12 avril 2024
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 23/04875

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

Texte de la décision

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

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S.A.S. ARBRE CONSTRUCTION

C/

S.A.S.U. BOIS & MATERIAUX, S.A. EDILFIBRO



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N° RG 23/04875 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NPPZ

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DU 12 AVRIL 2024

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ORDONNANCE







Nous, Jean-Pierre FRANCO, Président de la 4ème CHAMBRE COMMERCIALE de la Cour d'Appel de Bordeaux, assisté de M. Hervé GOUDOT, Greffier,



Le 12 avril 2024



dans la cause pendante





ENTRE :



S.A.S. ARBRE CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]



Représentée par Maître Marisol D'ALTON-BIROUSTE, avocat au barreau de BORDEAUX



Défenderesse à l'incident,

D'UNE PART,



ET :



S.A.S.U. BOIS & MATERIAUX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]



Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX



Demanderesse à l'incident,



S.A. EDILFIBRO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 6]



Représentée par Maître Norbert BOUHET, avocat au barreau de BORDEAUX



Intimées,



D'AUTRE PART,




EXPOSE DU LITIGE:



La société Vallade [C] a confié le 17 mars 2003 la réalisation de travaux de charpente, ouverture et bardage d'un bâtiment agricole à la société Boulesteix, depuis devenue Arbre Construction, qui s'est approvisionnée en matériaux auprès de la société Wolseley France Bois Matériaux, devenue Bois & Matériaux, laquelle s'est fournie auprès de la société de droit italien Edilfibro SPA, fabricante des plaques commandées.





Faisant état d'infiltrations survenues dans le bâtiment en 2012, la société Vallade [C] a obtenu en référé le 16 octobre 2013 la désignation de M. [C] en qualité d'expert, dont les opérations ont ensuite été étendues aux sociétés Bois & Matériaux et Edilfibro à l'inititiative d'Arbre Construction à la suite d'assignations du 17 septembre 2013.



Le 28 mai 2015, l''expert a déposé un rapport en concluant à la réalité de multiples infiltrations par les plaques de la couverture, fragilisant celle-ci et rendant selon lui l'immeuble impropre à sa destination, chiffrant à 41.730 euros TTC le coût de remplacement des plaques défectueuses et à 2.580 euros TTC les travaux de remise en état du local à usage de bureaux.



Par actes des 22, 24 et 29 juillet 2015, la S.A.S. Vallade [C] a fait assigner,devant le tribunal de commerce de Limoges les sociétés Arbre Construction, Bois & Matériaux et Edilfibro.



Par jugement du 24 février 2016, le tribunal de commerce de Limoges a, notamment

- débouté la société Vallade [C] de ses demandes dirigées contre la société Edilfibro,

- débouté la société Bois & Matériaux de sa demande à être mise hors de cause pour défaut de traçabilité du produit litigieux à son égard,

-débouté la société Edilfibro de sa prétention à voir juger forclose ou prescrite l'action récursoire de la société Arbre et Construction à son égard,

- débouté la société Bois & Matériaux de sa prétention à voir rejeter les demandes de la société Vallade [C],

-débouté la société Vallade [C] de sa prétention à voir condamner solidairement Arbre Construction, Bois & Matériaux et Edilfibro,

-débouté la société la société la société Bois &Matériaux de sa demande d'être garantie et relevée indemne par la société Edilfibro,

-débouté la société Arbre Construction de toutes ses demandes,

-condamné la société Arbre Construction à verser à la société Vallade [C]:

.45.000 euros HT au titre du coût de remise en état des bâtiments,

.2.510 euros HT au titre de la remise en état des bureaux,

.787,50 euros HT correspondant à la note d'eau,

-débouté la société Vallade [C] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Arbre Construction aux dépens, incluant les frais d'expertise, ainsi qu'à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile des indemnités de procédure à la société Vallade [C], à la société Bois &Matériaux et à la société Edilfibro.



La société Arbre Construction a relevé appel de ce jugement en intimant toutes les parties.



Elle s'est ensuite désistée à l'égard de la société Vallade [C].



Par arrêt du 21 février 2017, la cour d'appel de Limoges, statuant dans les limites de l'appel, a:

-confirmé le jugement en ce qu'il avait considéré non prescrits les recours en garantie d'Arbre Construction et sur la traçabilité des plaques en cause,



-réformé le jugement en ce qu'il avait rejeté les demandes en garantie à l'encontre de la société Bois & Matériaux et Edilfibro, et en ce qu'il condamnait la société Arbre Construction à verser une indemnité de procédure à la société Bois & Matériaux

statuant à nouveau :

- déclaré recevable l'action directe de la société Arbre Construction contre la société Edilfibro,

-condamné la société Bois & Matériaux à garantir la société Arbre Construction de l'intégralité des condamnations mises à sa charge par le jugement du 24 février 2016,

-condamné la société Edilfibro à garantir la société Bois &Matériaux des condamnations mises à sa charge

-condamné in solidum la société Bois & Matériaux et la société Edilfibro à relever et garantir la société Arbre Construction de l'intégralité des condamnations mises à sa charge par le tribunal de commerce de Limoges le 24 février 2016,

-dit que les dépens de première instance à la charge de la société Arbre Construction seraient garantis par la société Bois & Matériaux et la société Edilfibro,

-condamné in solidum la société Bois & Matériaux et la société Edilfibro aux dépens d'appel, ainsi qu'à garantir la société Arbre Construction de l'indemnité de procédure de 1.000 euros mise à sa charge au profit de la société Vallade [C], et à verser 3.000 euros à la société Arbre Construction sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



A la suite du pourvoi formé par la société Edilfibro, la Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, a, par arrêt du 16 janvier 2019, cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Limoges sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de mise hors de cause de la société Bois & Matériaux pour défaut de traçabilité du produit litigieux à son égard, et elle a renvoyé la cause et les parties devant la cour de céans.



La S.A.R.L. Arbre Construction (anciennement Boulesteix) a saisi la cour d'appel de Poitiers, cour de renvoi, par déclaration du 14 mars 2019.



Par arrêt du 26 novembre 2019, la cour d'appel de Poitiers a statué comme suit:

-infirmé le jugement déféré en ses chefs de décision afférents aux sociétés Bois & Matériaux et Edilfibro SPA, sauf au titre des indemnités de procédure qu'il leur alloue,



statuant à nouveau de ce chef :

-déclaré prescrite l'action exercée par la société Arbre Construction (anciennement Boulesteix) à l'encontre de la société Bois & Matériaux et de la société Edilfibro SPA,

-dit que ses demandes envers elles sont irrecevables,

-condamné la S.A.R.L. Arbre Construction (anciennement Boulesteix) aux dépens de première instance et d'appels sur renvoi de cassation afférents à la mise en cause des sociétés Bois & Matériaux et Edilfibro, qui incluront ceux de la procédure d'appel ayant abouti à l'arrêt cassé du 21 février 2017 de la cour d'appel de Limoges,

-la condamner à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile à titre d'indemnité de procédure d'appel

* 3.000 euros à la société Bois & Matériaux

* 3.000 euros à la société Edilfibro.





Par arrêt du 21 juillet 2023, la Cour de cassation, chambres mixtes, a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; et a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux.



Par déclaration du 27 octobre 2023 (RG n°23/4875), la SARL Arbre Construction a saisi la Cour d'appel de Bordeaux en qualité de juridiction de renvoi à l'encontre de la SAS Bois & Matériaux Distribution (venant aux droits de la société Wolseley France Bois et matériaux - WFBM) et de la société Edilfibro.



Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2024, la société Bois & Matériaux a demandé au président de chambre de:

-constater et déclarer caduque la déclaration de saisine formée par la SARL Arbre Construction le 27 octobre 2023 ;

-subsidiairement, déclarer irrecevable la déclaration de saisine formée par la Sarl Arbre Construction le 27 octobre 2023 ;

-condamner la SARL Arbre Construction à payer à la société Bois & Materiaux, une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions responsives notifiées par voie électronique le 2 février 2024, la société Arbre Construction (anciennement dénommée Boulesteix) demande au président de chambre de:

- rejeter la demande de la société Bois et Materiaux visant à voir déclarer caduque la déclaration de saisine formée par la SARL Arbre Construction le 27 octobre 2023,

- rejeter la demande de la société Bois et Materiaux visant à voir déclarer irrecevable la déclaration de saisine formée par la SARL Arbre Construction le 27 octobre 2023,

- condamner la société Bois et Materiaux à verser à la SARL Arbre Construction la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'incident.




SUR CE:



1- La société Bois & Matériaux soutient que la déclaration de saisine est caduque, dès lors que la déclaration de saisine a été faite à l'encontre de la société la SAS Bois & Matériaux Distribution, alors que cette dernière société n'est jamais venue aux droits de la société Bois & Matériaux; qu'il s'agit d'une entité différente de la société Bois & Matériaux; qu'elle n'a du reste jamais été présente à l'instance, et qu'elle était radiée du RCS de [Localité 7] à la date du 27 octobre 2023, de sorte qu'elle était inexistante et dépourvue de la personnalité morale et juridique.



Subsidiairement elle soutient que la déclaration de saisiine est irrecevable.



2- La société Arbre Construction réplique que la déclaration de saisine a été signifiée le 15 novembre 2023 soit dans le délai de 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation à la société Bois et matériaux, venant aux droits de la société Wolseley France Bois et matériaux.

Elle fait valoir que la désignation erronée de l'intimée par suite d'une erreur matérielle n'est pas de nature à affecter la saisine de la cour à l'égard de la société Bois et Matériaux, et souligne qu'il n'en est résulté aucun grief pour cette dernière, qui s'est régulièrement constituée le 7 décembre 2023 sur la seconde déclaration de saisine, en mentionnant sa dénomination exacte, son numéro de RCS et en actualisant les mentions son siège social.



Subsidiairement elle fait valoir que si le moyen tiré de l'existence d'une erreur matérielle était rejeté, il conviendrait d'en déduire que la société Bois et Matériaux est intervenue volontairement à l'instance et qu'elle est irrecevable à soulever l'incident de caducité, nul ne plaidant par procureur.



Plus subsidiairement, elle souligne que si elle considère ne pas être visée par la déclaration de saisine, la société Bois & Matériaux n'a pas qualité pour soulever l'irrecevabilité de la déclaration de saisine.



Sur ce:



3- Selon les dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile, en cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relève de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.



4- Il est constant que l'absence ou l'irrégularité d'une mention de la déclaration de saisine constitue un vice de forme, et la cour de renvoi apprécie souverainement l'existence d'un grief pour prononcer la nullité (en ce sens, notamment, Cour de cassation, 2ème chambre civile, 3 octobre 2002, pourvoin° 00-21.088, Cour de cassation, chambre sociale, 14 avril 2010, n° 08-45.611).

Par ailleurs, la régularité de la saisine de la cour d'appel de renvoi s'apprécie au moment de cette saisine et en fonction de la situation des parties à cette date



5- En l'espèce, l'instance ayant donné lieu à la cassation opposait la SARL Arbre Construction (anciennement dénommée Boulesteix), appelante, à la SAS Bois & Matériaux, venant aux droits de la société Wolseley France Bois et Matériaux - WFBM et à la SPA Edilfibro.

Cette société Bois & Matériaux, ayant d'abord eu son siège social [Adresse 5], avec une immatriculation au RCS de [Localité 4] sous le numéro B 497 735 266, a changé de siège social, à compter du 1er juin 2022, et celui-ci est désormais fixé [Adresse 2], avec une immatriculation au RCS de [Localité 7] sous le numéro 410 173 298.



6- La déclaration de saisine du 27 octobre 2023 vise en qualité d'intimée la société Bois & Matériaux Distribution (venant aux droits de la société Wolseley France Bois et Matériaux - WFBM), SAS immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 497 735 266, ayant son siège social [Adresse 2].



7- Il ressort des productions que cette société est distincte de celle qui était partie à l'instance ayant donné lieu à la cassation, et qu'en outre elle était radiée du RCS de Toulouse depuis le 27 octobre 2023, de sorte qu'elle n'avait plus la personnalité morale le 15 novembre 2023, lorsqu'est intervenue la signification de la déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux.



8- Partant, la déclaration visant une personne morale n'ayant plus d'existence juridique, qui au surplus n'avait pas été partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt cassé, n'a pu opérer de saisine régulière de la juridiction de renvoi, quelque soient les conditions de signification de cette déclaration; qui n'a elle-même pu produire effet, de sorte que la déclaration de saisine sera déclarée caduque en l'absence de signification régulière dans le délai de 10 jours.



9- Le fait que la société Bois & Matériaux ait constitué avocat dans le cadre de cette instance ne vaut pas de sa part renonciation au droit de soulever la caducité de la déclaration de saisine, et elle dispose d'un intérêt à se prévaloir de l'irrégularité constatée, sans que puisse lui être opposée le principe selon lequel nul en France ne plaide par Procureur.



10- Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires.



Sur les demandes accessoires:



11- Il est équitable d'allouer à la société Bois & Matériaux une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS:



-Déclarons caduque la déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux en date du 27 octobre 2023,



- Condamnons la société Arbre Construction à payer à la société Bois & Matériaux la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'incident,



-Rejetons les autres demandes.



La présente ordonnance a été signée par Jean-Pierre FRANCO , Président , et par Hervé Goudot, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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