18 avril 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 23/04092

7ème Ch Prud'homale

Texte de la décision

7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°121/2024



N° RG 23/04092 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T5KI













SDMI



C/



M. [P] [F]

















Copie exécutoire délivrée

le :18/04/2024



à : Me LHERMITTE

Me BIHAN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 13 Février 2024 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial



En présence de Monsieur [R] [A], médiateur judiciaire



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****





APPELANTE :



SDMI -SOCIETE DE DIFFUSION DE MAISONS INDIVIDUELLES (MAISONS SOCOREN) Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Christelle VERDIER de la SARL TGS FRANCE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES substituée par Me BRECHET, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE,Postulant, avocat au barreau de RENNES



INTIMÉ :



Monsieur [P] [F]

né le 11 Octobre 1982 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Comparant en personne, assisté de Me Gwendal BIHAN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES








EXPOSÉ DU LITIGE



La SAS Société de diffusion de maisons individuelles (SDMI) est spécialisée dans la construction de maisons individuelles. Elle applique l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975.



Le 26 octobre 2021, M. [P] [F] était engagé en qualité de représentant en contrat à durée indéterminée par la SDMI ayant pour nom commercial 'Maisons Socoren'. Sa rémunération comportait une part fixe et une part variable selon les commissions sur les maisons vendues et les sur-commissions en rapport avec l'objectif du nombre de ventes.



Le 16 novembre 2022, les parties signaient une rupture conventionnelle. Le contrat prenait effectivement fin le 21 décembre 2022.



 ***



M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes dans sa formation en référé par requête en date du 27 avril 2023 afin de voir :

- Condamner la société SDMI Maisons Socoren à payer à titre de provision 5 964,00 euros

- Ordonner la communication par la société de 1'état d'avancement de l'ensemble des maisons pour lesquelles M. [F] est intervenu pendant son contrat de travail, avec précision selon laquelle les travaux ont démarré ou non

- Condamner la société SDMI Maisons Socoren à communiquer cet état d'avancement sous 15 jours maximum à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai de 15 jours et le tout sur une période de 3 mois après quoi il sera à nouveau avisé.

- Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte

- Article 700 du code de procédure civile : 2 000,00 euros

- Entiers dépens



La SAS SDMI a demandé au conseil de prud'hommes de :

A titre principal

- Se déclarer incompétent dans la mesure où l'affaire présente une contestation sérieuse, et qu'il n'existe aucun caractère d'urgence



A titre subsidiaire

- Débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions



En tout état de cause

- Condamner M. [F] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Par ordonnance de référé en date du 14 juin 2023, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Ordonné à la société SDMI Maisons Socoren de verser à M. [F] la somme de 3964 euros au titre des commissions dues

- Ordonné à la société SDMI Maisons Socoren de verser à M. [F] la somme de 2000 euros au titre de la prime 'Challenge "

- Ordonné à la société SDMI Maisons Socoren de remettre à M. [F] l'état d'avancement des différentes maisons sur lesquelles il est intervenu sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la présente décision.

- Dit que la liquidation éventuelle de l'astreinte sera du ressort de la formation de référé du conseil de prud'hommes.





- Condamné la société SDMI Maisons Socoren à verser à M. [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



- Dit que la société SDMI Maisons Socoren supportera les dépens y compris les frais éventuels d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente ordonnance.



***

La SAS SDMI a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 6 juillet 2023.



En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 12 février 2024, la SAS SDMI demande à la cour d'appel de :

- Réformer le jugement du conseil de prudhommes de Rennes ce qu'il a :

- Reconnu la compétence de la formation de référé pour statuer sur les demandes de M. [F] ;

- Ordonné le versement par la société SDMI à M. [F] la somme de 3964 euros au titre des commissions dues ;

- Ordonné le versement par la société SDMI à M. [F] la somme de 2000 euros au titre de la prime « challenge » ;

- Ordonné la remise sous astreinte de l'état d'avancement des différentes maisons sur lesquelles est intervenu M. [F], sous astreinte de 200 euros par jour de retard

- Condamné la société SDMI aux dépens et à payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles ;



Et statuant à nouveau,

A titre principal :

- Déclarer la formation de référé incompétente au regard de l'existence d'une contestation sérieuse et en débouter M. [F] de toutes ses demandes fins et conclusions.



A titre subsidiaire :

- Débouter M. [F] de sa demande relative à la prime

« Challenge »



En tout état de cause :

- Débouter M. [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner M. [F] à verser à la Société SDMI la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.



La société SDMI fait valoir en substance que:



- La formation de référé du conseil de prud'hommes n'a pas statué sur l'exception d'incompétence dont elle était saisie ; elle ne s'est pas prononcée sur la notion d'urgence et sur l'existence d'une contestation sérieuse;



- Il existe une difficulté sérieuse liée à la notion d'exigibilité des commissions; en vertu de l'article 15 du contrat de travail, les commissions ne sont définitivement acquises qu'au démarrage du chantier, sans survenance de résiliation ou d'annulation ; les commissions réclamées par M. [F] entrent bien dans la définition des commissions de retour sur échantillonnage (ventes signées avant la rupture du contrat de travail mais dont les chantiers n'ont pas encore démarré) ; ces commissions sont dues tous les trois mois selon état trimestriel ;







- M. [F] est irrecevable à formuler une demande nouvelle en cause d'appel au titre du chantier [T]/[E] ; cette nouvelle demande conforte la position de la société sur le fait que le paiement des commissions n'est pas acquis, le calendrier prévu au contrat de travail s'appliquant ;



- Aucun des chantiers pour lesquels une commission est sollicitée n'a fait l'objet d'un démarrage ; le 27 avril 2023, M. [I], directeur commercial, n'avait pas connaissance de l'ouverture du chantier [J] [N], l'ouverture du chantier ayant été déclarée le 2 mai 2023 ; la commission afférente à ce chantier a été versée à M. [F] ;



- Concernant la prime de challenge, si M. [F] a réalisé 4 ventes entre le 1er juin et le 31 juillet 2022, aucun des chantiers concernés n'avait démarré à la date de son départ ; la prime n'est donc pas due ; le conseil de prud'hommes n'a pas respecté les règles de preuve ;



- L'état d'avancement des chantiers est trimestriel et M. [F] a été destinataire de ce document en juillet 2023, novembre 2023 et janvier 2024 ; la société a respecté ses obligations et la demande de communication sous astreinte n'est pas fondée ;



- Il n'est pas dû de sur-commission puisque son versement suppose que sur un exercice social courant du 1er avril de l'année N au 31 mars de l'année N+1, le nombre de ventes soit supérieur à 18 ; les ventes sur appels d'offre sont en outre exclues de la base de calcul ; compte-tenu de l'arrivée de M. [F] au mois d'août 2021, le nombre de ventes proratisé n'était pas atteint ; sur l'année 2022, il devait réaliser 18 ventes pour bénéficier de la sur-commission, ce qui n'a pas été le cas ;



- Aucun abus de procédure ne peut être reproché à la société.



En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 7 février 2024, la M. [F] demande à la cour d'appel de :

- Confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, à savoir en ce qu'elle a ordonné le paiement par la société SDMI Maisons Socoren et par provision à M. [F] des sommes de :

-3 964 euros au titre des commissions dues

-2 000 euros au titre de la prime challenge

-1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais éventuels d'huissier en cas d'exécution forcée.



Au surplus,

- Ordonner la communication par la société SDMI Maisons Socoren de l'état d'avancement au jour de l'arrêt à intervenir de l'ensemble des maisons pour lesquelles M. [F] est intervenu pendant son contrat de travail, avec précision selon laquelle les travaux ont démarré ou non.

- Condamner la société SDMI Maisons Socoren à communiquer cet état d'avancement sous 15 jours maximum à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai de 15 jours et le tout sur une période de 3 mois après quoi il sera à nouveau avisé.

- Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte.



En toute hypothèse,

- Débouter la société SDMI Maisons Socoren de toutes ses demandes, fins et conclusions

- Condamner la société SDMI Maisons Socoren à payer à M. [F] une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil et 559 du code de procédure civile.





- Condamner la société SDMI Maisons Socoren à payer à M. [F] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au stade de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel y compris les frais éventuels d'huissier en cas d'exécution forcée.



M. [F] fait valoir en substance que:



- Le juge des référés est compétent pour allouer une provision dès lors que la demande ne se heurte pas à une contestation sérieuse, ce qui est le cas en l'espèce ;



- Lorsqu'il a fait délivrer l'assignation en référé, il n'était pas réglé de certaines commissions dues, le contrat de travail prévoyant 4 événements générateurs du paiement de la commission: notification du CCMI au maître d'ouvrage, transmission de l'accord de prêt bancaire, transmission du permis de construire et signature de l'acte définitif de vente devant notaire ; chaque événement oblige la société SDMI à payer 25% de la commission ; la société est de mauvaise foi puisqu'elle a maintenu son opposition à paiement devant la formation de référés du conseil de prud'hommes alors que la preuve des événements devant donner lieu à paiement était rapportée ;



- Le contrat de travail distingue clairement les modalités de versement des commissions de la question des conditions d'acquisition définitive des commissions ; c'est la raison pour laquelle une clause de reprise sur commission a été stipulée, au cas de 'non-réalisation des conditions qualifiant la vente de ferme et définitive'; l'article 15 relatif aux commissions de retour sur échantillonnage est inapplicable au cas d'espèce, puisque les ventes litigieuses ont été conclues non pas après le départ du salarié mais bien antérieurement ;



- L'attestation de M. [I] est contredite par le tableau d'analyse des dossiers produit par la société qui démontre que le chantier [J] [N] a démarré le 26 avril 2023 ;



- Il a réalisé 4 ventes définitives en juin et juillet 2022 et a donc droit à la prime 'challenge' de 2.000 euros; le versement de la prime n'est pas conditionné au démarrage du chantier mais à la réalisation définitive des ventes ;



- Il a droit à une sur-commission puisqu'il a réalisé 9 ventes entre son embauche, le 26 octobre 2021 et le 31 mars 2022 ; il ne ressort pas des stipulations du contrat que seraient exclues les ventes sur appel d'offre ;



la société doit communiquer un point actualisé de l'avancement des différentes maisons pour lesquelles le salarié est intervenu.



***



La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 février 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 13 février 2024.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
















MOTIFS DE LA DÉCISION



1- Sur l'exception d'incompétence:



Il est constant que la formation de référé du conseil de prud'hommes de Rennes, bien que saisie d'une exception d'incompétence soulevée par la société SDMI, n'a pas statué sur la dite exception de procédure.



La formation de référé du conseil de prud'hommes dispose des pouvoirs suivants :



- Dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou qui justifient l'existence d'un différend (article R. 1455-5 du code du travail) ;



- En cas de « dommage imminent » ou de « trouble manifestement illicite », prescrire les mesures pour le prévenir ou le faire cesser (article R. 1455-6 du code du travail) ;



- Si l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au demandeur ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire (article R. 1455-7 du code du travail).



Par ailleurs, en vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.



En l'espèce, M. [F] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Rennes afin d'obtenir:

- le paiement d'une provision d'un montant de 5.964 euros

- la communication sous astreinte par la société de 1'état d'avancement de l'ensemble des maisons pour lesquelles M. [F] est intervenu pendant son contrat de travail, avec précision selon laquelle les travaux ont démarré ou non.

De telles demandes, dans leur principe, en ce qu'elles ont trait à une demande de provision telle que visée à l'article R. 1455-7 du code du travail et une demande de communication de pièces relevant des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, relèvent des pouvoirs du juge des référés qui était parfaitement compétent pour statuer.

Il convient donc, ajoutant à l'ordonnance querellée qui a omis de statuer de ce chef, de rejeter l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société SDMI.



2- Sur la demande de provision sur commissions:



L'article 8 du contrat de travail conclu entre la société SDMI et M. [F] dispose qu'en rémunération de son travail, le représentant recevra un traitement fixe mensuel et des commissions 'pour toutes affaires réalisées directement par lui avec la clientèle qu'il est habilité à visiter.



La définition de la notion 'd'affaire réalisée' ainsi que les modalités de calcul et de versement de cette éventuelle partie variable de rémunération son fixées dans le cadre d'une annexe au présent contrat (Annexe 1 et 2) (...)'.





L'article 15 'Commissions de retour sur échantillonnage' dispose: 'En cas de cessation du présent contrat, le représentant perdra tout droit à commission à l'exception de celles relatives aux affaires qui seront considérées comme la suite directe, et uniquement la suite directe de son travail au sens de l'article L7313-11 du code du travail.



Seront ainsi considérées comme la suite directe de son travail, les affaires (ventes) conclues directement par le représentant avant l'interruption ou la cessation de son contrat de travail et remplissant cumulativement les conditions suivantes:

- ventes conclues (signées),

- et confirmées,

- pour lesquelles les dépôts suivants sont réalisés ou réalisables à la date du départ du représentant:

- dépôt de la demande de financement

- dépôt de la demande de permis de construire

les dits dépôts réalisés ou réalisables donnant lieu à l'obtention d'un accord (de financement et du PC), les dits accords devant être obtenus dans un délai raisonnable de 6 mois à compter du départ du représentant.



- et qui donneront lieu à démarrage du chantier, sans survenance d'une résiliation ou annulation du contrat de la part du maître d'ouvrage ou de la société pour quelque motif que ce soit (...).



Les commissions des suites directes de son travail (commissions non versées pour les chantiers non démarrés) à la date du départ du représentant seront réglées sur état trimestriel le mois suivant chaque fin de trimestre civil (...)'.



L'annexe I intitulée 'Définition des notions' comprend 6 paragraphes: Notion d'affaire réalisée (A) ; Notion d'affaire conclue ou signée (B) ; Notion de date de démarrage du chantier (C) ; Notion d'affaire confirmée (D); Notion de dépôt de la demande de financement réalisé ou réalisable (E) ; Notion de dépôt de la demande de permis de construire réalisé ou réalisable (F).

Le paragraphe sur la 'Notion d'affaire réalisée' se conclut ainsi: '(...) En résumé, 'l'affaire réalisée', encore appelée 'vente ferme et définitive' est celle qui donne lieu à démarrage du chantier, sans résiliation ni annulation de la part du maître d'ouvrage ou de la société pour quel que motif que ce soit'.



L'annexe II intitulée 'Partie variable de rémunération' stipule dans un paragraphe 'Modalités de versement de la rémunération' que 'la commission est versée en 4 étapes et dans l'ordre chronologique suivant:

- 25% du montant total de la commission versé le mois suivant celui au cours duquel le contrat de construction aura été envoyé au maître d'ouvrage (...)

- 25% du montant total de la commission versé le mois suivant celui au cours duquel le maître d'ouvrage aura obtenu et transmis au constructeur l'accord de prêt (ou à défaut réceptionné l'offre de prêt)

- 25% du montant total de la commission versé le mois suivant celui au cours duquel le maître d'ouvrage aura obtenu et transmis le permis de construire le projet (...)

- 25% du montant total de la commission versé le mois suivant celui au cours duquel le maître d'ouvrage aura acquis le terrain par signature de l'acte authentique par devant notaire.



Il est enfin stipulé que 'la commission, bien que réglée suivant les étapes susvisées, ne devient définitivement acquise qu'à la condition que la vente soit ferme et définitive'.







En l'espèce, la société SDMI soutient qu'aucune commission n'était exigible au jour de la saisine du conseil de prud'hommes et elle invoque à ce titre des dispositions contractuelles concernant le retour sur échantillonnage qui subordonnent le paiement des commissions au démarrage du chantier.



M. [F] soutient pour sa part que ce dernier article n'a pas vocation à s'appliquer dans la mesure où les affaires pour lesquelles il demande le paiement de commissions ont été conclues par son entremise avant le terme du contrat de travail.



Force est de constater que si l'article 15 du contrat de travail fait référence aux dispositions de l'article L7313-11 du code du travail en vertu duquel 'quelles que soient la cause et la date de rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d'échantillon et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat', ce même article 15 stipule que 'sont considérées comme la suite directe de son travail, les affaires (ventes) conclues directement par le représentant avant l'interruption ou la cessation de son contrat de travail (...) qui donneront lieu à démarrage du chantier, sans survenance d'une résiliation ou annulation du contrat de la part du maître d'ouvrage ou de la société pour quelque motif que ce soit (...)'.



L'article 15 du contrat précise qu'aucune commission ne sera due notamment (...) pour une vente signée par le représentant avant son départ si elle ne remplit pas l'ensemble des conditions susvisées (...), étant ici rappelé que les conditions cumulativement prévues sont: vente signée, confirmée, pour laquelle les dépôts de demande de financement et dépôt de demande de permis de construire sont réalisés ou réalisables et donnant lieu à démarrage du chantier.



Il résulte de ces constatations que le démarrage du chantier est une exigence contractuellement convenue au nombre des conditions cumulatives générant l'ouverture du droit à commission selon les échéances susvisées, définies à l'annexe II du contrat de travail.



La question de savoir si les chantiers litigieux remplissaient les conditions cumulatives contractuellement convenues pour générer le droit à ouverture de commission, alors que l'exigibilité même de la créance est formellement contestée, notamment faute de démarrage des chantiers concernés, excède manifestement les pouvoirs du juge des référés, juge de l'évidence, étant ici observé d'une part, qu'à la lecture des conclusions du salarié, il apparaît qu'aucun des chantiers afférents aux ventes conclues par son entremise pour lesquels il demandait le paiement provisionnel d'acomptes sur commissions n'avait démarré lors de la saisine de la formation de référé du conseil de prud'hommes, d'autre part, que l'employeur justifie avoir effectué des versements de commissions à l'issue de chaque arrêté trimestriel.



Il convient donc d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société SDMI à payer à M. [F] par provision, la somme de 3.964 euros au titre des commissions dues.



M. [F] sera débouté de cette prétention sur laquelle il n'y a lieu à référé.



3- Sur la demande de provision au titre de la prime challenge:



M. [F] soutient être créancier d'une prime dite 'challenge' pour avoir réalisé 4 ventes entre juin et juillet 2022.





S'il doit être relevé que le salarié ne produit aucun élément contractuel sur l'attribution d'une telle prime, ni plus généralement aucun élément de preuve du droit à la perception d'un tel élément de rémunération, il est constant qu'en réponse à la mise en demeure qui lui était adressée le 15 décembre 2022 par l'avocat du salarié, l'employeur indiquait sur cette question:

'Nous vous confirmons avoir proposé un challenge de ventes à nos représentants pour la période de juin à juillet 2022, si ce n'est que les modalités étaient les suivantes:

- 1 200 euros en cas de 3 ventes sur la période,

- 2 000 euros pour 4

(...). Ces commissions sont versées lors des démarrages des chantiers et sous réserve de la présence toujours effective du salarié au sein de l'entreprise lors des démarrages de chantiers (...)'.



La société SDMI verse aux débats plusieurs attestations de salariés commerciaux (Mme [Z], M. [C], M. [M], M. [D], M. [H] et M. [S]) qui témoignent tous du versement des primes challenge au démarrage ou à l'ouverture du chantier. Ce point est confirmé par une attestation de Mme [O], Responsable des ressources humaines de l'entreprise, de même que l'exigence de présence du salarié dans les effectifs lors du démarrage du chantier.



Il est opposé par l'employeur, un tableau des ventes effectuées dans le cadre du challenge étant versé aux débats, le fait qu'au départ de M. [F], seul un chantier ([G]) avait démarré, de telle sorte que le quantum requis pour le versement de la prime n'était pas atteint.



M. [F] conteste pour sa part la validité des conditions de versement invoquées par l'employeur, soutenant que ces conditions n'ont jamais été définies et que les témoignages susvisés sont sujets à caution en raison de l'existence du lien de subordination liant les témoins à l'employeur.



Il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de trancher la question de fond de l'existence ou non d'un engagement unilatéral de l'employeur, voire d'un usage quant au versement d'une prime et à la réunion des conditions requises pour son versement qui, en l'occurrence, est formellement contestée, pièces à l'appui par l'employeur, de telle sorte que l'existence de l'obligation apparaît sérieusement contestable.



L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande provisionnelle formée par M. [F] au titre de la prime challenge.



M. [F] sera débouté de cette prétention sur laquelle il n'y a lieu à référé.



4- Sur la demande de communication sous astreinte de l'état d'avancement des dossiers:



En vertu de l'annexe I - II du contrat de travail, une sur-commission est due au salarié au-delà d'un certain nombre de ventes (18) réalisées par an.



L'année se décompte par exercice social, soit du 1er avril de l'année N au 31 mars de l'année N+1.



Le taux de la sur-commission est de 0,5% du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au titre des dites ventes.



Il est encore stipulé que pour 'la première année de présence, le nombre de ventes à atteindre pour obtenir la sur-commission fait l'objet d'une proratisation arrondie à l'unité inférieure, étant précisé que le mois d'arrivée n'est pas comptabilisé et que le mois d'août l'est.



Exemple: un représentant entrant au mois de juin doit réaliser (18/12) x 9 = 13,5 arrondis à 13 ventes pour avoir droit à la sur-commission'.



Au-delà des questions de fond débattues par les parties quant à la comptabilisation ou non des ventes conclues sur appels d'offres ou encore quant à l'application ou non d'une proratisation du droit à sur-commission pour l'année 2022, qui ne ressortent pas des pouvoirs d'appréciation du juge des référés, il est doit être relevé qu'en annexe au courrier recommandé susvisé de la société SDMI en date du 23 décembre 2022 figurait un état d'avancement mentionnant toutes indications utiles sur la conclusion des ventes litigieuses, l'obtention ou non du permis de construire, le démarrage ou non du chantier et l'état des commissions dues, de même que deux autres états ont été établis au 30 septembre 2023 et au 31 décembre 2023.



Dès lors que le contrat de travail ne prévoit pas expressément l'obligation pour l'employeur de transmettre au salarié l'état trimestriel lui permettant de vérifier son droit à commissions et éventuelles sur-commissions, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné à la société SDMI de remettre à M. [F] ce document, sauf à préciser que sa remise devra intervenir dans les 30 jours suivant la notification du présent arrêt.



Il n'est en revanche pas justifié d'assortir cette condamnation d'une astreinte provisoire, étant ici observé que la société a d'ores et déjà adressé des états trimestriels au salarié à trois reprises, le dernier état communiqué datant du 31 décembre 2023.



5- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive:



Il n'est établi aucun abus par la société SDMI, partiellement fondée en son appel, du droit de faire valoir ses droits en justice, le recours exercé contre l'ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes de Rennes le 14 juin 2023 ne présentant aucun caractère dilatoire ou abusif.



La demande de dommages-intérêts formée de ce chef par M. [F] sera rejetée.



6- Sur les dépens et frais irrépétibles:



En application de l'article 696 du code de procédure civile, dès lors que M. [F] n'obtient que très partiellement gain de cause, les dépens seront supportés par l'intéressé à raison des 3/4 et à hauteur d'1/4 pour la société SDMI.



L'ordonnance de référé entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société SDMI à payer à M. [F] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Il n'est pas inéquitable de laisser chaque partie supporter la charge de ses frais irrépétibles et il convient donc de débouter tant M. [F] que la société SDMI de leurs demandes fondées sur ce dernier texte.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Infirme l'ordonnance rendue par la formation de référé du conseil de prud'hommes de Rennes le 14 juin 2023, excepté en ce qu'elle a ordonné à la société SDMI de remettre à M. [F] un état d'avancement des différentes maisons vendues par son entremise;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Rejette l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société SDMI ;



Dit n'y avoir lieu à référé du chef des demandes de M. [F] en paiement de provisions sur commissions dues et sur prime challenge;



Déboute en conséquence M. [F] de ses demandes en cause de référé ;



Dit n'y avoir lieu d'assortir d'une astreinte provisoire la condamnation de la société SDMI de remettre à M. [F] un état d'avancement des différentes maisons vendues par son entremise ;



Dit que la remise de cet état d'avancement actualisé devra intervenir dans les 30 jours suivant la notification du présent arrêt ;



Déboute M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;



Renvoie les parties à mieux se pourvoir au fond sur les demandes se heurtant à la limitation des pouvoirs du juge des référés ;



Déboute M. [F] et la société SDMI de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés à hauteur de 3/4 par M. [F] et 1/4 par la société SDMI.



La greffière Le président

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