 € HT, soit 7.182 € TTC (TVA 20%),

honoraires de maîtrise d'oeuvre : 6.000 € HT, soit 7.200 € TTC (TVA 20%),




Observation étant faite que M. [V] souligne dans son rapport que les factures de la société Fournil 77, afférentes à la fourniture et à la pose du four et au remontage des matériels, d'un montant total de 53.210,58 € HT, soit 63.852,70 € TTC (TVA 20%), validées par ordonnance de référé du 13 mai 2015, n'ont pas été intégrées dans l'évaluation qu'il a faite du coût des travaux relatifs à la phase 2, mais le tribunal les ayant ajoutés, le montant total des travaux de réparation correspondant au préjudice matériel subi par M. & Mme [H] a été liquidé, s'agissant des travaux afférents à la phase 2, à la somme de 138.619,28 € HT, soit 166.343,14 € TTC ;



Le tribunal a chiffré le montant des travaux rendus nécessaires en suite des troubles anormaux de voisinage subis, à la somme totale de 211.494,63 € HT (phases 1 et 2) et a constaté que les travaux des phases 1 et 2 ont été entièrement réalisés et réceptionnés après qu'ils ont été financés par les sociétés Elite Insurance Company, assureur de M. [Y] [L], et Allianz Iard, assureur des époux [K] ;



¿ Sur les préjudices matériels et économiques annexes



Le tribunal a fixé les préjudices annexes, subis personnellement par les époux [H], en lien direct et certain avec les troubles anormaux de voisinage, dont M. [Y] [L] est déclaré responsable à leur endroit, à la somme de 175.221,44 € HT selon le détail qui suit :

- préjudice d'exploitation : 161.749 € ,

- frais de constats d'huissier : 1.508,18 € TTC, soit 1.256,82 € HT,

- factures correspondant à la pose des jauges Saugnac et à leurs relevés : 1.078,40 € TTC, soit 898,67 € HT,

- loyers des mois d'octobre 2012, mai et juin 2013 : 6.256,74 € TTC, soit 5.518,95 € HT,

- factures d'entreposage de matériel de la société Fournil 77 : 6.600 € TTC, soit 5.500 € HT,

- facture Wideber : 357,60 € TTC, soit 298 € HT ;



¿ Sur le préjudice moral invoqué



Le tribunal a relevé que les défendeurs ont fait preuve de graves négligences et d'une carence certaine dans la recherche d'une solution réparatrice permettant aux demandeurs à l'instance de reprendre leur activité professionnelle, sans la crainte légitime d'une perte irrémédiable de leur fonds de commerce ; il a rappelé que les époux [H] se sont vus privés pendant plus de 14 mois de leur outil de travail, qui a été détruit, lors de l'exécution des travaux de chantier voisin ;



Il a retenu que les carences et négligences des acteurs de chantier, agissant sous la maîtrise d'ouvrage de M. [Y] [L], constatées par l'expert judiciaire sur cette trop longue période, sont à la hauteur du préjudice moral incontestable subi par les époux [H], lequel ne saurait se confondre avec leur préjudice d'exploitation et est matérialisé par un chômage technique contraint, le risque d'un dépôt de bilan à défaut de pouvoir rouvrir dans un délai décent leur fonds de commerce, les nombreux tracas engendrés par les démarches administratives qui ont dû être entreprises à la suite de la fermeture de leur fonds de commerce ;



Il a alloué à M. et Mme [H] la somme de 20.000 € chacun au titre de leur préjudice moral incontestable, soit au total la somme de 40.000 € ;



¿ Sur le montant de l'indemnité restant due au regard des sommes d'ores et déjà versées aux époux [H] et de la demande de restitution de la TVA acquittée lors du paiement des factures de

travaux



M. & Mme [H] ayant déjà perçu, au titre de l'indemnisation de leurs préjudices annexes, la somme provisionnelle de 109.638 € (50.000 + 48.000 + 11. 638), cette somme a été déduite des sommes restant dues au titre de leurs préjudices annexes et moral ;



Le solde dû au titre de leurs préjudices annexe et moral, tels que liquidés ci-dessus à la somme totale de 215.221,44 € (175.221,44 + 40.000), s'élève à la somme de 105.583,44 €, dont le tribunal a encore de déduit la somme de 29.448,86 € correspondant à la TVA afférente aux factures payées par la société Elite Insurance Company que les époux [H], assujettis à la TVA, reconnaissent avoir récupérée lors du paiement des factures de travaux ;



M. [Y] [L] a donc été condamné solidairement avec son assureur, la société Elite Insurance Company, à payer à M. & Mme [H] la somme de 76.134,58 € au titre des préjudices annexes et moral qu'ils ont subis du fait des troubles anormaux de voisinage liés à l'activité de chantier ;



La société Elite Insurance Company a été déclarée bien fondée à opposer la franchise prévue contractuellement, dès lors que la garantie souscrite n'est pas obligatoire ;




Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société Allianz, assureur de M. & Mme [I], propriétaire des locaux exploités par M. & Mme [H]




Le tribunal a accueilli la demande reconventionnelle de la société Allianz, qui a justifié des paiements dont elle a demandé le remboursement, sur le fondement de son recours subrogatoire, et il a condamné solidairement M. [Y] [L], responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage, et la société Elite Insurance Company à lui rembourser la somme totale de 68.374,34 €, versée en exécution des décisions rendues en référé ;





Sur la garantie de la société AXA France, prise en sa qualité d'assureur de M. [R] [P] [M] exerçant sous l'enseigne BET Ceteba



M. [R] [P] [M] exerçant sous l'enseigne BET Ceteba a souscrit un contrat d'assurance auprès de la société AXA France, dénommé 'BT Plus Concept' portant le numéro 4927002104 qui a pris effet le 1er janvier 2011 (pièces AXA n°2 : copie écran des conditions particulières de la police, n°3 : conditions générales de la police BT Pus Concept et n° 4 : attestation d'assurance produite en cours d'expertise par Monsieur [L]) ;



Ce contrat comporte un volet couvrant la responsabilité civile de l'assuré lorsqu'elle est engagée pour dommages aux tiers survenant avant ou après réception ;



Il s'avère que M. [P] [M] n'a pas payé la prime pour l'année 2012 ; la société AXA France lui a adressé un premier courrier recommandé de mise en demeure le 20 juillet 2012 (pièces AXA n°5 et 6) ;



Ce courrier rappelait les dispositions de l'article L113-3 du code des assurances annonçant la suspension des garanties si l'assuré ne procédait pas au règlement dans le délai d'un mois :

'La prime est payable au domicile de l'assureur ou du mandataire désigné par lui à cet effet. Toutefois, la prime peut être payable au domicile de l'assuré ou à tout autre lieu convenu dans les cas et conditions limitativement fixés par décret en Conseil d'État.

A défaut de paiement d'une prime, ou d'une fraction de prime, dans les dix jours de son

échéance, et indépendamment du droit pour l'assureur de poursuivre l'exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure de l'assuré. Au cas où la prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie, intervenue en cas de non-paiement d'une des fractions de prime, produit ses effets jusqu'à l'expiration de la période annuelle considérée.

La prime ou fraction de prime est portable dans tous les cas, après la mise en demeure de

l'assuré.

L'assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l'expiration du délai de trente jours mentionné au deuxième alinéa du présent article.

Le contrat non résilié reprend pour l'avenir ses effets, à midi le lendemain du jour où ont

été payés à l'assureur ou au mandataire désigné par lui à cet effet, la prime arriérée ou, en

cas de fractionnement de la prime annuelle, les fractions de prime ayant fait l'objet de la

mise en demeure et celles venues à échéance pendant la période de suspension ainsi que,

éventuellement, les frais de poursuites et de recouvrement' ;



Les conditions générales de la police (pièce AXA n°3) rappellent l'obligation de paiement

de la cotisation due par l'assurée et ses modalités (article 5.23) et précisent :

- d'une part qu'en cas de non paiement de la prime, l'assureur peut, par lettre recommandée, suspendre la garantie 30 jours après l'envoi de la lettre, rappelant les dispositions de l'article L 113.3 du code des Assurances,

- d'autre part, le droit pour l'assureur de résilier le contrat dix jours après l'expiration du délai de 30 jours ;



Le courrier adressé à CETEBA précisait :

'À défaut d'un règlement dans les 30 jours qui suivent la date d'envoi de la présente lettre

(le cachet de la Poste faisant foi) et conformément à l'article L113-3 du code des assurances, vos garanties seront suspendues. Vos éventuels sinistres ne seraient alors pas couverts et vous resteriez légalement redevable de toutes vos cotisations' (pièce AXA n°5) ;



La société AXA France produit la copie de ce courrier recommandé du 20 juillet 2012 et le bordereau de la Poste faisant foi de l'envoi de cette lettre le 20 juillet 2012 (pièces AXA 5 et 6) ;



Or, cette mise en demeure est restée sans effet et CETEBA ne s'est pas acquittée du paiement de ses cotisations dans les délais requis ;



L'assureur a, par lettre du 20 novembre 2012, et comme l'article L 113-3 du code des assurances l'y autorise, procédé à la résiliation du contrat à effet du 1er janvier 2013 ; ce courrier précise :

'Nous regrettons de devoir mettre fin à votre contrat n°49272104 pour non-paiement de

cotisations conformément à l'article L113-3 du code des assurances et aux conditions

générales.

En conséquence, votre contrat sera résilié à compter du 1er janvier 2013 à 0 heure ' ;



La société AXA France produit la copie de cette lettre datée du 20 novembre 2012 et le

bordereau de la Poste faisant foi de l'envoi de cette lettre le 22 novembre 2012 (pièces AXA n°7 et 8) ;



Le non-paiement de la cotisation 30 jours après l'envoi de la mise en demeure du 20 juillet 2012 a eu pour conséquence que les garanties se sont trouvées suspendues à compter du 21 août 2012 ;



Le sinistre est survenu le 28 septembre 2012, c'est-à-dire pendant la période où le contrat d'assurance était suspendu ;



La suspension dure jusqu'à ce que la prime soit payée, la garantie ne reprenant ses effets que le lendemain du jour où la prime est payée ;



La suspension est intervenue entre deux échéances annuelles puisque la garantie avait pris effet le 1er janvier 2011, s'était renouvelée au 1er janvier 2012 et aurait dû, si le contrat s'était poursuivi, être à nouveau renouvelée le 1er janvier 2013 ;



Seule l'échéance du 1er janvier 2012 et l'appel d'une nouvelle prime annuelle auraient pu mettre à fin à la suspension intervenue en août 2012 ; mais le sinistre est survenu entre temps et le fait que CETEBA n'ait pas régularisé la situation a entraîné la résiliation du contrat d'assurance ;



Il résulte de ce qui précède que la société AXA France, qui a régulièrement notifié une mise en demeure d'avoir à payer la prime le 20 juillet 2012 et, a ensuite résilié la police par lettre du 20 novembre 2012 est fondée à dénier toute garantie pour le sinistre survenu le 28 septembre 2012 et toutes ses conséquences ;



M. [L] et son assureur produisent devant la Cour une quittance de cotisation (pièce n° 18) datée du 21 décembre 2012, soit de plus d'un mois après la résiliation de la police ; M. [P] [M] a ainsi réglé une cotisation d'assurance bien après le 20 novembre 2012, mais ce règlement, tardif comme n'ayant pas été effectué dans les 30 jours après l'envoi de la mise en demeure du 20 juillet 2012, soit au plus tard le 21 août 2012, est inopérant dans la mesure où la police d'assurance a été résiliée le 20 novembre 2012 pour non paiement de la prime ; ce règlement ne change donc rien au fait que la police d'assurance a été suspendue à partir du 21 août 2012, puis résiliée le 20 novembre 2012, aucun paiement de prime n'étant intervenu entre le 20 juillet 2012 et le 20 novembre 2012 ;



A la date du sinistre, le 28 septembre 2012, les garanties du contrat souscrit par M. [P] [M] auprès de la société AXA France étaient suspendues ;





Conformément aux termes de l'article L 113-3 alinéa 4 du code des Assurances la société AXA France est fondée à refuser toute garantie pour le sinistre survenu au moment où les garanties étaient suspendues pour non paiement de prime .



La société Elite Insurance Company et M. [L] font valoir que puisqu'une prime a été payée pour le second semestre 2012, donc au moment de la survenance du sinistre, la garantie serait obligatoirement acquise, la garantie étant la contrepartie nécessaire de la prime ; ils invoquent aussi l'article L 124-5 du code des assurances en vertu duquel l'assureur, dont la garantie est déclenchée par la réclamation, doit couvrir le sinistre dès lors que le fait dommageable est antérieur à la résiliation et a donné lieu à une réclamation entre la date de prise d'effet de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent de 10 ans ;



Mais cet article n'est pas applicable puisque la réclamation a été faite pendant la période de suspension de la garantie ; le paiement de la prime, à une date d'ailleurs postérieure à la résiliation du contrat, ne le fait pas revivre ;



La société AXA France ne doit donc pas sa garantie à M. [P] [M] ;



Le jugement doit donc être réformé en ce qu'il a :

- condamné la société AXA France Iard à payer à la société Elite Insurance Company la somme de 226.575,85 € HT au titre des troubles anormaux de voisinage d'ores et déjà indemnisés,

- condamné la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à proportion de 50 % des nouvelles condamnations prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard dans le cadre de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company du montant des condamnations au paiement des frais irrépétibles prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard,

- condamné la société AXA France Iard à payer à M. [Y] [L] et à la société Elite Insurance Company la somme de 2.000 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AXA France Iard à garantir [Y] M. [L] et la société Elite Insurance Company Limited des condamnations afférentes aux dépens comprenant les frais d'expertise ;



M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company Limited doivent être déboutés de l'intégralité de leurs demandes contre la société anonyme AXA France ;





Sur les recours subrogatoire et en garantie dirigés par la société Elite Insurance Company et M. [L] contre M. [R] [P] [M]





Préalablement, sur la typologie des recours subrogatoires et en garantie





La question des recours en garantie et de la contribution à la dette de réparation est examinée en considération des responsabilités subjectives encourues, sauf en ce qui concerne le recours subrogatoire du maître de l'ouvrage, qui jouit des droits et actions du voisin lésé ;



En effet, le maître de l'ouvrage, condamné pour avoir réalisé des travaux ayant causé à autrui un trouble anormal de voisinage, est subrogé, après paiement de l'indemnité, dans les droits de la victime et est bien fondé, avec son assureur, à recourir contre les constructeurs qui, par leur action, ont été seuls à l'origine des troubles invoqués, et leurs assureurs, sans avoir à prouver leur faute, pour obtenir leur garantie intégrale ;



Le recours du maître de l'ouvrage contre le constructeur s'exerce pour le tout, sauf si ce constructeur démontre que le maître de l'ouvrage a été pleinement informé des risques de trouble de voisinage, a entendu décharger les entreprises de leur responsabilité, et a prescrit dans ces conditions la poursuite du chantier, autrement dit s'il y a faute du maître de l'ouvrage qui aurait délibérément accepté de courir le risque de troubles de voisinage (3ème civ. 22 juin 2005, n°03-20 068) ;



Dans l'exercice du recours du maître de l'ouvrage ou de son assureur au titre d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, la contribution à la dette, en l'absence de faute, se répartit à parts égales entre les co-obligés ;



En revanche, lorsqu'il n'est pas établi que le maître de l'ouvrage a été subrogé après paiement dans les droits du voisin victime, son action contre l'entrepreneur ayant causé les dommages, est fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun et nécessite la preuve d'une faute, laquelle peut consister :

- s'agissant de la faute de l'entreprise, d'un manquement à l'obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage, ou encore de manquements relatifs à la méthodologie d'exécution ou aux matériaux qui pourront être utilisés sur les chantiers ; il en va, ainsi, d'un manque de précaution dans la réalisation des terrassements,

- s'agissant de la faute pouvant être reprochée au maître d'oeuvre, d'un manquement à l'obligation de conseil, ou encore de tout ce qui relève de la méthodologie qui aura été préconisée pour l'exécution des travaux par la maîtrise d'oeuvre ; de même, tous les défauts de précaution dans la mission de contrôle et de surveillance des travaux de la part de la maîtrise d'oeuvre constituent autant de fautes pouvant être mises à sa charge ;









Sur le recours subrogatoire de M. [Y] [L] de la société Elite Insurance Company exercé contre M. [P] [M] à concurrence de la somme de 293.562,69 €





* Préalablement, sur l'assiette du recours subrogatoire



Le paiement avec subrogation ne transfère légalement la créance que jusqu'à concurrence de la somme payée par le subrogé : la subrogation est à la mesure du paiement ;



La société Elite Insurance Company et M. [L] exercent leur recours subrogatoire après indemnisation des époux [H] à concurrence de la somme de 293.562,69 €, soit 288.562,69 € pour l'assureur et 5.000 € que M. [L] a réglé au titre de la franchise contractuelle ;



Les pièces produites devant la cour (pièces [L] n° 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17) justifient de ces montants qui représentent l'assiette du recours subrogatoire exercé par la société Elite Insurance Company et M. [L] ;



Le jugement doit donc être réformé en ce qu'il a condamné solidairement M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, et la société AXA France Iard à payer à la société Elite Insurance Company la somme de 226.575,85 € HT au titre des troubles anormaux de voisinage d'ores et déjà indemnisés ;



* Sur l'imputabilité des troubles anormaux de voisinage aux locateurs d'ouvrage



À titre liminaire, il sera relevé, comme l'a fait le tribunal, que, si M. [V] considère que les actes et décisions de M. [Y] [L] ont participé à la survenance et à l'aggravation des désordres, il admet que la responsabilité technique directe de M. [Y] [L] n'est pas engagée en sa qualité de maître d'ouvrage ;



Il n'est pas démontré que le maître de l'ouvrage, dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'il disposait de connaissances suffisantes en matière de construction, aurait été pleinement informé des risques de troubles de voisinage inhérents à l'acte de construction litigieux, qu'il aurait entendu décharger les constructeurs de leur responsabilité à cet égard et prescrit dans ces conditions la poursuite du chantier ; en d'autres termes, il est nullement justifié par les locateurs d'ouvrage et leur assureur que le maître de l'ouvrage, qui s'était adjoint les compétences d'un maître d'oeuvre d'exécution, assurant également les fonctions de bureau d'étude technique, aurait délibérément accepté de courir le risque des troubles de voisinage, aucun des locateurs d'ouvrage ne rapportant la preuve de ce qu'il l'aurait informé des risques de l'opération de construction litigieuse ;




Sur l'imputabilité des troubles anormaux de voisinage au Bet Ceteba




Aux termes de son rapport d'expertise judiciaire, M. [V] conclut que 'compte tenu des désordres survenus au [Adresse 4], les responsabilités sont à rechercher et à définir entre les personnes physiques et morales qui sont intervenues pour la définition et la réalisation des travaux de construction d'un immeuble au [Adresse 6] ;



L'expert a énoncé que 'le Bet Ceteba a une part importante de responsabilités sur le plan technique dans les désordres survenus et constatés dans les locaux de M. & Mme [H] (...)', lequel en qualité de maître d'oeuvre d'exécution et de bureau d'étude technique structure, a failli à ses obligations, d'une part en ne sollicitant pas la désignation d'un bureau d'étude agréé, compte tenu de la technicité des travaux à réaliser, et d'autre part, en ne s'assurant pas de la compétence de la société DS construction retenue pour l'exécution des travaux à la suite de son appel d'offre du 20 mai 2011, ni même de la méthodologie adoptée par cette société, alors que les travaux de construction litigieux nécessitaient des précautions techniques particulières, ni enfin du respect par cette société de ses obligations techniques, ce qui a engendré l'accident du 28 septembre 2012 ;



Il expose en outre que les recommandations techniques établies par la société Sol Progrès, tenue d'une mission normalisée de type G2 n'ont pas été suivies ;



Comme l'a dit le tribunal, il ressort par ailleurs clairement des opérations expertales et notamment des nombreuses notes adressées aux parties, dont il a été fait état supra, que les carences du Bet Ceteba dans la recherche d'une solution pérenne, permettant de mettre fin aux troubles anormaux de voisinage, sont en relation causale directe avec l'aggravation des désordres matériels et des préjudices subis pas M. & Mme [H] ;



L'expert judiciaire conclut ainsi, aux termes de ses opérations menées contradictoirement, que le Bet Ceteba est 'de façon certaine également responsable des désordres et de leur aggravation' ;



Les premiers juges ont justement retenu qu'il résulte des opérations d'expertise et des moyens débattus que les troubles anormaux de voisinage, dont M. [Y] [L] et son assureur doivent réparation, sont imputables à M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba ;



Sur le quantum, il a été vu que la société Elite Insurance justifiait de sa créance à hauteur de 288.562,69 € et M. [L] à hauteur de 5.000 € au titre de la franchise ;



M. [R] [P] [M] doit être condamné à payer les sommes de :

- 5.000 € à M. [Y] [L],

- 288.562,69 € à M. [S] [T] et M. [N] [J], ès qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company ;





Sur le recours en garantie de la société Elite Insurance Company et de M. [Y] [L], ayant pour objet les condamnations à venir en vertu du jugement





Les conclusions expertales, non utilement contestées par les parties, relèvent clairement les divers manquements fautifs de M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, maître d'oeuvre d'exécution et bureau d'étude technique structure, en lien direct de causalité avec les dommages subis par les époux [H], dont M. [Y] [L] et son assureur doivent réparation sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ;



S'agissant de la contribution à la dette, à l'examen du rapport d'expertise, des pièces produites et des moyens débattus, chacune des fautes de l'entreprise et du maître d'oeuvre d'exécution ont concouru à l'entier dommage subi par M. & Mme [H] ;



Aucune immixtion fautive, ni aucune autre faute à l'origine du trouble anormal de voisinage n'est reproché à M. [L], lequel supporte au premier chef les conséquences de la gestion désastreuse du chantier par le maître d'oeuvre d'exécution ;



Il ya donc lieu de faire droit à la demande en garantie intégrale formulée par M. [L] et son assureur à l'encontre de M. [P] [M] ;



Le jugement doit être réformé en ce qu'il a condamné M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à proportion de 50 % des nouvelles condamnations prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard dans le cadre de sa demande reconventionnelle ;



M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, doit être condamné à garantir M. [Y] [L] et M. [S] [T] et M. [N] [J], ès qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company, de l'intégralité de toutes les condamnations prononcées à leur encontre à l'égard de M. & Mme [H] et de la société Allianz Iard ;





Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile



Il a été vu plus haut que le jugement est réformé en ce qu'il a :

- condamné la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company du montant des condamnations au paiement des frais irrépétibles prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard,

- condamné la société AXA France Iard à payer à M. [Y] [L] et à la société Elite Insurance Company la somme de 2.000 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AXA France Iard à garantir [Y] M. [L] et la société Elite Insurance Company Limited des condamnations afférentes aux dépens comprenant les frais d'expertise ;



Pour le surplus, le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite de l'article 700 du code de procédure civile ;



M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company, parties perdantes à l'égard de la société AXA France doivent être condamnés à payer à cette dernière la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;



M. [R] [P] [M], partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer les sommes supplémentaires suivantes par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

- à M. [Y] [L] : 3.000 €,

- à M. [S] [T] et M. [N] [J], ès qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company : 3.000 € ;



Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company contre la société AXA France ;





PAR CES MOTIFS



LA COUR



Statuant par mise à disposition au greffe, par défaut,



Dans la limite de sa saisine,



Réforme le jugement en ce qu'il a :



- condamné la société AXA France Iard à payer à la société Elite Insurance Company la somme de 226.575,85 € HT au titre des troubles anormaux de voisinage d'ores et déjà indemnisés,

- condamné M. [R] [P] [M] à payer à la société Elite Insurance Company la somme de 226.575,85 € HT au titre des troubles anormaux de voisinage d'ores et déjà indemnisés,

sur les demandes en garanties,

- condamné M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à proportion de 50 % des nouvelles condamnations prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard dans le cadre de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company à proportion de 50 % des nouvelles condamnations prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard dans le cadre de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société AXA France Iard à garantir M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company du montant des condamnations au paiement des frais irrépétibles prononcées au bénéfice des époux [H] et de la société Allianz Iard,

- condamné la société AXA France Iard à payer à M. [Y] [L] et à la société Elite Insurance Company la somme de 2.000 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AXA France Iard à garantir [Y] M. [L] et la société Elite Insurance Company Limited des condamnations afférentes aux dépens comprenant les frais d'expertise ;



Statuant à nouveau sur les chefs réformés,



Condamne M. [R] [P] [M] à payer à M. [Y] [L] la somme de 5.000 € ;



Condamne M. [R] [P] [M] à payer à M. [S] [T] et M. [N] [J], ès qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company la somme de 288.562,69 € ;



Condamne M. [R] [P] [M], exerçant sous l'enseigne Bet Ceteba, à garantir M. [Y] [L] et M. [S] [T] et M. [N] [J], ès qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company, de l'intégralité de toutes les condamnations prononcées à leur encontre à l'égard de M. & Mme [H] et de la société Allianz Iard ;



Déboute M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company Limited de l'intégralité de leurs demandes contre la société anonyme AXA France ;



Confirme le jugement pour le surplus ;



Y ajoutant,



Condamne M. [Y] [L] et la société Elite Insurance Company Limited à payer à la société anonyme AXA France la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne M. [R] [P] [M] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les sommes supplémentaires suivantes par application de l'article 700 du même code en cause d'appel :

- à M. [Y] [L] : 3.000 €,

- à M. [S] [T] et M. [N] [J], ès qualités d'administrateurs conjoints de la société Elite Insurance Company : 3.000 € ;



Rejette toute autre demande.







LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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