18 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/11622

Chambre 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/







MAB/PR





Rôle N° RG 21/11622 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH42Q







[K] [X]





C/



S.A.R.L. MACCARIO FORAGES

























Copie exécutoire délivrée

le : 18/04/24

à :



- Me Philippe YOULOU, avocat au barreau de NICE

- Me Paul andré GYUCHA, avocat au barreau de GRASSE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 20 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le N°F 20/00437.





APPELANT



Monsieur [K] [X], demeurant [Adresse 1]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/009995 du 10/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE),



représenté par Me Philippe YOULOU, avocat au barreau de NICE





INTIMEE



S.A.R.L. MACCARIO FORAGES, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Paul André GYUCHA, avocat au barreau de GRASSE





*-*-*-*-*









COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller





Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.





ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.



Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***



FAITS ET PROCÉDURE



M. [K] [X] a été engagé par la société Maccario forages en qualité d'aide foreur, par contrat à durée déterminée du 19 septembre 2017 au 29 septembre 2017, renouvelé par avenant du 29 septembre 2017 au 31 décembre 2017. A compter du 1er janvier 2018, il a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée.



Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment d'octobre 1990.

La société Maccario forages employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement.



Le 10 juillet 2019, M. [X] est victime d'un accident de la circulation avec le véhicule de la société durant ses heures de travail. A compter du 10 septembre 2019, le salarié s'est trouvé placé en arrêt de travail, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 25 mars 2020.



Au terme d'une visite de reprise le 3 mars 2020, le salarié a été déclaré définitivement inapte à son poste, avec une impossibilité de reclassement formulée en ces termes : 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.



Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé le 20 mars 2020, M. [X], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 mars 2020, a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.



Le 22 juillet 2020, M. [X], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin de faire reconnaître l'origine professionnelle de son inaptitude et d'obtenir diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.



Par jugement rendu le 20 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Nice a :

- jugé les demandes de M. [X] non recevables,

- déclaré n'avoir aucune preuve pour établir un lien de causalité entre l'accident de la circulation

du 10 juillet 2019 et l'inaptitude de M. [X],

- déclare le licenciement pour inaptitude non professionnelle totalement justifié,

- par conséquent, débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dit n'y avoir pas lieu de prononcer l'exécution provisoire du présent jugement.

- dit n'y avoir pas lieu de condamner les parties à l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie supporte ses entiers dépens.



M. [X] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 janvier 2024.





MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2024, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- qualifier l'accident survenu le 10 juillet 2019 d'accident du travail,

- juger que l'accident survenu le 10 juillet 2019 est à l'origine de l'inaptitude définitive de M. [X],

- condamner la société Maccario forages au paiement de la somme de 1 260 euros nets au titre du doublement de l'indemnité de licenciement pour inaptitude professionnelle,

- condamner la société Maccario forages au paiement de la somme de 3 952 euros bruts au titre du préavis, outre 395,20 euros bruts à titre de congés payés sur préavis,

- ordonner à la société Maccario forages la remise à M. [X] des documents sociaux rectifiés et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société Maccario forages à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Maccario forages aux entiers dépens.



L'appelant soutient que l'accident de la circulation survenu le 10 juillet 2019 doit être qualifié d'accident de travail et que son inaptitude, qui y trouve son origine, est d'origine professionnelle. Il sollicite dès lors le doublement de l'indemnité de licenciement et le versement d'une indemnité compensatrice de préavis.



Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de ses demandes et de condamner M. [X] au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



L'intimée réplique que M. [X] ne justifie pas d'un lien de causalité entre l'accident survenu le 10 juillet 2019 et son premier arrêt de travail du 10 septembre 2019, et par conséquent d'un lien entre l'accident et son inaptitude. De manière subsidiaire, au moment du licenciement, l'employeur n'avait nullement connaissance d'un tel lien de causalité, de telle sorte que l'inaptitude doit être considérée comme étant non professionnelle.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail



La lettre de licenciement du 23 mars 2020 est ainsi motivée :



'En arrêt de travail depuis le 10 septembre 2019, vous avez été déclaré inapte aux fonctions que vous exerciez au sein de notre société en tant qu'assistant foreur, par un avis d'inaptitude définitif, notifié par le Dr [D] [E] en date du 3 mars 2020.



Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du 20 mars 2020, auquel vous n'avez pas assisté.



Le certificat d'inaptitude établi par le médecin du travail en date du 3 mars 2020 vous déclarait inapte de façon définitive à tous les postes de l'entreprise. Il précise également que votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Compte-tenu de l'impossibilité de vous reclasser, nous considérons que cette situation rend impossible le maintien de votre contrat de travail et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Nous sommes donc au regret de devoir procéder à votre licenciement pour inaptitude. (...)'





1- Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude



M. [X] s'est trouvé placé en arrêt de travail, pour maladie non professionnelle, à compter du 10 septembre 2019, arrêt prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 25 mars 2020.



A l'issue d'une visite de reprise du 3 mars 2020, le médecin du travail a déclaré le salarié définitivement inapte à son poste d'aide foreur avec impossibilité de reclassement formulée en ces termes : ' l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.



Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que deux conditions sont réunies :

- l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie,

- l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Ces deux conditions sont cumulatives.



Il est de principe que le droit de la sécurité sociale est autonome par rapport au droit du travail et il appartient au juge prud'homal d'apprécier lui-même l'origine professionnelle de l'inaptitude. Le juge doit apprécier par lui-même l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, sans se limiter aux mentions figurant sur l'avis du médecin du travail, ou aux décisions des caisses.



L'origine professionnelle de l'inaptitude n'est pas caractérisée par la seule mention de l'existence d'un danger immédiat sur l'avis du médecin du travail.





En l'espèce, il n'est pas contesté que l'accident de la circulation du 10 juillet 2019 est survenu à l'occasion du travail de M. [X] avec le véhicule de la société, de telle sorte qu'il s'agit d'un accident de travail dont l'employeur avait connaissance.



Les développements des parties sur le fait de savoir si la déclaration d'accident de travail du 10 juillet 2019, seulement transmise le 8 février 2021, a été signée par la société Maccario forages ou M. [X] sont ici inopérants, la question qui se pose étant celle du lien de causalité entre cet accident et les arrêts de travail de M. [X] à compter du 10 septembre 2019, jusqu'au prononcé de son inaptitude le 3 mars 2020.



M. [X] soutient que la dégradation de son état de santé, à l'origine de son inaptitude, est consécutive à cet accident et produit :

- le constat amiable d'accident automobile du 10 juillet 2019 à 18h20, dont il ressort que le véhicule appartenant à la société Maccario forages et dans lequel se trouvait M. [X] à la place conducteur, alors à l'arrêt, a été percuté par l'arrière par un véhicule tiers,

- un certificat du Dr [F] [B] du 11 juillet 2019 : 'Je certifie avoir examiné ce jour M. [X] [K] suite à l'accident dont il m'a dit avoir été victime le 10/07/2019. Ce jour, le patient se plaint de cervicalgies. A l'examen, nette contracture cervicale avec limitation de la flexion et rotation. Il est à prévoir 1 mois de soins et suivant l'évolution, bilan radiologique (voire scanner ou IRM),

- un certificat médical initial d'accident du travail du 11 juillet 2019 rédigé par le Dr [F] [B], mentionnant des 'cervicalgies, contracture cervicale, limitation flexion et rotation' avec des soins jusqu'au 11 août 2019, sans arrêt de travail,

- la fiche de renseignements qu'il a renseignée auprès de la CPAM et sur laquelle il mentionne des soins en kinésithérapie en octobre 2019, une radiographie le 13 septembre 2019, un IRM le 2 octobre 2019.



En réplique, la société Maccario forages ne conteste nullement l'existence d'un accident de la circulation le 10 juillet 2019 avec le véhicule de la société mais fait valoir que les arrêts de travail sont sans lien avec ledit accident, qui n'a pas engendré de blessures sur M. [X]. Il produit le compte-rendu de l'intervention des sapeurs pompiers du 10 juillet 2019 à 19h16, mentionnant 'dégât matériel / huile sur chaussée - 100 mètres après rond-point du Mac Do', 'nettoyage sablage chaussée', 'accident matériel sans blessés'.



La société Maccario forages affirme avoir découvert au cours de la procédure le certificat médical et le certificat initial d'accident de travail datés du 11 juillet 2019, émettant des doutes sur l'authenticité de ces documents. Il ajoute en tout état de cause qu'à défaut de préciser les raisons médicales des arrêts à compter du 10 septembre 2019, ces arrêts ne peuvent être reliés à l'accident du 10 juillet 2019. Il rappelle que M. [X] a continué à travailler dans ses conditions habituelles entre le 10 juillet 2019 et le 10 septembre 2019, versant le planning des missions de l'employé.



En l'état, la cour ne peut écarter les pièces médicales datées du 11 juillet 2019, au seul motif qu'elles n'auraient pas été communiquées à l'employeur avant l'instance prud'homale. Aucun élément ne permet en effet de remettre en cause leur authenticité. Il en résulte que l'accident du 10 juillet 2019 a eu des répercussions médicales sur le salarié, notamment des cervicalgies et une contracture cervicale, cependant sans arrêt de travail.



Le salarié a ainsi poursuivi ses activités professionnelles, selon un rythme habituel comme en atteste le planning communiqué par la société Maccario forages, et ce jusqu'à son arrêt du 10 septembre 2019. Aucune pièce ne fait alors ressortir qu'il s'est plaint auprès de son employeur de douleurs liées aux suites de l'accident subi.



Par la suite, aucun des arrêts de travail produits, que ce soit du 10 septembre au 24 septembre 2019, du 23 septembre au 11 octobre 2019, du 11 octobre au 8 novembre 2019, du 8 novembre au 8 décembre 2019, du 6 décembre 2019 au 8 janvier 2020, du 7 janvier au 14 février 2020 ou encore du 13 février au 25 mars 2020, ne précise le motif médical de l'arrêt de travail du salarié. Les formulaires cochent toutefois la mention selon laquelle ils ne font pas suite à un accident causé par un tiers.



En outre, si M. [X] affirme auprès de la CPAM avoir subi des examens médicaux, radiographie et IRM, ainsi qu'un suivi kinésithérapeutique, ce qui résulte de ses seules déclarations, il ne produit ni les ordonnances en vue de ces examens, ni leurs résultats, de telle sorte que l'évolution de son état de santé postérieurement au 11 juillet 2019 n'est pas connue de la cour, et notamment la persistance des cervicalgies alors relevées le lendemain de l'accident.



En l'état des pièces produites, la cour n'est pas en mesure de connaître l'état de santé du salarié, le motif des arrêts de travail ou encore le motif médical de son inaptitude et ne dispose donc pas d'éléments d'appréciation suffisants pour dire que l'inaptitude est la conséquence de l'accident de travail du 10 juillet 2019 et qu'elle est d'origine professionnelle. Le jugement querellé sera par conséquent confirmé sur ce point.





2- Sur les conséquences de la rupture



L'article L. 1226-14 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008, dispose que l'inaptitude d'origine professionnelle ouvre droit à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9.



Ces indemnités n'ont toutefois pas à être versées par l'employeur si à la date de rupture du contrat de travail, ce dernier ne pouvait avoir connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude.



La cour n'ayant pas retenu une inaptitude d'origine professionnelle, le jugement querellé sera confirmé, en ce qu'il a débouté M. [X] de ces demandes. La demande de M. [X], en vue de la remise de documents de fin de contrat rectifiés, est dès lors sans objet.





Sur les frais du procès



En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, M. [X] sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 800 euros.



Par conséquent, M. [X] sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure.





PAR CES MOTIFS :





La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,



Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,



Y ajoutant,



Condamne M. [X] aux dépens de la procédure d'appel,



Condamne M. [X] à payer à la société Maccario forages une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute la société Maccario forages de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Rejette toute autre demande.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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