12 avril 2024
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 24/00331

Rétention_recoursJLD

Texte de la décision

Ordonnance n°322









N° RG 24/00331 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JE7T











J.L.D. NIMES

11 avril 2024













[L]





C/



LE PREFET DU VAR











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 12 AVRIL 2024



Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,




Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 12 mars 2024 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 12 mars 2024, notifiée le même jour à 08h57 concernant :



M. [Y] [L]

né le 04 Octobre 1981 à [Localité 2]

de nationalité Turque



Vu l'ordonnance en date du 14 mars 2024 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;



Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 10 avril 2024 à 10h39, enregistrée sous le N°RG 24/1707 présentée par M. le Préfet du Var ;



Vu l'ordonnance rendue le 11 Avril 2024 à 13h08 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [Y] [L] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 11 avril 2024 à 08h57,



Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [Y] [L] le 11 Avril 2024 à 16h39 ;



Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;



Vu l'absence du Préfet du Var, régulièrement convoqué,



Vu l'assistance de Monsieur [J] [W], interprète en langue kurde, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,



Vu la comparution de Monsieur [Y] [L], régulièrement convoqué ;



Vu la présence de Me Wafae EZZAITAB, avocat de Monsieur [Y] [L] qui a été entendue en sa plaidoirie ;




MOTIFS



Monsieur [Y] [L] a reçu notification le 12 mars 2024 d'un arrêté du Préfet du Var du 11 mars 2024 lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans.



A sa levée d'écrou le 12 mars 2024, à 8h57, lui a également été notifié son placement en rétention en vertu d'un arrêté pris par la même préfecture le 11 mars 2024.



Par requête du 13 mars 2024, le Préfet du Var a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.



Par ordonnance prononcée le 14 mars 2024, à 11h49, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [Y] [L] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours, décision confirmée en appel le 15 mars 2024.



Par requête en date du 10 avril 2024, le Préfet du Var a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [Y] [L] soit de nouveau prolongée pour trente jours et le 11 avril 2024, à 13h08, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.



Monsieur [Y] [L] a interjeté appel de cette ordonnance le 11 avril 2024, à 16h32.



Sur l'audience, Monsieur [Y] [L] déclare que :

- on ne lui a donné aucun droit en France, il aurait voulu en avoir, il a été frappé en prison, il a déposé plainte pour ce qu'il y a subi, il ne sait pas comment faire valoir ses droits s'il partait,

- il est demandeur d'asile,

- il refuse d'aller en Turquie, sa vie est en danger dans son pays,

- il respecterait la décision qui sera rendue et s'il était libéré, il partirait.,

- il avait un passeport, il ne représente pas une menace pour l'ordre public.



Son avocate soutient que :

- s'en rapporte à la déclaration d'appel,

- le retenu a demandé l'asile, il a fait un recours, il a sa famille en France.



Monsieur le Préfet du Var n'est pas représenté.



SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :



L'appel interjeté par Monsieur [Y] [L] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.



SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:



L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »



L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que «  pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »



En l'espèce, ne restent recevables que le moyen d'irrecevabilité de la requête en prolongation sur laquelle l'ordonnance dont appel a statué et les moyens de fond, même nouveaux en appel. Monsieur [Y] [L] soulève l'absence de diligence suffisante de la part de l'administration et la nécessité de faire valoir ses droits par rapport à une plainte pénale. Ces moyens sont recevables.



SUR LE FOND :



Au motif de fond sur son appel, Monsieur [Y] [L] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ, et que par voie de conséquence sa rétention ne se justifie plus.



Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:

« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,

2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,

3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,

b) de l'absence de moyens de transport. »

La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».



Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».



En l'espèce, l'administration a saisi les autorités turques le 28 février 2024. Par la suite, le retenu a refusé un passage à la borne SBNA. Il ne saurait alors se prévaloir d'une absence de diligence suffisante alors qu'il refuse leur accomplissement.



Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.



Les circonstances et conditions exigées par l'article L742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [Y] [L] fondée en droit. En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.





SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [Y] [L] :



Monsieur [Y] [L], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Sur des plaintes qu'il aurait déposé, il y a lieu de dire que cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement, le retenu pouvant se faire représenter au demeurant dans le cadre de procédure en France.



Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.



Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.



PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,



Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,



Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [Y] [L] ;



CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;



RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 12 Avril 2024 à



LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

















' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à [Y] [L], par l'intermédiaire d'un interprète en langue kurde.



Le à H

Signature du retenu













Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

Monsieur [Y] [L], pour notification au CRA,

Me Wafae EZZAITAB, avocat,

M. Le Préfet du Var,

M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],

Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,

M./Mme Le Juge des libertés et de la détention.

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