21 mars 2024
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 24/00208

Rétentions

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00208 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QFSK



O R D O N N A N C E N° 2024 - 215

du 21 Mars 2024

SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [K] [U] [L]

né le 04 Décembre 1994 à [Localité 3] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne



retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Comparant et assisté de Maître Jauffré CODOGNES, avocat commis d'office



Appelant,



et en présence de [M] [S], interprète assermenté en langue arabe,



D'AUTRE PART :



1°) MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Monsieur [E] [C], dûment habilité,



2°) MINISTERE PUBLIC



Non représenté





Nous, Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2023-276 du 27 novembre 2023, et plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Béatrice MARQUES, greffière,






EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Vu l'arrêté du 18 février 2024 de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES qui a fait obligation à Monsieur [K] [U] [L], de quitter le territoire français et a ordonné sa rétention administrative pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Vu l'ordonnance du 20 février 2024 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,



Vu la saisine de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 18 mars 2024 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,



Vu l'ordonnance du 19 mars 2024 à 16 h 03 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,



Vu la déclaration d'appel faite le 20 Mars 2024 par Monsieur [K] [U] [L] , du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 14 h 12,



Vu l'appel téléphonique du 20 Mars 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 21 Mars 2024 à 14 H 00 .



Vu les courriels adressés le 20 Mars 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 21 Mars 2024 à 14 H 00,



L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.



L'audience publique initialement fixée à 14 H 00 a commencé à 14h32







PRETENTIONS DES PARTIES



Assisté de [M] [S], interprète, Monsieur [K] [U] [L] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [K] [U] [L], je suis né le 04 Décembre 1994 à [Localité 3] (ALGERIE). J'ai un rendez vous très important le 29/03/2024 pour une intervention concernant mon épaule. J'ai déjà fait 5 interventions il ne m'en reste plus qu'une seule. C'est important . J'ai des crises d'épilesies fréquentes. Je veux faire mes interventions, voir mon père et partir du territoire. Je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer . S'il vous plait laissez moi faire cette opération et laissez moi partir. '



L'avocat, Me Jauffré CODOGNES développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger. Absence de diligences de l'administration démontrées ; Monsieur aurait fait obstruction à son éloignement parce que silencieux devant le consulat ; or le droit au silence est un droit fondemental. Monsieur a des rendez vous médicaux



Monsieur le représentant, de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Monsieur a exercé son droit à se taire , cela a déclenché une enquête de la part des autorités. Sur la santé de monsieur, les documents médicaux fournis ne donnent pas de date ni ne mentionnent l'urgence .



Assisté de [M] [S], interprète, Monsieur [K] [U] [L] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je prends rendez vous par internet pour avoir un rendez vous c'est la procèdure ' .



Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 4] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.




SUR QUOI



Sur la recevabilité de l'appel :



Le 20 Mars 2024, à 14 h 12, Monsieur [K] [U] [L] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 19 Mars 2024 notifiée à 16 h 03, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.



Sur l'appel :



Sur le défaut de diligence de l'administration:



En vertu de l'article L741-3 du CESEDA, l'étranger en peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.



Selon l'article L742-4 du CESEDA': «'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'»



En l'espèce, Monsieur [K] [U] [L] reproche à l'administration son manque de diligence en ce qu'elle n'aurait effectué aucune démarche entre le 24 février 2024, jour de sa présentation consulaire et le 18 mars 2024, date à laquelle elle a relancé les autorités consulaires algériennes.



Il résulte cependant de l'examen du dossier que l'administration a sollicité dès le 19 février 2024 les autorités algériennes aux fins d'identification de l'appelant et de délivrance d'un laissez-passer consulaire. Un rendez-vous consulaire a été organisé le 24 février 2024 au terme duquel les autorités algériennes ont informé l'administration que Monsieur [K] [U] [L] avait refusé de parler puis une relance a été réalisée le 18 mars 2024 pour connaître l'avancement de la procédure d'identité.



Il convient de rappeler d'une part que le maintien d'un étranger en rétention administrative dans le cadre d'une seconde prolongation n'est pas subordonné à la garantie d'une délivrance à bref délai d'un document de voyage.

Il est prononcé notamment quand l'éloignement n'a pu être exécuté en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ce qui est le cas en l'espèce. Il l'est également lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de l'obstruction volontaire faite par l'étranger à son éloignement.

Or, contrairement à ce que prétend l'appelant dans un moyen autonome auquel il sera répondu dans les développements suivants, il a délibérément fait obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement en refusant de parler aux autorités consulaires algériennes freinant la procédure d'identification et la délivrance in fine d'un laissez-passer.

Il ne peut être soutenu que la mention 'refus de parler' soit une pratique habituelle des autorités algériennes, le tableau produit par ces dernières démontrant que la procédure d'identification peut aboutir et cet argument ne constituant au demeurant qu'une allégation infondée.



D'autre part, l'administration n'est pas comptable de l'absence de réponse des autres Etats dans le processus d'identification des étrangers. Elle n'a pas de pouvoir sur ces procédures en vertu du principe de souveraineté des Etats et il est constant que les relances, sollicitées par l'appelant, ne sont pas de nature à influer sur l'efficacité des procédures engagées. L'administration n'a pas d'obligation de relance.



Ainsi, les moyens relatifs aux diligences administratives et à l'obstruction à l'exécution de la mesure que l'appelant a démontrée seront rejetés.



Sur l'état de santé de l'appelant :



Monsieur [K] [U] [L] fait valoir un risque de dégradation de son état de santé évoquant une intervention chirurgicale à venir, qu'il ne peut faire réaliser dans son pays d'origine.



Comme l'a justement relevé le premier juge, cette question a déjà été tranchée lors de la première prolongation par le juge des libertés et de la détention comme par la cour d'appel. L'appelant ne démontre pas que son état s'est dégradé depuis, pas plus qu'il ne démontre la nécessité et l'urgence de l'intervention qu'il doit programmer. Le certificat médical établi par le chirurgien indique d'ailleurs que l'opération ne peut se faire dans le pays duquel il est ressortissant mais le professionnel évoque la délivrance d'un visa pour qu'elle s'effectue. Il sera donc loisible pour Monsieur [K] [U] [L] de solliciter un visa pour se faire opérer en France



Le moyen sera donc rejeté.



Au vu du rejet des moyens soulevés et de la nécessité pour l'Administration de poursuivre l'organisation de l'éloignement de l'appelant, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.



PAR CES MOTIFS :



Statuant publiquement,



Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,



Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



Déclarons l'appel recevable,



Rejetons les moyens soulevés,



Confirmons la décision déférée,



Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,



Fait à Montpellier, au palais de justice, le 21 Mars 2024 à 15h51.



Le greffier, Le magistrat délégué,

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