18 avril 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 23/03862

TROISIEME CHAMBRE

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 18/04/2024





****





N° de MINUTE : 24/135

N° RG 23/03862 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCDR



Ordonnance (N° 23/00077) rendue le 13 Juillet 2023 par le Tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe





APPELANTE



Madame [C] [L] [J]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 10] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentée par Me Jonathan Da Re, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-59178/23/002436 du 11/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 8])



INTIMÉS



[I] [T]

de nationalité Française

Scm Grimm

[Adresse 11]

[Localité 7]



Représenté par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Julie Auzas, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



Mutuelle Sociale Agricole (MSA)

[Adresse 3]

[Localité 4]



Défaillante, à qui déclaration d'appel a été signifiée le 19 septembre 2023 à personne habilitée



DÉBATS à l'audience publique du 07 février 2024 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe



GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller



ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 janvier 2024






****





EXPOSÉ DU LITIGE



1. Les faits et la procédure antérieure :



Mme [C] [L] [J] a consulté M. [I] [T], radiologue, le 18 juillet 2022. Celui-ci a réalisé un écho-doppler veineux du membre inférieur droit et a conclu à l'absence de thombophlébite profonde.



Cependant, une thrombose veineuse superficielle lui a été diagnostiquée le 25 juillet 2022 par le docteur [W] [B], médecin vasculaire.



Par acte du 15 mai 2023, Mme [J] a fait assigner M. [T] et la Mutualité sociale agricole Nord Pas-de-Calais (la Msa Nord Pas-de-Calais) devant le président du tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe afin de voir ordonner une expertise médicale.



2. L'ordonnance dont appel :



Par ordonnance du 13 juillet 2023, le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe a dit :


n'y avoir lieu à expertise ;

n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.




3. La déclaration d'appel :



Par déclaration au greffe du 21 août 2023, Mme [J] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.









4. Les prétentions et moyens des parties :



Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2023, Mme [J], appelante, demande à la cour de :



=> réformer l'ordonnance de référé du 13 juillet 2023 rendue par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,


ordonner une mesure d'expertise médicale ;

déclarer la décision à intervenir opposable à la Msa ;

confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté M. [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


en conséquence,


le débouter de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile afférente à la première instance ;

le débouter de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'appel abusif engagé ;

le débouter de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile afférente à la procédure d'appel ;

réserver les dépens.




Au soutien de ses demandes, Mme [J] fait valoir que :


il n'appartient pas au juge des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en 'uvre de l'action pouvant être engagée ultérieurement pour apprécier l'existence d'un motif légitime ;

le demandeur doit justifier de la potentialité d'une action et il n'est pas exigé qu'il livre ses intentions ou s'explique sur les fondements juridiques de l'action projetée au fond ;

elle justifie d'un motif légitime à solliciter une expertise médicale, dès lors que le professionnel de santé, soumis à une obligation de moyens lui imposant de dispenser des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science, commet une faute en cas de mise en 'uvre insuffisante d'examens ou de moyens d'investigations préconisés au regard des données acquises de la science ;

or, le M. [T] a commis une erreur de diagnostic qui n'est pas sans incidence sur son état de santé puisque cela a entraîné un retard de prise en charge induisant des douleurs persistantes durant cette période et qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques ;

cette erreur de diagnostic résulte du fait que son médecin traitant avait prescrit un écho-doppler afin d'explorer les flux sanguins intracardiaques et intravasculaires de ses membres inférieurs et que le M. [T] a conclu à l'absence de thrombophlébite profonde tandis que près de deux semaines plus tard, le docteur [B] a diagnostiqué une thrombose veineuse ;

seul un expert judiciaire peut apprécier la gravité de son préjudice et la gravité de la faute reprochée au M. [T] ;

l'abus du droit d'appel n'est pas établi.








Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2023, M. [T], intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa des articles 145 et 559 du code de procédure civile, de :

à titre principal,

=> confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe du 13 juillet 2023 en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise formulée par Mme [J] ;

=> réformer l'ordonnance en ce qu'elle l'a débouté de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau et y ajoutant,


condamner Mme [J] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles afférents à la procédure de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [J] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'appel abusif engagé ;

la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles afférents à la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux entiers dépens ;


à titre subsidiaire,


prendre acte de ses plus vives protestations et réserves, sans aucune reconnaissance de responsabilité.




À l'appui de ses demandes, M. [T] fait valoir que :


le demandeur à une expertise in futurum doit démontrer un intérêt à agir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et le motif légitime résulte d'un rapprochement entre l'éventualité d'une action au fond et l'utilité, la pertinence, dans cette perspective, de la mesure d'instruction sollicitée ;

si le litige au fond peut n'être qu'éventuel, la demande d'expertise doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables, permettant de projeter ce litige futur comme plausible et crédible ;

l'opportunité de recourir à une mesure d'instruction relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond (sic) qui doit apprécier l'utilité de la mesure, laquelle ne doit pas avoir pour but de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;

conformément à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de la santé ne peuvent voir leur responsabilité retenue qu'en cas de faute ;

or en l'espèce, Mme [J], qui n'allègue qu'une prétendue erreur de diagnostic pour une absence de diagnostic d'une thrombose veineuse superficielle, diagnostiquée 7 jours plus tard, ne justifie strictement d'aucun préjudice lié à cette prétendue erreur, laquelle étant au demeurant totalement inexistante ;

en effet, Mme [J] reconnaît qu'elle n'a subi aucune embolie ni dégradation de son état de santé liée à la prétendue erreur de diagnostic et n'a donc souffert d'aucune conséquence d'un prétendu manquement ;

par ailleurs, il n'a commis aucune faute dès lors, d'une part, qu'il a réalisé l'examen demandé par le médecin traitant de Mme [J] pour contrôler la présence de thrombose veineuse profonde et d'autre part, que son diagnostic d'absence de thrombose veineuse profonde a été confirmé par le docteur [B] le 25 juillet 2022 puis le 6 mars 2023 ;

alors que cette procédure, nécessitant la présence obligatoire d'un avocat, a occasionné des frais et que Mme [J] ne produit aucun élément permettant de considérer que sa situation financière ne lui permettrait pas d'assumer les frais irrépétibles devant être mis à sa charge en raison de sa succombance, il n'y avait pas lieu de le débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour un motif d'équité ;

Mme [J], qui ne démontre ni faute ni préjudice, a interjeté appel abusivement en ne produisant aucune pièce complémentaire en cause d'appel.




Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



Régulièrement intimée, la Msa n'a pas constitué avocat.




MOTIFS



Sur la mesure d'instruction



L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.



Sur le motif légitime à solliciter une mesure d'instruction



=> Sur l'existence d'un litige potentiel



D'une part, l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que la demanderesse ait à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée. Il ne peut en outre lui être imposé de rapporter une preuve que cette mesure a précisément pour objet d'établir.



D'autre part, la demanderesse doit démontrer l'existence d'un litige potentiel, qui constitue une condition du succès de la demande, et non de sa recevabilité. Elle doit par conséquent établir l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement seraient cernés, au moins approximativement, cette existence s'appréciant au jour où le juge statue.



Il appartient par conséquent à la demanderesse de cerner, approximativement au moins, les prétentions qu'elle serait susceptible de mettre en 'uvre au fond et leur fondement juridique, d'une part, et la base factuelle du litige potentiel, d'autre part, pour rendre crédible la perspective d'un éventuel contentieux.



Sur ce,



Il est constant que :



- Mme [J] a consulté M. [T], radiologue, le 18 juillet 2022 afin que celui-ci effectue un écho-doppler à l'issue duquel il a conclu : « Pas de thrombophlébite profonde. Les axes veineux fémoro-poplités et tibio-péroniers restent globalement libres et dépressibles ».

- le 25 juillet 2022, le docteur [W] [B], médecin vasculaire, a diagnostiqué une thrombose veineuse superficielle au dépend d'une branche jambière interne de la saphène interne droite, sans extension au réseau veineux profond et a notamment recommandé une anticoagulation à visée préventive pour une durée de 30 jours et le port de compression et que, par la suite, Mme [J] a été opérée le 28 décembre 2022 d'une chirurgie des varices.



Quand bien même le diagnostic d'absence de thrombose veineuse profonde de M. [T] a été confirmé par la suite, M. [T] n'a pas diagnostiqué la pathologie du réseau veineux superficiel alors que celle-ci a été constatée sept jours plus tard.



L'existence d'un contentieux portant sur la mise en 'uvre d'une responsabilité civile du radiologue est ainsi valablement établie.



=> Sur l'utilité et la pertinence de la mesure sollicitée



La demanderesse doit d'une part établir l'existence d'un lien direct entre l'objet du litige éventuel et celui de la mesure sollicitée. L'objet de la mesure doit être de nature à permettre l'établissement d'une preuve susceptible de venir au soutien de prétentions qu'elle pourrait développer au fond.



Elle doit d'autre part démontrer que la preuve à constituer est bien a priori susceptible d'être utilisée dans l'éventuel futur procès au fond et qu'un tel procès n'est pas manifestement voué à l'échec.



Lorsqu'il s'agit d'apprécier si les critères du référé aux fins d'expertise sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n'a toutefois aucune autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.



S'il n'appartient ainsi pas à la cour de procéder à une analyse détaillée du potentiel succès des prétentions des parties, elle doit néanmoins rejeter la demande lorsque la prétention est manifestement vouée à l'échec ou se heurte manifestement à une fin de non-recevoir.



Sur ce,



Le lien direct entre l'objet du litige éventuel et la mesure sollicitée est parfaitement établi dès lors que la mesure demandée a pour but d'établir si M. [T] a commis une faute en ne diagnostiquant pas à l'occasion de son acte médical la thrombose veineuse superficielle diagnostiquée quelques jours plus tard et d'évaluer le dommage consécutif à une telle faute.



M. [T] affirme qu'il n'existe aucun motif légitime d'ordonner une expertise dès lors qu'il n'a d'une part commis aucune faute puisqu'il a réalisé l'acte demandé et que son diagnostic a été confirmé postérieurement, et que Mme [J] ne prouve d'autre part pas subir un préjudice.



Pour autant, les conditions d'application de la responsabilité du médecin pour faute ne sont pas manifestement exclues en l'espèce pour les raisons suivantes :




l'appréciation tant de l'existence d'une faute que d'un préjudice en résultant excède les attributions du juge des référés, qui n'a vocation à statuer qu'au titre de l'évidence.

l'absence de faute ne paraît pas manifeste : alors que Mme [J] indique que son médecin traitant lui a prescrit cet échodoppler afin d'explorer les fluxs sanguins intracardiaques et intravasculaires de ses membres inférieurs, M. [T] expose que la demande d'échodoppler du membre inférieur droit n'était formulée en urgence que pour écarter tout risque de phlébite, en précisant que ce risque peut survenir en cas de thrombophlébite profonde.




Pour autant, M. [T] n'établit pas que le champ de sa mission était restreint à la seule recherche de thrombose profonde, dès lors que son compte-rendu retient exclusivement comme indication de son acte « Gonflement du mollet. Suspicion de phlébite », alors qu'il ne démontre pas son allégation selon laquelle la recherche de phlébite ne portait que sur le réseau veineux profond et qu'il n'offre pas la preuve qu'une phlébite ne pourrait survenir que sur ce seul réseau veineux.


quand bien même Mme [J] indique elle-même qu'elle n'a pas souffert d'embolie pulmonaire à la suite du retard de diagnostic allégué, elle soutient néanmoins que cette erreur de diagnostic lui a causé un préjudice en raison du retard consécutif dans sa prise en charge, ce qui aurait induit des douleurs persistantes durant cette période. Le docteur [B] mentionne à cet égard dans son compte rendu du 6 mars 2023 que « la douleur que présente Mme [J] est en rapport avec cette thrombose veineuse superficielle ».




Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [T], Mme [J] dessine suffisamment les contours d'une action future projetée au fond en exposant que la faute alléguée du radiologue lui aurait causé un préjudice sans qu'une telle action ne paraisse manifestement vouée à l'échec pour absence de faute ou de préjudice.



En définitive, l'action au fond projeté par Mme [J] ne paraît pas manifestement vouée à l'échec, alors que la mission d'expertise ayant pour but de rechercher l'existence d'un dommage en lien de causalité avec la faute alléguée ne paraît pas inutile.



L'ordonnance critiquée est par conséquent réformée en ce qu'elle a débouté Mme [J] de sa demande d'expertise.



=> sur la mission d'expertise et ses modalités :



Le niveau de complexité de l'expertise ordonnée ne requiert pas la désignation d'un collège d'experts, étant toutefois rappelé que l'expert désigné dispose de la faculté de solliciter, de sa propre initiative et sans qu'il soit nécessaire que la juridiction l'ordonne ou que le juge chargé du contrôle des expertises ne l'y autorise, un sapiteur d'une spécialité différente de la sienne.





En application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée par le présent arrêt est enfin confié au juge chargé de contrôler les mesures d'instruction de la juridiction dont émane l'ordonnance de référé ainsi réformée.



Sur le caractère abusif de l'appel



Dès lors qu'il a été fait droit à la demande d'expertise de Mme [J] et que son appel n'est caractérisé par aucune malice, mauvaise foi, erreur grossière équipollente au dol, ou faute, M. [T] sera débouté de sa demande au titre de l'appel abusif.



Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile



Le présent arrêt mettant fin à l'instance et dessaisissant la juridiction, il convient de statuer sur les dépens dans les conditions fixées au dispositif. La charge des dépens est cependant susceptible d'être ultérieurement modifiée, dans le cadre d'une éventuelle instance au fond qu'une des parties diligenterait sur la base des conclusions expertales.



La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34). En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier. En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148).



L'issue du litige en appel impose de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles.



L'ordonnance critiquée est confirmée de ces chefs.



PAR CES MOTIFS,



La cour,



Confirme l'ordonnance rendue le 13 juillet 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe en ce qu'elle a :


dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,




La réforme en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à expertise,



Prononçant à nouveau et y ajoutant,



Ordonne une expertise au contradictoire de l'ensemble des parties à la présente instance ;



Commet à cet effet Mme [F] [N], [Adresse 9] en qualité d'expert respectivement inscrit sur la liste de la cour d'appel de Paris ;



SUR LA MISSION D'EXPERTISE :




entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués et entendus ;

recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ;

examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à la demande et le relevé des débours exposés par les organismes tiers-payeurs ;

se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme de sécurité sociale de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident en cause ;

rechercher l'état médical de Mme [C] [L] [J] avant l'acte critiqué ;

procéder à l'examen clinique de Mme [C] [L] [J] et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués ;

rechercher si les actes médicaux réalisés étaient indiqués, si le diagnostic pouvait être établi avec certitude et si les soins ou actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale ;

analyser, le cas échéant, de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manques de précaution nécessaires, négligences, maladresses ou autres défaillances de nature à caractériser une faute en relation de cause à effet direct et certaine avec le préjudice allégué ;

le cas échéant, déterminer les postes de préjudice présentant un lien de causalité direct et certain avec cet éventuel manquement, en excluant les conséquences normalement prévisibles de la pathologie initiale, ainsi que celles résultant de tout état antérieur ou de toute cause étrangère ;

en cas de retard de diagnostic, préciser si celui-ci était difficile à établir et dans la négative, déterminer si le retard du diagnostic a été à l'origine d'une perte de chance réelle et sérieuse pour le patient d'éviter les séquelles ;

le cas échéant, évaluer la perte de chance subie ;

déterminer les préjudices subis par Mme [C] [L] [J], en relation de causalité avec l'éventuelle faute du praticien selon la nomenclature suivante :




1) Préjudices avant consolidation



1-1) Préjudices patrimoniaux



1-1-1) Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : Déterminer la durée de l'incapacité provisoire de travail, correspondant au délai normal d'arrêt ou de ralentissement d'activités ; dans le cas d'un déficit partiel, en préciser le taux,



1-1-2) Frais divers : Dire si du fait de son incapacité provisoire, la victime directe a été amenée à exposer des frais destinés à compenser des activités non professionnelles particulières durant sa maladie traumatique (notamment garde d'enfants, soins ménagers, frais d'adaptation temporaire d'un véhicule ou d'un logement, assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante - dans ce dernier cas, la décrire, et émettre un avis motivé sur sa nécessité et ses modalités, ainsi que sur les conditions de la reprise d'autonomie)



1-2) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires



1-2-1) Déficit fonctionnel temporaire : Décrire et évaluer l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant sa maladie traumatique (troubles dans les actes de la vie courante)



1-2-2) Souffrances endurées avant consolidation : Décrire les souffrances endurées avant consolidation, tant physiques que morales, en indiquant les conditions de leur apparition et leur importance ; les évaluer sur une échelle de sept degrés,



1-2-3) Préjudice esthétique temporaire : Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance, sur une échelle de sept degrés, d'un éventuel préjudice esthétique temporaire,



2) Consolidation



2-1) Proposer une date de consolidation des blessures, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire,



2-2) Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,



3) Préjudices après consolidation



3-1) Préjudices patrimoniaux permanents



3-1-1) Dépenses de santé futures : décrire les frais hospitaliers, médicaux, para-médicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation



3-1-2) Frais de logement et de véhicule adapté : décrire et chiffrer les aménagements rendus nécessaires pour adapter le logement et/ou le véhicule de la victime à son handicap,



3-1-3) assistance par une tierce personne : Se prononcer sur la nécessité d'une assistance par tierce personne ; dans l'affirmative, préciser le nombre nécessaire d'heures par jour ou par semaine, et la nature de l'aide (spécialisée ou non) ; décrire les attributions précises de la tierce personne : aide dans les gestes de la vie quotidienne, accompagnement dans les déplacements, aide à l'extérieur dans la vie civile, administrative et relationnelle etc... ; donner toutes précisions utiles,



3-1-4) Perte de gains professionnels futurs : décrire les éléments permettant de dire si la victime subit une perte ou une diminution consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage (notamment perte d'emploi, temps partiel, changement de poste ou poste adapté)



3-1-5) incidence professionnelle : décrire l'incidence périphérique du dommage touchant à la sphère professionnelle (notamment dévalorisation sur le marché du travail, augmentation de la pénibilité de l'emploi, frais de reclassement, perte ou diminution de droits à la retraite)



3-1-6) préjudice scolaire, universitaire ou de formation : dire si du fait de l'événement, la victime a subi un retard dans son parcours scolaire, universitaire ou de formation, et/ou a dû modifier son orientation, ou renoncer à une formation,



3-2) Préjudices extra-patrimoniaux



3-2-1) Déficit fonctionnel permanent : Donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'événement, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, ce taux prenant en compte non seulement les atteintes physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties ;



Préciser le barème d'invalidité utilisé,



Dans l'hypothèse d'un état antérieur de la victime, préciser :


si cet état était révélé et traité avant l'utilisation du produit litigieux (dans ce cas, préciser les périodes, la nature et l'importance des traitements antérieurs) et s'il entraînait un déficit fonctionnel avant l'accident,

s'il a été aggravé ou révélé ou décompensé par l'accident,

si en l'absence d'accident, cet état antérieur aurait entraîné un déficit fonctionnel. Dans l'affirmative en déterminer le taux ;.




En toute hypothèse, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel actuel, tous éléments confondus (état antérieur inclus) ;



3-2-2) Préjudice d'agrément : si la victime allègue l'impossibilité définitive de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs, correspondant à un préjudice d'agrément, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation,



3-2-3) Préjudice esthétique permanent : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent, l'évaluer sur une échelle de sept degrés,



3-2-4) Préjudice sexuel : dire s'il existe un préjudice sexuel, le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction),



3-2-5) Préjudice d'établissement : dire si la victime présente un préjudice d'établissement (perte de chance de réaliser un projet de vie familiale normale en raison de la gravité du handicap permanent) et le quantifier en indiquant des données circonstanciées,




procéder de manière générale à toutes constatations ou conclusions utiles à la solution du litige,

établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;




SUR LES MODALITES D'ACCOMPLISSEMENT DE L'EXPERTISE :



Dit qu'en application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle des opérations d'expertise sera assuré par le juge chargé des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Avesnes sur Helpe, à qui il devra en être référé en cas de difficulté ;



Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès réception de l'avis de consignation ;



Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l'expertise ;



Dit que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l'expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission ;



Dit que l'expert pourra, sous réserve de l'accord par la victime de lever le secret médical s'y appliquant, se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise



Dit que l'expert remettra un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission, dans un délai de 6 mois à compter de son acceptation par l'expert de la mission, et invitera les parties à formuler leurs observations dans le délai qu'il fixera, étant rappelé aux parties qu'en application de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;



Dit que l'expert devra adresser aux parties et déposer au greffe du tribunal judiciaire de Avesnes sur Helpe son rapport définitif, comportant notamment la prise en compte des observations formulées par les parties, dans le délai de rigueur de 8 mois à compter de la date d'acception de sa mission par l'expert (sauf prorogation dûment autorisée) et communiquer ce rapport aux parties dans ce même délai ;



Dispense Mme [C] [L] [J] du versement de la consignation, en fonction de son admission à l'aide juridictionnelle et dit que la rémunération de l'expert sera avancée par le trésor public, conformément à l'article 119 du décret n°91-1966 du 19 décembre 1991,



Laisse à la charge de chaque partie les dépens et les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en appel,



Déclare le présent arrêt opposable à la Mutualité sociale agricole Nord Pas-de-Calais,







Déboute M. [I] [T] de sa demande au titre d'un appel abusif ;



Déboute les parties de leurs plus amples prétentions.





Le Greffier Le Président









F. Dufossé G. Salomon

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