18 avril 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 22/05867

TROISIEME CHAMBRE

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 18/04/2024





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N° de MINUTE : 24/137

N° RG 22/05867 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUZG



Jugement (N° 20/07357) rendu le 10 Novembre 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Lille







APPELANT



Monsieur [F] [W]

né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 12]



Représenté par Me Tayeb Ismi-Nedjadi, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022022010548 du 09/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)



INTIMÉES



Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 11] [Localité 12]

intimée dans le RG 23/1008

[Adresse 6]

[Localité 12]



Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 8 mars 2023 à personne habilitée



SAMCV Macif agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]



Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Candice Soonekindt, avocat au barreau de Lille



DÉBATS à l'audience publique du 22 février 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe



GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller



ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 janvier 2024




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EXPOSE DU LITIGE



M. [F] [W] expose qu'il a été victime d'un grave accident de la circulation sur le territoire espagnol le 3 septembre 1982 alors qu'il était âgé de 7 ans, en précisant qu'il était alors passager du véhicule automobile propriété de son père, M. [I] [W], lequel serait assuré auprès de la Macif ; qu'il a été hospitalisé dans un hôpital espagnol, pour ensuite être transféré à l'hôpital de [Localité 10], pour un traumatisme crânien léger, une fracture du bassin et une vaste plaie de la face antéro-interne de la cuisse droite.



Arguant d'un règlement transactionnel des conséquences de l'accident, il a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise aux fins d'évaluer le préjudice lié à l'aggravation de son état.



Par ordonnance du 12 novembre 2019, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné le docteur [B] pour y procéder.



Par acte des 30 novembre et 4 décembre 2020, M. [F] [W] a fait assigner la Macif et la Cpam de [Localité 11]-[Localité 12] devant le tribunal judiciaire de Lille en indemnisation de son entier préjudice.



Par jugement du 10 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :


débouté M. [F] [W] de l'intégralité de ses demandes

laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles

condamné M. [F] [W] aux entiers dépens de l'instance

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires




M. [W] a interjeté appel dudit jugement en toutes ses dispositions par déclaration du 21 décembre 2022.



Par conclusions notifiées le 12 décembre 2023, M. [W] demande à la cour de :


dire son appel recevable et bien fondé

réformer le jugement et statuer à nouveau

dire que son droit à indemnisation est entier





condamner la Macif à lui payer la somme de 107 238,17 euros correspondant à ses préjudices initiaux : 32 348 euros et à ses préjudices d'aggravation : 74 890,17 euros,

condamner la Macif à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

condamner la Macif à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles en première instance et celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

condamner la Macif aux dépens de première instance et d'appel.




Au soutien de ses prétentions, M. [W] fait valoir que :


les circonstances de l'accident sont établies

la Macif n'a pas contesté l'existence d'un contrat d'assurance souscrit par son père jusqu'à la troisième réunion d'expertise

elle a reconnu qu'un règlement transactionnel est intervenu à la suite d'une expertise aux fins d'indemniser ses parents des conséquences de l'accident dont il a été victime ce qui constitue un aveu judiciaire

il est donc en droit d'exercer une action directe à l'encontre de l'assureur du responsable du dommage sur le fondement des articles 1240 du code civil et L. 211-1 du code des assurances

il est justifié d'une police d'assurance auprès de la Macif depuis le 1er juillet 1979 sous le numéro 18 12012 pour le véhicule automobile

la garantie de la Macif est donc mobilisable

tant ses préjudices initiaux que d'aggravation doivent être indemnisés conformément aux conclusions de l'expert [B]

il appartient à la Macif d'apporter la preuve de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent initialement fixé à 5 % par l'expert

son préjudice moral résulte de la mauvaise foi de la Macif qui retardé l'issue du litige par ses man'uvres d'obstruction.




Par conclusions notifiées le 17 novembre 2023, la Macif demande à la cour, au visa des articles 9 et 1240 du code civil, de :

>> à titre principal,


débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

confirmer le jugement du 10 novembre 2022 en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a débouté M. [F] [W] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,

condamner M. [W] au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile


>> à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour entendait infirmer le jugement et statuer à nouveau :


débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes faites au titre du préjudice initial d'ores et déjà indemnisé selon ses propres déclarations,

réduire l'indemnisation de son préjudice lié à l'aggravation, conformément au chiffrage repris dans le présent corps des conclusions à savoir :


' perte de gains professionnels actuels : 0

' frais de véhicule adapté : 13.783 euros

'déficit fonctionnel temporaire 20 % : 1.852 euros

' déficit fonctionnel permanent de 5 % : 6.400 euros

' incidence professionnelle : néant,

' souffrances endurées : 2.230 euros

' préjudice esthétique permanent : 1.130 euros



>> en tout état de cause,


condamner M. [W] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile




Au soutien de ses prétentions, la Macif soutient que :

A titre principal : sa garantie n'est pas due en l'absence de preuve de l'existence d'un contrat d'assurance


aucun élément ne permet d'établir qu'elle est intervenue dans le règlement du préjudice de M. [W] à la suite de l'accident du 3 septembre 1982 en Espagne

ce dernier produit les mêmes pièces qu'en première instance qui ne font aucunement la preuve que le véhicule était assuré à la date de l'accident auprès d'elle

si elle a pu garantir M. [I] [W] sous le numéro de police [Numéro identifiant 2], elle ne fait mention que de l'enfant de celui-ci, [N] née le [Date naissance 8] 1981

le courrier adressé au juge chargé du contrôle des expertises ne constitue pas un aveu d'intervention au titre de la transaction initiale puisqu'il évoque une difficulté résultant de l'absence de pièce relative à l'évaluation du préjudice initial.




A titre subsidiaire, sur l'indemnisation du préjudice


M. [W] ne peut solliciter une deuxième fois l'indemnisation de son préjudice, alors qu'il se prévaut d'une indemnisation transactionnelle, de sorte que les demandes indemnitaires au titre des préjudices initiaux sont irrecevables

Dès lors seul le préjudice d'aggravation sera réparé




La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 11]-[Localité 12], régulièrement intimée, n'a pas comparu.



Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIFS



Sur l'existence du contrat d'assurance



Aux termes de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver alors que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.



Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.



Il résulte de la combinaison de ces textes que la preuve de l'existence du contrat d'assurance est à la charge de celui qui l'allègue, qu'il s'agisse d'une partie au contrat ou d'un tiers.



Les tiers, notamment la victime exerçant l'action directe contre l'assureur, peuvent rapporter la preuve du contrat d'assurance dont ils se prévalent par tous moyens.



L'article 1361 du code civil prévoit qu'il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.



Sur ce,



Il est établi que, le 3 septembre 1982, M. [F] [W] a été blessé à la suite d'un accident de la route survenu en Espagne alors qu'il se trouvait passager dans le véhicule de son père, M. [I] [W].



Dans le cadre du présent litige, il exerce une action directe à l'encontre de l'assureur du responsable du dommage sur le fondement de l'article 1240 du code civil.



Le contrat d'assurance n'est produit par aucune des parties compte tenu de son ancienneté.



Dès lors et à défaut d'écrit signé des parties, l'existence du contrat peut être établie par un commencement de preuve par écrit émanant de celui contre lequel on veut prouver et rendant vraisemblable l'engagement allégué, conformément à l'article 1361 du code civil.



Les pièces produites tendent à établir que le père de M. [W] avait souscrit une police d'assurance auprès de la Macif.



En effet, la facture d'hospitalisation du 3 au 7 septembre 1982, produite en langue espagnole comporte les mentions de l'adresse de M. [I] [W], les références d'un véhicule : Renault-1177 (R 12) immatriculée [Immatriculation 5] ainsi qu'un numéro de police : [Numéro identifiant 9].



Le numéro de police [Numéro identifiant 9] apparait sur l'avis d'échéance 2019 et les attestations d'assurance pour les périodes du 30 novembre au 29 décembre 1999, et du 15 février 2022 au 31 mars 2023 étant précisé que les lettres OJ ont été remplacées par le nombre 18, la Macif reconnaissant dans ses écritures qu'elle a pu garantir M. [I] [W] sous le numéro de police [Numéro identifiant 2].



A cet égard, la Macif ajoute que seule l'enfant [N], née le [Date naissance 8] 1981, était garantie par le contrat d'assurance et non l'enfant [F].



Toutefois, la cour rappelle que M. [F] [W] agit non pas en qualité d'assuré mais en qualité de tiers dans le cadre d'une action directe à l'encontre de la Macif.

En outre, l'avis d'échéance 2019 de la Macif fait apparaitre M. [I] [W] en qualité de sociétaire sous le numéro [Numéro identifiant 2] et la mention selon laquelle « nous bénéficions de votre confiance depuis le 1er juillet 1979 ».



Ces documents créent une présomption d'assurance que la Macif peut combattre en rapportant la preuve contraire par tous moyens, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.



Au contraire, dans un courrier du 11 juin 2020, le conseil de la Macif avait précisé au juge chargé du contrôle des expertises que M. [W] avait d'ores et déjà été indemnisé selon règlement transactionnel des suites de l'accident du 3 septembre 1982 pour lui demander de lui confirmer qu'il s'agissait bien d'une mesure d'expertise en aggravation.



Dès lors, la preuve de l'existence d'un contrat d'assurance au jour de l'accident souscrit auprès de la Macif est suffisamment rapportée par M. [W].



Par suite, la Macif doit garantir M. [W] des conséquences de l'accident du 5 septembre 1982.



Le jugement critiqué sera donc infirmé de ce chef.



Sur l'indemnisation du préjudice



Sur les demandes au titre du préjudice initial



Il est de principe que lorsque le tiers-victime exerce une action directe contre l'assureur de responsabilité, il incombe à l'assureur de démontrer, en versant la police aux débats, qu'il ne doit pas sa garantie pour le sinistre objet du litige (Cass. 2e civ., 14 oct. 2021, n° 20-14.684)



Le tiers au contrat, ne disposant évidemment pas des documents contractuels, la charge de la preuve du contenu du contrat pèse en effet sur l'assureur.



En l'espèce, la Macif, qui à titre subsidiaire, offre d'indemniser le préjudice de M. [W] n'invoque aucune clause d'exclusion de garantie.



Les parties s'opposent en réalité sur l'étendue de l'indemnisation du préjudice de M. [W].



Une nouvelle demande d'indemnisation n'est recevable, sans heurter l'autorité de la chose jugée, que si elle concerne soit un préjudice nouveau, distinct du préjudice indemnisé de façon irrévocable par un jugement ou une transaction, soit une aggravation du préjudice.



La cour relève que dans le cadre de la procédure de référé expertise, M. [W] avait invoqué un accord transactionnel entre son père et la Macif portant sur les conséquences du sinistre du 3 septembre 1982 et se prévalait de l'aggravation de son état de santé consécutif à ce sinistre.



Dans son ordonnance du 12 novembre 2019, le juge des référés avait fait droit à sa demande d'expertise tout en confiant à l'expert désigné une mission complète et non en aggravation.



Néanmoins, M. [W] ne peut tout à la fois se prévaloir d'un règlement transactionnel du sinistre et solliciter, comme il le fait dans la présente instance au fond, l'indemnisation de son préjudice initial.



Dès lors, les demandes indemnitaires au titre des préjudices initiaux seront déclarées irrecevables.







Sur le préjudice en aggravation



Il résulte du rapport d'expertise du 11 octobre 2020 de Mme [B] que M. [F] [W], âgé à l'époque de 7 ans, a été victime, le 3 septembre 1982, d'un accident de la voie publique, la voiture dans laquelle il se trouvait ayant chuté dans un ravin.



Il a présenté dans les suites de l'accident :


un traumatisme crânio cérébral sans notion de coma

une fracture du bassin

une vaste plaie de la face antéro-interne de la cuisse droite




Les premiers soins ont débuté en Espagne puis ont été poursuivi au CHRU de [Localité 10] où une traction continue par broche trans-tibiale bilatérale est mise en place pour réduire le déplacement du bassin. L'état de santé de M. [W] était consolidé au 11 février 1983.



Le 18 février 2019, une radiographie du genou droit et du rachis sacré est réalisée en raison de l'existence d'une boiterie et de douleurs au genou droit.



Après examens complets, il a été révélé :


une bascule du bassin vers la droite le 23 février 2020

des lésions d'arthrose fémoro-tibiale prédominant sur le compartiment latéral avec fissuration méniscale médiale et des lésions de chondropathie fémoro patellaires superficielles débutantes le 20 mai 2020

l'existence d'un flessum du genou droit constaté le 1er avril 2019




L'expert [B] a ainsi fixé le début de l'aggravation du préjudice de M. [W] au 18 février 2019, date de début des soins du genou droit.



Il est établi et non contesté que les séquelles observées au niveau du genou droit de M. [W] sont en lien direct et certain avec l'accident du 3 septembre 1982.



L'expert a conclu, au titre de l'aggravation du préjudice de la victime, aux éléments suivants :


date de consolidation : 28 mai 2020

pertes de gains professionnels actuels du 18 février 2019 au 27 mai 2020

pénibilité dans l'exercice de la profession

dépenses de santé futures : traitement à prévenir l'aggravation de l'arthrose du genou droit

frais de véhicule adapté : boite automatique

déficit fonctionnel temporaire partiel du 18 février 2019 au 27 mai 2020 puis déficit de classe 1/5ème

souffrances endurées : 2/7

préjudice esthétique temporaire : 1/7

déficit fonctionnel permanent : 10 %

préjudice d'agrément : arrêt du basket-ball éventuel

préjudice esthétique permanent : 1/7










Sur les préjudices patrimoniaux temporaires




sur les dépenses de santé actuelles




M. [W] réclame le paiement de la somme de 200,60 euros à ce titre.



La Macif fait valoir qu'il appartient à M. [W] de produire le relevé des débours de la Cpam.



Sur ce,



Les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.



M. [W] ne s'explique pas sur la nature des soins dont le coût est resté à sa charge. Néanmoins, l'expert [B] fait état de l'achat de cannes anglaises, de semelles orthopédiques pour un montant de 94 euros dont 30% resté à charge, d'une facture ostéopathie du 26 mars 2019 de 60 euros et de soins de kinésithérapie dont le reste à charge s'élève à 112,40 euros.



Pour autant, il appartient à la victime de justifier de chacune des dépenses prétendument restées à charge.



Or, en l'absence de communication d'un décompte de la complémentaire santé permettant à la cour de vérifier si ces dépenses sont effectivement restées, en tout ou partie, à la charge de M. [W], il ne sera pas fait droit à la demande au titre des dépenses de santé actuelles.




sur la perte de gains professionnels actuelle




M. [W] indique qu'il a subi une perte de gains professionnels actuels de 5 087 euros précisant que son bénéfice industriel et commercial a évolué comme suit : 13 480 euros en 2017, 8 788 euros en 2018 et 8 394 en 2019.



La Macif s'oppose à cette demande en soutenant que la perte de revenus n'est pas imputable à l'aggravation évoquée et donc au sinistre.



Sur ce,



Les pertes de gains professionnels actuelles correspondent aux pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail et tendent à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l'acte dommageable, c'est à dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu'à sa date de consolidation.



La cour rappelle que l'indemnisation des pertes de gains professionnels étant égale au coût économique du dommage pour la victime, la perte de revenus se calcule en net et hors incidence fiscale.



Outre que les gains professionnels de M. [W] ne sont justifiés par aucune pièce du dossier, l'expert [B] a précisé que celui-ci a poursuivi son activité professionnelle d'artisan taxi, aucune incapacité temporaire totale de travail n'étant intervenue.



En outre M. [W] ne communique pas ses revenus au titre de l'année 2020.



Alors qu'il appartient à la victime de démontrer une perte réelle de revenus entre la date de l'aggravation et celle de sa consolidation, M. [W] sera débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.



Sur les préjudices patrimoniaux permanents




sur les frais de véhicule adapté




M. [W] réclame le paiement de la somme de 31 009,77 euros au titre des frais futurs restant à sa charge et correspondant aux frais de véhicule adapté dont il demande la capitalisation du renouvellement tous les six ans à compter de 2026 et de façon viagère sur la base du surcoût d'une boite automatique d'un montant de 5 166 euros qui correspond à la différence de valeur entre une boite mécanique et une boîte automatique et en appliquant le barème de capitalisation du 15 septembre 2020.



La Macif propose d'indemniser ce poste de préjudice à hauteur de la somme de 13 783 euros correspondant au surcoût d'une boite automatique d'un montant de 3 000 euros renouvelable tous les 7 ans à capitaliser selon le barème BCRIV 2018 qui retient un point de rente de 25,16.



Sur ce, l'indemnisation consiste, non pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais bien dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait la victime avant l'accident.



L'expert [B] retient des frais de véhicule adapté correspondant au surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule à boîte automatique.



En l'espèce, il convient d'indemniser le surcoût lié à l'équipement du véhicule avec une boîte de vitesse automatique à hauteur de 3 000 euros avec un renouvellement de cet équipement tous les six ans.



Conformément à la demande de la partie civile qui sollicite l'application du barème de capitalisation de la Gazette du palais 2018, l'indemnisation des frais de véhicule adapté se calcule de la façon suivante :

3 000 + (3 000 euros / 6 ans) x 30,329 (prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 51 ans au premier renouvellement), soit 3 000 + 15 164,50 euros =18 164,50 euros



Il sera donc accordé à M. [W] une somme de 18 174,50 euros réparant les frais de véhicule adapté.










sur l'incidence professionnelle




M. [W] réclame la somme de 15 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle sans autre explication.



La Macif sollicite le rejet de cette demande en faisant valoir que l'expert judiciaire que l'incidence professionnelle n'est pas établie.



Sur ce,



L'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste, même en l'absence de perte immédiate de revenus.



La cour apprécie l'indemnisation de ce poste eu égard à la situation réelle de la victime et répare spécifiquement et intégralement le préjudice initial subi dans une appréciation concrète des éléments de preuve apportés par celle-ci.



En l'espèce, M. [W] présente, au titre des conséquences de l'aggravation de son dommage, des séquelles liées à une arthrose du genou droit qui est en relation directe et certaine avec l'accident du 3 septembre 1982.



L'expert [B] considère que cette aggravation génère une incidence professionnelle.



Indépendamment de l'adaptation du véhicule permettant ainsi de réduire la surcharge du genou droit, les douleurs et gênes à la mobilité du genou induisent à l'évidence une plus grande fatigabilité et pénibilité dans l'exercice de son métier de chauffeur de taxi et de tout autre métier, et contribuent à diminuer sa résistance et ses performances physiques.



Dans ces conditions et au vu de la situation réelle de la victime âgée de 45 ans au moment de la consolidation de son état de santé, la somme de 15 000 euros répond à la réparation intégrale de l'incidence professionnelle subie par M. [W] sans qu'il n'en retire ni pertes ni profits.



Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires




sur le déficit fonctionnel temporaire




M. [W] sollicite l'allocation de la somme de 2 592,80 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire du 18 février 2019 au 27 mai 2020 sur la base de 28 euros par jour.



La Macif propose une indemnité de 1 852 euros sur la base de 20 euros par jour.



Sur ce,



Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.



Du rapport d'expertise judiciaire, il ressort du fait de l'aggravation du dommage de M. [W] un déficit fonctionnel temporaire de 20 % du 18 février 2019 au 27 mai 2020.



L'estimation du nombre de jours, soit 463, n'est pas contestée par les parties.



Il sera fait application d'une base journalière de 25 euros qui est conforme au principe de réparation intégrale sans pertes ni profit pour la victime.



Dès lors, il sera alloué la somme de 2 315 euros à M. [W] au titre du déficit fonctionnel temporaire.



Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents




sur le déficit fonctionnel permanent




M. [W] sollicite la somme de 18 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent sur la base d'un taux de 10 %.



La Macif demande de fixer le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'aggravation à 5 % et d'allouer à M. [W] la somme de 6 400 euros sur la base de 1 280 euros du point.



Sur ce,



Le déficit fonctionnel permanent inclut, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.



Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l'indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l'atteinte à la qualité de vie de la victime.



L'expert [B] a fixé le taux de déficit fonctionnel permanent à 10 % en prenant en compte l'apparition d'une arthrose lombaire, un retentissement psychologique et l'arthrose du genou droit.



Toutefois, dès lors que le préjudice antérieur à l'aggravation a été fixé à 5 % tenant compte de la persistance de lombalgies consécutives à une importante bascule de l'hémi-bassin gauche, il convient de prendre la différence entre le taux d'incapacité après aggravation et le taux d'incapacité initial, en l'occurrence 5%, et de lui appliquer la valeur actuelle du point d'incapacité du déficit fonctionnel total.



Ainsi, compte tenu de l'âge de la victime à la consolidation (45 ans) et du prix du point d'incapacité permanente partielle fixé à 1 580, l'indemnisation de ce poste sera exactement fixée à la somme de 7 900 euros qui assure la réparation intégrale du préjudice de la victime, sans pertes ni profits.




sur les souffrances endurées




M. [W] réclame le paiement de la somme de 6 000 euros soit 3 000 euros du point au titre des souffrances endurées évaluées à 2/7 par l'expert.



La Macif propose la somme de 2 230 euros sur la base de cette même évaluation expertale.



Sur ce,



Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.



L'expert judiciaire a quantifié les souffrances endurées à 2 sur une échelle de 7 en prenant en compte les lésions consécutives à l'aggravation du dommage tant au niveau du rachis lombo sacré que du genou droit ainsi que le retentissement psychologique de la victime.



Ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 3 000 euros qui assure la réparation intégrale du préjudice de la victime sans pertes ni profit.




sur le préjudice esthétique permanent




M. [W] sollicite l'allocation de la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.



La Macif offre la somme de 1 130 euros à ce titre.



Sur ce,



Il s'agit d'indemniser l'altération définitive de l'apparence physique de la victime.



L'expert judiciaire prévoit un préjudice esthétique permanent qu'il fixe à 2 sur une échelle de 7, compte tenu de la boiterie et de l'utilisation d'une béquille par la victime.



Considérant les constatations de l'expert et l'âge de la victime à la consolidation (45 ans), le préjudice esthétique permanent sera évalué à la somme de 2 000 euros



Sur la demande de dommages et intérêts



M. [W] ne justifie pas d'un préjudice moral qui résulterait de la stratégie d'obstruction de la Macif en vue de retarder l'issue du litige.



Dès lors, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile



Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.



La Macif sera donc condamnée aux dépens de première instance et d'appel.



En outre, la Macif sera condamnée à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Réforme le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que la Macif est tenue de garantir M. [F] [W] des conséquences de l'accident du 5 septembre 1982 ;



Dit que les demandes d'indemnisation au titre du préjudice initial sont irrecevables ;



Condamne la Macif à payer à M. [F] [W], au titre de l'aggravation de son préjudice consécutif à l'accident du 5 septembre 1982 les sommes suivantes :


18 174,50 euros au titre des frais de véhicule adapté

15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle :

2 315 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

7 900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

3 000 euros au titre des souffrances endurées

2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent




Déboute M. [F] [W] de ses demandes au titre des dépenses de santé actuelles et des pertes de gains professionnels actuelles ;



Déboute M. [F] [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;



Condamne la Macif aux dépens de première instance et d'appel ;



Condamne la Macif à payer à M. [F] [W] la somme de 3 000 euros à titre d'indemnités de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Le Greffier Le Président







F. Dufossé G. Salomon

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