11 avril 2024
Cour d'appel de Caen
RG n° 23/01241

2ème Chambre civile

Texte de la décision

AFFAIRE : N° RG 23/01241 



ARRÊT N°



NLG





ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de coutances en date du 23 Mai 2023

RG n° 2023000726





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 AVRIL 2024









APPELANTE :



CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE TERRITORIALE OUEST NORMANDIE

[Adresse 8]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me Pascale GRAMMAGNAC-YGOUF, avocat au barreau de CAEN,

Assistée de Me Jean-sébastien BAZILLE, avocat au barreau de PARIS







INTIMES :



Maître [I] [D] mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N]

[Adresse 7]

[Localité 5]



Représenté et assisté par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN



Monsieur [O] [N]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représenté et assisté par Me David DREUX, avocat au barreau de CAEN



Monsieur le Procureur General de la Cour d'Appel Caen

Sis COUR D'APPEL - Parquet général

[Adresse 10]

[Localité 2]













INTERVENANT FORCE :



Maître [I] [D] mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N]

[Adresse 7]

[Localité 5]



Représenté et assisté par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN







DEBATS : A l'audience publique du 08 février 2024, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré



MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.



GREFFIER : Mme LE GALL, greffier





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame EMILY, Président de Chambre,

M. GOUARIN, Conseiller,

Mme DELAUBIER, Conseillère,



MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.



ARRÊT prononcé publiquement le 11 avril 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement fixée au 04 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier





*



* *



Suivant concession accordée par l'Etat, la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie (CCITON) a exploité la criée du port de pêche de [Localité 9] jusqu'au 31 décembre 2020. Dans le cadre de cette exploitation, la CCITON achetait aux pêcheurs les arrivages, qui étaient par la suite revendus aux enchères, étant précisé que le règlement d'exploitation imposait aux acheteurs à la criée d'être agréés et de fournir des garanties financières pour couvrir le montant de leurs achats.



M. [X] [N], fils de M. [O] [N], exerçant son activité professionnelle sous l'enseigne '[N] Marée' EI, disposait d'un agrément en tant qu'acheteur à la criée de [Localité 9].



M. [X] [N] présentant des arriérés de paiement importants au titre de ses achats à la criée, la CCITON l'a mis en demeure de régler les sommes dues puis, faute de réponse du débiteur, a cherché à mettre en oeuvre sans succès la garantie bancaire fournie par [N] Marée.



Par ordonnance de référé en date du 8 décembre 2020, le président du tribunal de commerce de Coutances a condamné M. [X] [N] à payer à la CCITON, à titre de provision, une somme en principal de 460.976,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020.



Par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal de commerce de Coutances a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de M. [X] [N].



Par jugement du 31 mai 2022, un plan de redressement a été adopté au profit de M. [X] [N], étant précisé que la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest-Normandie (CCITON) a été admise au passif de cette procédure à hauteur 461.549,69 euros à titre privilégié et 3.203,34 euros à titre chirographaire.



Le 5 mars 2021, la CCITON a engagé une seconde action et assigné M. [O] [N] devant le tribunal de commerce de Coutances, en paiement de la dette de [N] Marée EI, au motif que celui-ci avait entretenu l'apparence d'une société créée de fait constituée avec son fils, M. [X] [N].



Par arrêt confirmatif du 26 janvier 2023, la cour d'appel de Caen a dit que M. [O] [N] a constitué avec M. [X] [N] une société créée de fait, exploitée sous le nom commercial '[N] marée' et a condamné M. [O] [N], ès qualités d'associé tenu indéfiniment et solidairement responsables des dettes de ladite société, à payer à la CCITON la somme actualisée de 512.523,83 euros, outre les intérêts légaux à compter du 11 novembre 2022.



Le 8 mars 2023, M. [O] [N] a déposé au greffe du tribunal de commerce de Coutances une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.



Par jugement du 14 mars 2023, le tribunal de commerce de Coutances a fait droit à sa demande et ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son profit, a fixé la date de cessation des paiements au 26 janvier 2023, date de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Caen et a désigné maître [D] ès qualités de mandataire judiciaire.



Le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire a été publié au BODACC du 17 mars 2023.



Par déclaration au greffe du 23 mars 2023, la CCITON a formé une tierce opposition à l'encontre de ce jugement.



Par jugement du 23 mai 2023, le tribunal de commerce de Coutances a :

- dit recevable mais mal fondée la tierce opposition de la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie ;

- débouté la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie au paiement des entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe de la présente décision liquidés à la somme de 100,64 euros TTC.



Par déclaration en date du 31 mai 2023, la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie a fait appel de ce jugement, en intimant M. [O] [N] et Me [I] [D] ès qualités.



Au cours d'instance d'appel, par ordonnance du 6 juin 2023, la tribunal de commerce de Coutances a désigné la CCITON contrôleur de la procédure de redressement judiciaire de [O] [N] EI.



Par acte de commissaire de justice du 30 octobre 2023, la CCITON a assigné Me [D] en intervention forcée dans la présente procédure.



Parallèlement à la présente procédure, la CCITON a sollicité, par requête du 13 octobre 2023 déposée au greffe du tribunal de commerce, la conversion de la procédure de redressement judiciaire ouverte au profit de M. [O] [N] EI en liquidation judiciaire.



Par dernières conclusions déposées le 9 janvier 2024, la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie demande à la cour de :

- Déclarer l'appel et l'assignation en intervention forcée de la CCITON recevables et bien-fondés,

- Déclarer Me [I] [D], ès qualités de mandataire de judiciaire, irrecevable et mal-fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions,

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la tierce opposition de la CCITON et en ce qu'il a rejeté la demande de M. [O] [N] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- L'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- Rétracter le jugement du 14 mars 2023 (RG 2023-000529) ouvrant une procédure de redressement judiciaire de l'entreprise individuelle [O] [N] EI - SIREN n°492 385 505,

- Prononcer la liquidation judiciaire sans maintien de l'activité de l'entreprise individuelle [O] [N] EI - SIREN n°492 385 505,

- Fixer provisoirement la date de cessation des paiements,

- Nommer tel juge commissaire, tel liquidateur judiciaire et tel commissaire-priseur judiciaire qu'il plaira à la cour de désigner,

- Ordonner l'accomplissement des publicités légales,

- Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.



Par dernières conclusions déposées le 29 novembre 2023, Me [I] [D], agissant ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] intimé et assigné en intervention forcée suivant acte du 30 octobre 2023, demande à la cour de :

- Déclarer irrecevable l'assignation en intervention forcée délivrée à la requête de la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie à Me [I] [D] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] suivant acte du 30 octobre 2023,

- Déclarer irrecevable l'appel interjeté suivant déclaration du 31 mai 2023 par la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Coutances le 23 mai 2023 à l'égard de Me [I] [D] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] qui n'était pas partie en première instance,

- La matière étant indivisible, déclarer irrecevable l'appel interjeté suivant déclaration du 31 mai 2023 par la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie à l'encontre du jugement entrepris,

A titre subsidiaire,

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a : 'dit recevable ['] la tierce opposition de la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie',

- Déclarer irrecevable la tierce opposition formée par la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie,

A titre infiniment subsidiaire,

- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :

* dit '['] mal fondée la tierce opposition de la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie,

* débouté la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie de l'ensemble de ses demandes,

* condamné la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie aux entiers dépens',

- Débouter la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie de toutes ses demandes

En tout état de cause,

- Condamner la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie à payer à Me [I] [D] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Chambre de commerce et d'industrie territoriale Ouest Normandie aux entiers dépens d'appel.



Par conclusions du 20 octobre 2023, le Ministère public a indiqué s'en rapporter.



Par ordonnance du 18 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré M. [O] [N] irrecevable à conclure, pour méconnaissance des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile.




Par conclusions du 20 octobre 2023, le ministère public s'en rapporte.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2024.



Par message RPVA du 14 mars 2024, au visa des articles 472 et 584 du code de procédure civile, il a été sollicité, dans un délai de 7 jours, les observations de l'appelante sur la recevabilité de la tierce opposition en l'absence du mandataire judiciaire à la procédure.

Les observations sollicitées ont été adressées à la cour le 21 mars 2024.



Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.






SUR CE, LA COUR



Sur la recevabilité de l'appel et de l'intervention forcée



Maître [D], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N], soulève l'irrecevabilité de l'appel et de l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée.

Il fait valoir d'une part que l'appel est irrecevable puisqu'il ne pouvait être intimé n'ayant pas été partie en première instance, les dispositions de l'article R661-6 du code de commerce n'étant pas applicables aux appels interjetés à l'encontre des décisions rendues sur tierce opposition et l'irrecevabilité de l'appel étant encourue à l'égard de toutes les parties en raison de l'indivisibilité du litige et d'autre part que l'assignation en intervention forcée d'avoir à comparaître devant la cour est irrecevable, au motif qu'elle n'a pas été délivrée à un 'tiers' mais à un intimé et que la condition d'évolution du litige permettant de mettre en cause une partie pour la première fois en cause d'appel n'est pas remplie en l'espèce, l'appelante ne pouvant pas se prévaloir des faits qui étaient déjà connus en première instance.



L'appelante soutient que le mandataire judiciaire n'était pas tenu d'être partie à la procédure de première instance puisqu'il n'était pas partie au jugement d'ouverture qui le désignait, que l'article R661-6 du code de commerce permet toutefois de l'intimer et qu'en outre le mandataire judiciaire pouvait faire l'objet d'une assignation en intervention forcée puisqu'il y a eu une évolution du litige tenant au changement de position de ce dernier qui après avoir présenté une requête en conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire s'en est désisté considérant que des persectives de redressement existaient au vu des revenus générés par l'activité de l'entreprise distincte [N] Marée EI, que le mandataire judiciaire ne justifie pas que la prétendue irrecevabilité de l'appel formé à son encontre affecte également le lien d'instance concernant M. [O] [N] et qu'en toute hypothèse, il ne peut pas faire valoir ce moyen, nul ne pouvant plaider par procureur, M. [O] [N] s'étant abstenu de déposer des conclusions et d'émettre une quelconque contestation sur la recevabilité de l'appel de la CCITON dans le délai qui lui était imparti.



Selon l'article 547 du code de procédure civile, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés.



Selon l'article R661-6 du code de commerce, l'appel des jugements rendus en application des articles L. 661-1, L. 661-6 , des chapitres Ier et III du titre V, de la section II du chapitre II et du chapitre IV du titre IX du livre VI de la partie législative du présent code, est formé, instruit et jugé suivant les modalités de la procédure avec représentation obligatoire prévue par les articles 901 à 925 du code de procédure civile, sous réserve des dispositions qui suivent :

1° Les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés.(...)



L'article L661-2 du code civil prévoit que les décisions mentionnées aux 1° à 5° du I de l'article L. 661-1, à l'exception du 4°, sont susceptibles de tierce opposition. Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.



Le jugement du tribunal de commerce de Coutances du 23 mai 2023 dont il est fait appel a été rendu hors la présence du mandataire judiciaire qui n'a pas été appelé sur la cause alors qu'il a été désigné mandataire judiciaire par le jugement du tribunal de commerce de Coutances du 14 mars 2023 qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de M. [O] [N].



L'appel formé contre ce jugement rendu sur tierce opposition à un jugement statuant sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est un appel contre un jugement statuant sur l'ouverture du redressement judiciaire tel que visé par l'article L661-1 1° du code de commerce.



Il s'en déduit que les dispositions de l'article R661-6 du code de commerce sont applicables et que le mandataire judiciaire devait être intimé.



L'appel formé à l'encontre de maître [D] ès qualités de madataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] est donc recevable.



La procédure étant régularisée devant la cour, le moyen soulevé relatif à l'irrecevabilité de l'appel formé contre M. [N] est inoppérant.





Sur la recevabilité de la tierce opposition



Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.



Aux termes de l'article 583 du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.

Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.



Aux termes de l'article 584 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties au jugement attaqué, la tierce opposition n'est recevable que si toutes ces parties sont appelées à l'instance.



La CCITON demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable sa tierce opposition faisant valoir d'une part que la procédure a été régularisée et d'autre part qu'elle se prévaut d'une fraude à ses droits et, à tout le moins, d'un intérêt propre à former une tierce opposition au jugement ouvrant le redressement judiciaire de M. [O] [N] compte tenu de sa qualité de créancier privilégié ayant engagé des procédures de saisies et du fait que la procédure de redressement judiciaire a été initiée par M. [N] afin d'échapper à l'exécution de ses obligations vis à vis de la CCITON.



Maître [D] ès qualités soutient que la tierce opposition est irrecevable à défaut de mise en cause du mandataire judiciaire en première instance et que la CCION ne justifie d'aucun intérêt à agir.



Le mandataire judiciaire ayant été intimé, la procédure a été régularisée devant la cour, toutes les parties et organe de la procédure étant appelés à l'instance.



La CCITON, qui détient une créance admise à titre privilégié au titre de deux nantissements de parts sociales et d'une hypothèque sur un immeuble et dont il n'est pas contesté qu'elle avait engagé plusieurs procédures de saisie-vente sur les biens de M. [O] [N] avant l'ouverture de la procédure collective, justifie ainsi d'une atteinte portée à un droit propre né de l'attribution immédiate à son profit des biens ainsi saisis et donc de moyens propres et d'un intérêt à former une tierce opposition pour voir prononcer une liquidation judiciaire lui permettant la réalisation immédiate du patrimoine de M. [O] [N] et un désintéressement plus rapide.



Par ces motifs, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a jugé recevable la tierce opposition.





Sur le bien fondé de la tierce opposition



Aux termes de l'article L631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l'article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire.



Aux termes de l'article L640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.



Par arrêt du 26 janvier 2023, la présente cour a confirmé un jugement du tribunal de commerce de Coutances en ce qu'il a dit que M. [O] [N] a constitué avec M. [X] [N] une société créée de fait exploitée sous le nom commercial [N] Marée et dit que M. [O] [N] est indéfiniment et solidairement responsable des dettes de la société créée de fait à l'égard de la CCTION et, infirmant le jugement, a condamné M. [O] [N] à payer à la CCITON la somme de 512 529,83 euros arrêtée au 10 novembre 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2022.



Une société créée de fait ne peut faire l'objet d'une procédure collective.

Dans cette hypothèse, l'ouverture d'une procédure collective est toutefois possible contre les associés de fait accomplissant des actes de commerce.



La CCITON ne conteste pas que [O] [N] EI a accompli des actes de commerce de manière habituelle ni qu'il est en état de cessation des paiements.



[X] [N] a bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire en tant qu'entrepreneur individuel. La créance de la CCITON a été déclarée au passif et un plan de redressement a été établi.



Le tribunal de commerce a justement retenu que M. [O] [N] restait associé de la société créée de fait constituée avec son fils, la CCITON ne rapportant pas la preuve contraire, et qu'il restait également co-bénéficiaire des résultats dégagés par l'activité de ladite société.



Dans un rapport du 18 juillet 2023, le mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] relève que les créances déclarées au passif de M. [O] [N] l'ont été également au passif d'[X] [N], que ce dernier bénéficie d'un plan de redressement prévoyant un règlement du passif sur 10 ans et que la première annuité de 47.455,08 euros exigible au 31 mai 2023 a été honorée.

Il précise que M. [O] [N] lui a fait parvenir un compte de résultat pour la période du 1er janvier 2023 au 31 mai 2023 faisant apparaître un chiffre d'affaires de la société créée de fait de 1.955.898 euros et un résultat bénéficiaire de 126.072 euros, qu'au 12 juillet 2023, le compte bancaire présentait un solde créditeur de 162.808,52 euros, que le résultat susceptible d'être dégagé pour l'année 2023 serait bénéficiaire de 272.373 euros et qu'au vu de ces éléments, un plan de redressement serait envisageable.



Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal de commerce a retenu que la CCITON ne démontre pas que le redressement de [O] [N] est impossible, que les conditions d'une liquidation judiciaire ne sont pas démontrées et qu'une période d'observation est nécessaire pour déterminer si M. [O] [N] a la capacité de régler son passif dans le cadre d'un plan de redressement.



Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la CCITON de sa tierce opposition.





Sur les demandes accessoires



Les dispositions du jugement relatives à l'indemnité de procédure et aux dépens , exactement appréciées, seront confirmées.



La CCITON, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens d'appel, à payer à maître [D] ès qualités la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;



Déclare recevable l'appel formé à l'encontre de maître [D] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] ;



Déclare recevable l'appel formé à l'encontre de M. [O] [N] ;



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;







Y ajoutant,



Condamne la Chambre de commerce et d'industrie territoriale ouest Normandie à payer à maître [D] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [O] [N] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



Condamne la Chambre de commerce et d'industrie territoriale ouest Normandie aux dépens d'appel.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT













N. LE GALL F. EMILY

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