12 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/18841

Chambre 4-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2024



N° 2024/069













Rôle N° RG 19/18841 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFI6J







[V] [X]





C/



SAS GAGNERAUD CONSTRUCTION













Copie exécutoire délivrée

le : 12 Avril 2024

à :



Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Maëva GLEIZE, avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 30 Août 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00568.





APPELANT



Monsieur [V] [X], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE



SAS GAGNERAUD CONSTRUCTION, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Maëva GLEIZE, avocat au barreau de MARSEILLE











*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller









Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2024, délibéré prorogé au 12 Avril 2024







ARRÊT



Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024



Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



***





























































M. [V] [X] a été engagé par la société Gagneraud Construction 2011 en qualité de maçon coffreur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet du 24 août 2011 à effet du 5 septembre 2011 moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.805,50 € pour 157 heures de travail.



Le contrat prévoyait que la relation de travail était régie par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics.



Suivant un avenant du 1er avril 2015, il a été convenu que la rémunération mensuelle brute du salariée passe à 1.863,59 €.



Le 27 mai 2015, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé au 4 juin 2015. Il a été licencié par une lettre du 19 juin suivant rédigée en ces termes :



« (...) Nous faisons suite à votre entretien préalable en date du 04 juin 2015 avec Messieurs [Z] (Responsable d'Exploitation) et [G] (Responsable Ressources Humaines) et pour lequel vous étiez assisté de M. [C] (Canalisateur).



Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les faits qui vous étaient reprochés et qui sont les suivants :



- Le 26 mai 2015, sur le chantier « INEOS Cuvettes », alors que vous finissiez le coulage du béton au pied d'un l'escalier, votre chef de chantier, M. [D], vous a demandé de reprendre immédiatement une partie du coulage à l'endroit où il y avait un trou. Vous lui avez alors répondu de manière virulente « Je m'en bats les couilles, il est 17h ! ». M. [D] vous a alors rétorqué que, si - comme vous veniez de le dire - vous ne vous préoccupiez pas de vos taches, vous pouviez quitter le chantier. Vous vous êtes alors énervé et avez jeté votre outil de travail en criant « arrête de me casser les couilles, va te faire voir, si tu avais 20 ans de moins je te mettrais la tête dans le béton ».



Face à cette réaction violente et disproportionnée, vos collègues ont du s'interposer afin d'éviter que la situation ne dégénère. Vous avez ensuite attendu la fin du chantier dans le camion de l'entreprise.

Vous avez reconnu les faits lors de l'entretien tout en expliquant néanmoins que vous étiez fatigué et énervé ce jour-là. Vous avez ensuite tenté de minimiser votre comportement en ajoutant que vous vous étiez excusé auprès de la Direction de l'Agence et vis-à-vis de vos responsables hiérarchiques.



Lors de l'entretien, nous vous avons fait part de notre regret de vous voir persister dans ce type d'attitude inacceptable que nous vous avions pourtant demandé de cesser.



- En effet, en février dernier, vous aviezdéjà eu une altercation verbale avec M. [M], Chef de chantier, en raison de vos remarques et critiques sur l'organisation de son équipe. Suite à ce dénigrement de votre hiérarchie, votre conducteur de Travaux Principal, M. [E], vous avait immédiatement rencontré et vous avait demandé de corriger votre comportement.



- En mars 2015, vous vous étiez moqué d'un autre Chef de chantier, M. [K], et l'aviez provoqué. Lorsque ce dernier vous avait demandé de cesser votre comportement, vous lui aviez répondu selon vos propres termes « on va se battre, maintenant si tu veux» puis, toujours selon vos dires, « vu que tu ne me respectes pas, j'arrête de travailler ». Devant cette attitude provocatrice, M. [K] avait alors été contraint de vous raccompagner à l'Agence où vous aviez été reçu par le Chef d'Agence, M. [P], et le Responsable d'Exploitation, M. [Z], qui vous avaient une fois encore demandé de corriger votre comportement.



Lors de l'entretien, vous avez minimisé ces incidents en indiquant qu'il ne s'agissait que de « banales disputes » pour lesquelles vous aviez présenté vos excuses.



Nous vous rappelons que vous êtes lié à notre entreprise par un contrat de travail, et qu'à ce titre vous vous devez de respecter votre hiérarchie, et notamment les Chefs de chantier avec qui vous travailliez. Votre comportement et votre emportement totalement disproportionné ne peuvent se justifier, d'autant plus que nous avions déjà eu l'occasion de vous mettre en garde pour de tels écarts de conduite. En effet, une mise à pied à titre disciplinaire de 2 jours vous avait également été notifiée le 28 janvier 2013.



Si nous avons entendu vos excuses, nous vous confirmons que nous ne pouvons tolérer sur nos chantiers de tels comportements agressifs, et qui plus est, réitéré délibérément. Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons admettre que de tels faits se reproduisent.



Par conséquent, compte tenu de l'ensemble des faits énoncés ci-dessus et de vos explications, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement.



Votre préavis de deux mois, que nous vous dispensons d'effectuer débutera à compter de la première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile (...) »



C'est dans ce contexte que, le 16 décembre 2015, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Martigues à la fois pour contester le bien fondé de son licenciement et la régularité de la procédure suivie et solliciter également le paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement.



L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 8 juin 2017 et elle a été réenrôlée le 22 juin suivant. Puis le conseil des prud'hommes s'est déclaré en partage de voix le 20 septembre 2018.



Vu le jugement rendu en formation de départage le 30 août 2019, qui a :

- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes

- et condamné ce dernier à payer à l'employeur une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,



Vu la déclaration d'appel de M. [X] en date du 11 décembre 2019,



Vu l'ordonnance d'incident prise par le conseiller de la mise en état le 9 octobre 2020 déclarant cet appel recevable, rejetant la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive du salarié appelant et condamnant la société employeur à lui payer une indemnité de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident,



Vu les uniques conclusions prises pour le compte de M. [X] et transmises par voie électronique le 11 mars 2020, pour demander en substance à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

- fixer son salaire brut mensuel moyen à la somme de 2.281,94 € (moyenne des 3 derniers mois),

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et irrégulier,

- en conséquence, condamner la société Gagneraud au paiement des sommes suivantes :

' 2.281,94 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

' 191,20 € à titre de reliquat sur l'indemnité de licenciement,

' 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- assortir les condamnations des intérêts de droit au taux légal à compter de la demande en justice, soit le 12 décembre 2015,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus depuis une année (art. 1154 Code Civil), soit à compter du 12 décembre 2016,

- condamner l'employeur à lui remettre ses documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de la décision,

- condamner l'employeur à rembourser au Pôle Emploi les indemnités chômage qui lui ont été versées, dans la limite de 6 mois (article L.1235-4 du code du travail),

- condamner enfin la Société Gagneraud Construction à lui verser une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,



Vu les uniques conclusions transmises par voie électronique le 8 juin 2020 pour la société Gagneraud Construction, aux fins de confirmation du jugement en toutes ses dispositions et condamnation du salarié appelant au paiement d'une somme de 2.000 € pour ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens,



Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 novembre 2023,



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.



A l'issue de l'audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 22 mars 2024 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé du délibéré au 12 avril 2024.


SUR CE :



Sur le reliquat d'indemnité de licenciement :



Le salarié appelant reproche au conseil des prud'hommes en sa formation de départage d'avoir rejeté toutes ses demandes, dont une demande en paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement pour un montant de 191,20 €, sans même l'examiner.



Il réitère cette demande de condamnation en affirmant que, dans le cadre de son licenciement, l'employeur lui a versé la somme de 1.538 € alors qu'il aurait dû percevoir 1.729,20 € (2.281,94 € x 1/5 € x 3,79 ans).



La société Gagneraud Construction objecte que les prétentions financières du salarié reposent abusivement sur un salaire moyen brut mensuel de 2.281,94 € au titre des trois derniers mois d'activité alors que, tant sur la base de l'ensemble des bulletins de salaire établis, entre le mois d'août 2014 et le mois de juillet 2015, que sur les 12 derniers mois précédent la rupture du contrat de travail ou au regard des trois derniers bulletins de salaire précédent celle-ci, soit du mois de mai au mois de juillet 2015, son salaire moyen est bien inférieur à celui dont il se prévaut.



Pour sa part, la cour observe que le salarié ne précise pas les modalités de calcul de la somme qu'il demande à voir fixer comme rémunération mensuelle brute moyenne (2.281,94 €) et que lorsqu'il a saisi le conseil des prud'hommes le 16 décembre 2015, il visait un salaire moyen de 2.465,61 € (cf. pièce 16 de l'intimée).



M. [X] ne produit pas son solde de tout compte ni l'attestation destinée au Pôle Emploi qui mentionne les derniers salaires perçus et pris en considération par l'employeur.



Au vu des bulletins de salaire, la cour constate que la rémunération mensuelle brute moyenne perçue par le salarié au cours des trois derniers mois (mai à juillet 2015) s'élève à 1.863,59 € (suite à une augmentation de son salaire de base le 1er avril 2015) + 15,82 € de majoration pour heures supplémentaires, soit un total de 1.979,41 €.



Par ailleurs et comme l'objecte à juste titre l'employeur intimé, le salarié ne peut prendre d'autres sommes en compte pour le calcul de son salaire moyen, que ce soit :

' les sommes perçues au moment du solde de tout compte sur la paie d'août 2015, à savoir l'indemnité compensatrice de préavis,

' les primes d'outillage, de panier, de trajet correspondant à des remboursements de frais professionnels qui, par définition, ne constituent pas des éléments de salaire.



En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [X] de voir fixer sa rémunération mensuelle moyenne à une somme de de 2.465,61 € ajustée à 2.281,94 € ainsi que sa demande de paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement.





Sur la procédure de licenciement :



Au soutien de son appel, M. [X] se prévaut également d'une violation des règles régissant la procédure de licenciement et spécialement du non respect du délai de 5 jours entre la date de convocation et la tenue de l'entretien préalable ainsi que l'assistance par l'employeur de plusieurs personnes au cours de l'entretien.



Sur le premier point, il affirme avoir reçu la convocation à l'entretien préalable le 29 mai 2015 de sorte que l'entretien ne pouvait régulièrement se tenir le jeudi 4 juin suivant.



Il ressort cependant de l'avis de réception de la lettre de convocation du 27 mai 2015 produite en pièce 9 par la société Gagneraud Construction que cette lettre a été distribuée au salarié le 28 mai 2015.



Le délai de 5 jours ouvrables prévu à l'article L.1232-2 du code du travail commençait ainsi à courir le 29 mai 2015, de sorte qu'en excluant le dimanche 31 mai (seul jour non ouvrable au sens de l'article 641 du code de procédure civile), il expirait le mercredi 3 juin suivant. L'entretien du 4 juin 2015 a donc bien eu lieu après l'expiration de ce délai légal.





S'agissant des personnes autorisées à participer à l'entretien préalable, la jurisprudence guidée par l'idée que cet entretien a été institué dans le seul intérêt du salarié, pour lui permettre de s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, a interdit à l'employeur de se faire assister que par une personne appartenant au personnel de l'entreprise (Cass. Soc., 12 mars 1986, n° 8341908, publié au Bull. 1988 n° 88) et affirme depuis longtemps que, par la présence de témoins, ou d'un trop grand nombre de personnes assistant l'employeur, l'entretien préalable ne doit pas devenir une procédure d'enquête (cf. Cass. Soc., 1er avril 1997, n° 9542246, Bull. 1997 n° 131).



Rappelant que l'entretien préalable au licenciement d'un salarié revêt un caractère strictement individuel qui exclut que celui-ci soit entendu en présence de collègues, elle a jugé dans des espèces où les entretiens préalables s'étaient déroulés en présence du gérant de l'hôtel, de son fils ainsi que du sous-directeur avec lequel le salarié était en conflit, ou bien en présence du directeur de la régie de quartier, de deux vice-présidents, et de la trésorière de la régie, que la procédure d'entretien avait été détournée de son objet, cela pour en déduire que la procédure de licenciement était irrégulière (Cass. Soc., 20 juin 2007, n° 06-41.823 ; 11 février 2009, n° 07-43.056).



En l'espèce, il n'est pas discuté - et comme cela résulte de la lettre de licenciement - que M. [X] était assisté par un collègue (M. [C]) et que l'entretien s'est déroulé en présence de M. [Z] (le responsable d'exploitation) qui était assisté de M. [G] (le responsable des ressources humaines).



En l'état de ce seul élément et en l'absence de compte-rendu de l'entretien préalable, le salarié ne démontre pas que la procédure d'entretien ait été détournée de son objet et se soit transformée en procédure d'enquête, ou bien qu'il n'ait pas été en mesure de s'expliquer sur les faits reprochés du fait de la participation de responsable des ressources humaine aux côté du représentant de l'employeur.



Le jugement entrepris mérite donc confirmation sur ce point également.





Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :



L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.



En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



En l'espèce, le conseil des prud'hommes de Martigues présidé par le juge départiteur a tout d'abord rappelé les termes de la lettre de licenciemnt et constaté que l'employeur reprochait ainsi au salarié de s'être montré agressif envers son responsable hiérarchique qui lui demandait de reprendre des travaux mal exécutés le 26 moi 2015 ainsi que la réitération d'un comportement querelleur.



Puis il a énoncé que :

- le salarié admettait son implication dans l'íncident le 26 mai 2015 mais considèrait que la mesure de licenciement était disproportionnée dès lors que son comportement résultait de l'hostilité de son responsable hiérarchique qui lui avait ordonné de reprendre son travail en des termes offensants alors qu'il avait terminé sa joumée de travail,

- ce dernier contestait en outre fermement que des salariés aient eu à s'interposer ainsi que 1'existence de faits similaires antérieurs,

- M. [D], chef de chantier au sein de la société Gagneraud Construction attestait avoir demandé à M. [X] le 1undi 26 mai 2016 à 17h de reprendre immédiatement le coulaged'une dalle de béton dans laquelle subsistait un trou, et que celui-ci avait opposé un refus en des termes particulièrement grossiers suivis de propos menaçants ayant nécessité l'intervention des salariés sur place,

- M. [J] qui livre son témoignage dans les intérêts de M. [X] indiquait « (. . .) ayant coulé le béton toute la journée jusqu'à17h10 nous avons eu une remarque de la part du chef M. [D] concernant le trou dans le béton qu'il fallait combler. Nous lui avons répondu qu'on allait le faire. Et de là M. [D] en haussant la voix et avec insistance répétait sans cesse le même sujet et traitait l'ouvrier d'incapable et de là il y a eu des échanges de mots entre M. [X] et M. [D] ''.

- les déclarations de M. [J] ne contredisent pas la version de M. [D] selon lesquelles son supérieur hiérarchique avait constaté une malfaçon dans le béton et M. [X] avait prononcé des propos grossiers et intimidants à son encontre, ce que l'intéressé ne contestait pas non plus,

- M. [X] ne saurait dans ces circonstances se prévaloir de l'attitude désobligeante de M. [D], lequel avait manifesté son mécontentement suite au constat de malfaçons et donné les consigne adéquates,

- il ne ressortait pas de l'attestation de M. [J] que M.[X] était personnellement visé par la qualification « d'incapable '' employée par le chef de chantier,

- s'il n'était pas démontré que des salariés s'étaient interposés entre M. [D] et M. [X], ce dernier avait néanmoins tenu des propos inacceptables à l'encontre de son responsable hiérarchique,

- les faits fautifs invoqués par l'employeur étaient donc établis et ce, alors que M.[X] avait précédemment fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire en date du 28 janvier 2013, reçue en main propre le 4 février 2013, pour s'être emporté et avoir menacé verbalement le conducteur de travaux principal,

- la réitération de ses manquements à ses obligations contractuelles révélait un comportement inadapté du salarié justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse.



Pour contester son licenciement, M. [X] fait à nouveau valoir que l'incident du 26 mai 2015 ne justifiait pas une mesure aussi disproportionnée que la perte de son emploi et que l'on ne pouvait lui reprocher la persistance d'un comportement fautif dès lors qu'il n'avait jusqu'alors jamais reçu la moindre sanction disciplinaire, même mineure.



S'agissant des faits reprochés, il ne les remet pas formellement en question mais déclare que la version de l'employeur est dénaturée : il évoque sa fatigue en fin de journée et une demande de reprise immédiate du coulage de béton de la part du chef de chantier dans des termes très agressifs.



Néanmoins, il ne discute pas du bien fondé de cette exigence, ni même le fait que, suite à la demande de son chef, 'le ton est monté entre les salariés', et il relate qu'il s'était ensuite excusé auprès de la direction pour son attitude tout en contestant les menaces ou les propos injurieux.



Comme justement constaté par le premier juge, l'attestation de M. [J] n'établit cependant pas que le chef de chantier s'adressait à M. [X] lorsqu'il avait traité 'l'ouvrier d'incapable' et ce témoignage ne contredit pas les propos prêtés par M. [D] à M. [X].



La cour constate également que, s'il affirme ne pas avoir menacé ou injurié le chef de chantier, le salarié admet avoir tenu des propos inappropriés à l'égard de son supérieur hiérarchique mais - pas plus que son témoin (dont il est justifié qu'il avait été lui-même sanctionné par un avertissement insubordinations en 2013) - il propose une version des propos tenus à l'endroit du chef de chantier, autre que celle relatée par la lettre de licenciement et confirmée par M. [D] dans son attestation.



De même le témoignage de M. [J] confirme que la directive de M. [D] de reprise immédiate du coulage d'un nouveau béton était justifiée puisque ce collègue affirme que l'équipe s'apprétait à répondre à la demande de rattrapage du chef de chantier, laquelle paraissait donc légitime au plan technique compte tenu du mauvais résultat du travail accompli et ce, en dépit de l'horaire tardif (17h passés).



Enfin, si le salarié conteste la matérialité des antécédents visés dans la lettre de licenciement, la société Gagneraud Construction justifie quant à elle :

- de la remise en main propre contre décharge de la lettre de mise à pied disciplinaire du 28 janvier 2013 (de deux jours les 14 et 15 février suivant) ainsi que de la retenue de deux journées sur le bulletin de salaire du mois de février 2013, pour des faits tout à fait similaires (emportement, manque de respect, menaces verbales à l'égard d'un conducteur de travaux obligeant un autre conducteur de travaux à s'interposer),

- du fait - contesté par le salarié - qu'il travaillait bien sur le chantier dirigé par M. [M], chef de chantier, en février 2015 (par la production des relevés de pointage) et de l'altercation verbale qu'il avait eue avec ce supérieur (le salarié revendiquant de venir travailler sans ses outils de maçon eu égard à son insuffisante rémunération), ce qui avait conduit le conducteur de travaux, M. [E], à le convoquer dans son bureau pour lui demander 'de corriger son comportement' (attestations concordantes de MM. [M] et [E]),

- de l'incident survenu en mars 2015 avec M. [K], chef de chantier, victime des moqueries devant les membres de l'équipe, puis de menaces physiques ('viens on va se battre (..)' et enfin de refus de travailler de la part de M. [X] , ce qui avait obligé le premier à le raccompagner à l'agence pour qu'il soit reçu parle chef de l'agence et le responsable d'exploitation (attestation de M. [K], non contredite).



Au vu de l'ensemble de ses éléments, la cour estime que c'est par une exacte appréciation des faits et de justes motifs qu'après avis des conseillers présents, le juge départiteur a estimé que le licenciement était justifié.



Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef également.





Sur les autres demandes :



Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [X] supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à la société Gagneraud Construction une indemnité au titre des frais par elle exposés dans le cadre de la présente procédure en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :



- Confirme le jugement rendu le 30 août 2019 par le conseil des prud'hommes de Martigues en formation de départage en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



- Condamne M. [V] [X] à payer à la société Gagneraud Construction la somme de 1.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;



Condamne M. [V] [X] aux dépens d'appel.





Le greffier Le président

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