12 avril 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 24/00132

Chambre Etrangers/HSC

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE RENNES



N° 74/2024 - N° RG 24/00132 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UVDR



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel formé par courriel de Me Olivier CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES reçu le 04 Avril 2024 à 15 heures 41 pour :



M. [F] [O], né le 22 Mai 1973 à [Localité 3]

domicilié [Adresse 1],



hospitalisé au centre hospitalier [2] de [Localité 4]

ayant pour avocat Me Olivier CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES



d'une ordonnance rendue le 03 Avril 2024 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a autorisé le maintien de son hospitalisation complète ;



En présence de Monsieur [F] [O], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Olivier CHAUVEL, avocat



En l'absence du tiers demandeur, Mme [I] [P], mère, régulièrement avisée,



En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 05 avril 2024, lequel a été mis à disposition des parties,



En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,



Après avoir entendu en audience publique le 11 Avril 2024 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,



A mis l'affaire en délibéré et ce jour, par mise à disposition au greffe, a rendu la décision suivante :




EXPOSÉ DU LITIGE



Le 23 mars 2024, M. [F] [O] été admis en soins psychiatriques en urgence à la demande de Mme [I] [P], sa mère.



Le certificat médical du 23 mars 2024 du Dr [A] [Z] a indiqué que M. [F] [O] est logorrhéique, tient des propos délirants et souffre d'un délire paranoïaque, d'une anosognosie ainsi que d'hallucinations visuelles et probablement auditives. Les troubles ne permettaient pas à ce dernier d'exprimer un consentement. Le médecin a estimé que son hospitalisation devait être assortie d'une mesure de contrainte.



Par une décision du 23 mars 2024 du directeur du centre hospitalier [2] de [Localité 4], M. [F] [O] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.



Le certificat médical des '24 heures établi le 24 mars 2024 à 19 heures par le Dr [N] [D] [V] et le certificat médical des '72 heures établi le 26 mars 2024 à 11 heures 28 par le Dr [G] [U] ont préconisé la poursuite de l'hospitalisation complète.



Par décision du 26 mars 2024, le directeur du centre hospitalier [2] de [Localité 4] a maintenu les soins psychiatriques de M. [F] [O] sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de un mois.



Par requête reçue au greffe le 28 mars 2024, le directeur du centre hospitalier [2] de [Localité 4] a saisi le tribunal judiciaire de Rennes afin qu'il soit statué sur la mesure d'hospitalisation complète.



Le certificat médical de saisine du juge des libertés et de la détention établi le 29 mars 2024 par le Dr [K] [T] a indiqué que l'état de santé de M. [F] [O] relevait de l'hospitalisation complète.



Par ordonnance en date du 03 avril 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [F] [O].



M. [F] [O] a interjeté appel de l'ordonnance du 03 avril 2024, par l'intermédiaire de son avocat, par courriel électronique en date du 04 avril 2024. Il soutient qu'il y a une absence de caractérisation des conditions cumulatives de la procédure de soins sur demande d'un tiers en urgence et une violation des articles L 3212-5 et L 3212-7 du code de la santé publique.

Il sollicite la réformation et la levée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte de M. [O].



Le ministère public a indiqué solliciter la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention par avis écrit en date du 05 avril 2024.



Le centre hospitalier a fait parvenir un certificat établi le 10 avril 2024 par le Dr [T] [K] faisant état du fait que le patient a été admis initialement sur le SAU de [Localité 5] aprés avoir été interpelé au domicile de sa mère par les forces de l'ordre, que cette intervention avait été motivée par un état d'agitation et de menaces hétéro-agressives de la part de M. [O] qui tenait un discours étrange, inadapté et empreint d'éléments de persécution, que son sommeil était altéré depuis un certain temps déjà.

Il ajoute que ce jour, il existe une amélioration globale de son état psychique, il a bénéficié de sorties dans le parc avec un retour dans le service sans grande difficulté mais la conscience des troubles et l'adhésion aux soins restent très précaires, ce pourquoi le maintien en SDT semble justifié.



A l'audience du 11 avril 2024, M. [O] a indiqué qu'il venait de découvrir que sa mère était à l'origine de son hospitalisation alors qu'elle même a des problèmes d'ordre psychiatrique.

Il estime que l'hospitalisation se passe bien mais qu'il n'est pas d'accord avec le traitement que lui impose son psychiatre.

Il refuse la contrainte, indique qu'il a une entreprise à gérer et doit sortir au plus vite.



Son conseil a soutenu oralement ses écritures.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la recevabilité de l'appel :



Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.



Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.



En l'espèce, M. [F] [O] a formé le 04 avril 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 03 avril 2024.



Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.



Sur la régularité de la procédure :



Aux termes de l'article L. 3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.



La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R. 3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.



En l'espèce, il ressort des avis et pièces mentionnés dans l'exposé des faits et de la procédure que celle-ci est contestée.



Sur l'absence de caractérisation des conditions cumulatives de la procédure de soins sur demande d'un tiers en urgence :



Le conseil de M. [F] [O] indique que le certificat médical initial fait état de troubles mentaux mais d'aucune caractérisation d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la personne de ce dernier.



L'article L 3212-3 du code de la santé publique prévoit que : 'En cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.'



En l'espèce, l'hospitalisation de M. [F] [O] pratiquée à la demande d'un tiers, en l'occurrence Mme [I] [P], sa mère, est fondée sur un certificat médical du Dr [A] [Z] du 23 mars 2024 indiquant que celui-ci tient des propos délirants, souffre d'un délire paranoïaque, d'hallucinations visuelles et probablement auditives.

Il ressort de la description de ces symptômes que M. [F] [O] était susceptible de se mettre gravement en danger, ce qui autorisait l'usage de la procédure d'urgence.



Cette mise en danger est corroborée par les termes du  certificat des 24 heures lequel indique que  M. [F] [O] a été admis en soins psychiatriques après avoir été conduit aux urgences de [Localité 5] par les forces de l'ordre suite à une altercation avec sa mère et que ce dernier leur a été adressé par les urgences dans un contexte de décompensation délirante avec propos inadaptés de tonalité persécutrice et menaces hétéro-agressives.

Un tel comportement agressif caractérise certes le risque d'atteinte grave à l'intégrité des tiers mais également du malade lui-même qui n'avait plus le contrôle de ses actes au moment de son admission en soins psychiatriques, de plus il avait perdu le sommeil ce qui constitue une atteinte à son intégrité et peut entraîner de graves conséquences en sorte que la procédure des soins à la demande d'un tiers en urgence se justifie.



Le moyen soulevé, inopérant, sera écarté.



Sur la violation des articles L3212-5 et L3212-7 du code de la santé publique:



Le conseil de M. [F] [O] soutient que les formalités des articles L 3212-5 et L 3212-7 du code de la santé publique n'ont pas été respectées puisque, à supposer même que la CDSP ait été informée du cas initial de ce dernier, ce qui ne ressort que d'un simple tampon apposé par le directeur (et qui constitue en soit une preuve à soi-même irrecevable) l'obligation d'exhaustivité de transmission n'a, de façon certaine pas été respectée.



L'article L 3212-5 du code de la santé publique prévoit que : 'I.-Le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre. Il transmet également sans délai à cette commission une copie du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2.'



'III.-Dans le cas où la personne malade a été admise en application du 1° du II de l'article L. 3212-1 ou de l'article L. 3212-3 et fait l'objet d'une prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète, le directeur de l'établissement d'accueil informe la personne ayant demandé les soins de toute décision modifiant la forme de la prise en charge.'



L'article L3212-7 du code de la santé publique prévoit que : 'A l'issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application du deuxième alinéa de l'article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l'établissement pour des périodes d'un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article.

...



Le défaut de production d'un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés au présent article entraîne la levée de la mesure de soins.



Les copies des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations prévus au présent article et à l'article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5.'



L'article L 3212-9 du code de la santé publique prévoit que : 'Le directeur de l'établissement prononce la levée de la mesure de soins psychiatriques lorsque celle-ci est demandée :



1° Par la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 ;



2° Par une des personnes mentionnées au deuxième alinéa du 2° du II de l'article L. 3212-1.



Dans le cas mentionné au 2° du présent article, le directeur de l'établissement n'est pas tenu de faire droit à cette demande lorsqu'un certificat médical ou, en cas d'impossibilité d'examiner le patient, un avis médical établi par un psychiatre de l'établissement et datant de moins de vingt-quatre heures atteste que l'arrêt des soins entraînerait un péril imminent pour la santé du patient. Le directeur de l'établissement informe alors par écrit le demandeur de son refus en lui indiquant les voies de recours prévues à l'article L. 3211-12. '



Il convient en premier lieu de rappeler qu'en application des articles précités, la preuve de l'information de la CDSP n'est pas une pièce obligatoire qui doit être envoyée au juge des libertés et de la détention lorsqu'il est saisi.



En l'espèce sur la décision d'admission aux soins de M. [O] en date du 23 mars 2024, décision à laquelle est joint le certificat médical initial, à la rubrique ampliations il a été apposé un tampon 'transmis à la CDSP le 23 mars 2024" ce qui justifie suffisamment de l'accomplissement de cette transmission réalisée le jour même de la prise de la décision.



Si le même tampon ne figure pas sur la décision de maintien des soins en date du 25 mars 2024, la preuve d'une atteinte concrète aux droits de la personne hospitalisée exigée par l'article L 3216-1 du CSP pour entraîner la main levée de la mesure doit être rapportée.



Or l'appelant n'allègue ni ne démontre à l'exercice de quel droit spécifique cette irrégularité a pu porter atteinte, au sens de l'article L 3216-1 du code de la santé publique, étant relevé qu'il disposait du droit de saisir la CDSP directement et qu'il ne justifie pas du caractère abusif de son hospitalisation.





En effet il ressort du dossier qu'il est mentionné tant sur la décision d'admission que celle de maintien, ainsi que sur les droits y afférents, le droit pour le patient de saisir la commission départementale des soins psychiatriques.



De plus les proches ont la possibilité à tout moment en application de l'article L 3211-12-1du CSP de saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de main levée immédiate et d'adresser une réclamation en vue d'examen de sa situation à la commission départementale des soins psychiatriques en application de l'article L  3223-1 du CSP.



Enfin le directeur du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention le 28 mars 2024 soit trois jours après la décision de maintien dans le cadre du contrôle systématique, contrôle permettant de s'assurer que la procédure est régulière et de garantir l'effectivité des droits du patient.



Dans ces conditions aucun grief n'est rapporté et le moyen ne saurait prospérer.





Sur le fond :



Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, «une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».



Il convient de rappeler, qu'en application de l'article L 3212-1 I du code de la santé publique, le juge statue sur le bien fondé de la mesure et sur la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans substituer sa propre appréciation des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, à celle des médecins.



En l'espèce, il ressort du certificat médical initial que M. [O] était logorrhéique, tenait des propos délirants et souffrait d'un délire paranoïaque, d'une anosognosie ainsi que d'hallucinations visuelles et probablement auditives. Il ressort des certificats subséquents qu'il a dû être fait appel aux forces de l'ordre suite à une altercation avec sa mère, qu'il était très agité,qu'il avait perdu le sommeil, qu'aucune dialectique n'était possible.



Le certificat de situation établi le 10 avril 2024 par le Dr [T] [K] fait état de ce que le patient a été admis initialement sur le SAU de [Localité 5] aprés avoir été interpelé au domicile de sa mère par les forces de l'ordre, que cette intervention avait été motivée par un état d'agitation et de menaces hétéro-agressives de la part de M. [O] qui tenait un discours étrange, inadapté et empreint d'éléments de persécution, que son sommeil était altéré depuis un certain temps déjà.

Il ajoute que ce jour, il existe une amélioration globale de son état psychique, il a bénéficié de sorties dans le parc avec un retour dans le service sans grande difficulté mais que la conscience des troubles et l'adhésion aux soins restent très précaires, ce pourquoi le maintien en SDT semble justifié.



Les propos de M. [O] à l'audience sont en concordance avec le dernier avis psychiatrique en ce qu'il ne remet nullement en cause son comportement et exprime un désaccord avec l'orientation médicale de son psychiatre traitant.



Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que l'état mental de M.[O] imposait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement et qu'il existait un risque grave d'atteinte à son intégrité et qu'à ce jour l'état de santé mentale de l'intéressé n'étant pas stabilisé, la mesure d'hospitalisation sous contrainte demeure nécessaire malgré une amélioration.



Les conditions légales posées par l'article L. 3212-1 du code de la santé publique pour la poursuite de l'hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera confirmée.





Sur les dépens :



Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.







PAR CES MOTIFS



Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement, en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,



Reçoit M. [F] [O] en son appel,



Confirme l'ordonnance entreprise,



Laisse les dépens à la charge du trésor public.



Fait à Rennes, le 12 avril 2024 à 15 heures.



LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Catherine LEON, Présidente



















Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à M. [F] [O], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,

Le greffier,











Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.



Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,

Le greffier,

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