18 avril 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 21/05831

CHAMBRE 1 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 18/04/2024





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N° de MINUTE :

N° RG 21/05831 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6XI



Jugement (N° 20/03331)

rendu le 19 octobre 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Valenciennes







APPELANT



Monsieur [X] [J]

né le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 10] (Algérie)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 7]



bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/012786 du 17/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai



représenté par Me Julie Cambier, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué



INTIMÉE



Madame [Y] [G]

née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 11]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 6]



défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 5 janvier 2021 à l'étude de l'huissier



DÉBATS à l'audience publique du 31 août 2023, tenue par Camille Colonna magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller



ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024 après prorogation du délibéré en date du 30 novembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 juillet 2023



****



M. [X] [J] et Mme [Y] [G] se sont mariés le [Date mariage 8] 1992 à [Localité 12] sans contrat de mariage préalable.



Par ordonnance de non-conciliation en date du 25 juin 2008, le juge conciliateur a attribué la jouissance du domicile conjugal, situé [Adresse 2], à M. [J], à titre onéreux et à charge pour lui de faire l'avance du crédit, sous réserve des droits des parties dans la liquidation de leur communauté.



Par jugement en date du 14 avril 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes a, notamment, prononcé la dissolution du mariage des époux et ordonné la liquidation des droits respectifs des parties découlant du régime matrimonial.



Par jugement contradictoire du 19 octobre 2021, ledit juge, saisi par M. [J], a notamment :

- constaté qu'en l'absence de contrat de mariage, M. [J] et Mme [G] étaient mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts,

- constaté que les effets du divorce dans les rapports entre époux en ce qui concernait leurs biens remontaient au 25 juin 2008, date de 1'ordonnance de non-conciliation,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [J] et Mme [G], celles-ci étant déjà ouvertes, et commis pour y procéder Maître [A] [N], notaire à [Localité 11], sous la surveillance du juge aux affaires familiales de Valenciennes,

- dit que M. [J] détenait une créance sur l'indivision au titre du remboursement des crédits immobiliers du 4 juin 2008 au 15 octobre 2014 soit un montant total de 39 457,68 euros,

- débouté M. [J] du surplus de sa demande de créance au titre des taxes foncières,

- dit que M. [J] était redevable d'une indemnité d'occupation à l'indivision en contre partie de la jouissance privative de l'ancien domicile conjugal entre le 13 avril 2013 et le 13 avril 2018,

- dit que le notaire aurait pour mission de convoquer les parties et de demander la production de tout document utile à l'accomplissement de sa mission, faire une proposition sur le montant de 1'indemnité d'occupation due par M. [J], réaliser un inventaire des biens mobiliers et procéder leur évaluation, établir les comptes entre les parties et 1'indivision, fournir tout renseignement permettant de fixer le montant des droits respectifs des parties dans l'indivision,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens et ordonné leur emploi en frais privilégiés de partage.



M. [J] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses conclusions notifiées le 17 février 2022, demande à la cour, au visa des articles 815-9, 815-13 et 2224 du code civil et des articles 122 et 123 du code de procédure civile, de réformer ledit jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de créance au titre des taxes foncières, dit qu'il était redevable d'une indemnité d'occupation à l'indivision pour la jouissance privative de l'immeuble indivis entre le 13 avril 2013 et le 13 avril 2018, dit que le notaire aurait pour mission de faire une proposition sur le montant de l'indemnité d'occupation qu'il doit et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, et, statuant à nouveau, de :

- dire qu'il détient une créance sur l'indivision au titre du règlement des taxes foncières,

- dire que le notaire aura pour mission de faire une proposition sur le montant de la créance qu'il détient sur l'indivision au titre du règlement des taxes foncières,

- débouter Mme [G] de sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation à son préjudice et au bénéfice de l'indivision,

- subsidiairement, fixer l'indemnité d'occupation qu'il doit à l'indivision à hauteur de 218,75 euros par mois,

- dire et juger, en tout état de cause, qu'une éventuelle indemnité d'occupation ne peut être due que pour la période comprise entre le 21 janvier 2016 et le 16 avril 2018,

- débouter Mme [G] de ses demandes plus amples ou contraires et statuer ce que de droit sur les dépens.



Il est renvoyé à ses conclusions pour le détail de son argumentation.



Mme [G] n'a pas constitué avocat devant la cour malgré la signification qui lui a été faite de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelant.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la demande de reconnaissance d'une créance sur l'indivision au titre des taxes foncières



Selon l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.



M. [J] ne produit en cause d'appel que l'avis d'imposition émis le 13 août 2013 concernant la taxe foncière relative à l'immeuble indivis. Cet avis est établi à son nom, à l'adresse de l'ancien domicile conjugal, mais le règlement n'en est pas démontré, la cour observant que, sur la période suivant l'émission de cet avis, aucun débit du compte bancaire de M. [J] dont le numéro concorde avec celui mentionné sur le TIP détachable de cet avis ne correspond au paiement de cette créance.



Aucun élément n'est produit concernant les autres années.



La proposition de liquidation des droits de chacun faite par Mme [G] dans le cadre de la première instance ne peut se comprendre comme acquiescement de sa part à la revendication de créance de M. [J] au titre des impôts dès lors qu'elle ne portait aucun montant à ce titre au crédit de ce dernier.



M. [J] n'apporte donc pas la preuve de l'existence et du quantum de la créance qu'il revendique à ce titre et c'est à bon droit que le premier juge l' en a débouté, ce chef devant être confirmé.



En conséquence, sa demande tendant à voir dire que le notaire aura pour mission de faire une proposition sur le montant de la créance qu'il détient sur l'indivision au titre du règlement des taxes foncières est sans objet et il en sera débouté.



Sur l'indemnité d'occupation



L'article 815-9 du code civil dispose notamment que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.



Il est constant que la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait, pour les coïndivisaires, d'user de la chose indivise et que l'indemnité n'est pas due si l'occupation de l'immeuble par un indivisaire n'exclut pas la même utilisation par ses coïndivisaires.



La jouissance privative du bien a été accordée à M. [J], à titre onéreux, par l'ordonnance de non-conciliation du 25 juin 2008, de sorte que Mme [G] était dans l'impossibilité de droit d'user de l'immeuble.



M. [J] soutient néanmoins que, la vie commune au domicile conjugal ayant repris après l'ordonnance de non-conciliation, il n'a pas eu la jouissance exclusive du bien indivis et n'est donc redevable d'aucune indemnité d'occupation.



Il produit les attestations de paiement de la Caisse d'Allocations Familiales pour octobre 2008, mai 2009, décembre 2012 et janvier 2013 dont il se déduit que M. [J] et Mme [G] déclaraient alors demeurer ensemble, avec leur fille [S], au [Adresse 2].

D'autres pièces confirment la reprise de la vie conjugale et l'établissement de Mme [G] à cette adresse sur la période postérieure à l'ordonnance de non-conciliation': courrier du CH de [Localité 11] du 18/10/2012 reprenant que M. [J] déclare « vivre avec son épouse'», procès-verbal de plainte de M. [J] du 18/08/2012 mentionnant qu'il déclare: « depuis que je me suis remis avec mon ex femme, Mme [G] [Y], il y a quatre mois environ, je ne cesse de recevoir des appels téléphoniques de son ex ami M. [R] qui a vécu avec elle...'» ; courrier de leur fille commune indiquant « Je soussignée Melle [J] [S] atteste avoir quitté le domicile de mes parents courant de l'année 2013. Pour faire valoir ce que de droit'».)



La présomption d'occupation exclusive de l'immeuble par M. [J] tirée de l'attribution judiciaire de la jouissance à ce dernier est donc démentie par ces pièces témoignant de l'occupation du bien par les deux coïndivisaires après l'ordonnance de non-conciliation et Mme'[G], à qui il incombe dès lors de le faire, s'abstient de démontrer la jouissance exclusive de M. [J] sur tout ou partie de la période non couverte par la prescription au titre de laquelle elle sollicitait le bénéfice d'une indemnité d'occupation. La circonstance que la vie commune ait été discontinue et que l'occupation du bien par M. [J] n'ait pas été effective lors de sa période d'incarcération d'octobre 2014 à octobre 2018 ne permet pas de déduire que Mme [G] aurait été privée d'accès à l'immeuble à la suite de sa réinstallation en ce lieu ni, le cas échéant, à compter de quelle date, étant précisé qu'il ressort de la copie du livret de famille de M.'[J] qu'au cours de son incarcération, il a épousé Mme [V] [I], et de l'avis d'impôt sur les revenus 2019 qu'à l'issue de cette incarcération, le couple n'était pas domicilié à [Localité 7] mais [Adresse 9].



Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [J] était redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision en contre partie de la jouissance privative de l'ancien domicile conjugal entre le 13 avril 2013 et le 13 avril 2018 et que le notaire aurait pour mission de faire une proposition sur le montant de cette indemnité.



***



La nature du litige justifie que les dépens soient employés en frais privilégiés de partage.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant dans les limites de l'appel,



infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que M. [X] [J] était redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision pour sa jouissance privative de l'immeuble indivis entre le 13 avril 2013 et le 13 avril 2018,

- dit que le notaire aurait pour mission de faire une proposition sur le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [X] [J],



statuant à nouveau de ce chef, déboute Mme [Y] [G] de sa demande de paiement d'une indemnité d'occupation par M. [J],



confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,



dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.







Le greffier





Delphine Verhaeghe







Le président





Bruno Poupet

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