10 avril 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 21/06670

9ème Ch Sécurité Sociale

Texte de la décision

9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/06670 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SEQI













Société [5]



C/



CPAM COTES D'ARMOR























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 AVRIL 2024



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 13 Février 2024

devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats



DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:



Date de la décision attaquée : 02 Septembre 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de SAINT-BRIEUC - Pôle social

Références : 19/00359



****

APPELANTE :



La Société [5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Nicolas CARABIN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, avocat au barreau de RENNES



INTIMÉE :



LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES COTES D'ARMOR

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Madame [L] [O] [G] en vertu d'un pouvoir spécial




















EXPOSÉ DU LITIGE



Le 29 janvier 2018, M. [F] [W], salarié de la société [5] (la société) a complété un formulaire de déclaration d'une maladie professionnelle, en raison d'une 'tendinopathie chronique achilléenne droite'.



Le certificat médical initial, établi le 1er décembre 2017 par le docteur [I], fait état d'une 'tendinopathie chronique achilléenne droite objectivée par échographie, tableau 57 E des maladies professionnelles', avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2017.



Par décision du 1er mars 2019, après instruction et suivant avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne (CRRMP), la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor (la caisse) a pris en charge la maladie 'Tendinite achilléenne droite' au titre du tableau n°57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail des maladies professionnelles.



Le 1er avril 2019, la société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, laquelle a rejeté son recours lors de sa séance du 14 juin 2019.



La société a porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance des Côtes d'Armor le 1er août 2019.



Par jugement du 2 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :



- débouté la société de toutes ses demandes ;

- déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [W] le 1er décembre 2017 opposable à la société ainsi que l'ensemble des arrêts et soins pris en charge au titre de cette maladie professionnelle ;

- condamné la société aux dépens.



Par déclaration adressée le 22 octobre 2021 par communication électronique, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 27 septembre 2021.



Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 8 juin 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :



- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 2 septembre 2021 ;



Statuant à nouveau,



A titre principal :



- juger que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire à son égard ;

- juger l'avis du CRRMP irrégulier en l'absence d'avis du médecin du travail ;

- déclarer la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [W] inopposable à son égard ;

A titre subsidiaire :



- juger que la caisse ne rapporte pas la preuve du lien entre la maladie développée par M. [W] et ses conditions de travail ;

- déclarer la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [W] inopposable à son égard ;



A titre infiniment subsidiaire :



- désigner un second CRRMP pour statuer sur le caractère professionnel de la pathologie de M. [W] ;



En tout état de cause,



- condamner la caisse à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux entiers dépens.



Par ses écritures parvenues au greffe le 3 octobre 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :



- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;

- débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- juger que le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [W] est établi ;

- juger que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [W] est opposable à la société, ainsi que l'ensemble des arrêts et soins pris en charge au titre de cette maladie professionnelle ;

- condamner la société aux dépens ;



A titre subsidiaire :



- décerner acte qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la demande de la société de voir désigner un second CRRMP.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Il n'est pas contesté que la caisse ne pouvait prendre en charge la maladie déclarée sans saisir un CRRMP, la condition tenant à la liste limitative des travaux n'étant pas respectée.



Il n'est pas davantage contesté que celui-ci s'est prononcé sans l'avis du médecin du travail, cette case n'étant pas cochée sur son formulaire d'avis.



Selon l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, il appartient à la caisse de constituer le dossier soumis au CRRMP et celui-ci doit notamment

comprendre l'avis motivé du médecin du travail de l'entreprise (2e Civ., 20 décembre 2007 pourvoi n° 06-18.119).



Aux termes de l'article D. 461-30 du même code, il appartient à la caisse d'instruire le dossier qu'elle transmet au CRRMP.



La caisse doit s'assurer que le dossier qu'elle transmet au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est complet (2e Civ., 12 juillet 2006, pourvoi n 05-10657).



La caisse fait valoir qu'elle a bien sollicité l'avis du médecin du travail en se référant à sa lettre du 19 mars 2018 (sa pièce 3) mais que celui-ci ne lui ayant pas répondu, elle s'est trouvée dans l'impossibilité matérielle d'obtenir et de communiquer cet avis.



Cependant, l'appelante est bien fondée à solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge dès lors que la correspondance du 19 mars 2018 dont se prévaut la caisse et destinée au médecin du travail est celle qu'elle a jointe à la lettre du même jour informant l'employeur de la déclaration de maladie professionnelle, lettre par laquelle elle lui demandait en outre de transmettre au médecin du travail un exemplaire de la déclaration de maladie professionnelle et cette correspondance jointe. Elle lui demandait également de lui communiquer les coordonnées de ce dernier.



Bien que l'accusé de réception de cette lettre ne soit pas produit, la caisse ne conteste pas avoir reçu le rapport de l'employeur qui porte la date du 28 mars 2018 (pièce 2 de l'appelante). Dans ce rapport, étaient communiquées les coordonnées du médecin du travail.



La caisse ne peut donc se prévaloir de l'impossibilité d'obtenir l'avis du médecin du travail alors que ses coordonnées lui ont été régulièrement communiquées, que les diligences qu'elle demande à l'employeur ne peuvent pallier sa carence et que par lettre du 31 octobre 2018, elle a prorogé le délai d'instruction de la maladie.



Comme l'a jugé la Cour de cassation, il appartenait à la caisse de réclamer au médecin du travail son avis motivé dans le cadre de l'instruction du dossier de la victime (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.553).



Faute pour elle de justifier de ce qu'elle a directement saisi le médecin du travail d'une demande d'avis, l'impossibilité alléguée n'est pas établie. Il doit être retenu que la caisse n'a pas satisfait aux prescriptions des articles D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale.



Il s'évince de ce qui précède que la décision de prise en charge est inopposable à l'employeur et que la décision entreprise doit être infirmée.



L'équité ne commande pas d'allouer à l'appelante d'indemnité pour ses frais de procédure.



Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.



PAR CES MOTIFS :



La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,



Infirme le jugement du 2 septembre 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc ;



Statuant à nouveau et y ajoutant :



Déclare inopposable à l'employeur la décision du 1er mars 2019 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie du 1er décembre 2017 déclarée par M. [W] ;



Déboute la société [5] de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor aux dépens.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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