10 avril 2024
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 22/01713

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 10 AVRIL 2024









N° RG 22/01713 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MURH







S.A.R.L. GARANDEAU BETONS



c/



S.N.C. INEO AQUITAINE

























Nature de la décision : AU FOND

































Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 mars 2022 (R.G. 2021000538) par le Tribunal de Commerce de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 06 avril 2022





APPELANTE :



S.A.R.L. GARANDEAU BETONS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]



Représentée par Maître Fabrice DANTHEZ, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉE :



S.N.C. INEO AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]



Représentée par Maître Lola MICHEL substituant Maître Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,



Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT



ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.






* * *



EXPOSE DU LITIGE :



La société Ineo Aquitaine a été engagée le 7 janvier 2015 pour la réalisation du lot 'courants forts/ courants faibles CVC' dans le cadre de la construction d'une centrale d'énergie de secours et du chantier de reconfiguration de la boucle HT du Centre hospitalier de [Localité 4]. Ont également été engagées les sociétés GTM Bâtiment Aquitaine pour le lot n°1 'gros-oeuvre, second oeuvre,VRD' et Schneider Electric France pour le lot n°3 'groupes électrogènes'.



Par courrier du 5 avril 2017, la société GTM Bâtiment Aquitaine a invité la société Garandeau Bétons à faire connaître les suites qu'elle entendait donner à un accident survenu le 3 avril précédent au cours duquel un camion toupie de la société Garandeau Bétons, qui livrait du béton pour les besoins des travaux de la société GTM Bâtiment Aquitaine, aurait roulé sur un câble haute-tension qui devait être posé par la société Ineo Aquitaine.



Le 13 avril 2017, la société Ineo Aquitaine a adressé à la société Garandeau Bétons une facture de remplacement du câble d'un montant de 18.074,36 euros.



Après mise en demeure du 4 juillet 2017, la société Ineo Aquitaine a, par exploit du 6 avril 2021, fait assigner la société Garandeau Bétons devant le tribunal de commerce de Libourne en paiement de diverses sommes.



Par jugement prononcé le 18 mars 2022, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- condamne la société Garandeau Bétons au paiement à la société Ineo Aquitaine de la somme de 18.074,36 euros assortie de l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 juillet 2017 ;

- ordonne la capitalisation des intérêts relativement aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamne la société Garandeau Bétons au paiement à la société Ineo Aquitaine de la somme de 1.500 euros relativement aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Garandeau Bétons aux dépens.



La société Garandeau Bétons a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 6 avril 2022.



***



Par dernières écritures notifiées le 20 avril 2022, la société Garandeau Bétons demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

- déclarer la société Garandeau Bétons recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Libourne le 18 mars 2022 et y faisant droit,

- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions, la responsabilité de la société Garandeau Bétons n'étant pas établie dans l'incident survenu le 3 avril 2017 ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Ineo Aquitaine de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Garandeau Bétons ;

- condamner la société Ineo Aquitaine à payer à la société Garandeau Bétons la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Ineo Aquitaine aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance.



***



Par dernières écritures notifiées le 19 février 2024, la société Ineo Aquitaine demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Libourne le 18 mars 2022 en ce qu'il a :

- condamné la société Garandeau Bétons au paiement à la société Ineo Aquitaine de la somme de 18.074,36 euros assortie de l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 juillet 2017,

-ordonné la capitalisation des intérêts relativement aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

-condamné la société Garandeau Bétons au paiement à la société Ineo Aquitaine de la somme de 1.500,00 euros relativement aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Garandeau Bétons aux dépens ;

Y ajoutant,

- condamner la société Garandeau Bétons à verser à la société Ineo Aquitaine la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.



***



L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024.



Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.






MOTIFS DE LA DÉCISION :



1. L'article 1240 du code civil dispose :

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»



2. Au visa de ce texte, la société Garandeau Bétons (ci-après Garandeau) fait grief au jugement déféré d'avoir retenu sa responsabilité extracontractuelle à l'égard de la société Ineo Aquitaine (ci-après Ineo) et de l'avoir condamnée à payer à l'intimée la somme principale de 18.074,36 euros à ce titre.



L'appelante fait valoir qu'aucune des conditions de sa responsabilité délictuelle n'est établie puisqu'il n'est pas démontré qu'elle serait impliquée dans le fait générateur allégué et que, par ailleurs, la société Ineo ne démontre pas l'existence d'un quelconque dommage qui résulterait de l'incident dont elle se plaint.



3. L'intimée répond que la société Garandeau a elle-même reconnu son implication peu de temps après le dommage causé par l'un de ses camions au câble que la société Ineo devait mettre en place.



Sur ce,



4. Il est constant que la société Ineo a été engagée le 7 janvier 2015 par le Centre hospitalier de [Localité 4] notamment pour l'exécution du lot n°2 'courants forts courants faibles CVC' de la centrale d'énergie de secours et que la société Garandeau a livré du béton sur ce chantier.



La société GTM Bâtiment Aquitaine, filiale de Vinci Construction, a adressé un courrier le 5 avril 2017 à la société Garandeau par lequel elle a invité celle-ci à préciser comment elle envisageait de remédier aux conséquences du dommage généré par l'un de ses camions qui avait, le 3 avril précédent, roulé sur un câble haute tension posé au sol et signalé par un balisage 'très très visible' selon les termes de ce courrier, qui ajoutait que l'incident avait des conséquences importantes sur le calendrier du chantier : « (...) De ce fait, nous devons maintenant changer ce câble car cet incident entraîne un doute sur la bonne conductivité de ce dernier que nous ne pouvons pas prendre (ce câble fait partie du maillage haute tension de l'ensemble de l'hôpital).»



L'appelante a déclaré le sinistre à son assureur, la société Gan Assurances, en ces termes :

« Nous vous informons d'un accident survenu en date du 03-04-2017 sur le chantier de l'hôpital de [Localité 4] avec notre véhicule [Immatriculation 3]. En manoeuvrant et malgré le balisage présent sur le chantier, notre véhicule a roulé sur un câble haute tension se trouvant au sol. Ci-joint photos.»



La société Garandeau a également adressé à la société Ineo le 12 juin 2017 un constat amiable qu'elle a elle-même ainsi renseigné : « Notre véhicule a roulé sur un câble haute tension se trouvant au sol sur le chantier du nouvel hôpital de [Localité 4].»



Enfin, les photographies produites au dossier de l'intimée présentent le camion et le câble concernés -celui-ci particulièrement visible-, la trace du pneu sur le câble et l'enfouissement partiel de ce câble sous l'effet du poids du camion.



Il est donc établi que l'un des camions de la société Garandeau a roulé sur un câble pourtant expressément signalé par un balisage au sol, ce qui constitue une faute au sens de l'article 1240 du code civil.



5. Le fournisseur du câble litigieux, interrogé par la société Engie Solutions sur les conséquences éventuelles de l'incident du 3 avril 2017, a répondu que ce câble Mts 226 devait être enfoui en tranchée avec une protection par lit de sable ou une protection mécanique et ajoute :

« Sur votre chantier le câble était posé sur le sol en attente d'enfouissement, un poids lourd roulant sur celui-ci n'est pas prévu dans son utilisation.

Nous allons avoir un effet d'écrasement des différentes couches de matériaux constituant celui-ci, ce qui va modifier ses caractéristiques électriques et mécaniques.

Dans le cas présent on ne peut prendre le risque de mettre ce câble sous tension en ayant subi le passage d'un poids lourd, le câble doit être considéré comme HS et ne pourra faire l'objet d'aucune garantie constructeur et d'installation.

Il faut soit changer la totalité de la liaison soit faire une jonction et changer la longueur de câble recensée comme défaillante. »



La société Ineo a pris en considération le fait que l'équipement à poser devait alimenter un hôpital, établissement accueillant du public soumis à des normes de sécurité particulières, et a fait le choix de remplacer entièrement la liaison endommagée.



L'intimée établit, par la production de la facture afférente, que le coût de ce remplacement a été de 18.074,36 euros, à sa seule charge compte tenu de la nature de son acte d'engagement, conclu dans le cadre de la réglementation relative aux marchés publics de travaux qui interdit au soumettant de modifier son offre de prix acceptée par le pouvoir adjudicateur, sauf conclusion d'un avenant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.



6. Dès lors, la société Garandeau doit réparer le dommage qui est la conséquence de sa faute. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Ineo la somme de 18.074,36 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 juillet 2017 et anatocisme, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.





La société Garandeau sera condamnée à payer les dépens de l'appel et à verser à la société Ineo la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,



Confirme le jugement prononcé le 18 mars 2022 par le tribunal de commerce de Libourne.



Y ajoutant,



Condamne la société Garandeau Bétons à payer à la société Ineo Aquitaine la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Condamne la société Garandeau Bétons à payer les dépens de l'appel.





Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier Le Président

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