11 avril 2024
Cour d'appel de Pau
RG n° 22/03489

2ème CH - Section 1

Texte de la décision

PhD/ND



Numéro 24/1313





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 11/04/2024







Dossier : N° RG 22/03489 - N° Portalis DBVV-V-B7G-INBF





Nature affaire :



Recours devant le tribunal contre les décisions du juge commissaire et appels contre les décisions statuant sur ces recours















Affaire :



E.A.R.L. BIDEREN





C/



S.C.A. MAISADOUR

S.E.L.A.S. EGIDE

























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







* * * * *







APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 12 Février 2024, devant :



Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,



assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,





Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :



Madame Joëlle GUIROY, Conseillère faisant fonction de Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère









qui en ont délibéré conformément à la loi.





















dans l'affaire opposant :









APPELANTE :



E.A.R.L. BIDEREN

immatriculée au RCS de Pau sous le n° 391 828 035,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Localité 6]



Représentée par Me Cédric REMBLIERE de la SELARL LANDAVOCATS, avocat au barreau de Dax









INTIMEES :



MAISADOUR

Société Coopérative Agricole à Capital Variable,

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Mont-de-Marsan sous le numéro 782 092 290,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée par Me Brieuc DEL ALAMO de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de Mont-de-Marsan



S.E.L.A.S. EGIDE

mandataire judiciaire, inscrite au RCS de TOULOUSE sous le n° 522 287 689, prise en la personne de son Mandataire Maître [M] [C], domiciliée

[Adresse 1] - [Localité 5] ès qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de l'EARL BIDEREN

Mandataires Judiciaires

[Adresse 3]

[Localité 2]



assignée













sur appel de la décision

en date du 22 NOVEMBRE 2022

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU

RG : 22/620








FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES



Par jugement du 8 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Pau a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EARL Bideren et nommé la selarl [C] et associés, devenus selas Egide, en qualité de mandataire judiciaire.



La société Maïsadour, société coopérative agricole, a déclaré au passif une créance de 108.566,35 euros.



Par ordonnance du juge-commissaire du 13 octobre 2014, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Pau du 13 juillet 2015, la créance a été rejetée.



Par arrêt du 17 mai 2017, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Toulouse.



Par arrêt du 7 mars 2018, la cour d'appel de Toulouse a admis la créance de la société Maïsadour pour la somme de 108.566,35 euros.



*



Entre-temps, la société Maïsadour a opéré, dans les comptes entre les parties, une compensation partielle entre sa créance déclarée au passif et la créance de l'EARL Bideren née pendant la période d'observation au titre des apports fournis à la coopérative.



Se prévalant du rejet de la créance déclarée, le mandataire judiciaire ès qualités, en présence de l'EARL Bideren, a contesté en justice la compensation opérée par la société Maïsadour entre sa créance.



Par jugement du 30 mars 2015, le tribunal de grande instance de Pau a annulé la mesure de compensation opérée par la société Maïsadour et a condamné celle-ci à payer au mandataire judiciaire ès qualités la somme de 91.808,75 euros au titre de ses apports.



La société Maïsadour s'est désistée de son appel formé contre ce jugement.



La créance d'apports a été réglée par voie de saisie-attribution du 1er octobre 2015 pratiquée sur le fondement de ce jugement.



Par jugement du 13 avril 2015, rectifié le 9 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Pau a arrêté le plan de redressement de l'EARL Bideren.



*



Considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse privait de tout fondement légal le paiement forcé des apports, et par requête du 19 mars 2019, la société Maïsadour a saisi le juge-commissaire d'une demande de compensation entre les créances connexes et de restitution de l'indu réglé en exécution de la saisie-attribution.



Par ordonnance du 21 mai 2019, le juge-commissaire a prononcé la compensation entre les créances connexes des parties et ordonné la restitution à la société Maïsadour de la somme de 62.101,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015.







Par arrêt du 24 février 2022, la cour d'appel de Pau a déclaré irrecevable l'appel direct formé contre cette ordonnance, après avoir retenu que celle-ci n'avait pas statué en matière d'admission de créance.

Tirant les conséquences de cet arrêt, et par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 2022, l'EARL Bideren a formé un recours contre l'ordonnance devant le tribunal de la procédure collective.



La selas Egide ès qualités a comparu en disant s'en remettre à justice.



Par jugement contradictoire du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Pau a :



- déclaré recevable le recours formé par l'EARL Bideren

- condamné l'EARL Bideren à payer à la société Maïsadour la somme de 33.182,89 euros par l'effet de la compensation de leurs créances réciproques

- débouté la société Maïsadour de sa demande de condamnation de l'EARL Bideren à lui payer la somme de 1.740,23 euros au titre des frais de saisie-attribution

- débouté la société Maïsadour de sa demande d'application des intérêts légaux depuis la date du 5 octobre 2015

- débouté l'EARL Bideren de sa demande tendant à voir déclarer nulle ou infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire et à déclarer irrecevables et infondées les demandes en compensation et restitution formulée par la société Maïsadour

- dit les dépens frais privilégiés de procédure collective

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.



Le jugement a été notifié par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2022, remise le 23 décembre à l'EARL Bideren.



Par déclaration faite au greffe de la cour le 29 décembre 2023, l'EARL Bideren a relevé appel de ce jugement.



La déclaration d'appel a été signifiée le 15 février 2023 à la selas Egide, à personne, et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées le 17 avril 2023.



La selas Egide ès qualités n'a pas constitué avocat.



La société Maïsadour lui a signifié ses conclusions d'intimé le 27 juin 2023.



La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 janvier 2024.



***



Vu les conclusions remises et notifiées le 29 mars 2023, signifiées le 17 avril 2023, par l'EARL Bideren qui a demandé à la cour d'annuler ou réformer le jugement déféré, et, statuant à nouveau, de :



- déclarer irrecevables et infondées les demandes en compensation et en restitution de la société Maïsadour en application des articles 122, 125, 403 et 480 du code de procédure civile, et des articles 1347 du code civil et L622-7 du code de commerce



- condamner la société Maïsadour à lui payer une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



*







Vu les conclusions remises et notifiées le 23 juin 2023, signifiées le 27 juin 2023, par la société Maïsadour qui a demandé à la cour de :



- confirmer le jugement entrepris et par voie de conséquence l'ordonnance du juge-commissaire du 21 mai 2019

- condamner l'appelante à lui payer la somme de 33.182,89 euros outre intérêts au taux légal depuis le 5 octobre 2015, outre la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIFS



L'appelant fait grief au jugement d'avoir fait droit aux demandes de la société Maïsadour alors qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge-commissaire, ni dans ceux du tribunal statuant sur le recours contre cette ordonnance, de connaître d'une demande de compensation entre une créance antérieure admise et une créance connexe postérieure du débiteur. Selon l'appelant, le juge-commissaire a usurpé la compétence exclusive du juge de l'exécution et du tribunal judiciaire, excédé ses pouvoirs, violé l'autorité de la chose jugée attachée au jugement irrévocable du 30mars 2015, ainsi qu'à l'effet attributif de la saisie-attribution, outre la violation de l'ancien article 1289 du code civil. L'appelant soutient encore que l'action en répétition de l'indu consécutif à une saisie-attribution doit être portée devant le juge du fond compétent, conformément à l'article L. 211-4 du code des procédures civiles d'exécution.



L'intimée, en réplique, fait valoir que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse a eu pour effet de modifier l'état des créances, de sorte que le juge-commissaire est compétent pour statuer sur la compensation entre créances connexes résultant de cet arrêt, en application des articles R. 624-11 et L. 624-2 du code de commerce.



Cela posé, l'article R. 621-21 du code de commerce dispose que le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence [...].



En l'espèce, la société Maïsadour agit en répétition d'un indu, recouvré par voie de saisie-attribution, en opposant l'exception de compensation entre les créances réciproques connexes des parties.



En application de l'article L. 624-2 du code de commerce, invoqué par l'intimée, le juge-commissaire est compétent pour statuer en matière de vérification et d'admission des créances déclarées au passif de la procédure collective.



Dans ce cadre procédural, le juge-commissaire est compétent pour statuer, sauf contestation sérieuse, sur une exception de compensation entre les créances réciproques des parties.



Le créancier peut notamment demander la compensation entre sa créance déclarée au passif et la créance connexe du débiteur née postérieurement au jugement d'ouverture mais avant que le juge-commissaire ne statue.



En revanche, dessaisi par la décision d'admission de la créance, le juge-commissaire n'est pas compétent pour statuer sur une demande de compensation entre la créance admise et une créance connexe du débiteur, une telle demande n'intéressant plus la procédure de vérification du passif définitivement achevée par la décision du juge-commissaire.







En l'espèce, l'instance en admission de la créance déclarée par la société Maïsadour s'est achevée par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse ayant admis sa créance.



La mention de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse sur l'état des créances a pour seul effet de rendre la décision d'admission opposable aux tiers.



Et, l'état des créances définitif ne donne lieu à aucune décision du juge-commissaire en cas de paiement ultérieur, quel qu'en soit le mode, de la créance admise.



Par conséquent, dessaisi de l'admission de la créance déclarée par la société Maïsadour, le juge-commissaire n'est pas compétent, sur le fondement de l'article L. 624-2 du code de commerce, pour connaître de la demande de compensation entre les créances connexes des parties, ni, a fortiori, statuer sur une demande de répétition de l'indu ou délivrer un titre exécutoire.



Et, aucun autre texte ne donne compétence au juge-commissaire pour connaître d'une telle action.



Enfin, au-delà de son incompétence matérielle, il n'entre pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, strictement limités aux contestations relevant de sa compétence, de statuer sur une action en répétition d'un indu.



En droit, le défaut de pouvoir juridictionnel constitue une fin de non-recevoir et non une exception d'incompétence.



Et, le tribunal de la procédure collective qui statue sur le recours formé contre l'ordonnance du juge-commissaire, comme la cour sur l'appel du jugement rendu par le tribunal de la procédure collective, statue avec les pouvoirs du juge-commissaire.



Par conséquent, le jugement, comme l'ordonnance, ne pouvait, sans commettre un excès de pouvoir, statuer sur les demandes de la société Maïsadour et condamné l'EARL Bideren à restituer les sommes litigieuses.



Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'infirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 21 mai 2019 et de déclarer irrecevables, pour défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, les demandes de la société Maïsadour.



La société Maïsadour sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,



INFIRME le jugement entrepris,



et, statuant à nouveau,



INFIRME l'ordonnance du juge-commissaire du 21 mai 2019,



DECLARE irrecevables, pour défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, les demandes de la société Maïsadour,





CONDAMNE la société Maïsadour aux dépens de première instance et d'appel,



CONDAMNE la société Maïsadour à payer à l'EARL Bideren une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Le présent arrêt a été signé par Madame Joëlle GUIROY, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.



La Greffière, La Présidente,

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