23 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 24/00518

Rétention Administrative

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 23 AVRIL 2024



N° 2024/518





N° RG 24/00518 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM5OF



























Copie conforme

délivrée le 23 Avril 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 21 Avril 2024 à 12h27.







APPELANT



[E] se disant Monsieur [W] [J]

né le 26 Mars 2002 à [Localité 8] (Algérie) (99)

de nationalité Algérienne

Non comparant, représenté par Me Maëva LAURENS , avocat inscrit au Barreau d'Aix-en-Provence, commis d'office;





INTIME



Monsieur le préfet des BOUCHES-DU-RHÔNE

Représenté par Monsieur [U] [M];









MINISTÈRE PUBLIC :



Avisé et non représenté;

DEBATS





L'affaire a été débattue en audience publique le 23 Avril 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier.







ORDONNANCE



Contradictoire,



Prononcée par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2024 à 16h00,



Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier.






PROCÉDURE ET MOYENS



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;



Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 07 février 2024 par le préfet des BOUCHES-DU-RHÔNE, notifié à [E] se disant Monsieur [W] [J] le 16 février 2024 à 12h30 ;



Vu la décision de placement en rétention prise le 18 avril 2024 par le préfet des BOUCHES-DU-RHÔNE notifiée à [E] se disant Monsieur [W] [J] le 19 avril 2024 à 09h10 ;



Vu l'ordonnance du 21 Avril 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de [E] se disant Monsieur [W] [J] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours;



Vu l'appel interjeté le 22 avril 2024 à 10h56 par [E] se disant Monsieur [W] [J] ;



[E] se disant Monsieur [W] [J] n'a pas comparu, bien que régulièrement convoqué. Par mail de ce jour à 8h47, le greffe du centre de rétention administrative de [Localité 7] a informé le greffe de la cour du refus du susnommé de se rendre à l'audience de la cour, l'intéressé étant malade, courriel auquel était jointe la mention de service établie ce jour à 8h36 par le brigadier-chef de police [S] [H].



Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance querellée et la remise en liberté du retenu ou, à défaut, son assignation à résidence. Elle soutient que la procédure est irrégulière en ce que l'appelant n'a pas été assisté d'un interprète en langue arabe lorsqu'il a été invité à formuler des observations préalablement l'édiction de la mesure d'éloignement, ni lors de la notification de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire et de la décision de placement en rétention, carences faisant grief au retenu. Elle considère en outre que la décision de placement en rétention est dépourvue de base légale, en ce qu'il convient de considérer que la mesure d'éloignement n'a jamais été notifiée à [E] se disant Monsieur [W] [J], faute pour ce dernier d'avoir été assisté d'un interprète lors de la notification et d'avoir accepté de signer à cette occasion.



Le représentant de la préfecture a été entendu. Il déclare:

'Monsieur a déclaré ne pas avoir de problèmes de santé et d'être marié, il a dit qu'il voulait se rendre en Espagne. Il n'a pas demandé l'assistance d'un interprète et a repondu en langue française. Monsieur a une interdiction de l'espace Schengen. Je demande la confirmation de l'ordonnance du JLD.'


MOTIFS DE LA DÉCISION



1) Sur la recevabilité de l'appel



Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'



Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'



L'ordonnance querellée a été rendue le 21 avril 2024 à 12h27 et notifié à [E] se disant Monsieur [W] [J] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le 22 avril 2024 à 10h56 en adressant au greffe de la cour une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.



2) Sur le moyen tiré de l'absence de recours à un interprète



L'article L743-12 du CESEDA prévoit qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.



En application de l'article L. 141-3 du CESEDA, lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.



Il résulte des pièces du dossier que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire en date du 7 février 2024 et l'arrêté de placement en rétention ont été notifiés à [E] se disant Monsieur [W] [J] sans recours à un interprète en langue arabe. Si ce dernier a effectivement été assisté d'un interprète en langue arabe à l'occasion de la notification des arrêtés portant obligation de quitter le territoire des 16 janvier 2022 et 27 février 2023 et si sa fiche pénale mentionne l'arabe comme langue parlée principale, il ressort de la copie du registre de rétention que l'appelant parle et comprend le français, comme l'a précisé l'agent ayant procédé à son admission au centre de rétention et à une nouvelle notification des droits de la rétention, ce qu'a admis a minima [E] se disant Monsieur [W] [J] devant le premier juge en exposant parler 'un peu le français'. De plus, il sera relevé que l'intéressé a indiqué en première instance vivre en France depuis 2019, soit près de cinq années, durée permettant une maîtrise de la langue française et la compréhension des décisions d'éloignement et de placement en rétention. Enfin, la mention de la fiche pénale selon laquelle l'arabe est la 'langue parlée principale' du retenu n'exclut pas la maîtrise d'une autre langue.



Le moyen sera donc rejeté.



3) Sur le moyen tiré de l'absence de fondement légal de l'arrêté de placement en rétention



L'article L741-1 du CESEDA prévoit que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.



Selon les dispositions de l'article L731-1 du CESEDA, 'L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.'



Aux termes des dispositions de l'article L722-3 du CESEDA, 'L'autorité administrative peut engager la procédure d'exécution d'office de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français ou, s'il a été mis fin au délai accordé, dès la notification de la décision d'interruption du délai.'



Il résulte des dispositions susvisée que décision de placement en rétention ne peut être pris par l'autorité administrative que si elle est fondée sur une mesure d'éloignement exécutoire. Si le juge judiciaire n'est pas compétent pour connaître des contestations portant sur les conditions de notification de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire, il doit néanmoins s'assurer du caractère exécutoire de cette décision et donc qu'elle a été notifiée à l'étranger.



En l'espèce, le paragraphe de la décision d'éloignement relatif à la notification supporte un tampon du greffe du centre pénitentiaire [6] précisant que [E] se disant Monsieur [W] [J] a refusé de signer le 16 février 2024, ainsi que la mention de l'identité de l'agent notificateur et sa signature. Ces éléments établissent que la décision a été portée à la connaissance de l'étranger, ce qui vaut notification, le fait que l'intéressé ait refusé de signer étant sans incidence.



La décision de placement en rétention dispose donc bien d'un fondement légal.



Dès lors, le moyen sera rejeté.







4) Sur la mise en liberté et l'assignation à résidence



Selon les dispositions de l'article L743-13 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'



Aux termes des dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'



L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement.



En l'espèce, [E] se disant Monsieur [W] [J] ne dispose pas d'un passeport original en cours de validité et ne justifie pas d'un hébergement stable et permanent sur le territoire français. Surtout, sa volonté de départ, condition préalable à l'octroi d'une mesure d'assignation à résidence dont la vocation est aussi de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement, n'est pas établie, comme en atteste le défaut d'exécution des arrêtés portant obligation de quitter le territoire français de 2022 et 2023.



Faute de garanties de représentation, ses demandes d'assignation à résidence et de mise en liberté seront rejetées.



Aussi, l'ordonnance critiquée sera confirmée.





PAR CES MOTIFS





Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,



Déclarons recevable l'appel formé par [E] se disant Monsieur [W] [J],



Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 21 Avril 2024.





Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.





Le greffier, Le président,















Reçu et pris connaissance le :





[E] se disant Monsieur [W] [J]

né le 26 Mars 2002 à [Localité 8] (Algérie) (99)

de nationalité Algérienne

assisté de , interprète en langue arabe.











Interprète





























































































COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Service des Rétentions Administratives

[Adresse 4]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX01]

[XXXXXXXX03]

[Courriel 5]







Aix-en-Provence, le 23 Avril 2024





- Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHONE

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le directeur du Centre

de Rétention Administrative de [Localité 7]

- Maître Maeva LAURENS

- Monsieur le greffier du

Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE







OBJET : Notification d'une ordonnance.



J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 23 Avril 2024, suite à l'appel interjeté par :



[E] se disant Monsieur [W] [J]

né le 26 Mars 2002 à [Localité 8] (Algérie) (99)

de nationalité Algérienne



VOIE DE RECOURS



Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.









Le greffier,













Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

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