21 mars 2024
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 24/00252

Rétention_recoursJLD

Texte de la décision

Ordonnance n°250









N° RG 24/00252 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JEIR











J.L.D. NIMES

19 mars 2024













[B]





C/



LE PREFET DE [Localité 4]











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 21 MARS 2024



Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,




Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 25 octobre 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 17 février 2024, notifiée le même jour à 15h30 concernant :



M. [Y] [B]

né le 15 Août 1971 à [Localité 3]

de nationalité Marocaine



Vu l'ordonnance en date du 20 février 2024 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;



Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 18 mars 2024 à 08h39, enregistrée sous le N°RG 24/1261 présentée par M. le Préfet de [Localité 4] ;



Vu l'ordonnance rendue le 19 Mars 2024 à 11h14 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :

* Rejeté les moyens soulevés ;

* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [Y] [B] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 18 mars 2024 à 15h30,



Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [Y] [B] le 20 Mars 2024 à 09h11 ;



Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;



Vu la présence de Monsieur [T] [M], représentant le Préfet de [Localité 4], agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;



Vu la comparution de Monsieur [Y] [B], régulièrement convoqué ;



Vu la présence de Me Farid FARYSSY, avocat de Monsieur [Y] [B] qui a été entendu en sa plaidoirie ;




MOTIFS



Monsieur [Y] [B] a fait l'objet d'un arrêté de Monsieur le Préfet de [Localité 4] en date du 25 octobre 2023 emportant obligation de quitter le territoire national français, dans un délai de trente jours.



Le 17 février 2024, il a été placé en rétention administrative par arrêté de la même Préfecture qui lui a été notifié le jour même à 15h30.



Sur requête du Préfet, le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes a, par ordonnance prononcée en présence de Monsieur [Y] [B] le 20 février 2024 et confirmée en appel le 21 février 2024, ordonné la prolongation de cette mesure de rétention pour vingt-huit jours.



Par requête en date du 18 mars 2024, le Préfet de [Localité 4] a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [Y] [B] soit de nouveau prolongée pour trente jours et le 19 mars 2024, à 11h14, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.



Monsieur [Y] [B] a interjeté appel de cette ordonnance le 20 mars 2024, à 9h11.



Sur l'audience, Monsieur [Y] [B] demande que :

- pour le refus d'embarquer, il n'avait pas eu le temps de préparer et de mettre en ordre ses affaires ; sa fille devait venir de Corse pour le voir, il ne la voit pas souvent,

- il souhaite bénéficier d'un délai pour s'organiser avant son retour au Maroc,

- son passage au centre de rétention a eu le mérite de le sevrer de son problème d'alcool,

- il compare le centre de rétention à un asile psychiatrique.



Son avocat soutient que :

- sur la question de la demande de prolongation de la demande, il y a lieu de considérer qu'elle est tardive car le retenu est en rétention depuis le 17 février, la demande de prolongation aurait dû intervenir avant le 17 mars, et non pas le 18 mars ; l'analyse du JLD est une erreur,

- sur la motivation de la demande de prolongation, celle-ci doit être motivée, or il y a un papier coller sans égard pour une réactualisation de la situation du retenu, le retenu demandait un délai pour s'organiser,

- la demande de prolongation est disproportionnée,

- il y a une problématique d'alcool qui a été réglé en rétention mais qui explique la situation présente,

- il y a une délégation de signature qui ne vise pas le signataire de la requête,

- en 1984, le retenu est arrivé en France, dans le cadre du regroupement familial, avec son père, et à ce jour, il a eu une carrière professionnelle, dans le bâtiment, il a une attestation de son employeur,

- le retenu a peut-être été négligent dans la gestion du renouvellement de son titre de séjour,

- le retenu est en concubinage depuis trente ans avec sa compagne, avec qui il vit ; il est hébergé aussi à titre gracieux par son employeur lorsqu'il travaille sur son chantier,

- sa plus grande fille est en Corse, il ne l'a pas vu depuis longtemps,





Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel :

- la rétention courait jusqu'au 18 mars à 15h30, donc il n'y a pas de dépassement de délai,

- la motivation de la requête de la Préfecture rajoute tout ce qui a été fait depuis la première prolongation en matière de diligence, avec la demande de routing notamment' la Préfecture n'est pas tenue de réétudier la situation personnelle du retenu dans le cadre d'une demande de prolongation de la mesure : c'est au retenu de donner des éléments nouveaux, éventuellement,

- le moyen tiré de l'erreur d'appréciation est irrecevable,

- la délégation de signature est tout à fait présente au dossier, article 2 page 6 de l'arrêté préfectoral,

- le retenu est en rétention en raison de sa négligence administrative.



SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :



L'appel interjeté par Monsieur [Y] [B] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.



SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:



L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »



L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que «  pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »



En l'espèce, ne restent recevables que le moyen d'irrecevabilité de la requête en prolongation sur laquelle l'ordonnance dont appel a statué et les moyens de fond, même nouveaux en appel. Monsieur [Y] [B] soulève l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la mesure pour ne pas avoir été faite dans les délais, pour ne pas être suffisamment motivée et pour ne pas être accompagnée de la délégation de signature idoine. Il soulève également l'absence de diligences suffisantes de la part de la Préfecture. Ces moyens sont recevables.



En revanche, sera déclaré irrecevable le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure de rétention, avec une erreur manifeste d'appréciation de l'administration, ce moyen n'étant recevable que dans le cadre de l'examen d'une requête en contestation de l'arrêté portant placement en rétention administrative, portée devant le juge des libertés et de la détention dans un délai de quarante-huit heure à compter de la mesure. De même est irrecevable au stade d'une seconde prolongation de la mesure le moyen tiré de l'absence de respect du contradictoire préalable au placement en rétention du retenu.



SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :



- en ce que la requête en prolongation de la mesure aurait été faite hors délai :



C'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le juge de première instance rappelle que la première prolongation de la mesure courait en réalité jusqu'au 18 mars 2024, à 15h30, que la requête en prolongation de la mesure a été transmise au greffe du juge des libertés et de la détention le 18 mars 2024, à 8h39, soit avant la fin du délai imparti à l'administration pour le saisir. Par voie de conséquence, le moyen n'est pas fondé et sera rejeté.



- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :



Monsieur [Y] [B] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.



C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet de [Localité 4] le 18 mars 2024 par Madame [N] [X], sous-préfète, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 17 novembre 2023 lui portant délégation de signature.

L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.

Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.



- en ce que la requête ne serait pas motivée :



Comme rappelé par le représentant de la Préfecture, l'administration n'est pas tenue de réactualiser les éléments concernant la vie personnelle du retenu dans sa demande de prolongation de la mesure. Pour le surplus, il y a lieu de constater que la requête incriminée, adressée au juge des libertés et de la détention le 18 mars 2024, comporte une actualisation des diligences entreprises et mentionne la reconnaissance du retenu par les autorités marocaines le 11 mars 2024, l'obtention d'une réservation aérienne le 13 mars pour la date du 20 mars, et la délivrance d'un laissez-passer le 15 mars 2024. La demande de prolongation de la mesure est motivée ; en conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.



SUR LE FOND :



Au motif de fond sur son appel, Monsieur [Y] [B] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ, et que par voie de conséquence sa rétention ne se justifie plus.



Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:

« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,

2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,

3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,

b) de l'absence de moyens de transport. »

La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».



Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».



En l'espèce, l'administration a obtenu une réservation aérienne pour le 20 mars 2024, suite à la délivrance d'un laissez-passer le 15 mars par les autorités marocaines. Le retenu a refusé cet embarquement.



Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison de l'obstruction du retenu à l'embarquement, que dès lors une nouvelle réservation aérienne est rendue nécessaire par cette obstruction.



Les circonstances et conditions exigées par l'article L742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [Y] [B] fondée en droit. En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.



SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [Y] [B] :



Monsieur [Y] [B], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a refusé d'embarquer sur le vol prévu hier pour l'exécution de la mesure d'éloignement.



Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.





Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.



PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,



Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,



Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [Y] [B] ;



CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;



RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].



Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 21 Mars 2024 à



LE GREFFIER, LE PRESIDENT,



















' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 2] à [Y] [B].



Le à H

Signature du retenu















Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

Monsieur [Y] [B], pour notification au CRA,

Me Farid FARYSSY, avocat,

M. Le Préfet de [Localité 4],

M. Le Directeur du CRA de [Localité 2],

Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,

M./Mme Le Juge des libertés et de la détention.

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