23 avril 2024
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 22/01009

5ème chambre sociale PH

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01009 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMBD



MS/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

21 février 2022



RG :20/00455







[K]





C/



S.A.R.L. ENVIRONNEMENT CLEAN SERVICES





















Grosse délivrée le 23 AVRIL 2024 à :



- Me

- Me













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 23 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 21 Février 2022, N°20/00455



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller



GREFFIER :



Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.



DÉBATS :



A l'audience publique du 25 Janvier 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Avril 2024.



Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.



APPELANTE :



Madame [N] [K]

née le 31 Octobre 1966 à

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d'AVIGNON





INTIMÉE :



S.A.R.L. ENVIRONNEMENT CLEAN SERVICES Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES





ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 26 Décembre 2023







ARRÊT :



Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.






FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS



Mme [N] [K] a été engagée par la Sarl Environnement Clean Services à compter du 1er août 2018 suivant contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d'ancienneté au 3 janvier 2011, en qualité d'agent de service, qualification AS2A de la convention collective nationale des entreprises de propreté.



Suite à la crise sanitaire du Covid-19 et au confinement annoncé à compter du 16 mars 2020, Mme [N] [K] a été placée en arrêt de travail du 17 mars au 23 avril 2020.



Estimant qu'au cours de la période du 17 mars au 23 avril 2020, elle devait être placée en arrêt de travail pour garde d'enfant et percevoir le maintien de salaire à 90% de son salaire brut, et non placée en activité partielle, par requête du 3 juillet 2020, Mme [N] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de solliciter la condamnation de l'employeur à lui verser un rappel de salaire pour les mois de mars et avril 2020, ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.



Par jugement contradictoire du 21 février 2022, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :

- déclaré les demandes de Mme [N] [K] infondées,

- débouté Mme [N] [K] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [N] [K] à verser à la SAS Environnement Clean Services la somme de 150 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] [K] aux dépens.



Par acte du 18 mars 2022, Mme [N] [K] a régulièrement interjeté appel de cette décision.



Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 juin 2022, Mme [N] [K] demande à la cour de :



- recevoir son appel

- le dire bien fondé en la forme et au fond

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 21 février 2022

En conséquence,

- dire et juger que la SARL Environnement Clean Services n'a pas réglé les salaires qui lui sont dus au titre des compléments de salaires pendant un arrêt pour garde d'enfant,

- dire et juger que le contrat de travail a été exécuté déloyalement,

En conséquence,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

* 241.15 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de mars et avril 2020

* 24.11 euros de congés payés y afférents

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner l'employeur aux entiers dépens.



Elle soutient essentiellement que :



Sur le rappel de maintien de salaire :



- le conseil de prud'hommes a fait une mauvaise application des dispositifs d'arrêt pour garde d'enfant et de mise au chômage partiel,

- le 17 mars 2020, suite à la crise sanitaire du Covid et au confinement annoncé, elle a été placée par l'employeur en chômage partiel, et ce jusqu'au 30 avril 2020,

- or, elle aurait dû être placée en arrêt de travail pour garde d'enfant dans la mesure où elle a adressé des attestations de garde d'enfant à son employeur, et ainsi bénéficier d'un maintien de salaire à hauteur de 90% de son salaire brut,

- le conseil de prud'hommes a retenu, à tort, qu'en raison de la fermeture de l'école sur laquelle elle était affectée, dès le 16 mars 2020, sa mise en chômage partiel s'imposait, de sorte que son arrêt pour garde d'enfant n'avait pas lieu d'être,

- si le site sur lequel elle effectuait sa prestation de travail a été fermé, la société Environnement Clean Services n'a jamais fermé de sorte qu'elle ne pouvait pas être mise en chômage partiel,

- la simple fermeture du site sur lequel elle intervenait ne suffit pas à mettre en place de manière automatique la mise en chômage partiel,

- son arrêt de travail pour garde d'enfant était justifié,

- sans justification, l'employeur l'a placée en arrêt maladie pour la période du 23 au 30 avril 2020,

- le conseil de prud'hommes a retenu à tort qu'elle était à bon droit placée en arrêt maladie à compter du 23 avril 2020 (date prévue pour la reprise de son activité) en raison du fait qu'elle a indiqué à l'employeur ne pouvoir reprendre son poste en raison de son état de santé,

- l'employeur ne produit aucun élément en ce sens,

- elle justifie de ses attestations d'arrêt pour garde d'enfant et d'un courrier adressé le 17 avril à l'employeur au terme duquel elle ne fait état d'aucun problème de santé,

- elle est fondée à solliciter une indemnisation dans le cadre de son arrêt de travail pour garde d'enfant.



Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :



- l'employeur n'a pas exécuté son contrat de travail de bonne foi,

- le non-paiement du maintien de salaire lui a causé un préjudice financier, elle n'a pas pu honorer son loyer et ses factures.





En l'état de ses dernières écritures en date du 12 septembre 2022, la SARL Environnement Clean Services demande à la cour de :



- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions.

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et mettre à sa charge les entiers dépens en cause d'appel.



Elle fait essentiellement valoir que :

- si Mme [K] lui a effectivement fourni des attestations de garde d'enfants sur la période du 17 au 23 avril 2020, elle ne pouvait bénéficier d'un arrêt de travail pour garde d'enfant eu égard au fait qu'elle était nécessairement placée en chômage partiel en raison de la fermeture du site sur lequel elle effectuait sa prestation de travail,

- un arrêt de travail pour garde d'enfant ne se justifiait pas dès lors que Mme [K] n'avait pas à se rendre au travail au cours de la période litigieuse,

- elle a rouvert le site le 23 avril 2020, mais Mme [K] lui indiqué qu'elle ne reviendrait pas pour des raisons de santé,

- la salariée a donc été placée en arrêt maladie du 23 au 30 avril 2023

- la demande de rappel de salaire de Mme [K] est donc infondée,

- à titre subsidiaire, la salariée ne démontre pas que le préjudice allégué serait directement lié à la situation qu'elle décrit.





Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.



Par ordonnance en date du 13 juillet 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 26 décembre 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 25 janvier 2024.






MOTIFS



Sur le rappel de salaire



L'article 1er du décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus, modifié par l'article 1 du décret n°2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d'assurance maladie et de prise en charge des actes de télé-médecine pour les personnes exposées au COVID 19, prévoit que le salarié empêché de travailler pour cause de garde d'enfant de moins de 16 ans n'avait pas à fournir un certificat médical à l'employeur mais une attestation dans laquelle il déclarait sur l'honneur être le seul parent à demander le bénéfice d'un arrêt de travail pour garder l'enfant à domicile et précisait les périodes au cours desquelles il se trouvait dans l'impossibilité de garder son enfant.



Le décret nº 2020-434 du 16 avril 2020 a prévu que les salariés bénéficiant d'un AMGE perçoivent une indemnisation à hauteur de 90 % de la rémunération brute qu'ils auraient perçue s'ils avaient continué à travailler pour la période du 12 mars au 30 avril 2020.



Parmi ces mesures, les salariés de droit privé contraints de garder leur enfant de moins de 16 ans ou leur enfant en situation de handicap en raison de la fermeture pour raison sanitaire de la section, de la classe ou de l'établissement d'accueil de leur enfant, sans pouvoir télétravailler, pouvaient être pris en charge par l'activité partielle.



L'assurance maladie a mis en place le télé-service declare.ameli.fr pour permettre aux employeurs et aux libéraux de demander un arrêt de travail en ligne pour les salariés obligés de garder leurs enfants en raison des fermetures des crèches et des écoles et dans l'impossibilité de travailler y compris à distance.



En pratique, les salariés n'ayant aucune solution pour garder leurs enfants de moins de 16 ans et qui sont dans l'impossibilité d'effectuer du télétravail peuvent solliciter auprès de leur employeur qu'il effectue une télédéclaration sur le site www.declare.ameli.fr concernant l'arrêt maladie pour garde d'enfant. Quant au salarié, il doit fournir à son employeur une attestation sur l'honneur aux termes de laquelle il fait état de l'absence de solution alternative permettant la garde de ses enfants.



Mme [K] produit l'attestation de garde d'enfant prévue par les dispositions susvisées, pour la période du 17 au 31 mars 2020, puis du 31 mars au 13 avril 2020, puis du 14 avril au 27 avril 2020 et enfin du 27 avril au 10 mai 2020.



Le contrat de travail liant les parties prévoit que Mme [K] est affectée au nettoyage au sein des écoles de [Localité 3].



Or, il n'est pas contestable que toutes les écoles sur le territoire national ont fait l'objet d'une fermeture suite à la pandémie de Covid 19, à compter du 16 mars 2020 jusqu'au 3 mai 2020 pour les collèges et lycée, l'enfant de la salariée étant âgé de 13 ans.



L'annexe ajoutée le 3 avril 2020 au document Q/R sur le dispositif exceptionnel d'activité partielle donne des précisions sur l'articulation entre l'activité partielle et les indemnités journalières maladie, à savoir :



'Si le salarié bénéficie au préalable d'un arrêt de travail dérogatoire mis en place dans le cadre de la gestion de l'épidémie pour isolement ou garde d'enfant et que l'entreprise place ses salariés postérieurement à cet arrêt en activité partielle

Il convient, dans ce cas, de distinguer deux situations : celle dans laquelle l'activité de l'entreprise est totalement interrompue et celle dans laquelle l'activité de l'entreprise est réduite.

a) Cas de l'entreprise qui place ses salariés en activité partielle en raison de la fermeture totale

ou d'une partie de l'établissement

La justification des arrêts dérogatoires étant d'indemniser le salarié qui ne peut pas se rendre sur son lieu de travail soit par mesure de protection soit parce qu'il est contraint de garder son enfant, ceux-ci n'ont plus lieu d'être lorsque l'activité du salarié est interrompue puisqu'il n'a plus à se rendre sur son lieu de travail.

Dans ces conditions, le placement des salariés en activité partielle, lorsque l'établissement ou la partie de l'établissement auquel est rattaché le salarié ferme, doit conduire à interrompre l'arrêt de travail du salarié : l'employeur doit alors signaler à l'assurance maladie la fin anticipée de l'arrêt selon les mêmes modalités qu'une reprise anticipée d'activité en cas d'arrêt maladie de droit commun.

Toutefois compte tenu des circonstances exceptionnelles, si l'arrêt de travail dérogatoire est en cours au moment du placement en activité partielle des salariés en raison de la fermeture de tout ou partie de l'établissement, l'employeur peut attendre le terme de l'arrêt en cours pour placer le salarié en activité partielle.

En revanche, aucune prolongation ou aucun renouvellement de l'arrêt ne pourra être accordé une fois le placement en activité partielle intervenu. Les employeurs sont donc tenus à ne pas demander le renouvellement des arrêts pour garde d'enfants de leurs salariés. S'agissant des arrêts de travail pour personnes vulnérables qui ont pu valablement se déclarer sur le télé-service de l'assurance maladie, ceux-ci étant automatiquement prolongés par l'Assurance maladie pour la durée du confinement, l'employeur est tenu d'y mettre un terme : l'employeur doit alors signaler à l'assurance maladie la fin anticipée de l'arrêt selon les mêmes modalités qu'une reprise anticipée d'activité en cas d'arrêt maladie de droit commun.

b) Cas de l'entreprise qui place ses salariés en activité partielle en raison d'une réduction de l'activité

Il n'est pas possible de cumuler sur une même période de travail une indemnité d'activité partielle et les indemnités journalières de sécurité sociale.

C'est pourquoi quand l'activité partielle prend la forme d'une réduction du nombre d'heures travaillées, il n'est pas possible de cumuler cette activité partielle avec un arrêt de travail dérogatoire pour garde d'enfant ou pour personne vulnérable. L'employeur ne pourra donc pas placer son salarié en activité partielle pour réduction du nombre d'heures travaillées si un arrêt de travail est en cours.'



Il ne peut être contesté que l'activité à laquelle était affectée Mme [K] était totalement interrompue du fait de la fermeture de tous les établissements scolaires.



Ainsi, et en application de l'annexe susvisée, la mise en place du chômage partiel était parfaitement justifiée pour l'appelante, cette dernière ne travaillant pas et ne pouvant pas travailler.



Il convient en effet de rappeler que le dispositif de l'arrêt de travail pour garde d'enfant concerne les salariés empêchés de travailler pour cause de garde d'enfant de moins de 16 ans.



L'employeur justifie avoir sollicité l'application du chômage partiel pour ses salariés par une demande d'autorisation préalable du 30 mars 2020, autorisée pour la période du 16 au 31 mars 2020, puis prolongée pour la totalité du mois d'avril 2020.



Il en résulte que la fermeture de l'entreprise ou du moins de l'activité liée au nettoyage des écoles à laquelle était affectée la salariée, justifiait la mise en chômage partiel de cette dernière qui n'avait plus à se rendre sur son lieu de travail.



La demande de rappel de salaire de la salariée est dans ces circonstances infondée et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de prétention.



Sur l'exécution déloyale du contrat de travail



Mme [K] justifiant sa demande sur le défaut de paiement par l'employeur du complément de salaire au titre de l'arrêt de travail pour garde d'enfant, laquelle a été déclarée non fondée, aucune exécution déloyale du contrat de travail ne saurait dès lors être retenue à l'encontre de l'employeur, la cour entrant en voie de confirmation du jugement querellé.



Sur les demandes accessoires



Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel.



Les dépens seront laissés à la charge de Mme [K].





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,



Confirme le jugement rendu le 21 février 2022 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en toutes ses dispositions,



Condamne Mme [N] [K] à payer à la Sarl Environnement Clean Services la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Mme [N] [K] aux dépens,





Arrêt signé par le président et par le greffier.



LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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