10 avril 2024
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 24/00024

Service des Référés

Texte de la décision

N° RG 24/00024 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MFLO



N° Minute :































































































Copies délivrées le







Copie exécutoire

délivrée le



à













AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C O U R D ' A P P E L D E G R E N O B L E



JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE DU 10 AVRIL 2024









ENTRE :



DEMANDERESSE suivant assignation du 26 février 2024



S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD inscrite au RCS de Strasbourg sous le numéro 352 406 748 représentée par ses dirigeants légaux en exercice,

domiciliés de droit audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Emily THELLYERE de la SCP SARDIN ET THELLYERE (ST AVOCATS), avocat au barreau de LYON





ET :



DEFENDERESSE



Madame [S] [Z] épouse [G]

née le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Caroline BLANCHARD DE LA BROSSE, avocat au barreau de CHAMBERY, substituant Me Juliette COCHET-BARBUAT de la SELARL JULIETTE COCHET-BARBUAT, avocat au barreau de CHAMBERY





DEBATS : A l'audience publique du 13 mars 2024 tenue par Christophe COURTALON, premier président, assisté de Marie-Ange BARTHALAY, greffier





ORDONNANCE : contradictoire



prononcée publiquement le 10 AVRIL 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile



signée par Christophe COURTALON, premier président et par Marie-Ange BARTHALAY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
















Le 19/04/2013, Mme [Z] a été gravement blessée lors d'un accident de la circulation.



L'assureur de la conductrice, la compagnie ACM, a, après expertise médicale, versé des provisions d'un montant de 17 693,60 euros.



Par ordonnance du 26/09/2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence a ordonné une expertise médicale et alloué à Mme [Z] une provision de 70 000 euros.



Celle-ci a assigné la compagnie ACM devant le tribunal judiciaire de Valence. Par ordonnance du 23/02/2023, le juge de la mise en état lui a alloué une nouvelle provision de 204 300 euros.



Par jugement du 28/12/2023, le tribunal judiciaire de Valence a alloué à la demanderesse les sommes de :

- 32 673,46 euros au titre des préjudices patrimoniaux temporaires

- 1 887 713,87 euros au titre des préjudices patrimoniaux permanents

- 32 986,25 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- 65 950 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents, avec doublement des intérêts de droit sur les sommes allouées entre le 20/12/2013 et la décision, la demande présentée par la compagnie ACM tendant à voir limiter l'exécution provisoire à concurrence de la moitié étant rejetée.



Par déclaration du 26/01/2024, la compagnie ACM a interjeté appel du jugement.



Par acte du 26/02/2024, elle a assigné Mme [Z] en référé devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble aux fins :

- à titre principal, d'arrêt de l'exécution provisoire, ou, à tout le moins, dans une proportion des deux tiers ;

- à titre subsidiaire, de consignation des sommes de 1 664 750,88 euros et 1 401 979,42 euros, et à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner que les sommes de 1 664 750,88 euros et 1 401 979,42 euros soient confiées à un séquestre, à charge pour lui de verser périodiquement à la victime une part à apprécier, conformément à l'article 521 §2 du code de procédure civile.



Dans ses conclusions du 11/03/2024, soutenues oralement à l'audience, elle expose en substance que :

- la perte totale de gains professionnels après consolidation a été retenue à tort par le tribunal, alors que Mme [Z] a obtenu son baccalauréat, et peut poursuivre des études ou occuper un emploi ;

- le salaire de référence retenu est excessif ;

- les offres provisionnelles et définitive n'étaient pas insuffisantes, ce qui rend injustifiée la condamnation au doublement des intérêts au taux légal ;

- elle justifie ainsi de moyens sérieux de réformation du jugement entrepris ;

- Mme [Z] n'a pas de ressources et ne dispose pas d'un patrimoine immobilier et ne présente ainsi aucune garantie de restitution, ce qui constitue un risque de conséquences manifestement excessives en cas d'exécution de la décision.



Pour conclure au rejet de la demande et à titre infiniment subsidiaire, voir ordonner la consignation entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Chambéry aux fins de versements périodiques des sommes allouées par le jugement, Mme [Z] réplique, dans ses conclusions en réponse soutenues oralement à l'audience que :

- ses tentatives de formation ont échoué, en raison de la dégradation de son état de santé physique et psychologique ;

- la perte de gains professionnels a été ainsi justement évaluée par le premier juge ;

- le salaire de référence retenu par le tribunal, de 2340 euros mensuels, correspond au salaire net moyen français selon les chiffres 2023 de l'Insee ;

- ce n'est que le 07/07/2021 que l'assureur lui a transmis une offre, alors qu'elle devait le faire dans les cinq mois de la consolidation, ce qui justifie le doublement des intérêts à titre de sanction ;

- l'absence de garantie n'est pas démontrée.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur l'arrêt de l'exécution provisoire



Aux termes de l'article 514-3 §3 du code de procédure civile, 'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives'.



Les contestations élevées par l'assureur ont trait à des considérations de pur fait, à savoir l'appréciation du potentiel de la victime pour occuper une activité professionnelle, la détermination du revenu auquel elle peut prétendre, et la qualité des offres faites par l'assureur.



Le juge des référés n'a pas à rentrer dans le détail d'une argumentation pour apprécier le caractère sérieux des moyens de réformation allégués, mais doit seulement vérifier si ceux -ci sont suffisamment évidents pour pouvoir entraîner une infirmation de la décision entreprise.



En l'occurrence, seule la cour statuant au fond est en mesure d'apprécier le bien-fondé des prétentions des parties, s'agissant d'une analyse des circonstances de fait de la cause à laquelle il a été procédé par le premier juge de façon précise.



S'agissant d'une instance en référé, qui n'est pas une pré-décision de l'appel au fond, il apparaît que les observations faites par la requérante ne sont pas suffisamment décisives pour qu'il puisse être considéré d'ores et déjà que le jugement attaqué sera réformé. Dès lors, la requérante ne justifie pas de moyens suffisamment sérieux.



La requérante verra sa demande de suspension de l'exécution provisoire rejetée, les conditions fixées par le texte sus rappelé étant cumulatives et non alternatives, sans qu'il soit utile d'examiner l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives de l'exécution de la décision.



Sur la consignation



Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile, 'la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine'.



Une partie des sommes allouées à Mme [Z] ayant pour objet de lui assurer les besoins nécessaires à la vie quotidienne, il n'y a pas lieu d'ordonner la consignation du montant des condamnations prononcées par le tribunal.



En revanche, afin d'éviter tout risque de non-restitution des sommes versées en cas d'infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande de séquestre, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Chambéry étant désigné pour ce faire, à charge pour lui de verser tous les trimestres 10 % des sommes séquestrées.



Enfin, chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, supportera la charge des dépens qu'elle a exposés.



PAR CES MOTIFS



Nous, premier président de la cour d'appel de Grenoble, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe :



Rejetons les demandes d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire de Valence du 28/12/2023 et de consignation ;



Disons que la société Assurances du Crédit Mutuel Iard devra verser dans le délai d'un mois les sommes de 1 664 750,88 euros et 1 401 979,42 euros entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Chambéry, à charge pour lui de les déposer sur un compte Carpa, le séquestre devant reverser à Mme [Z], par l'intermédiaire de son conseil, chaque trimestre, 10 % du montant de ces sommes ;



Disons que chacune des parties supportera la charge des dépens qu'elle a exposés.





Le greffier, Le premier président,







M.A. BARTHALAY C. COURTALON

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