12 avril 2024
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 22/03935

4eme Chambre Section 2

Texte de la décision

12/04/2024



ARRÊT N°2024/149



N° RG 22/03935 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCVY

EB/AR



Décision déférée du 29 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/01658)

SECTION COMMERCE 2 - PUJOL G

















E.U.R.L. RSO





C/



[B] [P]





























































confirmation partiellle







Grosse délivrée



le 12 4 2024



à Me Laure SERNY

Me Agnès DARRIBERE

1ccc FRANCE TRAVAIL

1ccc AJ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



E.U.R.L. RSO

prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 3]



Représentée par Me Laure SERNY de la SELARL SPBS AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE







INTIME



Monsieur [B] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Agnès DARRIBERE de la SCP CABINET DARRIBERE, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/000231 du 30/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)



















COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E. BILLOT, vice-présidente placée, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice-présidente placée



Greffier, lors des débats : A. RAVEANE







ARRET :



- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre




EXPOSÉ DU LITIGE



M. [B] [P] a été embauché selon contrat à durée indéterminée à temps partiel (104 heures mensuelles) du 28 mai 2019 par l'EURL RSO en qualité d'agent de service.



Par avenant du 2 septembre 2019, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à temps plein entre le 2 septembre 2019 et le 30 novembre 2019, avec reprise d'un temps partiel à hauteur de 104 heures mensuelles à compter du 1er décembre 2019.



La convention collective applicable est celle de la propreté.



Par courrier du 27 octobre 2019, la société RSO a indiqué à M. [P] prendre note de la démission de ce dernier en date du 26 octobre 2019.

Par courrier du 1er novembre 2019, M. [P] a contesté la réalité d'une démission.



Par courrier du 26 novembre 2019, M. [P] a demandé à son employeur de régulariser sa situation suite à son licenciement verbal du 26 octobre 2019, prenant ainsi acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à effet au 13 décembre 2019.



Le 17 juillet 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse en sa formation des référés aux fins de se voir rembourser un solde du salaire du mois d'octobre 2019, des heures supplémentaires, et avoir communication d'un bulletin de salaire.

Par ordonnance de référé du 30 octobre 2020, le salarié a été débouté de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société RSO.



Le 26 novembre 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de paiement des salaires d'octobre 2019 au 13 décembre 2019, paiement d'heures supplémentaires et de constat que la prise d'acte de la rupture de son contrat aux torts exclusifs de son employeur au 13 décembre 2019 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Par jugement du 29 septembre 2022, le conseil a :

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M. [P] à la date du 13 décembre 2019 prend les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel brut moyen pris comme référence d'un montant de 1 534,90 euros,

- condamné la société RSO, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [B] [P] les sommes suivantes :

- 700,00 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 534,90 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 153,49 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 690 euros au titre du remboursement du salaire du mois d'octobre 2019,

- 2 302,35 euros au titre du salaire relatif à la période du 1er novembre 2019 au 13 décembre 2019,

- 230,02 euros au titre des congés payés afférents au salaire pour la période du 1er novembre 2019 au 13 décembre 2019,

- 809,60 euros au titre des heures supplémentaires,

- 80,90 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires,

- 725,62 euros au titre des congés payés restant dû,

- ordonné à la société RSO de délivrer l'ensemble des documents sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 1 mois après la date de notification du présent jugement, le conseil se réservant le droit de lever cette astreinte,

- débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

- débouté la société RSO de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société RSO aux entiers dépens.



Le 10 novembre 2022, la société RSO a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.



Dans ses dernières écritures en date du 31 juillet 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société RSO demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 29 septembre 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M. [B] [P] à la date du 13 décembre 2019 prend les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel brut moyen pris comme référence d'un montant de 1 534,90 euros,

- condamné la société RSO, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [P] les sommes suivantes :

- 700 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 534,90 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 153,49 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 690 euros au titre du remboursement du salaire du mois d'octobre 2019,

- 2 302,35 euros au titre du salaire relatif à la période du 1er novembre 2019 au 13 décembre 2019,

- 230,02 euros au titre des congés payés afférent au salaire pour la période du 1er novembre 2019 au 13 décembre 2019,

- 809,60 euros au titre des heures supplémentaires,

- 80,90 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires,

- 725,62 euros au titre des congés payés restant dû,

- ordonné à la société RSO de délivrer l'ensemble des documents sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 1 mois après la date de notification du présent jugement. Le conseil se réserve le droit de lever cette astreinte,

- débouté la société RSO de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société RSO aux entiers dépens,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 29 septembre 2022 en ce qu'il a :

- débouté M. [P] du surplus de ses demandes.

Et statuant à nouveau,

à titre principal :

- constater la démission claire et non équivoque de M. [P] en date du 26 octobre 2019.

A titre subsidiaire :

- constater l'absence de préjudice subi par M. [P].

En tout état de cause :

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [P] à verser 2 000 euros de dommages et intérêts au titre du manquement de loyauté envers la société RSO,

- condamner M. [P] à verser à la société RSO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle considère que M. [P] avait la volonté claire et non équivoque de démissionner et qu'en tout état de cause il n'a subi aucun préjudice car il a délibérément quitté son poste pour créer sa propre entreprise. Elle conteste la réalité d'heures supplémentaires et considère n'être redevable d'aucune somme à l'égard de M. [P].



Dans ses dernières écritures en date du 2 mai 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SARL RSO à payer à M. [P] :

- la somme de 1 534,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 153,49 euros de congés payés y afférents,

- la somme de 690 euros à titre de solde du salaire d'octobre 2019,

- la somme de 2 302,35 euros à titre de rappel de salaire pour la période entre le 1er novembre et le 13 décembre 2019, outre 230,02 euros de congés payés y afférents,

- la somme de 809,60 euros à titre de paiement des heures supplémentaires, outre 80,90 euros de congés payés,

- la somme de 725, 62 euros au titre du paiement des congés payés sur la période allant du 28 mai 2019 au 26 octobre 2019,

- réformer le jugement dont appel sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et sur l'indemnité pour travail dissimulé,

- condamner la société RSO à payer à M [P] :

- la somme de 1 534 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme de 9 204 euros au titre de l'infraction de travail dissimulé,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société RSO à remettre à M. [P] les documents de fin de contrat rectifiés (certificat de travail, attestation pôle emploi) sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à venir,

- condamner la société RSO aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.



Il réplique qu'il n'a pas démissionné mais a fait l'objet d'un licenciement verbal de la part de son employeur. Il ajoute que la prise d'acte qu'il a formalisée produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite un rappel de salaire au titre de la rémunération qu'il n'a pas perçue, nonobstant la poursuite du contrat de travail, et au titre d'heures supplémentaires et en déduit un travail dissimulé.



La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 20 février 2024.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la rupture du contrat de travail



Il est constant qu'à compter du 26 octobre 2019, le salarié n'a plus fourni de prestation de travail, suite à la remise par celui-ci des clefs et de la voiture de la société.

Les parties sont contraires sur les circonstances de cet événement :

- l'employeur affirme que le salarié a manifesté sa volonté claire et non équivoque de démissionner en se présentant le 26 octobre 2019 en début d'après midi au siège social de la société où il a remis à son employeur les clés du véhicule de la société puis a quitté les lieux ;

- M. [P] réplique qu'il n'a jamais démissionné, faisant valoir que M. [U] l'a licencié verbalement le 26 octobre 2019 en lui a demandant de lui remettre les clés et le véhicule de la société. N'ayant pas été convoqué à un entretien préalable et n'ayant jamais été destinataire d'une lettre de licenciement, il estime ainsi avoir fait l'objet d'un licenciement verbal ce qui l'a conduit à prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Il est de principe que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle n'est conditionnée à aucun formalisme pour sa validité.



Elle ne se présume pas, il incombe donc à l'employeur qui se prévaut d'une démission de démontrer que le salarié avait clairement exprimé son intention de démissionner.



Pour se justifier, l'employeur verse aux débats deux attestations :

- M. [S], ancien ami de M. [P], qui indique l'avoir accompagné le 26 octobre 2019 chez M. [U], l'employeur, afin qu'il lui remette les clés et le véhicule de la société avec l'intention de démissionner.

Cette attestation, établie plus de trois ans après les faits décrits par une personne en vif conflit avec le salarié suite à la création avec M. [P] d'une société qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, ne peut toutefois être retenue n'étant pas accompagnée d'un document justifiant de l'identité de son auteur ce qui la prive des garanties minimales devant s'attacher à une telle pièce (pièce n°18), sans que l'attestation antérieure qui émanerait du même auteur mais non datée, décrivant le conflit existant entre M. [S] et M. [P], ne puisse palier cette carence.

- M. [E], ami de l'employeur, qui indique que M. [P] a remis à M. [U] les clés du véhicule de la société après lui avoir indiqué oralement qu'il arrêtait de travailler.

Si ce témoignage ne répond pas à l'ensemble des exigences de forme de l'article 202 du code de procédure civile, notamment en ce qu'il ne précise pas qu'il a été établi en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse déclaration de sa part l'exposerait à des sanctions pénales, il demeure qu'il est accompagné d'un justificatif d'identité et que son contenu est suffisamment précis pour permettre son analyse. Toutefois, s'il n'y a pas lieu de l'écarter, il convient de considérer que son contenu a une force probante limitée en ce qu'elle a été rédigée par un proche de l'employeur plus de trois ans après les faits, et présente une incohérence portant sur la date des faits mentionnée au 26 octobre 2022.



Ainsi, ces attestations ne peuvent valablement établir que M. [P] a clairement exprimé son intention de démissionner, et ce d'autant que M. [P] verse au débat plusieurs mails et courriers démontrant qu'il a contesté avoir démissionné et qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur afin de reprendre le travail jusqu'à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail formulée par courrier du 26 novembre 2019. Les circonstances de la discussion du 26 octobre 2019 sont à tout le moins entachées d'équivoque de sorte qu'il ne peut être retenu une démission.



En effet, dès le 30 octobre 2019, M. [P] s'est adressé à son employeur par mail en lui indiquant 'voilà 3 jours que je ne travaille plus sans nouvelle de vous. J'aimerais un contact de votre part pour l'ensemble des documents concernant mon licenciement c'est à dire lettre de licenciement, solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle emploi, dernier bulletin de salaire. Je souhaite que vous m'appeliez pour régler au plus vite ces formalités'.

Le 01 novembre 2019, M. [P] a adressé un nouveau à son employeur suite à la réception le 31 octobre 2019 d'un courrier recommandé de son employeur lui indiquant 'prendre note de votre démission sans préavis en date du 26 octobre 2019" et faisant mention de plaintes de clients sur la qualité de son travail et la non restitution d'acomptes versés en espèces. Dans son courrier en réponse, M. [P] conteste toute démission et rappelle que c'est l'employeur qui a pris l'initiative de rompre les relations contractuelles.

Le 14 novembre 2019, M. [P] demande à son employeur 'de connaître la situation vis à vis de notre contrat', expliquant que depuis le 26 octobre 2019, il n'a reçu ni planning, ni directive de travail 'pourtant je me rends régulièrement à l'entreprise où je ne trouve personne pour me donner du travail'.



L'ensemble de ces courriers, adressés par mail pour le premier d'entre eux et par recommandés avec accusé de réception pour les deux autres sont demeurés sans réponse.



Le 26 novembre 2019, M. [P] a de nouveau adressé un courrier recommandé à son employeur en ces termes 'depuis le 26 octobre 2019 où vous m'avez 'licencié' oralement j'essaie sans succès de faire régulariser cette situation qui m'est extrêmement préjudiciable. Je vous rappelle que vous me devez le salaire (-640 euros) du mois d'octobre ainsi que les heures supplémentaires de septembre et de octobre 2019. N'étant toujours pas licencié officiellement, je demande également le salaire de novembre. Sans réponse de votre part avant le 13 décembre 2019, je vous demande de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs'



Ainsi, face au silence de l'employeur, lequel s'est abstenu de fournir du travail et de rémunérer le salarié et, à défaut de mise en oeuvre par l'employeur d'une procédure de licenciement ou de toute autre procédure légale de rupture du contrat de travail, il y a lieu de retenir que la prise d'acte à effet au 13 décembre 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où il est justifié de manquements graves de l'employeur ne permettant pas la poursuite du contrat de travail.



Les moyens invoqués par la société RSO à titre subsidiaire tenant à l'absence de préjudice du salarié sont inopérants, l'appréciation d'un préjudice étant sans incidence sur la détermination du cadre dans lequel la rupture du contrat de travail est intervenue.



Sur les conséquences financières



M. [P] qui compte une ancienneté de 6 mois au 13 décembre 2019, peut donc prétendre au paiement :

- de l'indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire, en application des dispositions conventionnelles,

- de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail.



M. [P] allègue un salaire moyen de 1534,90 euros correspondant à la moyenne des trois derniers mois de salaire, montant non spécialement contesté par l'employeur.



Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société RSO à verser à M. [P] la somme de 1 534,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 153,49 euros au titre des congés payés afférents.



S'agissant des dommages et intérêts, le montant sera fixé en tenant compte de son âge au moment de la rupture (44 ans), des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail et du fait qu'il a créée son entreprise le 27 février 2020 soit 2 mois après la rupture du contrat.

Ainsi, le montant des dommages et intérêts fixé par le conseil de prud'hommes sera confirmé, soit 700 euros.



Il y aura lieu à remise des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt sans qu'il soit cependant nécessaire à ce stade d'ordonner une astreinte, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé de ce chef.



Sur les demandes de rappel de salaire



Sur le salaire du mois d'octobre 2019,



M. [P] soutient que l'employeur a retenu à tort la somme de 690 euros sur son salaire du mois d'octobre 2019.



Au soutien de sa demande, il produit son bulletin de paie du mois d'octobre 2019 ainsi qu'un historique des opérations de son compte bancaire, permettant de démontrer qu'une retenue sur salaire d'un montant de 690 euros a été effectuée par l'employeur sur la paie du mois d'octobre 2019.



Si la société soutient que le paiement du salaire net dû au titre du mois d'octobre 2019 a été effectué, ce qui par ailleurs n'est pas discuté par le salarié, il ne s'explique en revanche pas sur les motifs de la retenue sur rémunération d'un montant de 690 euros.



Ainsi, en l'absence de toute justification sur le bien fondé de la retenue sur rémunération, le jugement déféré sera confirmé de ce chef en ce qu'il a condamné la société à rembourser à M. [P] la somme de 690 euros.



Sur le salaire du 1er novembre au 13 décembre 2019,



Il a été retenu que l'employeur s'est prévalu à tort de la démission de M. [P] le 26 octobre 2019 et que celui-ci démontre par plusieurs mails et courriers qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur jusqu'à la date de prise d'effet de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, le 13 décembre 2019.



Ainsi, par confirmation du jugement déféré, la société RSO sera condamnée à payer à M. [P] la somme de 2 302,35 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2019 au 13 décembre 2019, outre 230,02 euros de congés payés afférents.



Sur les heures supplémentaires



Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



Il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.



M. [P] soutient qu'il a effectué 64 heures supplémentaires au cours des mois de septembre et d'octobre 2019.

Il produit des relevés d'heures manuscrits mentionnant les heures de travail effectuées chaque jour au cours des mois de septembre et d'octobre 2019, dont la dernière page du mois de septembre contre-signée par l'employeur, fait figurer la mention 'ok pour un total de 187 heures soit 37h à récupérer en rtt'.

Sur ces décomptes, M. [P] a déduit sur chaque journée le temps de la pause méridienne (entre 30 minutes et une heure).



Ainsi, M. [P] présente des éléments suffisamment précis pour que la société puisse y répondre.



La société RSO qui n'apporte aucun élément afin de remettre en cause les heures revendiquées par le salarié, met cependant en avant des incohérences dans les décomptes tenant notamment au mode de calcul et au taux de majoration.

Les incohérences que l'employeur relève dans le décompte présenté par le salarié sont toutefois explicitées par le salarié. En effet, il apparaît que les pages des décomptes produits ont été mélangées par l'employeur. Ainsi, c'est de façon erronée que l'employeur soutient que M. [P] a indiqué avoir travaillé les dimanches 15 et 22 septembre et compté en double les journées des 24 et 25 septembre.



En considération des éléments produits par le salarié et de ceux produits par l'employeur, la cour a repris les calculs. Il en ressort que le salarié a bien accompli 64 heures supplémentaires. Tenant compte d'un taux horaire de 10,12 euros et des majorations de 25 et 50% selon le nombre d'heures accomplies sur une semaine, le rappel de salaire sera fixé, conformément à la demande de M. [P], à la somme de 809,60 euros, outre 80,90 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé.



Sur le travail dissimulé



En vertu de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de déclaration préalable à l'embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.



En application de l'article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.



La cour a retenu ci-dessus des heures supplémentaires non rémunérées de sorte que le débat porte sur le caractère intentionnel de la dissimulation.



Compte tenu du régime probatoire applicable, le seul fait pour la cour de retenir l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées n'est pas suffisant pour caractériser cet élément intentionnel.



Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.



Sur les congés payés



Au soutien de sa demande, M. [P] argue que ses congés n'ont ni été pris ni payés pour la période du 28 mai au 26 octobre 2019.



La charge de la preuve du paiement de l'indemnité de congés payés incombe à l'employeur, à qui il appartient de produire les éléments de nature à justifier ce paiement.



La société RSO qui ne justifie pas que le salarié a été rempli de ses droits à ce titre, soutient qu'il a été retenu ci-dessus une condamnation au titre des congés payés du mois d'octobre 2019 à hauteur de 80,90 euros qu'il convient de déduire. Or, cette condamnation correspond aux congés payés afférents au paiement des heures supplémentaires.



En l'espèce, les bulletins de salaire ne font ni mention de l'acquisition de congés ni de leur paiement. Aucune autre pièce ne permet de constater que M. [P] a été rempli de ses droits au titre de ses congés payés.



Ainsi, la cour confirme le jugement déféré de ce chef en ce qu'il a condamné la société RSO à payer à M. [P] la somme de 725,62 euros au titre du paiement des congés payés pour la période du 28 mai au 26 octobre 2019.



Sur la demande reconventionnelle de la société RSO



La société RSO sollicite la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en invoquant un manquement du salarié à son obligation de loyauté. Cependant, l'employeur ne développe aucun moyen au soutien de sa demande et il a par ailleurs été retenu que la rupture du contrat de travail repose sur les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles.



Par confirmation du jugement déféré, la société RSO sera donc déboutée de sa demande de ce chef.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



L'employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens d'appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles.

M. [P] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, il sera alloué à son conseil une indemnité de 3 200 euros sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile et 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle, lequel devra alors renoncer au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.







PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 11 octobre 2022, sauf en ce qu'il a ordonné la remise des documents sociaux sous astreinte,



L'infirme de ce chef,



Statuant à nouveau sur la disposition infirmée et y ajoutant,



Ordonne la remise des documents de fin de contrat conformément aux termes de l'arrêt,



Rejette la demande d'astreinte,



Condamne l'EURL RSO à payer à Me Darribère la somme de 3 200 euros sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile et 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle, ledit conseil renonçant alors au bénéfice de l'indemnité versée en application de l'aide juridictionnelle,



Déboute l'EURL RSO de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne l'EURL RSO aux dépens d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.





La greffière La présidente









A. Raveane C. Brisset





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