23 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 24/00516

Rétention Administrative

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 23 AVRIL 2024



N° 2024/00516





N° RG 24/00516 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM5MQ



























Copie conforme

délivrée le 23 Avril 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 21 Avril 2024 à 11h10.







APPELANT



Monsieur [R] [I]

né le 17 Juin 1992 à [Localité 5] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne

comparant en personne, assisté de Me Maëva LAURENS, avocat inscrit au Barreau d'Aix-en-Provence, commis d'office, et de Mme [U] [X], interprète en langue arabe inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence;







INTIME



Monsieur le préfet des BOUCHES-DU-RHÔNE

Représenté par Monsieur [N] [D];









MINISTÈRE PUBLIC :



Avisé et non représenté;

DEBATS





L'affaire a été débattue en audience publique le 23 Avril 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, Greffière.







ORDONNANCE



Contradictoire,



Prononcée par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2024 à 16h23,



Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier.






PROCÉDURE ET MOYENS



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;



Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 21 février 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône, notifié à M. [R] [I] le même jour à 15h11;



Vu la décision de placement en rétention prise le 18 avril 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône notifiée à M. [R] [I] le même jour à 16h50;



Vu l'ordonnance du 21 Avril 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de M. [R] [I] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours ;



Vu l'appel interjeté le 22 avril 2024 à 10h38 par M. [R] [I] ;



M. [R] [I] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare: 'Je confirme mon identité et ma date de naissance. Oui je suis de nationalité algérienne. Mon adresse est [Adresse 4] à [Localité 7]. Je vis avec ma compagne et mes enfants. Oui, j'ai besoin de Madame l'interprète. J'ai fait appel de la décision parce que je veux rester avec ma femme et mes enfants. Nous avons deux enfants scolarisés et un bébé. J'ai fait un nouveau recours pour contester l'OQTF. Je respecte la loi. J'ai fait un recours. Je verrai la décision. Si je n'ai pas le droit de rester en France, je quitterais la France. Je respecte la loi. Concernant les précédentes condamnations dont celle de vol aggravé et association de malfaiteurs : J'ai eu de mauvaises fréquentations, j'ai fait une bêtise. Je dois maintenant m'occuper de mes enfants. Je suis resté deux ans en prison et ensuite j'ai eu un bracelet.'



Son avocate a été régulièrement entendue. Elle demande à la cour de déclarer irrégulière la mesure de rétention du susnommé, d'infirmer l'ordonnance du premier juge et d'ordonner la remise en liberté de l'appelant ou, à défaut, son assignation à résidence. Elle invoque l'illégalité de la décision de placement en rétention, en ce qu'elle est insuffisamment motivée, procède d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux garanties de représentation de M. [I] et méconnaît le droit à la vie privée et familiale de l'intéressé et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle soutient que l'appelant n'a pas été en mesure de fournir des informations sur sa situation, notamment de contacter sa compagne pour justifier de sa contribution à l'entretien et l'éducation de ses enfants. Elle reproche aux fonctionnaires de police de ne pas avoir procédé à des vérifications portant sur l'adresse déclarée de l'intéressé. Elle ajoute que l'adresse de l'appelant sur le territoire et la remise d'une copie de son passeport périmé justifiaient l'octroi d'une assignation à résidence. Elle soutient enfin que le préfet n'a pas motivé la violation de la vie privée et familiale que représente le placement en rétention.



Le représentant de la préfecture a été entendu. Il déclare:

'- Arrêté motivé en fait et en droit;

- L'OQTF a été confirmée par le TA le 15/03/2024;

- Monsieur ne justifie pas qu'il contribue à l'entretien des enfants;

- Pas en possession de passeport;

- Défavorablement connu des services de police ;

- Se maintient irrégulièrement sur le territoire français ;

- Placement proportionné à la situation de monsieur ;

- Demande de rejet d'assignation à résidence;

- Confirmation de l'ordonnance .'




MOTIFS DE LA DÉCISION



1) Sur la recevabilité de l'appel



Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'



Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'



L'ordonnance querellée a été rendue le 21 avril 2024 à 11 h10 et notifié à M. [I] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le 22 avril 2024 à 10h38 en adressant au greffe de la cour une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.



2) Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention



Aux termes de l'article L741-1 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, l'autorité administrative peut placer en rétention pour une durée de 48 heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L 612-3.



Ce dernier article dispose que le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.



Aux termes de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.



La décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [R] [I] et énonce les circonstances qui justifient l'application de ces dispositions.



En l'occurrence, le représentant de l'Etat relève que:

- Il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du susnommé, certes père de trois enfants, mais qui n'établit pas contribuer à leur entretien et à leur éducation; La famille de l'intéressé réside dans son pays d'origine; Sa compagne, résidente algérienne, pourra solliciter un regroupement familial lorsque l'intéressé aura effectivement quitter le territoire français;

- La durée nécessairement limitée de la mesure de rétention ne permet pas d'invoquer une atteinte au droit à la vie privée et familiale de l'étranger, ce dernier pouvant recevoir la visite de sa famille au centre de rétention et la contacter;

- L'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation, ne disposant pas d'un passeport original en cours de validité et ne justifiant pas d'un hébergement permanent sur le territoire français; Il s'est soustrait à la mesure d'éloignement fondant le placement en rétention et est défavorablement connu des services de police sous plusieurs identités;

- Le susnommé constitue une menace à l'ordre public, ayant été condamné le 5 mai 2021 par le tribunal correctionnel de Tarascon à la peine de cinq ans d'emprisonnement dont un an avec sursis pour faits de vols aggravés et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement;

- Si M. [I] a formulé des observations sur sa situation personnelle, il ne justifie pas d'un état de vulnérabilité s'opposant à son placement en rétention, étant précisé qu'il pourra le cas échéant bénéficier d'un traitement médical au centre de rétention et/ou le poursuivre.



Ces circonstances correspondent aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision, étant précisé que ce dernier n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger, dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux.



Ainsi, il sera observé que la décision critiquée est particulièrement motivée. Au demeurant, l'appelant ne saurait sérieusement soutenir qu'il n'a pas pu contacter sa compagne. En effet, si l'intéressé a indiqué lors de la notification des droits de la retenue ne pas vouloir la faire prévenir, il sera relevé que les fonctionnaires de police ont procédé à l'audition de celle-ci le 18 avril 2024 à 13h40 après qu'elle a été informée du placement en retenue de son compagnon. Elle a à cette occasion remis divers documents aux policiers, notamment l'acte de naissance de leurs trois enfants communs, une attestation d'hébergement à son domicile et la copie périmée du passeport de M. [I].



De plus, ce dernier ne saurait invoquer une atteinte à son droit à la vie privée et familiale, ainsi qu'une atteinte aux droits de ses enfants, la mesure de rétention étant légalement limitée à trois mois et le retenu ayant la possibilité de recevoir la visite de ses proches au centre de rétention ou de les contacter par téléphone, ce qu'a d'ailleurs justement relevé le préfet dans l'arrêté.



Enfin, le maintien du susnommé sur le territoire français après son élargissement du centre de rétention de [Localité 8] le 24 février dernier, placement en rétention alors fondé sur l'arrêté du 21 février 2024, caractérise son refus d'exécuter la mesure d'éloignement.



En conséquence, l'arrêté comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et M. [R] [I] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire. C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.



Il convient, dans ces conditions, de rejeter la contestation de l'arrêté de placement en rétention.



3) Sur la mise en liberté et l'assignation à résidence



Selon les dispositions de l'article L743-13 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'



Aux termes des dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'



L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement.



En l'espèce, M. [R] [I] n'a pas remis préalablement à l'audience de la cour son passeport original à un service de police ou de gendarmerie. Cette seule carence constitue un obstacle à l'octroi d'une assignation à résidence. De surcroît, cette dernière mesure suppose établie la volonté de départ de l'étranger. Or, celle-ci fait défaut en l'espèce, comme en atteste le maintien de l'intéressé sur le territoire français depuis son élargissement du centre de rétention de [Localité 8] le 24 février dernier.



Dès lors, faute de garanties de représentation, ses demandes de mise en liberté et d'assignation à résidence seront rejetées.



Aussi, l'ordonnance du premier juge sera confirmée.



PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,



Déclarons recevable l'appel formé par M. [R] [I],

Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 21 Avril 2024.



Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.



Le greffier, Le président,







Reçu et pris connaissance le :





Monsieur [R] [I]

né le 17 Juin 1992 à [Localité 5] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne

assisté de , interprète en langue arabe.











Interprète





















COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX01]

[XXXXXXXX03]

[Courriel 6]







Aix-en-Provence, le 23 Avril 2024





- Monsieur le préfet des BOUCHES-DU- RHÔNE

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le directeur du Centre

de Rétention Administrative de [Localité 7]

- Maître Maeva LAURENS

- Monsieur le greffier du

Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE



OBJET : Notification d'une ordonnance.



J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 23 Avril 2024, suite à l'appel interjeté par :



Monsieur [R] [I]

né le 17 Juin 1992 à [Localité 5] (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne



VOIE DE RECOURS



Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.



Le greffier,



Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

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