23 avril 2024
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 24/00091

C.E.S.E.D.A.

Texte de la décision

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00091 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NXTJ





ORDONNANCE









Le VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 00



Nous, Bénédicte LAMARQUE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur [O] [U], représentant du Préfet de La Charente-Maritime,



En présence de Monsieur [V] [H], né le 24 Mars 1971 à [Localité 2] (MAROC) de nationalité Marocaine, et de son conseil Maître Sophie CHEVALLIER- CHIRON,



Vu la procédure suivie contre Monsieur [V] [H], né le 24 Mars 1971 à [Localité 2] (MAROC), de nationalité Marocaine et l'interdiction définitive du territoire français rendue le 27 janvier 2017 par la Cour d'assises des Pyrénées-Orientales, à titre de peine complémentaire, visant l'intéressé,



Vu l'ordonnance rendue le 20 avril 2024 à 14h02 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [V] [H], pour une durée de 30 jours supplémentaires,



Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [V] [H], né le 24 Mars 1971 à [Localité 2] (MAROC), de nationalité Marocaine le 21 avril 2024 à 11h30,



Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,



Vu la plaidoirie de Maître CHEVALLIER-CHIRON, conseil de Monsieur [V] [H], ainsi que les observations de Monsieur [O] [U], représentant de la préfecture de La Charente-Maritime et les explications de Monsieur [V] [H] qui a eu la parole en dernier,



A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 23 avril 2024 à 11h00,











Avons rendu l'ordonnance suivante :




FAITS ET PROCEDURE



M. [V] [H], né le 24 mars 1971 à [Localité 2], au Maroc, de nationalité marocaine, a été condamné le 27 janvier 2017 par la Cour d'Assises des Pyrénées-Orientales, à une peine de 9 ans de réclusion criminelle assortie d'une interdiction définitive du territoire française à titre de peine complémentaire, pour des faits de viol commis le 22 septembre 2010.



lncarcéré depuis 2014, le préfet de la Charente-Maritime a pris le 2 janvier 2024 un arrêté désignant le Maroc comme pays de renvoi, arrêté qui a été notifié à l'intéressé le 3 janvier 2024 à 13h45.



Le 20 mars 2024, les services préfectoraux prenaient contre M. [V] [H] un arrêté portant placement en rétention administrative qui lui a été notifié le 21 mars 2024 à 8h40 à sa sortie d'écrou, en vue de mettre en oeuvre son éloignement en exécution de la mesure d'interdiction judiciaire du territoire français dont il fait l'objet.



Par ordonnance rendue le 23 mars 2024 confirmé par la Cour d'appel de Bordeaux du 27 mars 2024, la rétention de M. [V] [H] a été prolongée pour 28 jours.



Par requête reçue au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 avril 2024 à 14h06, à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, le Préfet de la la Charente-Maritime sollicite, au visa des articles L.742-4 du CESEDA, la prolongation de la rétention de l'intéressé pour une durée maximale de 30 jours.



Par ordonnance rendue le 20 avril 2024 à 14h02, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a :

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [V] [H],

- déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable,

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [V] [H] régulière,

- autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [H] pour une durée de 30 jours.



Par courriel adressé au greffe de la Cour d'appel le 21 avril 2024 à 11h30, le conseil de M. [V] [H] a fait appel de l'ordonnance du 20 avril 2024.



A l'appui de sa requête, le conseil relève l'incompétence du signataire de l'acte de saisine du JLD aux fis de prolongation de la rétention administrative et l'absence de diligences par la Préfecture de la Charente-Maritime en vue de l'éloignement de m; [V] [H].



En conséquence, il demande à la Cour de :

- accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à M. [V] [H],

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du 20 avril 2024,

- débouter M. le Préfet de la Charente-Maritime de sa demande en prolongation de rétention administrative de M. [V] [H],

- ordonner la main-levée de la mesure de rétention et en conséquence la remise en liberté immédiate de M. [V] [H],

- condamner la préfecture de la Charente Maritime à verser au requérant la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile avec application du bénéfice des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la Loi sur l'aide juridique au profit de Maître CHEVALLIER-CHIRON.



A l'audience, M. Le Représentant de la Préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 20 avril 2024 et reprend les motifs de la requête en prolongation.

M. [V] [H] a fait part de sa volonté de retourner au Maroc.

Interrogé sur son agression au CRA de [Localité 1], il a indiqué avoir vu un médecin, qui doit adresser par mail au centre de rétention le diagnostic et notamment l'importance de voir un dentiste et de faire remplacer ses lunettes qui ont été cassées lors de l'agression.




MOTIFS DE LA DÉCISION



- Sur la recevabilité de l'appel



Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.



- Sur la compétence de l'auteur de la demande de prolongation de la mesure



Il résulte de l'article R.743-2 du Code de L'entrée et du Séjour des étrangers et du Droit d'asile qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévue à l'article L. 744-2.



En l'espèce, la délégation de signature a été accordée par arrêté du 11 décembre 2023 du préfet de la Charente-Maritime à M. [P], lequel prévoit précisément la faculté de saisir le juge des libertés et de la détention d'une requête en placement et en prolongation du maintien de la rétention administrative d'un étranger.



Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclarée recevable la requête aux fins de prolongation de la mesure de rétention administrative.



- Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative



Selon l'article L741-3 du CESEDA « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet ».

Il résulte de ce texte que le placement ou le maintien en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l'objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l'autorité administrative lorsque les perspectives d'éloignement effectives du territoire à brève échéance sont inexistantes. À cet égard le magistrat doit apprécier concrètement dans chaque dossier l'existence de telles perspectives sans se déterminer par des considérations exprimées en des termes généraux.



Aux termes de l'article L.742-4 du CESEDA que le juge des libertés et de la detention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L.742-1, être a nouveau saisi aux 'ns de prolongation du maintien en rétention au-dela de trente jours, dans les cas suivants :

« 1° En cas d'urgence absolue ou de-menace d'une particulière gravite pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite a son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

- - a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

- - b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu a disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court a compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. »

Il résulte de ce texte que la seconde demande de maintien en rétention administrative peut intervenir pour quatre motifs, un seul d'entre eux étant suffisant pour justifier la mesure;

 

L'autorité administrative justifie qu'une demande de laissez -passer a été formalisée le 4 mars 2024 auprès des autorités consulaires marocaines, avec une relance effectuée le 27 mars 2024.



La préfecture de la Charente-Maritime justifie avoir demandé au Consulat du Maroc le 31 janvier 2024 l'identification de M. [V] [H] comme étant un de ses ressortissants. Les autorités marocaines ont reconnu l'intéressé comme étant un de leurs ressortissants le 19 mars 2024.



Toutefois, l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte du défaut de délivrance des documents de voyage alors que le Maroc a reconnu M. [V] [H] comme l'un de ses ressortissants et qu'un routing avait été prévu pour le 16 avril 2024, retour qui n'a pu être mis en oeuvre en l'absence de ce laissez-passer.

 

Le préfet n'a aucun pouvoir de contrainte sur les autorités  consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse et alors que l'intéressé a utilisé plusieurs alias rendant son identification difficile.



Il n'est donc pas démontré l'absence de diligences des autorités préfectorales entre le 27 mars 2024 et le 2 avril 2024.



Comme relevé par le premier juge, il ne saurait être reproché aux services de la préfecture de ne pas avoir transmis la fiche pénale de l'intéressé avec la demande de laissez-passer consulaire le 2 avril 2024, ni suite à la demande faite par le service consulaire le 9 avril 2024, lequel ne figure pas expressément dans la liste des documents nécessaire pour l'obtention d'un laissez-passer consulaire, la transmission de l'arrêt de la cour d'assises des Pyrénées-Orientales confirmé par l'extrait du casier judiciaire fondant l'interdiction définitive du territoire français.



Les diligences prescrites par l'article L741-3 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile ont donc bien été effectuées.



Le casier judiciaire de M. [V] [H] démontre qu'il représente une menace pour l'ordre public puisqu'il a fait l'objet de deux interdictions judiciaires de territoire français prononcées les 27 janvier 2017 et 18 octobre 2019 à titre de peines complémentaires pour des faits de viols commis le 22 septembre 2010 et dans la nuit du 16 au 17 mars 2014.



Outre les peines criminelles, il a également été condamné à des peines délictuelles pour :

- des menaces de mort ou d'atteinte aux biens dangereuses pour les personnes à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique commis le 24 juillet 2012,

- violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'interruption temporaire totale de travail supérieure à 8 jours commis le 29 juin 2012.



Il s'évince du dossier qu'il est sans domicile stable et sans ressource légale, ne dispose d'aucun document de voyage et n'est titulaire que d'une carte d'identité marocaine expirée depuis le 24 juin 2020.









En l'état, faute de garanties de représentation effectives du fait de l'absence de document d'identité ou de voyage valables, en présence d'un risque de fuite évident, même s'il indique vouloir retourner au Maroc, la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [H] est le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

 

En conséquence, les conditions des articles L742-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile étant réunies, c'est à bon droit que le juge de première instance a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [H] pour une durée de 30 jours. En conséquence, son ordonnance sera confirmée.



- Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

 

M. [V] [H] n'ayant pas prospéré dans son appel, il n'y a pas lieu de faire droit à la  demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle. 

 

PAR CES MOTIFS



Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,



Déclarons l'appel recevable,



Disons n'y avoir lieu à statuer sur l'aide juridictionnelle provisoire conformément à l'article 19-1-9° de la loi du 10 juillet 1991 dans sa version modifiée par la loi du 29 décembre 2020,



Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 20 avril 2024 en toutes ses dispositions,



Déboutons Maître CHEVALLIER-CHIRON de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 al 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,



Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 



Le Greffier, La Conseillère déléguée,

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