12 avril 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 23/00006

Chambre del'Expropriation

Texte de la décision

Chambre de l'Expropriation





ARRÊT N° 4



N° RG 23/00006 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TMPK













M. [J], [K], [S] [M]

Mme [X], [W], [D] [I] épouse [M]



C/



NANTES MÉTROPOLE AMÉNAGEMENT

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LOIRE-ATLANTIQUE

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me Collet

Me Martin de la Espada

cc commissaire du gouvernement





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,





GREFFIER :

Madame Isabelle OMNES, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Février 2024, devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial





- En présence de Madame [C] [P], commissaire du gouvernement représentant la direction régionale des finances publiques de la Loire Atlantique et du département de la Loire Atlantique,





ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 12 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****





APPELANTS :

Monsieur [J], [K], [S] [M]

né le 13 Janvier 1958 à [Localité 7], retraité

[Adresse 9]

[Localité 7]



Madame [X], [W], [D] [I] épouse [M]

née le 05 Février 1958 à [Localité 7], retraitée

[Adresse 9]

[Localité 7]



Représentés par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES





INTIMÉS :

NANTES MÉTROPOLE AMÉNAGEMENT, société publique locale d'aménagement, immatriculée au RCS de Nantes sous le n° 345 002 281, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Astrid MARTIN DE LA ESPADA, plaidant/postulant, avocat au barreau de NANTES


FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES' :



Le plan local d'urbanisme métropolitain de [Localité 7] Métropole a été adopté le 5 avril 2019 et est devenu opposable le 23 avril suivant. Ce document prévoit un droit de préemption urbain sur les zones U et AU.



Le conseil métropolitain de [Localité 7] Métropole avait approuvé, par délibération antérieure du 29 juin 2015 la création de la ZAC «'[Adresse 27]'» dont l'aménagement a été confié à la société publique locale d'aménagement [Localité 7] Métropole Aménagement.



Faisant suite à une enquête publique ordonnée le 25 juillet 2016, le préfet de la Loire-Atlantique a, par arrêté du 30 juin 2017, déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement de cette ZAC. Un nouvel arrêté du 30 décembre 2021 a déclaré immédiatement cessibles pour cause d'utilité publique, les immeubles appartenant à M. [J] [M] et Mme [X] [I], épouse [M] sis à [Localité 7], cadastrés section VX n° [Cadastre 20], [Cadastre 18] et [Cadastre 16] situés dans le périmètre de la ZAC consistant respectivement en ':

- une bande de terrain rectangulaire de 1 '894'm² délimitée du reste du terrain plus proche de la maison par une clôture et un portail, entretenue comme terrain d'agrément avec un potager,

- une bande de terrain rectangulaire de 838 m² à l'arrière d'une maison, formant avec la parcelle VX n° [Cadastre 20] un espace commun de loisir sans séparation,

- un quadrilatère de 198 m² situé à l'arrière des maisons,



Une ordonnance d'expropriation du 10 janvier 2022 a ordonné le transfert de la propriété de ces biens.



La SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement a proposé des indemnités d'expropriation par mémoire du 18 mars 2022, composées comme suit' :

- une indemnité principale à hauteur de 35'euros/m², soit 102 '550 euros,

- une indemnité de remploi à hauteur de 12' 851,50 euros,

- une indemnité de dépréciation du surplus de 70' 000 euros.



Saisi par requête de la SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement du 3 mai 2022, le juge de l'expropriation du département de Loire Atlantique a, après visite des lieux effectuée le 6 septembre 2022, par jugement du 8 novembre 2022':

- fixé à' :

' la somme de 148' 480 euros l'indemnité principale, dont 11 '880 euros (60'euros/m²) pour la parcelle cadastrée section VX n° [Cadastre 16] et 136' 600 euros (50'euros/m²) pour les parcelles cadastrées section VX n° [Cadastre 18] et [Cadastre 20],

' celle de 15' 848 euros, l'indemnité de remploi,

' celle de 91 '000 euros, l'indemnité de dépréciation du surplus,

' celle de 700 euros, l'indemnité pour perte d'arbres d'ornement,

' celle de 3 '943 euros, l'indemnité pour le déménagement du cabanon,

- donné acte à la SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement en ce qu'elle s'engage à reconstituer une clôture en limite des emprises expropriées,

- condamné la SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement à verser aux époux [M] la somme de 3 '000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement aux dépens.



Il a retenu le 23 avril 2019 comme date de référence, date à laquelle le plan local d'urbanisme adopté le 5 avril 2019 est devenu opposable.



Les époux [M] ont interjeté appel par déclaration du 20 décembre 2022, notifiée à la SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement le 6 janvier 2023 et à la Direction générale des finances publiques de Loire-Atlantique le 9 janvier suivant.



Par mémoire du 20 mars 2023, notifié à la SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement le 24'mars 2023 et à la Direction générale des finances publiques le 27 mars 2023, M. [J] [M] et Mme [X] [I], épouse [M] demandent à la cour de' :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 148'480 euros l'indemnité principale, à celle de 15'848 euros l'indemnité de remploi et à celle de 91 000 euros l'indemnité de dépréciation du surplus,

- fixer les indemnités leur revenant comme suit' :

' pour l'indemnité principale, à titre principal sur la base de 185'euros/m², une indemnité de 542 050 euros, à titre subsidiaire sur la base de 60'euros/m², une indemnité de 175'800'euros.

' pour l'indemnité de remploi, à titre principal une indemnité de 57'205 euros, à titre subsidiaire celle de 18 580 euros.

' pour l'indemnité pour dépréciation du surplus, une base de 20' % de la valeur des propriétés, soit la somme de 182 000 euros,

- conformer le jugement pour le surplus,

- débouter la SPLA [Localité 7] Métropole Aménagement de ses demandes,

en tout état de cause ':

- condamner celle-ci à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société [Localité 7] Métropole Aménagement aux entiers dépens.



Les époux [O] indiquent que les emprises partielles sont des jardins, physiquement et juridiquement rattachés au bâti, raccordés et raccordables aux réseaux et bénéficiant d'accès sur la voie publique.

Ils rappellent que les parcelles étaient classées en zone Umb et affirment qu'elles auraient dû être qualifiées de terrain à bâtir, se trouvant en zone urbaine constructible et en situation privilégiée intermédiaire de par leur proximité des zones urbanisées de l'agglomération et des divers réseaux, dont l'insuffisance n'a pas été démontrée. Ils proposent à ce titre de prendre une valeur intermédiaire entre celle d'un terrain à bâtir et celle d'un jardin d'agrément attaché à un bâti.

Ils contestent les valeurs retenues par le jugement afin de fixer les indemnités d'expropriation, celles-ci ne reflétant pas la valeur vénale des parcelles du secteur et ne tenant pas compte de leur situation privilégiée.

Quant à l'indemnité principale, ils rappellent que le juge est seulement tenu d'examiner les accords qui lui sont présentés et n'a pas à en retenir les valeurs. Ils se fondent sur le rapport d'un expert en estimation immobilière près la cour d'appel de Rennes lequel a retenu trois termes de comparaison permettant de retenir un prix moyen de 311,51 euros/m², pour un terrain à bâtir situé dans le même secteur. Ils rappellent que le juge de première instance a retenu que le prix moyen d'un jardin d'agrément attaché à une maison dans ce secteur, est de l'ordre de 60'euros/m². Ils proposent, compte tenu de la situation privilégiée des parcelles expropriées, de retenir, pour l'indemnité principale, une valeur intermédiaire de 185 euros/m². À titre subsidiaire, ils retiennent la valeur de 60'euros/m² et critiquent la décote appliquée aux parcelles cadastrées section VX n° [Cadastre 18] et [Cadastre 20] dont la valeur a été fixée à 50'euros/m² .

Sur l'indemnisation pour dépréciation du surplus ensuite, ils critiquent le taux de 10 '% fixé en première instance, calculé sur des valeurs sous-évaluées par l'expropriante et ne correspondant pas à la réalité des emprises qui amputent un pourcentage des parcelles variant entre 21' % et 65' %. Ils considèrent en outre que les maisons du secteur ayant un terrain de plus de 1 000'm² se vendent à un prix bien plus élevé que les autres, l'expropriation partielle leur fait donc perdre une plus-value importante sur la vente.



Dans son mémoire déposé le 9 juin 2023 et notifié aux parties le 14 juin suivant, la société publique d'aménagement [Localité 7] Métropole Aménagement demande à la cour de ':

- débouter les époux [M] de leurs demandes,

- confirmer le jugement du 8 novembre 2022 dans l'ensemble de ses dispositions,

- condamner les époux [M] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La société [Localité 7] Métropole Aménagement considère que les parcelles expropriées ne peuvent pas être qualifiées de terrains à bâtir, faute pour les appelants de justifier de la nature, de la qualité, ni des dimensions des différents réseaux au soutien de cette qualification. Elle ajoute que, si les parcelles étaient bien situées en zone Umb à la date de référence, leur appartenance à cette zone limite leur constructibilité, restreinte à la construction de «'grands ensembles'», un propriétaire ne pouvant édifier de logement individuel. Elle rappelle également que les emprises des parcelles sont grevées d'une servitude d'utilité publique relative aux protections de la circulation aérienne, dont l'évaluation des indemnités devra tenir compte.

Elle soutient ensuite que l'usage effectif des parcelles à la date de référence imposait de retenir la qualification de terrain d'agrément. Elle conteste, en outre, le bénéfice d'une situation privilégiée, les parcelles étant de configuration classique, et indique que la valeur retenue par le jugement prend déjà en compte une plus-value.

Elle critique l'expertise réalisée à l'initiative des appelants, les références citées portant sur des terrains à bâtir et n'étant pas assorties d'une copie des actes les réitérant comme l'exige la jurisprudence. Elle observe que les parcelles cadastrées section VX n° [Cadastre 18] et [Cadastre 20] ne sont pas des terrains d'agrément, étant des extensions aux jardins arrières des maisons. À titre subsidiaire, elle indique que six des neuf unités foncières concernées par le projet d'aménagement ont fait l'objet d'un accord amiable fixant la valeur entre 35'euros/m² et 36,12'euros/m², or un accord avec les 2/3 des propriétaires concernés permet au juge de tenir compte dans son évaluation.

Elle qualifie d'exorbitant le coefficient de dépréciation du surplus de 20 % proposé par les appelants, dont plusieurs calculs sont erronés. Elle rappelle que le juge s'est déplacé afin de constater la configuration des biens dépréciés, et que le Pôle d'évaluation des domaines ainsi que le commissaire du gouvernement ont retenu un taux de 10' %. Elle considère que les parcelles constituent des espaces en terre, jardin et sol dédiés à du stockage ou du débarras, les époux [M] conservent donc leur habitation et leur jardin.



Dans son mémoire adressé le 16 juin 2023 et notifié aux parties le 19 juin suivant, le commissaire au gouvernement sollicite la confirmation du jugement de première instance.

Il considère que la qualification de terrain à bâtir ne peut être retenue pour les parcelles, qui sont des terrains enclavés sans voie d'accès. Il critique à ce titre les termes de comparaison retenus par les époux [M], s'agissant de terrains à bâtir, à l'inverse des termes utilisés par [Localité 7] Métropole Aménagement qu'il estime pertinents.

Il se range derrière l'analyse du juge de première instance, et notamment les termes de comparaison retenus, pour dire n'y avoir lieu d'appliquer un tarif intermédiaire fondé sur la qualification de situation privilégiée des parcelles. De même, il soutient que la décote appliquée aux parcelles cadastrées section VX n° [Cadastre 18] et [Cadastre 16] est justifiée.

Il rappelle que l'indemnité de dépréciation couvre la moins-value que subit la partie restante lors d'une expropriation partielle. Les terrains expropriés en l'espèce se trouvent en fond de parcelle, les tribunaux accordent en principe un taux de dépréciation du surplus de 10' % dans ce cas.




SUR CE, LA COUR' :



Sur la description des biens expropriés' :



Les époux [M] étaient propriétaires de trois maisons avec jardins s'étendant à l'arrière et donnant en façade avant sur la [Adresse 26], initialement cadastrées':

- section VX n° [Cadastre 1] (au [Adresse 9]), d'une contenance de 2'930 m²,

- section VX n° [Cadastre 2] (au [Adresse 23]), d'une contenance de 1 313 m²,

- section VX n° [Cadastre 4] (au [Adresse 22]), d'une contenance de 922 m².



Les terrains expropriés consistent en une partie des jardins de chacune de ces maisons ':

- le jardin du [Adresse 9], où se trouve implantée la maison d'habitation des époux [M], a été amputé de 1 894 m² (soit 64,6 % de la superficie de la parcelle initiale) pour former la nouvelle parcelle cadastrée section VX n° [Cadastre 20], les appelants restant propriétaires du surplus (dont les bâtiments), cadastré section VX n° [Cadastre 19],

- le jardin du [Adresse 23], où se trouve implantée une maison louée, a été amputé de 838 m² (soit 63,8 % de la superficie de la parcelle initiale) pour former la nouvelle parcelle cadastrée section VX n° [Cadastre 18], les appelants restant propriétaires du surplus (dont les bâtiments), cadastré section VX n° [Cadastre 17],

- le jardin du [Adresse 22], où se trouve également implantée une maison louée, a été amputé de 198'm² (soit 21,5 % de la superficie de la parcelle initiale) pour former la nouvelle parcelle cadastrée section VX n° [Cadastre 16], les appelants restant propriétaires du surplus (dont les bâtiments), cadastré section VX n° [Cadastre 15].



Les parcelles VX n° [Cadastre 20] et [Cadastre 18], qui ne sont pas séparées sur le terrain, forment un vaste rectangle d'environ 124 mètres sur 22, accessible depuis la [Adresse 26] par un chemin perpendiculaire (privé''). Le juge de l'expropriation a relevé qu'il s'agissait d'un ensemble bien entretenu à usage de terrain d'agrément, comportant un petit potager et où se trouve implanté un cabanon.



La parcelle VX n° [Cadastre 16] est de forme carrée (14 m de côté). Elle est décalée par rapport à l'axe de la maison dont elle ne constitue pas le prolongement naturel mais une excroissance en direction du nord ouest.



Sur la date de référence ':



Il convient de rappeler que le montant des indemnités d'expropriation doit être fixé :

- à la date du jugement de première instance (article L.'322-2),

- d'après la consistance du bien à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (article L.'322-1 du code de l'expropriation),

- et, lorsque le bien exproprié est situé à l'intérieur du périmètre d'une ZAC mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, suivant son usage effectif (article L. 322-2) à la date (dite date de référence) de «'la publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique'».



Dérogeant au code de l'expropriation, le code de l'urbanisme prévoit, notamment lorsqu'un droit de préemption urbain a été institué, une date de référence différente. En effet, en ce cas, l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme dispose que «'lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L.'322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L.'213-4'». Ce dernier article distingue suivant que le bien se trouve ou non dans le périmètre d'une zone d'aménagement différé (ZAD). Lorsque, comme en l'espèce, tel n'est pas le cas (le bien litigieux étant situé dans une ZAC), il prévoit que :



«'a) La date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est : pour les biens non compris dans une telle zone, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien'».



Dans l'hypothèse (qui est celle des biens appartenant aux époux [M]) où les biens se trouvent compris à la fois dans une ZAC et dans un périmètre de préemption urbain, la jurisprudence retient que la date de référence est celle définie par les articles du code de l'urbanisme (3e Civ., 30 mars 2023, n° 22-14163).



C'est dès lors à bon droit que le juge de l'expropriation a retenu que la date de référence devait être fixée au 23 avril 2019, date à laquelle est devenu opposable le plan local d'urbanisme métropolitain, date qu'aucune des parties ne conteste.





Sur la qualification de terrain à bâtir' :



Selon l'article L 322-3 du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui, à la date de référence, sont quelle que soit leur utilisation à la fois' :

1° situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;

2° effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone.

Cet article précise que «'Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2'».



La parcelle litigieuse était située, à la date de référence, en secteur UMb du plan local d'urbanisme métropolitain. La zone UM (qui fait partie des zones urbaines) est définie comme destinée à «'favoriser la mixité des fonctions urbaines (logements, bureaux, équipements et services), la mixité sociale, la diversité des formes bâties et la qualité des paysages urbains le long des rues'». Le secteur UMb «'correspond aux quartiers de grands ensembles ou de projets urbains à la morphologie spécifique'» et a pour finalité de «'faciliter la conception des grands projets urbains porteurs de renouvellement des quartiers et des communes et de favoriser un "urbanisme de projet" innovant dans les formes urbaines produites et dans les processus d'élaboration impliquant fortement les collectivités'». Il s'agit d'un secteur désigné comme constructible quand bien même est-il destiné à accueillir des projets spécifiques (grands ensembles). Le premier critère est incontestablement satisfait.



S'agissant du critère matériel, il convient de rappeler qu'il appartient au juge de l'expropriation de rechercher, au vu des documents qui lui sont soumis par les parties, si les parcelles expropriées sont desservies par la voie publique et si les réseaux existants à la date de référence sont dimensionnés pour permettre la desserte de la zone dans son ensemble.



Si 'l'expropriante ne peut utilement arguer de l'état d'enclave des fonds expropriés, état qu'elle a créé en ne procédant qu'à l'expropriation des parties arrières des parcelles concernées qui, avant leur division, formaient à l'origine un ensemble desservi par la voie publique ([Adresse 26]), il ne résulte pas des pièces produites que les réseaux soient suffisamment dimensionnés pour desservir une ZAC de 27'hectares destinée à recevoir 1 '800 à 2 '000'logements, des services et des commerces de proximité ainsi qu'un groupe scolaire.



D'ailleurs, les époux [M] ne revendiquent pas, pour les terrains expropriés la qualification de terrain à bâtir mais seulement leur situation privilégiée, réclamant une indemnité principale calculée sur une valeur intermédiaire entre celle d'un terrain à bâtir (qui est, selon eux de 311 euros/m²) et celle d'un jardin d'agrément dépendant d'une maison d'habitation tel que l'a retenu le premier juge.



Il convient de rappeler que ce dernier, pour écarter la situation privilégiée, a considéré que les parcelles expropriées présentaient les mêmes caractéristiques que celles des autres secteurs périphériques de [Localité 7] encore disponibles à la construction (la [Adresse 27] étant située à la limite des communes de [Localité 7] et de [Localité 21]), tous bénéficiant d'une desserte de même nature. Cette analyse pertinente doit être suivie.



Les terrains expropriées seront donc estimés, conformément à l'article L 322-3 précité, suivant leur usage effectif qui est celui de terrains d'agrément dépendant de maisons d'habitation et non de simples jardins détachés.



Sur l'estimation des terrains expropriés' :



Les époux [M], appelants, citent trois termes de comparaison' :

- vente du 19 décembre 2019 portant un terrain sis à [Adresse 25], cadastré section VX n° [Cadastre 13], d'une superficie de 3'681 m² situé en zone UMb dans le périmètre de la ZAC, moyennant le prix de 1'264'845'euros TTC soit 343,61 euros HT/m²,

- vente du 14 octobre 2019 portant un terrain sis à [Adresse 25], cadastré section VX n° [Cadastre 11], d'une superficie de 6'959 m² situé en zone UMb dans le périmètre de la ZAC, moyennant le prix de 610 200'euros TTC soit 87,69 euros HT/m²,

- vente du 18 décembre 2020 portant un terrain sis à [Adresse 25], cadastré section VX n° [Cadastre 12], d'une superficie de 3 854 m² situé en zone UMb dans le périmètre de la ZAC, moyennant le prix de 1'453'679'euros TTC soit 377,18 euros HT/m²,

Le commissaire du gouvernement relève, à juste titre, que ces termes de comparaison ne sont pas pertinents car il s'agit de terrains à bâtir avec des surfaces de plancher variant entre 4 068 et 5 627 m². Ils montrent toutefois une importante disparité des prix (supérieure à un rapport de 1 à 4) résultant du fait que la seconde vente a été consentie par la société d'aménagement à la ville de [Localité 7] pour y édifier un groupe scolaire (cf. article 2.2 des conditions particulières de l'acte). Le prix de cette vente est à l'évidence un prix de convenance qui n'est pas représentatif du prix du m² constructible.



La société [Localité 7] Métropole Aménagement ne remet pas en cause l'évaluation faite par le premier juge (50 et 60 euros/m²) mais rappelle qu'elle a acquis plusieurs parcelles (cf. infra termes de comparaison du commissaire du gouvernement) en nature de jardin, situées dans le périmètre de la ZAC aux prix de 35 euros/m² (parcelles cadastrées section VX n° [Cadastre 10] de 945 m² et VX n° [Cadastre 14] de 1'995 m²) et de 36,12 euros/m² (parcelle cadastrée section VX n° [Cadastre 6] de 3'621 m²).



Le commissaire du gouvernement cite quatre termes de comparaison ':

- vente du 4 juillet 2018 portant un terrain sis à [Adresse 24], cadastré section VX n° [Cadastre 6], d'une superficie de 3'621 m² situé dans le périmètre de la ZAC, moyennant le prix de 130 790,52'euros HT soit 36,12 euros HT/m²,

- vente du 26 novembre 2018 portant un terrain sis à [Adresse 26], cadastré section VX n° [Cadastre 10], d'une superficie de 945 m² situé dans le périmètre de la ZAC, moyennant le prix de 33 075'euros HT soit 35 euros HT/m²,

- vente du 14 septembre 2021 portant un terrain sis à [Adresse 26], cadastré section VX n° [Cadastre 14], d'une superficie de 1'995 m² situé en zone UMb dans le périmètre de la ZAC, moyennant le prix de 69 825'euros HT soit 35 euros HT/m²,

- vente du 28 décembre 2021 portant un terrain sis à [Adresse 26], cadastré section VX n° [Cadastre 5], d'une superficie de 2'327 m² situé en zone UMb dans le périmètre de la ZAC, moyennant le prix de 93 080'euros HT soit 40 euros HT/m².



Ces quatre ventes sont pertinentes mais les deux dernières sont d'autant plus intéressantes qu'elles sont plus récentes et qu'il s'agit du même zonage (les deux premières sont antérieures à la date d'adoption du plan local d'urbanisme métropolitain de [Localité 7] Métropole et la zone dans laquelle elles se trouvaient alors est inconnue, faute d'être précisée dans les actes).

Il convient toutefois d'observer que trois de ces parcelles sont enclavées, que la parcelle VX n° [Cadastre 14] est envahie par la végétation, inaccessible et en friche, enfin, qu'aucune de ces parcelles ' fussent-elles à usage de jardin ' n'est attenante à une maison d'habitation, à la différence des parcelles à évaluer qui ont de ce fait, et comme l'a retenu à bon droit le premier juge, une valeur supérieure, comme terrains d'agrément dépendant de maisons d'habitation.





En revanche, le juge de l'expropriation a opéré une distinction entre la parcelle VX n° [Cadastre 16], valorisée à un prix supérieur (60 euros/m²) que les deux autres (VX n° [Cadastre 18] et [Cadastre 20] ' 50 euros/m²) alors que ces dernières -dans le même état d'entretien- sont situées dans l'alignement de la façade sur jardin des maisons ce qui n'est pas le cas de la parcelle VX n° [Cadastre 16], située en décalé vers le nord ouest, présentant de ce fait un moindre intérêt, même si elle est plus proche.

Cette distinction n'est, à l'évidence, pas justifiée.



Une valeur unique, fixée à 60 euros/m², sera donc retenue.



L'indemnité principale sera en conséquence fixée à la somme de [(198 + 838 + 1 894)*60] 175'800'euros.



L'indemnité de remploi, globale (et non par parcelle) et dégressive, sera calculée comme d'usage en la matière et fixée à la somme de [(0,20*5'000) + (0,15*10'000) + (0,1*160'800) 18'580 euros.



Le jugement sera infirmé de ces chefs.



Sur l'indemnité pour dépréciation du surplus ':



Le principe de cette indemnité (qui a pour objet de couvrir en cas d'expropriation partielle la moins-value que subit, en raison de l'amputation, la partie subsistante) n'est pas discuté (il sera rappelé que dans son offre initiale, l'expropriante avait proposée une somme de 70 000 euros). De même, en va-t-il de la valeur des trois maisons -dont les époux [M] sont propriétaires- telle qu'elle a été arrêtée par le première juge (910 000'euros), la discussion portant exclusivement sur l'abattement global qui doit être pris en compte' :

- 10 % ainsi que l'a retenu par le premier juge dont l'expropriante et le commissaire du gouvernement sollicitent la confirmation du jugement,

- ou 20 % comme le réclament les époux [M].



Pour chacune des maisons l'amputation de terrain est la suivante ':

- pour la maison située au [Adresse 9] (maison habitée par les expropriés) ': 64,6 % du terrain d'assiette,

- pour la maison située au [Adresse 23] (louée) ': 63,8'% du terrain d'assiette (et 36 % comme l'indique les époux [M]),

- pour la maison située au [Adresse 22] (également louée) ': 21,5'% du terrain d'assiette.



La moins-value subie par la maison située au [Adresse 22] est faible puisque non seulement la partie amputée n'est pas très importante mais surtout parce que celle-ci ne se trouve pas dans l'alignement de la maison, mais en décalé, étant située derrière la maison voisine.



La moins-value subie par les deux autres maisons ([Adresse 8] et [Adresse 9]) est, à l'évidence, plus importante au regard de l'ampleur de l'amputation mais également du recul par rapport à la façade sur jardin qui va être réduit de 165 m environ à 43 m. D'un autre côté, il doit être également tenu compte de la configuration très allongée et étroite de ces parcelles (7 et 15 m de large), ce qui justifie que la plus-value apportée par l'existence d'un terrain d'agrément est moindre que si celui-ci, de même superficie, avait eu une forme plus carrée. Le premier juge a relevé à bon escient que malgré l'amputation, ces maisons conservent un jardin d'agrément présentant une superficie appréciable.



La moins-value moyenne de 10 % (qui, au regard des valeurs de chaque maison telle que déterminée par l'expert que les époux [O] ont mandaté et ramenée à 910 000 euros), doit être retenue, celle-ci correspondant à une moins value de 5 % pour le [Adresse 9] (arrondie à 13 150 euros) et de 12 % pour les deux autres maisons (arrondies à 47 500 euros et 30 350 euros), de sorte que le jugement qui a alloué de ce chef aux expropriés une somme de 91'000 euros sera confirmé.





Sur les autres indemnités' :



Les autres dispositions du jugement (arbres, déplacement d'un cabanon, clôture, frais irrépétibles) ne sont pas critiquées.



Sur les dépens et les frais irrépétibles' :



La société [Localité 7] Métropole Aménagement supportera la charge des dépens.



Elle devra verser aux époux [M], pour les frais exposés en appel, une somme de 3'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS' :





Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement ':



Confirme le jugement rendu par le juge de l'expropriation de Loire Atlantique sauf en ce qu'il a fixé l'indemnité principale d'expropriation revenant aux époux [M] à la somme de 148 480 euros et l'indemnité de remploi à la somme de 15 848 euros.



Statuant à nouveau de ces chefs' :



Fixe le montant de l'indemnité principale d'expropriation revenant aux époux [M] à la somme de 175'800 euros.



Fixe le montant de l'indemnité de remploi revenant aux époux [M] à la somme de 18'580'euros.



Rejette le surplus des demandes.



Condamne la société [Localité 7] Métropole Aménagement aux dépens d'appel.



La condamne à verser aux époux [M] une somme de 3'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.







Le greffier, Le président,

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