4 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.276

Première présidence (Ordonnance)

ECLI:FR:CCASS:2024:OR90400

Texte de la décision

COUR DE CASSATION
Première présidence
__________
Oreins+rejet péremption


Pourvoi n° : R 21-11.276
Demandeur : la société Ortec Services Industrie
Défendeur : M. [D] et autre
Requête n° : 1247/23
Ordonnance n° : 90400 du 4 avril 2024






ORDONNANCE
_______________




ENTRE :

la société Ortec Services Industrie, ayant la SCP Célice, Texidor, Périer pour avocat à la Cour de cassation,

ET :

M. [U] [D], ayant la SCP Boucard-Maman pour avocat à la Cour de cassation,

Michèle Graff-Daudret, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assistée de Vénusia Ismail, greffier lors des débats du 14 mars 2024, a rendu l'ordonnance suivante :

Vu l'ordonnance du 16 décembre 2021 prononçant la radiation du pourvoi enregistré sous le numéro R 21-11.276 formé à l'encontre de l'arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Vu la requête du 21 décembre 2023 par laquelle la société Ortec Services Industrie demande la réinscription de l'instance au rôle de la Cour et les observations développées au soutien de cette requête ;

Vu les observations en défense de la SCP Boucard-Maman ;

Vu l'avis de Anne-Marie Grivel, avocat général, recueilli lors des débats ;

Par ordonnance du 16 décembre 2021, le délégué du premier président a ordonné la radiation du rôle de la cour du pourvoi enregistré sous le numéro R 21-11.276, sur le fondement de l'article 1009-3 du code de procédure civile.

Par requête du 21 décembre 2023, la société Ortec services industrie a demandé la réinscription du pourvoi au rôle, en invoquant l'exécution des causes de l'arrêt frappé de pourvoi.

Par observations du 4 mars 2024, M. [D] soutient que la société Ortec services industrie a, notamment, été condamnée à lui délivrer une attestation Pôle emploi rectifiée, mais que celle-ci ne lui a toujours pas été remise, celle qui lui a été remise le 20 décembre 2023 n'étant pas conforme aux énonciations de l'arrêt attaqué, concernant tant les sommes qui y sont mentionnées que la date de versement de ces sommes, étant rappelé qu'il s'agit de la quatrième attestation non conforme qui lui est adressée par la société Ortec services industrie et ce, le dernier jour du délai de péremption. Il ajoute que plus de deux ans s'étant écoulés depuis la notification de l'ordonnance de radiation du rôle, le 22 décembre 2021, sans que la société Ortec services industrie n'ait effectué aucun acte manifestant sans équivoque sa volonté d'exécuter l'arrêt attaqué, la péremption de l'instance est acquise. Il demande, en conséquence, de rejeter la requête en réinscription au rôle, de constater la péremption de l'instance et de condamner la société Ortec services industrie à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par observations complémentaires du 11 mars 2024, la société Ortec services industrie entend donner des explications sur l'interprétation à donner à l'attestation Pôle emploi litigieuse, et souligne que toutes les mentions obligatoires apparaissent bien sur la nouvelle attestation et que le salaire moyen pour le calcul d'allocations Pôle emploi correspond exactement à la somme retenue par l'arrêt de la cour d'appel. Sur la péremption, elle objecte qu'elle a, le 19 décembre 2023, émis une nouvelle attestation Pôle emploi conforme aux exigences légales et que le délai de péremption a été interrompu par des actes postérieurs au « retrait du rôle ». Elle ajoute avoir pleinement exécuté les condamnations financières mises à sa charge et que seule demeurait inexécutée la condamnation de délivrer une attestation Pôle emploi rectifiée, ce qu'elle a fait le 20 décembre dernier, de sorte qu'en cet état, lui dénier que sa cause soit entendue porterait une atteinte disproportionnée à l'effectivité du droit au recours, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle demande de constater qu'il n'y a pas lieu à péremption de l'instance et d'autoriser la réinscription.

Aux termes de l'article 1009-2 du code de procédure civile, le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter. Le premier président ou son délégué peut, même d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.
Aux termes de l'article 1009-3, alinéa 1er, du code de procédure civile, le premier président ou son délégué autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée.

Il résulte des pièces produites que l'ordonnance de radiation a été notifiée à la société Ortec services industrie, qui l'a reçue le 22 décembre 2021.

Il n'est pas contesté que la société Ortec services industrie s'est acquittée des condamnations pécuniaires prononcées par l'arrêt attaqué.

L'arrêt a en outre ordonné à la société Ortec services industrie de délivrer à M. [D] les bulletins de salaires ainsi que l'attestation Pôle emploi rectifiés.

Le débat ne subsiste entre les parties que sur la régularité de l'attestation Pôle emploi.

La société Ortec services industrie soutient avoir adressé à M. [D] l'attestation Pôle emploi rectifiée le 22 décembre 2023.

M. [D] soutient que cette attestation n'est pas conforme quant aux sommes mentionnées, dès lors qu'elle fait état d'une rémunération mensuelle de 13.942,83 euros, alors que la rémunération due au salarié s'élevait à la somme mensuelle de 15 040,92 euros.

Cependant, la société Ortec services industrie explique qu'il est erroné de retenir la seule case 7.1 (salaire) pour invoquer la non-conformité de l'attestation, celle-ci devant s'interpréter de la manière suivante : 13.942,83(salaire) X 12 mois + 6.177,30(dont 5.235 euros de prime de fin d'année et 942.30 euros de prime de vacances)+ 7.000 euros (gratification) = 180.491,20, dont il résulte bien une moyenne de 15.040 euros (180.491 /12).

M. [D] soutient encore que, sur l'attestation, figure sous l'intitulé « salaire brut » (catégorie 7.3 « Sommes versées à l'occasion de la rupture »), la somme de 136.587,67 euros, et que l'on ignore à quoi cette somme correspond, celle-ci ne correspondant pas, en tout cas, au calcul inscrit manuscritement par la société Ortec Services Industrie (19.780,20 + 15.040,92 +90.245,52 + 13.393,58 + 1.118,71 + 753,84 = 140.332,77 et non 136.587,67). De plus, ajoute-t-il, le « Total des sommes ou indemnités légales, conventionnelles ou transactionnelles » et les « Montants correspondants aux indemnités conventionnelles » (catégorie 7.3 « Sommes versées à l'occasion de la rupture ») est porté à zéro, ce qui est erroné.

La société Ortec services industrie indique que, sur le total des sommes retenu dans le dernier paragraphe de la case 7.3, il est nécessaire d'effectuer une ventilation entre les sommes brutes et les sommes nettes, conformément aux exigences de Pôle Emploi, et que ces lignes auraient dû être remplies manuellement en mentionnant la somme de 90.245 euros, de sorte qu'il y avait effectivement une omission de sa part.

Si, s'agissant de la date de paiement des sommes dues à l'occasion de la rupture du contrat de travail (point 7.3 « Sommes versées à l'occasion de la rupture »), il est indiqué le 10 mai 2016, tandis que ces sommes n'ont été versées à M. [D] que le 24 décembre 2020, la société Ortec services industrie explique, sans être démentie, que lorsque l'employeur rectifie ultérieurement l'attestation, il convient de retenir, comme la date du versement du solde de tout compte, la date de rupture définitive du contrat puisque ensuite Pôle Emploi se base sur cette date pour recalculer les droits au chômage. Pôle Emploi, en effet, doit « artificiellement » partir de la date de sortie des effectifs et recalculer avec les montants versés ultérieurement. Si l'employeur retenait la date du versement effectif, soit le 24 décembre 2020, comme le réclame M. [D], Pôle Emploi serait alors contraint de retenir cette date pour faire démarrer son calcul d'allocations à verser.

M. [D] ajoute que cette dernière attestation est la quatrième non conforme aux prescriptions de l'arrêt attaqué que lui a adressée la société Ortec services industrie, de surcroît le dernier jour du délai de péremption.

Cependant, M. [D] indique lui-même que la société Ortec services industrie lui a, préalablement, adressé des attestations rectifiées les 16 avril 2016, 11 mai 2021 et 15 juillet 2021.

Ainsi, la société Ortec services industrie a fait montre de sa volonté de transmettre à M. [D] une attestation conforme, corrigée à chaque fois selon les préconisations de celui-ci, la dernière attestation, adressé le 22 décembre 2023, ne comportant que des imperfections mineures, sur lesquelles la société s'est expliquée, et qui pourraient, tout au plus, relever de l'examen du juge de l'exécution.

En conséquence, il y a lieu de considérer que la société Ortec services industrie a manifesté, par des actes d'exécution substantiels, dans le délai de la péremption, sa volonté de déférer aux causes de l'arrêt attaqué.
La demande de constat de la péremption sera, dès lors, rejetée et la réinscription autorisée.

EN CONSÉQUENCE :

La demande de constat de la péremption est rejetée.

La réinscription au rôle de la Cour du pourvoi numéro R 21-11.276 est autorisée.

La demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.


Fait à Paris, le 4 avril 2024


Le greffier,
Le conseiller délégué,







Vénusia Ismail
Michèle Graff-Daudret

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.