19 avril 2024
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 23/01683

Comm.d'indemn.de la dét.

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS



PREMIÈRE PRÉSIDENCE



RÉPARATION A RAISON D'UNE DÉTENTION









DÉCISION du :

19/04/2024





I.D.P N° :

9/2023





N° RG 23/01683 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2JO





Arrêt N° :







NOTIFICATIONS le : 19/04/2024

[Y] [S]

Me Magalie CASTELLI MAURICE



L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT.





PARTIES EN CAUSE



Monsieur [Y] [S], demeurant [Adresse 1]



NON COMPARANT .

Représenté par Me Magalie CASTELLI MAURICE, avocat au barreau d'ORLEANS



Demandeur suivant requête en date du : 03 Août 2023



L'agent judiciaire de l'Etat



représenté par Me Johan HERVOIS, avocat au barreau de ORLEANS



Le ministère public



représenté par Madame Christine TEIXIDO, Avocat Général.



COMPOSITION DE LA COUR



Président : Sébastien EVESQUE, Conseiller à la Cour d'Appel d'Orléans, en remplacement de Madame la première présidente par ordonnance n°279/2023 en date du 25 septembre 2023



Greffier : Madame Fatima HAJBI, greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.









DÉROULEMENT DES DÉBATS :



A l'audience publique du 15 Mars 2024, ont été entendus:



Me Magalie CASTELLI MAURICE, Conseil du requérant, en ses explications,



Me Johan HERVOIS, Conseil de l'agent judiciaire de l'État en ses explications,



Le Ministère Public en ses réquisitions,



L'Avocat du requérant ayant eu la parole en dernier



Le Conseiller faisant fonction de Premier Président,statuant a ensuite déclaré que la décision serait prononcée le 19 Avril 2024.



DÉCISION:



Prononcé le 19 AVRIL 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.



Le Conseiller faisant fonction de Premier Président,statuant en application des articles 149 et suivants du Code de procédure pénale,



Assistée de Madame Fatima HAJBI, greffier,



Sur la requête en date du 27 juillet 2023, reçue au greffe le 1er août 2023 et enregistrée sous le numéro IDP 9/2023 -° N° RG 23/01683 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2JO concernant [Y] [S].



Vu les pièces jointes à la requête,



Vu les conclusions, régulièrement notifiées,




de l'Agent Judiciaire de l'État, du 04 octobre 2023 reçues au greffe le 05 octobre 2023,

du Procureur Général près cette Cour, du 16 octobre 2023,




Vu la lettre recommandée avec demande d'avis de réception par laquelle a été notifiée le 13 février 2024, la date de l'audience, fixée au 15 MARS 2024.



Les débats ayant eu lieu, en l'absence d'opposition en audience publique, au cours de laquelle ont été entendus Me Magalie CASTELLI MAURICE, Conseil du requérant, représentant l'Agent Judiciaire de l'État, Madame Christine TEIXIDO, Avocat Général, le Conseil du demandeur ayant eu la parole en dernier lieu.




FAITS ET PROCÉDURE



M. [Y] [L] a été incarcéré le 20 décembre 2019 en application de l'ordonnance de placement en détention provisoire du vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention du même jour.



Par son ordonnance du 30 mars 2020, le juge placé aux fonctions spécialisées de juge d'instruction au tribunal judiciaire d'Orléans a ordonné la mise en liberté assortie du contrôle judiciaire de M. [Y] [L].



Par son jugement correctionnel du 7 février 2023, la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d'Orléans a relaxé M. [Y] [L] des fins de la poursuite.



Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours et est devenu définitive.



Par requête arrivée au greffe de la cour d'appel d'Orléans le 1er août 2023, M. [Y] [L] présentait une demande d'indemnisation se fondant sur les articles 149 et suivants du code de procédure pénale.



Cette requête a été transmise par le greffe de la cour d'appel le 7 août 2023 au procureur général près la cour d'appel en copie et, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du même jour, reçue le 9 août 2023, à l'agent judiciaire de l'État.



L'agent judiciaire de l'État a adressé ses conclusions à la cour le 5 octobre 2023. Elles ont été transmises au conseil de M. [Y] [L] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 5 octobre 2023 et reçue le 9 octobre 2023.

Elles ont été transmises en copie au procureur général le 5 octobre 2023.



Le ministère public a adressé ses conclusions à la cour le 16 octobre 2023. Ces conclusions ont été transmises au conseil de M. [Y] [L] et au conseil de l'agent judiciaire de l'État par lettres recommandées avec accusé de réception adressées le 24 octobre 2023 et reçues respectivement le 25 octobre 2023 et le 31 octobre 2023.



Les parties ont été convoquées à l'audience du 15 mars 2024 par lettres recommandées avec accusé de réception adressées le 13 février 2024 et reçues le 16 février 2024.



Elles ont comparu, soutenant chacune oralement les conclusions déposées.



L'affaire a été mise en délibéré avec indication que la décision serait rendue le 19 avril 2024.



MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Dans sa requête reçue le 1er août 2023 et à laquelle la cour renvoie pour de plus amples développements, M. [Y] [L] expose avoir été placé en détention provisoire du 20 décembre 2019 au 30 mars 2020. Il précise avoir fait l'objet d'une relaxe suite au jugement du tribunal correctionnel d'Orléans du 7 février 2023.



Il évoque avoir subi une détention injustifiée pendant 93 jours.



Au titre de ses préjudices, il sollicite l'indemnisation d'une perte de chance de devenir brancardier. Il sollicite à ce titre la somme de 5 000,00 euros.



Au titre de son préjudice moral, il expose les éléments suivants :


Le choc carcéral subi est aggravé par son absence de passé carcéral, par son jeune âge et par son insertion professionnelle ;

Son préjudice est aggravé par la séparation d'avec sa famille au moment des fêtes de fin d'année et l'impossibilité d'obtenir un parloir avant le 20 février 2021.




Il sollicite la somme de 10 000,00 euros en réparation de son préjudice moral.



Il sollicite enfin que lui soit versée la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



***

Par ses conclusions arrivées à la cour d'appel le 5 octobre 2023, auxquelles la cour renvoie pour de plus amples développements, l'agent judiciaire de l'État présente les arguments et moyens suivants :


La recevabilité de la requête n'est pas contestée ;

Le casier judiciaire de M. [Y] [L] ne portait la trace d'aucune mention ;

Le requérant ne justifie pas d'une insertion particulière, notamment professionnelle, au moment de son placement en détention provisoire ;

L'éloignement d'avec son père résulte en réalité de son déménagement plus d'un an avant son placement en détention provisoire et il n'établit pas être particulièrement proche des autres membres de sa famille ;

Son incarcération est demeurée relativement brève ;

M. [Y] [U] effectuait une simple période de mise en situation en milieu professionnel et n'avait pas l'intention de devenir brancardier ;

Il ne justifie d'aucun diplôme ni d'avoir occupé un quelconque emploi dans les mois ayant précédé ou suivi son placement en détention provisoire.




L'agent judiciaire de l'État conclut, à ce que la somme mise à la charge de l'État au titre de la réparation du préjudice moral de M. [Y] [L] soit réduites à de plus justes proportions, qu'il soit débouté de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou, à titre subsidiaire, que celle-ci soit réduite à de plus justes proportions et qu'il soit débouté de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

***



Par des écritures reçues le 16 octobre 2023, le procureur général propose qu'il soit alloué à M. [Y] [L] la somme de 8 000,00 euros au titre de son préjudice moral. Il demande que le requérant soit débouté de ses prétentions au titre de la perte de chance et propose que la somme de 800,00 euros lui soit octroyée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Les parties ont été régulièrement convoquées et entendues à l'audience tenue le 15 mars 2023.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la recevabilité de la requête



Selon les dispositions combinées des articles 149-1, 149-2 et R. 26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.



Il lui appartient, dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la décision a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire.



L'article R. 26 du code de procédure pénale précise que le délai de six mois prévu à l'article 149-2 ne court à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive que si, lors de la notification de cette décision, la personne a été avisée de son droit de demander une réparation ainsi que des dispositions de l'article 149-1,149-2 et 149-3 (premier alinéa).



La présente requête a été reçue au greffe de la cour d'appel le 1er août 2023.



Le jugement correctionnel prononçant la relaxe de M. [Y] [L] a été rendu le 7 février 2023.



La requête a donc été introduite dans le délai de six mois, prévu à l'article 149-2 du code pénal et elle est ainsi recevable.



Sur la durée de la période à indemniser



Il ressort des éléments versés au dossier que M. [Y] [L] a été placé en détention provisoire 20 décembre 2019 au 30 mars 2020.



En application des dispositions des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, la période d'incarcération ouvrant droit à indemnisation a donc couru pendant 102 jours.



C'est cette période qui sera prise en compte pour calculer le montant de l'indemnisation.



Sur le préjudice moral



M. [Y] [L] a fait l'objet d'une détention provisoire non justifiée pour une durée de 102 jours.



La privation de liberté entraîne nécessairement un préjudice moral résultant du choc ressenti par une personne injustement privée de liberté.



Il est constant que le casier judiciaire de M. [Y] [L] ne portait la trace d'aucune mention au moment de son placement en détention provisoire et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une incarcération. Son préjudice moral est donc augmenté du fait de l'importance du choc carcéral subit.



M. [Y] [L] soutient que son préjudice serait également renforcé du fait de la séparation d'avec ses parents, notamment au moment des fêtes de fin d'année. Si l'agent judiciaire de l'Etat soutient que le requérant ne justifie pas de l'intensité de ses liens familiaux, il ressort des éléments de la procédure que M. [Y] [L] était bien domicilié chez sa mère au moment de son placement en détention. Il apparaît également que le conseil de M. [Y] [L] a sollicité le juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Orléans par courrier du 4 février 2020 indiquant que les parents de M. [Y] [L] n'avaient pas été en mesure d'obtenir un parloir malgré leurs demandes. Dans ces conditions, le requérant établit bien la réalité des liens invoqués, à tout le moins avec sa mère, ainsi que la séparation renforcée par l'absence de parloir, notamment au moment des fêtes de fin d'année.



Son préjudice moral est donc renforcé de ce fait.



Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice moral pour la détention provisoire de M. [Y] [L] est indemnisé par la somme de 9 000,00 euros.





Sur le préjudice matériel



M. [Y] [L] sollicite la somme forfaitaire de 5 000,00 euros en réparation de son préjudice tiré de la perte de chance de devenir brancardier. Outre que le montant sollicité n'est pas justifié dans son quantum, le requérant ne fait état d'aucune qualification particulière ni d'aucun projet professionnel réel, la période d'activité invoquée au sein du centre hospitalier régional d'[Localité 2] n'étant en réalité qu'une période de 18 jours de mise en situation en milieu professionnel non rémunérée dans le cadre d'une convention avec l'agence [3].



Dans ces conditions, il ne démontre pas la réalité de la perte de chance de percevoir des revenus invoquée et sa demande à ce titre sera rejetée.



Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Aucune convention d'honoraires, devis ou facture de nature à établir le montant des honoraires sollicités par son conseil dans le cadre de la présente instance n'étant produite, il sera alloué à M. [Y] [L] une indemnité de procédure de 1 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement par décision susceptible de recours devant la commission nationale de réparation des détentions,



DÉCLARE M. [Y] [L] recevable en sa requête en indemnisation,



ALLOUE à M. [Y] [L] la somme de 9 000,00 euros (NEUF MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral,



DÉBOUTE M. [Y] [L] de ses demandes au titre de la perte de chance,



ALLOUE à M. [Y] [L] la somme de 1 000,00 euros (MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



LAISSE les dépens à la charge du Trésor public,



RAPPELLE que cette décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit,



DIT que la présente décision sera notifiée à la requérante et à l'agent judiciaire de l'État dans les formes prescrites à l'article R. 38 du code de procédure pénale et qu'une copie en sera remise au procureur général près la cour d'appel d'Orléans.



La présente décision a été signée par Monsieur Sébastien Evesque, conseiller faisant fonction de premier président, et Madame Fatima Hajbi, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.











Le greffier,





[E] [G]







Le conseiller faisant fonction de Premier Président,







[D] [N]

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