11 avril 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 23/02535

CHAMBRE 8 SECTION 2

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 11/04/2024







N° de MINUTE : 24/307

N° RG 23/02535 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5VW

Jugement (N° 23-000040) rendu le 22 Mai 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Béthune





APPELANTE



Madame [B] [T]

de nationalité Française

[Adresse 3]



Représentée par Me Hortense Fontaine, avocat au barreau de Béthune

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/23/004907 du 30/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)





INTIMÉES



SA [13]

[Adresse 5]



[9]

[Adresse 6]



SIP [Localité 11]

[Adresse 4]



ENI Recouvrement chez [10]

[Adresse 2]



CAF du Pas de Calais

[Adresse 12]



Trésorerie [Localité 7]

[Adresse 1]



Non comparants, ni représentés



Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience





DÉBATS à l'audience publique du 13 Mars 2024 tenue par Danielle Thébaud magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile , les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 805 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Véronique Dellelis, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Danielle Thébaud, conseiller



ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024 (la cour ayant décidé d'avancer le délibéré à cette date par rapport à la date indiquée à l'issue des débats soit le 23 mai 2024) et signé par Véronique Dellelis, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.





 

Vu le jugement réputé contradictoire prononcé par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bethune, statuant en matière de surendettement des particuliers, le 22 mai 2023 ;



Vu l'appel interjeté le 2 juin 2023 par Mme [B] [T] ;

 

Vu le procès-verbal de l'audience du 13 mars 2024 ;

 

                                    ***

 

Suivant déclaration enregistrée le 20 septembre 2022 au secrétariat de la [8], Mme [B] [T] a déposé un dossier et demandé le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers, ne parvenant pas à s'acquitter de ses dettes en raison de l'absence de ressources mensuelles suffisantes et des dépenses nécessaires pour satisfaire aux besoins de la vie courante.

 

Le 20 octobre 2022, la commission de surendettement des particuliers du Nord, après avoir constaté la situation de surendettement de Mme [B] [T], a déclaré sa demande recevable.

 

Le 15 décembre 2022, après examen de la situation de Mme [B] [T] dont les dettes ont été évaluées à 5481,59 euros, les ressources mensuelles à 818 euros et les charges mensuelles à 1364,20 euros, la commission qui a déterminé un minimum légal à laisser à sa disposition négatif de 546,20 euros, a retenu une capacité de remboursement inexistante, l'absence de patrimoine et considérant que la situation de l'intéressé était irrémédiablement compromise, a imposé rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.



Ces mesures imposées ont été notifiées à [13], le 19 décembre 2022, décision qu'elle a contestée le 23 décembre 2022.



À l'audience du 20 mars 20236, usant de la faculté de comparaître par écrit, conformément aux dispositions de l'article R.713-4 du code de la consommation, indiquant vouloir se conformer à la décision du tribunal.

Mme [B] [T], assistée de son conseil, a demandé de débouter la société [13] de sa contestation et de confirmer la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposée par la commission. Elle a contesté la créance de la société [13], estimant que les sommes de 243,06 euros et 2312,50 euros retenues dans le décompte au titre des frais de poursuite et des dégradations locatives n'étaient pas justifiés. Elle a précisé que le logement était déjà dégradé lors de son entrée dans les lieux, et qu'aucune décision de justice n'avait constaté les dégradations. Elle a également soutenu que les frais de poursuite n'avaient pas à 'gurer dans un décompte locatif, et n'a reconnu qu'une dette résiduelle de loyer, soulignant avoir réglé son loyer jusqu'au mois d'août 2021, date à laquelle elle avait rendu son logement. Elle a par ailleurs actualisé sa situation personnelle et financière, et s'est dite opposée à un éventuel moratoire.



Les créanciers dûment convoqués n'ont pas comparu ni personne pour eux.

 

Par jugement en date du 22 mai 2023, le juge des contentieux de la protection de Bethune, statuant en matière de surendettement des particuliers, saisi du recours formé par Mme [B] [T], à l'encontre des mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers du Pas-de-Calais le 15 décembre 2022, a notamment :



- dit la SA [13]  recevable et bien fondé en son recours,

- fixé la créance de la SA [13] pour les besoins de la procédure à la somme de 84,08 euros,

- fixé le montant du passif à la somme de 3301,03 euros,

- constaté que la situation de Mme [B] [T] n'était pas irrémédiablement compromise,

- renvoyé le dossier à la commission de surendettement du Pas-de-Calais pour poursuite de la procédure et mise en 'uvre de mesure de surendettement.



Mme [B] [T] a relevé appel le 2 juin 2023 de ce jugement.



A l'audience de la cour du 13 mars 2023, Mme [B] [T] était représentée par son conseil, qui a développé oralement les conclusions qu'il a remis à l'audience et auxquelles il est fait expressément référence. Elle a demandé à la cour de confirmer le montant fixé par le juge des contentieux de la protection à 84,08 euros pour la créance de la société [13], et demandé le bénéfice d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Elle a expliqué qu'elle bénéficiait des ASS à hautuer de 563,27 euros, outre 291 euros d'allocation logement, qu'elle ne travaillait plus, qu'elle avait à charge un enfant en droit de visite.



Par courrier reçu au greffe le 11 décembre 2023, la SA [13] a indiqué qu'elle s'en remettait à la décision de la cou et a remis un décompte de sa créance mentionnant un montant de 2639,64 euros. Elle a justifié avoir adressé le même courrier à la débitrice.



Par courrier reçu au greffe le 8 janvier 2024, la caisse d'allocations familiales a indiqué qu'elle ne serait pas présente.



Les intimés régulièrement convoqués par le greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'ont pas comparu ni personne pour les représenter.


MOTIFS



1- Sur les créances



Aux termes de l'article L 733-10 du code de la consommation, le juge saisi de la contestation des mesures imposées par la commission peut vérifier, même d'office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées.



Par ailleurs, aux termes de l'article 1353 du Code civil, «celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation» ;



Mme [B] [T] conteste le montant de la créance déclarée par la SA [13], soutenant que les sommes de 243,06 euros et 2312,50 euros retenues dans le décompte au titre des frais de poursuite et des dégradations locatives ne sont pas justifiées. Elle ne reconnaît que la dette résiduelle de loyer, d'un montant de 84,08 euros.



Pas plus en cause d'appel, qu'en première instance, où elle a été invitée par le premier juge à produire les justificatifs de sa créance, la société [13] n'a transmis d'éléments décompte au titre des frais de poursuite et des dégradations locatives.



En conséquence, la preuve des frais de poursuite et du montant imputé pour les dégradations locatives n'étant pas rapportée, la créance de la [13] sera fixée pour les besoins de la procédure de surendettement à la somme retenue par le premier juge de 84,08 euros.



Le passif de Mme [T] sera fixé à la somme de 3301,03 euros étant précisé qu'en tout état de cause, les versements effectués par Mme [T] en cours de procédure qui n'auraient pas été pris en compte, s'imputeront sur les montants des créances concernées.



2- Sur la situation de surendettement



Aux termes de l'article L 733-10 du code de la consommation, « une partie peut contester devant le juge des contentieux de la protection, dans un délai fixé par décret, les mesures imposées par la commission en application des articles L 733-1, L 733-4 ou L 733-7. »



Aux termes de l'article L 733-13 du code de la consommation, "le juge saisi de la contestation prévue à l'article L 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L 733-1, L 733-4 et L 733-7. Dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée dans les conditions prévues à l'article L 731-2. Elle est mentionnée dans la décision. Lorsqu'il statue en application de l'article L 733-10, le juge peut en outre prononcer un redressement personnel sans liquidation judiciaire."





Lorsqu'un débiteur se trouve dans l'impossibilité d'apurer sa situation de surendettement par la mise en 'uvre des mesures de traitement prévues aux articles L 732-1, L 733-1, L 733-4 et L 733-7, il est dans une situation irrémédiablement compromise au sens de l'article L 724-1 du code de la consommation et est fondé, s'il ne dispose d'aucun bien de valeur au sens de l'article L 724-1 du code de la consommation, à bénéficier d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire



Aux termes de l'article L 731-1 du code de la consommation, 'le montant des remboursements est fixé, dans des conditions précisées par décret en conseil d'État, par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte des articles L.3252-2 et L 3252-3 du code du travail, de manière à ce que la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité.'



Aux termes de l'article L 731-2 du code de la consommation, 'la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage ne peut être inférieure, pour le ménage en cause, au montant forfaitaire mentionné à l'article L 262-2 du code de l'action sociale et des familles. Elle intègre le montant des dépenses de logement, d'électricité, de gaz, de chauffage, d'eau, de nourriture et de scolarité, de garde et de déplacements professionnels ainsi que les frais de santé.'



Selon l'article R 731-1 du code de la consommation, 'pour l'application des dispositions des articles L 732-1, L 733-1 et L 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L 731-1, L 731-2 et L 731-3, par référence au barème prévu à l'article R 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur.'



Il résulte de ces articles que le montant des remboursements à la charge du débiteur, dans le cadre des mesures de traitement de sa situation de surendettement, doit être fixé par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail, de manière à ce qu'une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du débiteur, égale au moins au montant forfaitaire du revenu de solidarité active dont il disposerait, lui soit réservée par priorité et à ce qu'il n'excède pas la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant du revenu de solidarité active.

 

Le juge apprécie la situation du débiteur au regard des éléments dont il dispose au jour où il statue.

 

En l'espèce, il résulte des pièces actualisées produites, que Mme [B] [T] ne travaille pas, elle ne justifie pas être en recherche d'emploi, elle bénéficie actuellement l'ASS à hauteur de 563.27 outre une allocation logement de 291 euros, soit des ressources d'un montant de 854.27 euros.

 





La part saisissable déterminée par les articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail s'établit à  euros par mois. Le montant du revenu de solidarité active pour une personne seule bénéficiant d'allocation logement s'élève à la somme de 534.82 euros.

 

Le montant des dépenses courantes de la débitrice, doit être évalué, au vu des pièces justificatives produites et des éléments du dossier, à la somme mensuelle de 1420,90 euros (en ce compris le forfait pour les dépenses d'alimentation, d'hygiène et d'habillement et le forfait chauffage). 

 

Compte tenu de ces éléments, l'état d'endettement de Mme [B] [T] est avéré, et elle ne dispose d'aucune capacité de remboursement, ni d'aucun patrimoine.

 

En application de l'article L 733-1 du code de la consommation, le juge des contentieux de la protection saisi d'une contestation des mesures imposées par la commission peut :



«1° Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui reste à courir avant la déchéance;

2° Imputer les paiements, d'abord sur le capital;

3° Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal;

4° Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal.".

 

La situation irrémédiablement compromise au sens de l'article L 724-1 alinéa 2 du code de la consommation, permettant de bénéficier d'une procédure de rétablissement personnel, est une situation d'insolvabilité irréversible, caractérisée par l'impossibilité manifeste de remédier au surendettement du débiteur par les mesures ordinaires comme extraordinaires spécifiées aux articles L 732-1, L 733-1, L 733-4 et L 733-7 du code de la consommation.

 

En application de l'article L 733-1 du code de la consommation, le juge du surendettement saisi d'une contestation des mesures imposées par la commission peut notamment suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans.

 

Le moratoire prévu par ce texte a notamment pour finalité de favoriser le retour à une activité professionnelle du débiteur afin de lui permettre de dégager un revenu disponible suffisant et le cas échéant une épargne, pour honorer des obligations réaménagées au moyen d'un plan conventionnel ou imposé de redressement.

 

S'il est manifeste que Mme [B] [T] se trouve actuellement dans une situation difficile dans la mesure où elle ne dispose pas de biens ou de ressources suffisantes pour faire face à ses dettes, même au moyen d'un plan conventionnel de redressement ou d'un rééchelonnement du paiement de ses dettes, puisqu'elle ne peut pas dégager de capacité de remboursement, compte tenu de ses ressources et charges incompressibles, toutefois son insolvabilité n'apparaît pas irrémédiable au sens de l'article L 724-1 alinéa 2 du code de la consommation.

 

Sa situation économique et financière, est cependant susceptible d'évoluer favorablement à court ou moyen terme, puisqu'elle a déjà travaillé, qu'elle est âgée de 41 ans, et qu'aucun élément ne permet de penser qu'elle n'est pas en mesure de retrouver un travail. Au regard des perspectives d'évolution de sa situation économique et financière, la mise en 'uvre de mesures classiques de surendettement et notamment une suspension de l'exigibilité des créances, pour une période de 24 mois, pourrait permettre à Mme [B] [T] de retrouver un emploi, et de retrouver une capacité de rembourssement.



Il convient dès lors, en application des articles L.741-6 et L.743-2 du code de la consommation renvoyer le dossier à la commission de surendettement



Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en tout point.

 



Par ces motifs,

 

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,



Confirme le jugement entrepris ;



Rejette toute autre demande ;



Laisse les dépens d'appel à la charge du Trésor public.









LE GREFFIER







Gaëlle PRZEDLACKI







LE PRESIDENT







Véronique DELLELIS

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