12 avril 2024
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 24/00328

Rétention_recoursJLD

Texte de la décision

Ordonnance N°319







N° RG 24/00328 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JE7M











J.L.D. NIMES

11 avril 2024













[P]





C/



LE PREFET DU VAR











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 12 AVRIL 2024





Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,




Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 09 avril 2024 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 09 avril 2024, notifiée le même jour à 16h00 concernant :



M. [C] [P]

né le 01 Octobre 1991 à [Localité 3] (ALGER)

de nationalité Algérienne



Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 10 avril 2024 à 10h54, enregistrée sous le N°RG 24/1724 présentée par M. le Préfet du Var ;



Vu l'ordonnance rendue le 11 Avril 2024 à 13h14 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [C] [P] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 11 avril 2024 à 16h00,



Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [C] [P] le 11 Avril 2024 à 16h12 ;



Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;



Vu l'absence du Préfet du Var, régulièrement convoqué,



Vu l'assistance de Madame [V] [S], interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,



Vu la comparution de Monsieur [C] [P], régulièrement convoqué ;



Vu la présence de Me Wafae EZZAITAB, avocat de Monsieur [C] [P] qui a été entendu en sa plaidoirie ;










MOTIFS



Monsieur [C] [P] a reçu notification le 9 avril 2024 d'un arrêté du Préfet du Var du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans.



Monsieur [C] [P] a été placé en garde à vue le 9 avril 2024, à 8h25, à [Localité 4]

Par arrêté de la préfecture en date du 9 avril 2024 et qui lui a été notifié le jour même à 16h00, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.



Par requête du 10 avril 2024, le Préfet du Var a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.



Par ordonnance prononcée le 11 avril 2024, à 13h14, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [C] [P] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.



Monsieur [C] [P] a interjeté appel de cette ordonnance le 11 avril 2024 à 16h12.



Sur l'audience, Monsieur [C] [P] déclare que :

- c'est injuste ce qui lui arrive, son employeur lui avait promis de faire des papiers, de lui faire des fiches de paie, et lorsqu'il a réclamé son dû, son employeur l'a frappé, il a une audience le 28 avril contre son employeur,

- il a fait un recours devant le TA,

- sur un retour en Algérie, il veut une chance pour récupérer ses biens, il partira de lui-même,

- il sait que la France est un état de droit et il veut qu'on respecte ses droits, il reviendra même pour signer ce qu'on veut, il travaille dans les jardins, il paie ses factures d'électricité.



Son avocat soutient que :

- le retenu a une convocation devant le TC le 28 avril 2024, car il a été placé en garde à vue suite à une plainte de son employeur et le retenu est convoqué contre son employeur, il veut se constituer partie civile,

- il y a une irrecevabilité de la requête car il n'y a pas la pièce utile relative à une convocation par téléphone et le PV qui explique comment le retenu s'est présenté n'est pas dans a procédure, il y a donc eu convocation déloyale,

- si le retenu prolongé, cela met obstacle à sa présence au TC pour faire valoir ses droits (article 6 CEDH).



Monsieur le Préfet du Var n'est pas représenté.



SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :



L'appel interjeté par Monsieur [C] [P] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.





SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:



L'article 563 du code de procédure civile dispose : «  Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L'article 565 du même code précise : «  Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.

A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.



Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.



En l'espèce, Monsieur [C] [P] soulève les moyens de nullité soutenus en première instance, in limine litis ainsi que l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la mesure. Ces moyens sont recevables. Sera déclaré irrecevable, en revanche, le moyen tiré de la contestation du placement en rétention administrative, aucune requête en ce sens n'ayant été adressée au juge des libertés et de la détention.



SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :



L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »

Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.



Sur les motifs de la garde à vue :



C'est par des motifs pertinents et adaptés que le juge de première instance relève que le placement en garde à vue est consécutif à un dépôt de plainte contre lui. Si la convocation du retenu par les services de police a été réalisée par la voie téléphonique, il ne s'ensuit aucune irrégularité. Les motifs de cette mesure de garde à vue ont été communiqués à l'intéressé. Le moyen n'étant pas fondé, il sera rejeté.







SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :



- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :



Monsieur [C] [P] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.



C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet du Var le 10 avril 2024 par Monsieur [D] [J], secrétaire général, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 21 août 2023 lui portant délégation de signature.



L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.



Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.



SUR LE FOND :



L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.



L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»



En l'espèce, l'administration a saisi le consulat d'Algérie le 9 avril 2024.



Aucun élément du dossier ou du débat à l'audience ne permet d'affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l'état des diligences dont il est ainsi justifié.



Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations.



SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [C] [P] :



Monsieur [C] [P] , présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, le retenu a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas respecté. Il refuse également de regagner son pays.



Enfin, l'existence d'une convocation judiciaire pour une audience à venir n'est pas de nature à faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement, le retenu pouvant se faire représenter à cette audience. Le moyen n'étant pas fondé, il sera rejeté.





Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.









PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,



Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,



Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [C] [P] ;



CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;



RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1]



Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 12 Avril 2024 à



LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

















' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 2] à M. [C] [P], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.



Le à H

Signature du retenu















Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [C] [P], par le Directeur du CRA de [Localité 2],

- Me Wafae EZZAITAB, avocat

,

- M. Le Préfet du Var

,

- M. Le Directeur du CRA de NÎMES,

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,

- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention.

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