12 avril 2024
Cour d'appel de Rouen
RG n° 23/00450

Chambre Sociale

Texte de la décision

N° RG 23/00450 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJCI





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 12 AVRIL 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



21/00978

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 16 Janvier 2023





APPELANTE :



[5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN











INTIMEE :



Société [7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pierre HAMOUMOU, avocat au barreau de LYON



















COMPOSITION DE LA COUR  :



En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Mars 2024 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.



Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :



Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère





GREFFIER LORS DES DEBATS :



Mme DUBUC, Greffière





DEBATS :



A l'audience publique du 06 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 avril 2024





ARRET :



CONTRADICTOIRE



Prononcé le 12 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.




* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] [Localité 8] [Localité 6] a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels un accident du travail dont a été victime, le 10 décembre 2018, M. [U] [R], exerçant en qualité de coffreur au sein de la société [7] (la société). Le salarié est tombé, ce qui lui a occasionné une subluxation de l'épaule droite.



La caisse a fixé la date de la consolidation de son état de santé au 17 février 2021 et, par décision du 30 juin 2021, le taux d'IPP a été fixé à 13 %.



La société a contesté ce taux devant la commission médicale de recours amiable qui a ramené le taux d'incapacité à 10 %, en sa séance du 6 octobre 2021.



Elle a poursuivi sa contestation devant le tribunal judiciaire de Rouen qui, par jugement du 16 janvier 2023, a fixé le taux d'IPP de l'assuré à 8 % dans les rapports entre la société et la caisse.



Cette dernière a relevé appel le 2 février 2023.



EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Par conclusions remises le 12 juin 2023, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

- infirmer la décision,

- confirmer la décision de la commission médicale de recours amiable et le taux d'IPP à 10 % dans les rapports caisse/employeur,

- condamner la société aux dépens,

- subsidiairement, ordonner une expertise médicale.



Elle rappelle que la commission médicale de recours amiable est composée de deux médecins, soit un expert indépendant et un praticien conseil de son service médical. Elle produit l'avis de son médecin-conseil qui indique en quoi les éléments retenus par le tribunal sont, selon lui, critiquables.



Par conclusions remises le 31 juillet 2023, soutenues oralement, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, ordonner une consultation médicale dont les frais seront mis à la charge de la caisse,

- juger que les dépens seront mis à la charge de celle-ci.



Elle indique que selon le médecin qu'elle a mandaté, le docteur [Z], le taux initial de 13 % été surévalué compte tenu de existence d'un état antérieur majeur connu et de l'unique gêne fonctionnelle douloureuse.



Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.






MOTIFS DE LA DÉCISION



1. Sur le taux d'IPP



En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.



L'incapacité permanente est appréciée à la date de la consolidation de l'état de la victime.



Selon le chapitre 1. 1. 2 du guide barème d'indemnisation des accidents du travail, la limitation légère de tous les mouvements du membre dominant est évaluée entre 10 et 15 %.



Le barème vise trois situations concernant l'existence d'un état pathologique antérieur dont celle d'un état pathologique antérieur connu avant l'accident qui est aggravé par celui-ci. Il indique que puisque l'état était connu, il est possible d'en faire l'estimation, que l'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain, qu'afin d'évaluer équitablement l'incapacité permanente dont reste atteinte la victime présentant un état pathologique antérieur, le médecin devra se poser trois questions :

1° L'accident a t-il été sans influence sur l'état antérieur '



2° Les conséquences de l'accident sont-elles plus graves du fait de l'état antérieur '

3° L'accident a t-il aggravé l'état antérieur '



Le médecin-conseil de la caisse a retenu comme séquelles de l'accident du travail des douleurs de l'épaule, un déficit d'amplitudes articulaires ainsi qu'un retentissement fonctionnel notable. M. [R] était âgé de 39 ans à la date de consolidation de son état de santé.



Le médecin consultant du tribunal, qui a conclu à un taux d'IPP de 8 %, a mentionné un état antérieur de luxation itérative avec une intervention sur l'épaule droite en 2010 avec récidive, un accident du travail le 5 avril 2012, opéré, et a indiqué qu'à la date de l'accident du travail de décembre 2018, il n'y avait pas de lésion osseuse d'origine traumatique et que les douleurs légères avaient été traitées par kinésithérapie et antalgiques de palier I.



Selon ce qu'indique le docteur [Z] dans son avis médico-légal, la commission médicale de recours amiable a retenu que l'état antérieur avait été décompensé par le traumatisme subi à l'occasion de l'accident du travail. Le médecin-conseil de l'employeur considère pour sa part qu'aucun élément médical objectif ne permet de retenir une telle décompensation, dès lors que le chirurgien a indiqué en mars 2019 qu'il s'agissait d'une « lésion itérative mais pas d'une récidive vraie », proposant une réintervention sous arthroscopie ; qu'aucun élément médical objectif ne permet de retenir une mobilité strictement normale de l'épaule dominante antérieurement à l'événement du 10 décembre 2018.



En réponse, le médecin-conseil de la caisse indique que le médecin consultant du tribunal a omis de préciser que, s'agissant de l'état antérieur connu, l'accident du travail du 5 avril 2012 avait été déclaré guéri au 16 juin de la même année, donc sans séquelles et n'avait pas de conséquences sur les capacités de travail et la mobilité de l'épaule du salarié qui avait repris son travail à temps plein en mai 2012. Selon lui, le médecin consultant a également omis de mentionner que la chute sur l'épaule en décembre 2018 avait provoqué des lésions nouvelles, à savoir une lésion du bourrelet et une lésion du rebord antéro inférieur de la Glenn, qui avaient aggravé l'état antérieur, entraînant la nécessité d'une intervention chirurgicale qui n'était pas envisagée avant. Le médecin-conseil estime que l'accident du travail a laissé des séquelles bien identifiées, constituées par la limitation légère de la mobilité de l'épaule qui n'existait pas auparavant, de sorte que ces séquelles sont donc bien les conséquences uniques de l'accident.



Au regard de ces constatations, c'est à juste titre que le taux d'IPP a été fixé à 10 % dans les rapports entre la société et la caisse. Le jugement est en conséquence infirmé.



2. Sur les frais du procès



La société qui perd le procès est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS :



la cour,



statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort :



Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 16 janvier 2023 ;



Statuant à nouveau et y ajoutant :



Fixe dans les rapports entre la société [7] et la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 3] [Localité 8] [Localité 6] le taux d'incapacité permanente partielle de M. [U] [R] à 10 %, à la suite de son accident du travail du 10 décembre 2018, consolidé le 17 février 2021 ;



Condamne la société aux dépens de première instance et d'appel.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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