12 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/02558

Chambre 4-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2024



N° 2024/109



Rôle N° RG 21/02558 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7JC







[I] [B]





C/



S.A. LA BASTIDE









Copie exécutoire délivrée

le :



12 AVRIL 2024



à :



Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Valérie VITU, avocat au barreau de MARSEILLE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01093.





APPELANTE



Madame [I] [B], demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]



représentée par Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE



S.A. LA BASTIDE, demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]



représentée par Me Valérie VITU, avocat au barreau de MARSEILLE









*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Véronique SOULIER, Présidente

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère



Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024.



Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***































































La société La Bastide est une clinique de post-cure psychiatrique.



Elle a engagé Mme [I] [B] par contrat de travail à durée déterminée du 1er octobre 2018 au poste d'Agent de Service Hospitalier (ASH) remplaçante, la relation de travail s'étant poursuivie à durée indéterminée à compter du 13 novembre 2018.



Mme [B] a été victime d'un accident du travail le 14 avril 2016 avec un arrêt de travail jusqu'au 31 août 2016.



Par courrier du 2 mai 2016, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de cet accident.



L'arrêt maladie de Mme [B] a été prolongé jusqu'au 1er septembre 2016, date d'une visite de reprise, le médecin du travail ayant conclu à son aptitude à reprendre le travail en préconisant 'd'éviter la manutention et le port de charges lourdes pendant un mois'.



La salariée a repris son travail à compter du 1er septembre 2016 jusqu'au 15 septembre 2016 et a été de nouveau placée en arrêt de travail et n'a plus repris son activité professionnelle.



Mme [B] a été déclarée inapte à son poste de travail le 16 janvier 2019, son état de santé faisant obstacle à tout reclassament dans un emploi.



Par courrier recommandé du 17 janvier 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 28 janvier 2019.



La société la Bastide lui a notifié son licenciement pour inaptitude physique le 31 janvier 2019.



Soutenant que son inaptitude avait au moins partiellement pour origine l'accident du travail du 14 avril 2016, que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, que celui-ci avait manqué à son obligation de sécurité, qu'il n'avait pas procédé à la consultation des délégués du personnel, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et sollicitant la condamnation de celui-ci au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 25 avril 2019 lequel par jugement du 18 janvier 2021 a:

- dit que le licenciement pour inaptitude et reposant sur une cause non professionnelle est bien fondé;

- débouté Mme [B] de l'ensemble de ses demandes;

- débouté la SA La Bastide de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné Mme [B] aux entiers dépens.



Mme [B] a relevé appel de ce jugement le 18 février 2021 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.



Aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appelante notifiées par voie électronique le 05 février 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Mme [B] a demandé à la cour de :



Réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 18.01.2021 par le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE.



A titre principal,



Fixer le salaire brut de base à la somme de 1.604,00 euros.



Dire et juger que l'inaptitude de Madame [B] avait, au moins partiellement, pour origine l'accident du travail du 15.04.2016.



Dire et juger que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.









Dire et juger que l'inaptitude de Madame [B] était d'origine professionnelle.



Dire et juger qu'en vertu des dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail l'employeur aurait dû payer à Madame [B] son préavis ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement.



Condamner l'employeur à verser à la salariée les sommes suivantes :



- 3.208,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 3.295,00 € net à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement



Ordonner la rectification de l'ensemble des documents sociaux de rupture afférents (attestation pôle emploi, certificat de travail, dernier bulletin de salaire) sous astreinte de 150 €uros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.



Dire et juger que l'employeur ne justifie pas de l'établissement d'un DUER pour l'ensemble de la relation contractuelle de la salariée.



Dire et juger que l'employeur ne démontre pas avoir mis en 'uvre les mesures préventives préalablement à l'accident de travail de Madame [B] le 14.04.2016 pour lui permettre d'éviter qu'un tel accident se produise.



Dire et juger que l'employeur ne démontre pas avoir mis en 'uvre les mesures curatives postérieurement à la reprise du 1.09.2016 pour lui permettre d'éviter que la rechute du 15.09.2016 ne se produise.



Constater l'absence d'établissement d'un DUER.



Dire et juger que la violation de sécurité est caractérisée.



Dire et juger que l'employeur avait l'obligation de procéder à une consultation des délégués du personnel.



Dire et juger qu'en l'absence de consultation des délégués du personnel, les sanctions édictées par l'article L.1226-15 du code du travail sont applicables.



Dire et juger le licenciement inaptitude abusif pour défaut de consultation des délégués du personnel.



Condamner l'employeur à verser à Madame [B] une somme qui ne saurait être inférieure à 19.248,00 €uros.



A titre subsidiaire,



Dire et juger qu'en omettant de mettre en 'uvre les mesures préventives et curatives nécessaires pour garantir la sécurité de Madame [B], l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.



Dire et juger que l'inaptitude de Madame [B] est imputable à un tel manquement de l'employeur.



Dire et juger le licenciement entrepris comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Condamner la SA LA BASTIDE à payer à Madame [B] une somme de 19.248,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre.



En tout état de cause,



Condamner l'employeur aux dépens et à verser à Madame [B] une somme de 2.500,00 €uros au titre de l'article 700 du CPC.



Intérêts légaux à compter du jour de la demande en justice et capitalisation.



Par conclusions récapitulatives d'intimée notifiées par voie électronique le 14 février 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la SA La Bastide a demandé à la cour de :



Confirmer le jugement du 18 janvier 2021 en toutes ses dispositions.



En conséquence:



Dire et juger que la SA La Bastide a parfaitement respecté les prescriptions médicales de la médecine du travail et a en outre respecté l'obligation de sécurité due à sa salariée.



Dire et juger que l'inaptitude de Mme [B] était d'origine non professionnelle et en conséquence la débouter de ses demandes à ce titre.



Dire et juger que l'inaptitude de Mme [B] ayant été prononcée sur le fondement de l'article L.1226-2 du code du travail, l'employeur n'avait pas à consulter les délégués du personnel.



La débouter de ses demandes formulées sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail.



Dire et juger que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité.



Dire et juger en tout état de cause que Mme [B] ne justifie d'aucun préjudice.



La débouter de l'intégralité de ses demandes.



A titre infiniment subsidiaire :



Réduire à de plus justes proportions les dommages-intérêts sollicités sur le fondement du licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Reconventionnellement:



Condamner Mme [B] à payer à la SA la Bastide la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.



La condamner aux dépens.



La clôture de l'instruction a été ordonnée le 15 février 2024.




SUR CE :



A titre liminaire, la cour constate que par application de l'article 954 § 3 du code de procédure civile, elle n'est pas saisie par la salariée de sa demande de condamnation de l'employeur au paiement d'une somme indemnitaire de 5.000 € pour violation de l'obligation de sécurité, cette dernière figurant en page 13 de ses écritures n'ayant pas été reprise dans le dispositif de celles-ci pas plus que par l'employeur lequel en page 5 de ses conclusions soulève à titre principal l'irrecevabilité des demandes formulées par Mme [B] pour violation de l'article 16 du code de procédure civile sans cependant énoncer cette prétention dans le dispositif.

La cour ne statuera donc pas sur ces demandes.



Sur la nature de l'inaptitude de Mme [B] :



Il est constant que les règles protectrices des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude a pour origine, au moins partiellement, cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ou qu'il était informé de la volonté du salarié de faire reconnaître cette origine.







Le droit du travail étant autonome par rapport au droit de la sécurité sociale,l'application de ces dispositions protectrices n'est pas liée à la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie par un organisme de sécurité sociale. De la même manière, la circonstance qu'un salarié ait été au moment du licenciement déclaré consolidé de son accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie et pris en charge par les organismes sociaux au titre de la maladie n'est pas de nature à faire perdre à la salariée le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail.



Il appartient au juge prud'homal, en cas de contestation sur ces points, d'une part, de déterminer lui-même, sans se fonder exclusivement sur la prise en charge ou le refus de prise en charge par la sécurité sociale de l'accident ou de la maladie, le caractère professionnel ou non de l'accident ou de la maladie et donc le lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié, d'autre part, de rechercher si l'employeur avait, ou non, connaissance de ce caractère professionnel lors du licenciement.



Mme [B] soutient qu'elle a été victime d'un accident du travail le 14 avril 2016 puis d'une rechute le 15 septembre 2016 dont le rattachement avec l'accident initial a été reconnu, qu'il n'est donc pas contestable que son inaptitude a eu au moins partiellement, pour origine l'accident du travail initial et sa rechute puisqu'elle n'a jamais repris ses fonctions depuis celle-ci et qu'elle a été déclarée inapte à son poste de travail au terme de la visite de reprise du 16 janvier 2019. Elle ajoute que la circonstance qu'elle ait été déclarée consolidée de son accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie et prise en charge par les organismes sociaux au titre de la maladie n'est pas de nature à lui faire perdre le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail et qu'elle n'a pas à faire une démonstration supplémentaire du lien de causalité entre son accident du travail initial, sa rechute et son inaptitude.



La SA La Bastide réplique que Mme [B] ne démontre pas le lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude prononcée alors que si elle a été victime d'un accident du travail le 14 avril 2016 nécessitant un arrêt de travail prolongé jusqu'au 31 août 2016, elle a bénéficié d'une visite de reprise le 1er septembre 2016, le médecin du travail l'ayant déclarée apte à reprendre le travail et ayant préconisé d'éviter la manutention et le port de charges lourdes pendant seulement un mois, qu'elle a été, selon elle, victime d'une rechute le 15 septembre 2016 ayant été arrêtée au terme d'un arrêt de travail de prolongation et non de rechute alors que le courrier de la sécurité sociale qu'elle produit est relatif à une nouvelle lésion du 29 septembre 2016 et non du 15 septembre 2016. Elle ajoute qu'elle n'a jamais eu connaissance du courrier de la CPAM du 11 octobre 2016 lui précisant une prise en charge de cette lésion au titre de la législation protectrice des accidentés du travail en lien avec l'accident du travail du 14 avril 2016 la salariée ne lui ayant pas transmis ce courrier, que celle-ci a été indemnisée pour maladie et non plus pour accident du travail à compter du mois de février 2017, qu'elle n'a été déclarée inapte à son poste de travail que près de trois ans après l'accident du travail du 14 avril 2016 et que les autres éléments qu'elle verse aux débats démontrent que ses problèmes anxio-dépressif dans un contexte de conjugopathie sans rapport avec la relation de travail sont à l'origine de la maladie non professionnelle qui a conduit à son inaptitude.



Mme [B] verse aux débats les pièces médicales suivantes:

- un certificat médical initial d'accident du travail survenu le 14 avril 2016 faisant état de cervicalgies post-traumatiques;

- une ordonnance médicale du 15/04/2016 du service d'accueil des urgences de l'Hôpital [6] à [Localité 5] prescrivant à la salariée du paracétamol ainsi que des gélules de Miorel;

- un courrier de la CPAM des Bouches du Rhône lui notifiant le 2 mai 2016 la prise en charge de l'accident du travail du 14 avril 2016 au titre des risques professionnels;

- un compte-rendu d'examen électromyogramme du membre supérieur droit du 16/06/2016 concluant à un discret canal carpien sensitif myélinique;

- un certificat médical de prolongation d'arrêt de travail pour accident du travail jusqu'au 31/08/2016;

- un certificat médical de prolongation des soins résultant de l'arrêt de travail du 14 avril 2016 rédigé le 31 août 2016 jusqu'au 30 septembre 2016;

- une fiche médicale établie par le médecin du travail le 1er septembre 2016 indiquant à l'issue de la visite de reprise : 'Apte mais doit éviter de manutentionner des charges lourdes pendant un mois';





- le dossier médical de Mme [B] dans lequel le médecin du travail indique le 1er septembre 2016 : 'entorse cervicale - névralgie (mot illisible) - Kiné en cours - Apte mais ne doit pas manutentionner de charges lourdes' et mentionne '07/09/2016 - courrier AR n°1A12324666732 ";

- un certificat médical de prolongation de l'accident du travail du 14 avril 2016 du 15/09/2016 au 30 septembre 2016 pour 'traumatisme cervical - Minerve -Contraction cervicale';

- un notification de la CPAM des Bouchèes du Rhône du 11 octobre 2016 de la prise en charge d'une lésion du 29 septembre 2016 au titre de la législation relative aux risques professionnels suite à l'accident du travail du 14 avril 2016;

- des attestations de paiement des indemnités journalières pour accident du travail à compter du 14/04/2016 jusqu'au 31/08/2016 puis à compter du 16/09/2016 au 31/01/2017 puis pour maladie à compter du 01er/02/2017 jusqu'au 18 juillet 2019;

- la notification à la salariée de la décision de reconnaissance de travailleur handicapé notifiée le 16/06/2017 pour la période du 15/06/2017 au 31/05/2020;

- un compte-rendu d'hospitalisation d'un mois en service de psychiatrie adulte du 10/11/2017 au 13/12/2017 en raison d'un état dépressif majeur relevant dans les antécédents ; un accident du travail avec 'capsulite épaule droite' et mentionnant dans l'histoire de la maladie 'début des troubles en avril 2016 suite à une AT (entorse cervicale) - A noter un contexte de souffrance dans un tableau de conjugopathie..';

- un certificat médical du 9/10/2018 d'un médecin orthopédiste indiquant qu'elle présente 'une douleur épaule droite...(illisible);

- un avis d'inaptitude établi par le médecin du travail le 16 janvier 2019 à l'issue de la deuxième visite de reprise dispensant l'employeur de l'obligation de reclassement en indiquant 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi '.



L'employeur a produit aux débats :

- un courriel du 02/09/2016 adressé par la directrice adjointe au médecin du travail lui indiquant ' tous nos postes ASH comportent des tâches qui sont équivalentes en terme de pénibilité. Notre organisation ne permet pas d'aménager un poste en particulier. Dans son cas particulier, la salariée ne peut qu'être déclarée apte ou temporairement inapte';

- la réponse du médecin du travail lui confirmant l'aptitude de Mme [B] à son poste de travail précisant cependant que 'sur la fiche d'aptitude, il est simplement mentionné 'EVITER de manutentionner des charges lourdes' c'est une simple recommandation visant à éviter l'altération de l'état de santé de la salariée (article L.4624-1 du code du travail)';

- trois exemplaires des planning des tâches des ASH en salle à manger, plonge et dans les services dont aucun n'est ni signé ni validé par la salariée.



Il se déduit de ces éléments que la salariée, ainsi que l'indique l'employeur, a été victime le 14 avril 2016 d'un accident du travail sur son lieu de travail en soulevant un plateau de verre à l'origine d'un traumatisme du rachis cervical avec répercutions dans son épaule droite, qu'elle a été placée en arrêt de travail du 15 avril 2016 au 31/08/2016, que si elle a été déclarée apte à la reprise de son poste de travail le 1er septembre 2016, le médecin du travail a formulé une recommandation s'analysant en une réserve pendant un mois en préconisant d'éviter la manutention de charges lourdes, que l'employeur qui a d'ailleurs admis auprès de la médecine du travail son impossibilité d'aménager le poste de travail de la salariée, ne justifie pas comme il le prétend avoir tenu compte de cette recommandation destinée à éviter l'altération de l'état de santé de Mme [B] laquelle était toujours en soins lors de sa reprise le 1er septembre 2016 (minerve, kinésithérapie) en l'affectant dans 'les services' comportant comme dans les autres secteurs des tâches pénibles de nettoyage (dos penché en avant à 45°, bras au-dessus des épaules à 90°), qu'il n'est nullement contesté par la SA La Bastide qu'elle a effectivement eu connaissance du certificat médical du 15/09/2016 de 'prolongation' d'un accident du travail du 14/04/2016 mentionnant 'traumatisme cervical - Minerve -Contraction cervicale' plaçant de nouveau la salarié en arrêt de travail à compter de cette dernière date sans interruption ni nouvelle visite médicale de reprise jusqu'au 16/01/2019, date du prononcé de son inaptitude définitive de sorte que quand bien même cet avis ne mentionne pas le caractère professionnel de l'inaptitude et que durant cette période la salariée, qui a perçu des indemnités journalières pour accident du travail jusqu'au 31/01/2017, a effectivement développé une pathologie dépressive il n'en demeure pas moins au regard de la chronologie rappelée et de la nature d'origine professionnelle de l'affection décrite dans le certificat médical de 'prolongation' d'un arrêt de travail pour accident du travail du 15/09/2016 qu'en dépit des années écoulées au moment du licenciement de Mme [B] pour inaptitude définitive avec dispense de reclassement l'employeur avait connaissance de cette origine au moins partiellement professionnelle.





Par application des dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail, Mme [B] qui n'a pas perçu de préavis et dont l'indemnité de licenciement versé s'est élevée à la somme de 3.295 € est bien fondée à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi que d'une indemnité spéciale de licenciement.



Retenant un salaire mensuel brut non contesté de 1604 €, il convient par infirmation du jugement entrepris de condamner la SA La Bastide à payer à Mme [B] une somme de 3.208 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 3.295 € à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement, sommes dont les montants n'ont pas été critiqués à titre subsidiaire et d'ordonner la rectification des documents sociaux de rupture (attestation pôle emploi, certificat de travail, dernier bulletin de salaire) conformément au présent arrêt, la demande d'astreinte étant rejetée faute pour la salariée de produire des éléments établissant une possible résistance de l'employeur à l'exécution de cette injonction.



Sur la rupture du contrat de travail :



Mme [B] fait valoir que son licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison, à titre principal, du défaut de consultation des délégués du personnel et à titre subsidiaire du manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité qui l'a provoquée celui-ci n'ayant pas justifié des mesures préventives et curatives qu'il a prises pour éviter la réitération du risque de survenance de sa rechute du 15 septembre 2016.



La SA La Bastide le conteste en indiquant que si depuis le 1er janvier 2017, l'employeur a l'obligation de consulter les délégués du personnel que l'inaptitude soit ou non d'origine professionnelle, tel n'est pas le cas si comme en l'espèce, le médecin du travail a expressément indiqué dans l'avis d'inaptitude que l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Elle nie tout manquement à l'obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude de Mme [B] en indiquant qu'elle a pris les mesures préventives qui s'imposaient pour ne pas faire prendre de risque à celle-ci en ayant bien établi un DUER en 2016, année de l'accident du travail, en lui ayant fait dispenser moins de quatre mois avant l'accident du travail du 14 avril 2016 une formation complète à la sécurité, en ayant respecté la simple préconisation du médecin du travail mentionnée dans l'avis d'aptitude du 1er septembre 2016 en décidant de l'affecter dans les services et non plus en salle à manger afin de lui éviter le port de casseroles et autres ustensiles lourds en dépit de la mise à disposition de charriots pour éviter le port d'objets lourds.



Sur la consultation préalable des délégués du personnel:



L'article L1226-10 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 01 janvier 2018 dispose que : 'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.



Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.



L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'



Par application des dispositions de l'article L.1226-2 et L.1226-2-1 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, 'soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.'







Il n'est pas contesté que la salariée a été déclarée inapte à son poste de travail le 16 janvier 2019 à l'issue d'une seconde visite médicale de reprise le médecin du travail ayant précisé que 'l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi' ce dont il résulte que l'employeur n'a pas dans ce cas l'obligation de consulter les délégués du personnel.



En conséquence, ce manquement ne peut être reproché à l'employeur.



Sur le manquement à l'obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude :



Par application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures cormprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions de formation et d'information et la mise en place d'une organisation et de moyens qu'il doit adapter pour tenir compte du changement des circonstances et améliorer les situations existantes.



Ainsi tenu d'une obligation de sécurité des travailleurs dans l'entreprise, il doit en assurer l'effectivité et justifier des mesures tant préventives que curatives qu'il a prises.



Il lui incombe d'évaluer les risques dans chaque unité de travail dont les résultats doivent être répertoriés dans un document unique (DUER) mis à jour au moins une fois par an et lors de toute décision d'aménagement importante modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail ou encore lorsqu'une information supplémentaire est recueillie notamment à l'occasion de la survenance d'un accident du travail.



Si la SA la Bastide verse aux débats un document unique d'évaluation des risques professionnels, détaillant en pages 31 à 33 l'analyse des risques au poste d'Agent de Service Hospitalier (ASH) liés à la charge physique de travail, aux produits, aux émissions, aux facteurs de risques sociaux dont les troubles musculosqueletiques et listant les mesures préventives ce document mentionne 'version V01 - et une date de mise à jour du 18/08/2016" soit postérieure à l'accident du travail de Mme [B] du 14 avril 2016 sans que l'employeur, qui ne produit aucun autre élément, ne démontre, ainsi qu'il l'allégue en affirmant que ce document n'est qu'une mise à jour, qu'à cette date une version antérieure de ce DUER était effectivement en vigueur dans l'entreprise.



De même, si l'employeur produit deux attestations de suivi par Mme [B] de formation 'Sécurité § Prévention des risques dans l'entreprise' sur les thèmes concernant l'information sur les risques professionnels , la définition des consignes de sécurité au travail et la formation sur les règles pratiques au travail émanant de la société Optima RH Consulting aucun de ces documents ne comportent la signature de la salariée, pas plus que celle de l'employeur (pièce n°20).



Enfin, la cour a déja relevé que l'employeur n'avait pas justifié avoir effectivement suivi la préconisation du médecin du travail 'd'éviter (à Mme [B]) de manutentionner des charges lourdes pendant un mois' ayant d'ailleurs immédiatement informé le médecin du travail de son impossibilité à limiter la pénibilité des tâches de cette ASH lequel ayant dans le même temps confirmé l'aptitude au poste tout en précisant que cette préconisation était destinée à éviter une nouvelle altération de l'état de santé de la salariée, il incombait nécessairement à la SA La Bastide de prendre pour un mois des mesures effectives pour limiter le port de charges lourdes par Mme [B] ce que la société ne démontre pas avoir fait avant la rechute de la salariée le 15 septembre 2016 pour traumatisme cervical en lien avec l'accident du travail du 14 avril 2016.



Faute pour l'employeur de démontrer l'absence de manquement à son obligation de sécurité antérieurement à l'accident du travail du 14 avril 2016 et durant la brève période de reprise du travail par la salariée toujours en soins entre les 1er et 15 septembre 2016 suivie d'un nouvel arrêt de travail pour rechute de l'accident du travail, arrêt de travail qui s'est poursuivi sans interruption jusqu'au 16/01/2019, date de constatation de l' inaptitude définitive de la salariée à tout reclassement dans un emploi, la cour, par infirmation du jugement entrepris considère que l'inaptitude la salariée étant imputable à un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, le licenciement de la salariée est dépourvue de cause réelle et sérieuse.









Tenant compte par application des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, d'une ancienneté de 10 années, d'un âge de 51 ans, d'un salaire de référence de 1.604 €, de ce que la salariée justifie d'une période d'arrêt de travail du 22/10/2019 au 1er/02/2020, de ce que le bénéfice d'une pension d'invalidité 2ème catégorie lui a été notifié à titre temporaire le 09/12/2019 d'un montant brut mensuel de 676,69 € mais qu'elle ne produit aucun élément postérieur à 2020 relatif à son insertion sur le marché du travail, il convient par infirmation du jugement entrepris de condamner la SA La Bastide à lui payer une somme de 10.426 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Sur la remise sous astreinte des documents de fin de contrat :



Le sens du présent arrêt conduit à faire droit à la demande de Mme [B] de rectification de l'ensemble des documents sociaux de rupture afférents (attestation pôle emploi, certificat de travail, dernier bulletin de salaire) sans qu'il soit cependant nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte, le rejet de cette demande par la juridiction prud'homale étant confirmé.



Sur les dépens et les frais irrépétibles :



Il convient d'infirmer les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Mme [B] aux entiers dépens et ayant rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La SA La Bastide est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [B] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS:



La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,



Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte de Mme [B] assortissant la remise de documents de fin de contrat rectifiés.



Statuant à nouveau et y ajoutant:



Dit que l'inaptitude de Mme [B] a partiellement pour origine l'accident du travail du 14 avril 2016 et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.



Dit que le licenciement de Mme [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Fixe le salaire brut de référence à la somme de 1.604 €.



Condamne la SA la Bastide à payer à Madame [B] les sommes suivantes:

- 3.208 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

- 3.295 € à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement;

- 10.426 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Ordonne la rectification des documents sociaux de rupture (attestation pôle emploi, certificat de travail, dernier bulletin de salaire) conformément au présent arrêt,



Rejette la demande d'astreinte.



Condamne la SA La Bastide aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [B] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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