10 avril 2024
Cour d'appel de Reims
RG n° 23/01925

Chambre Premier Président

Texte de la décision

ORDONNANCE N°



du 10/04/2024



DOSSIER N° RG 23/01925 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FNQK



















Monsieur [W] [D]





C/



DIRECTION DEPARTEMENTALE DE L'EMPLOI DU TRAVAIL DES SOLIDARITES ET DE LA PROTECTION DES POLULATIONS















































































L'AN DEUX MIL VINGT QUATRE





Le dix avril deux mille vingt quatre





A l'audience publique de la cour d'appel de Reims où était présent et siégeait Madame Catherine CHASSE, Conseiller délégué du premier président, régulièrement désignée par ordonnance, assistée de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier



Vu la déclaration d'appel reçue au greffe le 11 décembre 2023 par :





[W] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Appelant d'une ordonnance en date du 20 novembre 2023 rendue par le juge des libertés et de la détention de CHARLEVILLE-MEZIERES



Comparant assisté de Maître Quentin MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES



APPELANT



ET :



DIRECTION DEPARTEMENTALE DE L'EMPLOI DU TRAVAIL DES SOLIDARITES ET DE LA PROTECTION DES POLULATIONS

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Monsieur [S] Directeur adjoint



INTIME



Vu les convocations adressées par le greffe par LRAR le14 décembre 2023 d'avoir à comparaître le 10 janvier 2024 14:30, devant le conseiller délégué du premier président, l'affaire ayant été renvoyée au 14 février 2024 puis au 13 mars 2024;



À ladite audience, tenue publiquement, Madame Catherine CHASSE, Conseiller délégué du premier président, assistée de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, a entendu Maître Quentin MAYOLET, avocat de Monsieur [W] [D] en ses explications et DIRECTION DEPARTEMENTALE DE L'EMPLOI DU TRAVAIL DES SOLIDARITES ET DE LA PROTECTION DES POLULATIONS, puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 avril 2024.



Et ce jour, a été rendue l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties présentes à l'audience ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et a été signée par Madame Catherine CHASSE, Conseiller délégué du premier président, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS ET PROCEDURE



Par ordonnance rendue le 20 novembre 2023 sur requête du 17 novembre 2023 de Monsieur le Directeur Départemental de l'Emploi, du Travail, des solidarités et de la protection des populations des Ardennes, pris en la personne de Monsieur [B] [N], adjoint au chef de Service Santé et Protection Animales, Abattoirs et Environnement et Inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement, le Juge des liberté et de la détention du Tribunal Judiciaire de TROYES a autorisé les agents habilités de la Direction Départementale de l'Emploi, du Travail, des solidarités et de la Protection des Populations - DDETSPP à pénétrer sur les parcelles situées à Sorbon, propriété de Monsieur [Y] [J] et cadastrées ZD[Cadastre 4], ZD[Cadastre 5],ZD[Cadastre 6],ZD[Cadastre 7],ZB [Cadastre 8] et ZB[Cadastre 9] sur lesquelles se trouveraient des moutons appartenant à Monsieur [W] [D] suspectés d'être en situation de maltraitance animale, le 21 novembre 2023 à compter de 9 heures, ce afin de pouvoir procéder aux interventions de toute nature qu'implique l'exécution des mesures de protection animale

L'opération autorisée a eu lieu le 21 novembre 2023 à compter de 9 h 15 suivant le rapport d'inspection rédigé le 21 novembre 2023 par Monsieur [N]. Ce rapport concluant au fait que Monsieur [W] [D] serait responsable à minima de négligences conduisant à une maltraitance des animaux qu'il détient.



Par courrier recommandé du 6 décembre 2023 (date d'envoi) adressé à la Cour d'appel de Reims, Monsieur [W] [D] a indiqué " vouloir faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention des 20 et 21 novembre 2023 [...] En effet je considère que les charges retenues contre moi sont injustifiées [...]



L'affaire venue une première fois à l'audience du 14 février 2024 a fait l'objet à d'un renvoi au 13 mars 2024 pour communication des pièces et éventuellement conclusions entre les parties.



A l'audience du 13 mars 2024, Monsieur [W] [D] par la voix de son avocat a expliqué que son activité agricole consistait à faire de l'éco-paturage, pratique consistant à faire pâturer ses moutons sur des parcelles mis à sa disposition par des agriculteurs, les parcelles semées d'un couvert végétal adéquat étant ainsi à la fois entretenues et enrichies. Il a précisé qu'il avait obtenu l'autorisation de faire pâturer ses moutons sur les parcelles visées dans l'ordonnance par l'occupant en titre de celle-ci à savoir le preneur à bail Monsieur [U] [O].



Il soutient par ailleurs que l'ordonnance obtenue est irrégulière en ce que l'occupant des lieux ou son représentant à savoir non pas le propriétaire desdites parcelles mais leur preneur à bail Monsieur [U] [O] n'y est pas mentionné, que par ailleurs la requête de la DDETSPP ne mentionnait pas les personnes autorisées à pénétrer dans la parcelle et qu'on ignore donc comment le juge les a choisies et qu'enfin ces personnes auraient toutes du être vétérinaires ou élèves vétérinaires. S'agissant de son intérêt à contester l'ordonnance il fait valoir qu'il fait l'objet d'une procédure pénale et ignore en l'état si ladite ordonnance et les actes dont elle est le support fait partie de la procédure d'enquête .



La Direction Départementale de l'Emploi, du Travail, des solidarités et de la protection des populations des Ardennes, a déposé des conclusions reprises oralement à l'audience. Elle fait valoir que l'ordonnance prise par le Juge des libertés et de la détention était légitime dès lors que des incidents relatifs à des divagations d'animaux et de présence de cadavres d'animaux justifiaient une inspection et que Monsieur [W] [D] refusant l'accès au terrain clos sur laquelle pacageaient ses moutons, le recours au Juge des libertés et de la détention était nécessaire. Elle estime que l'autorisation donnée de pénétrer sur une parcelle privée était proportionnée au but poursuivi de prévention de maltraitance animale et ajoute qu'en tout état de cause la procédure introduite par Monsieur [W] [D] est sans objet puisque l'opération n'a fait l'objet d'aucune suite administrative. A l'audience et en réponse aux arguments soulevés oralement par la partie appelante, la Direction Départementale de l'Emploi, du Travail, des solidarités et de la protection des populations des Ardennes indique que le nom de l'occupant en titre des lieux importe peu, l'essentiel étant de viser le nom de la personne s'opposant à l'entrée sur la parcelle et conteste que les agents intervenants doivent obligatoirement être des vétérinaires.




MOTIFS



Sur la recevabilité de l'appel



L'appel interjeté le 6 décembre 2023 par Monsieur [W] [D] contre l'ordonnance du 20 novembre 2023 du juge des libertés et de la détention de CHARLEVILLE MEZIERES, ordonnance qui n'a pu être notifiée à l'intéressé que le 21 novembre 2023 au plus tot est recevable pour avoir été effectué dans les délais et les formes prescrits par l'article L206-1 V du code rural et et de la pêche maritime.



Sur l'intérêt à agir de Monsieur [W] [D]



Il apparaît difficile de contester l'intérêt à agir de Monsieur [W] [D], en l'absence du moindre élément sur l'issue de cette procédure qu'il s'agisse du déroulement des opérations de visite le 21 novembre 2023 ou des éventuelles suites judiciaires ou administratives données à cette opération, étant précisé qu'il ne semble pas qu'un procés-verbal de déroulement de l'opération ait été dressé sur le champ par les agents et soumis à la signature de l'occupant des lieux. La fin de non recevoir soulevée par la Direction Départemental de l'Emploi, du Travail, des solidarités et de la protection des populations des Ardennes sera donc rejetée;





Sur le fond



L'article L206-1 du code rural et de la pêche maritime dispose :

" I Lorsque l'accès aux locaux est refusé aux agents, ou lorsque ceux-ci comprennent des parties à usage d'habitation, cet accès peut être autorisé par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sons situés les lieux à visiter.

L'ordonnance comporte l'adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité du ou des agents habilités à procéder aux opérations de visite ainsi que les heures auxquelles ils sont autorisés à se présenter.

L'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute

II L'ordonnance est notifiée sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récepissé ou émargement au procès verbal de visite. [ ']

L'acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l'ordonnance ayant autorisé la visite et contre le déroulement des opérations de visite. Il mentionne également que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi d'une demande de suspension ou d'arrêt de cette visite. [ ...]

IV La visite est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d'un conseil de son choix. En l'absence de l'occupant des lieux, les agents chargés de la visite ne peuvent procéder à celle-ci qu'en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous son autorité

Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur le champ par les agents qui ont procédé à la visite. Le procès verbal est signé par ces agents et par l'occupant des lieux ou le cas échéant son représentant et les témoins. En cas de refus de signer , mention en est faite au procès verbal.

L'original du procés verbal est dès qu'il a été établi, adressé au juge qui a autorisé la visite. Une copie de ce même document est remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'occupant des lieux ou à son représentant

Le procès verbal mentionne le délai et les voies de recours [']

VII Le présent article est reproduit dans l'acte de notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite " ;



Même si le texte susvisé n'indique pas expressément que l'ordonnance du juge doit mentionner le nom de l'occupant de plein droit des biens immobiliers privés auxquels l'accès est sollicité, il est constant que ce qui justifie le recours à un juge c'est d'abord le fait que les opérations envisagées nécessitent l'entrée d'agents de l'administration dans une propriété privée, quand bien même celle-ci ne serait pas un domicile ; Par ailleurs toute la procédure relative à la notification de l'ordonnance et au déroulement du procès verbal de déroulement de l'opération nécessite de connaître le nom de l'occupant du bien immeuble.



En l'espèce cependant il ressort de la procédure que Monsieur [W] [D] en refusant notamment l'acces aux parcelles aux agents des services vétérinaires s'est toujours présenté comme l'occupant des lieux et en l'état, il ne justifie pas que les parcelles concernées sur lesquelles a eu lieu la visite du 21 novembre 2023 soient données à bail à un certain [U] [O] ; Les échanges de SMS avec ce dernier attestent juste qu'il a conclu ou envisagé de conclure un accord d'éco paturage avec cette personne mais pas que celle-ci est concernée par les parcelles visées dans l'ordonnance.



Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Monsieur [W] [D], l'article L203-8 qui offre à l'autorité administrative la possibilité de mandater des vétérinaires pour participer à des contrôles ou expertises en matière de bien -être des animaux, vétérinaires qui acquierent par ce fait la qualité de vétérinaires officiels, n'implique évidemment pas qu'elle a l'obligation de le faire ni que les seuls agents aptes à intervenir dans le cadre d'une visite autorisée par le Juge des libertés ou de la détention en application de l'article L206-1 du même code aient forcément tous la qualité de vétérinaires ; Au contraire le fait que l'article L203-8 utilise le terme participer et précise que l'intervention desdits vétérinaires mandatés se fait sous le contrôle et l'autorité de l'administration conduit à considérer que des agents de l'autorité administrative concernée qu'ils soient ou non vétérinaires conduisent l'opération. L'insuffisance du nombre de véterinaires pour opérer le contrôle pourrait peut-être affecter la preuve des maltraitances ou négligences dans le suivi des animaux alléguées mais cette question est étrangère au présent litige.



Au stade de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, la seule obligation légale est la mention des agents, vétérinaires ou non, qui participeront à la visite et seront autorisés à entrer dans les lieux. Il importe peu que les noms de ces agents aient été mentionnés dans la requête ou dans un document joint à celle-ci ou encore n'aient été qu'indiqués oralement au juge par l'administration requérante. La encore une éventuelle différence entre les noms figurant sur l'ordonnance et ceux ayant participé à l'opération pourrait justifier l'invalidation de l'opération mais cette question est étrangère au présent litige qui ne concerne que l'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et non le déroulement de l'opération menée sur la base de cette ordonnance.



En l'espèce le juge des libertés et de la détention a mentionné les agents qu'il autorisait à pénétrer dans les lieux. Son ordonnance est donc régulière sur ce point.



S'agissant enfin de la motivation de l'ordonnance, celle-ci relate brièvement les précédents incidents relatifs à de nombreux animaux décédés dans des circonstances restées suspectes, evenements qui justifiaient un contrôle des conditions d'élevage des moutons de Monsieur [W] [D], ainsi que le refus exprimé par Monsieur [W] [D] tant le 2 novembre 2023 que le 20 novembre 2023 de permettre à laDirection Départemental de l'Emploi, du Travail, des solidarités et de la protection des populations des Ardennes d'effectuer ses controles.



Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'appel formé contre l'ordonnance rendue le 20 novembre 2023 par le juge des libertés et de la détention de CHARLEVILLE-MEZIERES apparaît mal fondé.



Il n'y a donc pas lieu d'annulerou de réformer cette ordonnance .



PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement par ordonnance contradictoire



Déclarons Monsieur [W] [D] recevable en son appel contre l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de CHARLEVILLE-MEZIERES du 20 novembre 2023



Confirmons l'ordonnance déférée.









LE GREFFIER LE CONSEILLER

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.