21 mars 2024
Cour d'appel de Colmar
RG n° 21/03450

Chambre 2 A

Texte de la décision

MINUTE N° 104/2024



















































Copie exécutoire

aux avocats



Le 21 mars 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 MARS 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03450 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUQD



Décision déférée à la cour : 23 Juin 2021 par le tribunal judiciaire de Colmar





APPELANT :



Monsieur [P] [I]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Claus WIESEL, Avocat à la cour





INTIMÉE :



La S.A.R.L. GOGA GOSSELIN exploitant sous l'enseigne '[Localité 2] MARINE / SANGUINET MARINE', prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 4]



représentée par Me Mathilde SEILLE, Avocat à la cour

plaidant : Me NAVARRI, Avocat au barreau de Bordeaux





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseillère

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.



Greffière, lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE





ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




FAITS ET PROCÉDURE



Selon bon de commande signé le 11 juin 2018, M. [P] [I] a acquis auprès de la SARL Goga Gosselin exerçant sous l'enseigne [Localité 2] Marine/Sanguinet Marine (ci-après dénommée la société Goga Gosselin) un bateau à moteur d'occasion et sa remorque pour un prix total de 31 000 euros, intégralement réglé le 12 juin 2018.



Le 11 août 2018, M. [I] a pris possession du bateau à [Localité 2], après l'avoir brièvement essayé, puis l'a lui-même remorqué jusqu'à son domicile à [Localité 3] (68).



Dès le 20 août 2018, l'acquéreur a signalé au vendeur des dysfonctionnements du moteur constatés lors de la mise à l'eau du bateau, le 15 août 2018, consistant notamment en des pertes de régime importantes du moteur empêchant une utilisation normale.



M. [I] a sollicité une mesure d'expertise judiciaire qui a été ordonnée par décision du juge des référés du tribunal de grande instance de Colmar, le 5 novembre 2018, sa demande de provision ayant en revanche été rejetée.



L'expert judiciaire, M. [F] [Z] [V] a déposé son rapport en date du 9 juillet 2019.



Par acte d'huissier en date du 18 novembre 2019, M. [I] a fait assigner la société Goga Gosselin devant le tribunal de grande instance de Colmar en paiement de différents montants, sur le fondement de la garantie des vices cachés et, subsidiairement, de l'obligation de délivrance conforme de la chose.



Par jugement contradictoire du 23 juin 2021, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- débouté M. [I] de sa demande au titre de la réduction du prix de vente ;

- débouté M. [I] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour les man'uvres dolosives de la société Goga Gosselin ;

- débouté M. [I] et la société Goga Gosselin de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Goga Gosselin aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.



Le tribunal, après avoir constaté à titre liminaire que, bien que la société Goga Gosselin critique le rapport d'expertise judiciaire et l'estime entaché de nullité, elle n'en demandait pas l'annulation, a considéré, au visa des articles 1641 et 1643 du code civil, qu'il résultait de ce rapport d'expertise, l'existence d'une instabilité du ralenti moteur à quai et un dysfonctionnement de perte de régime de 2000 à 1000 rpm en navigation établissant la gravité d'un vice affectant le bateau dont le moteur ne permettait pas une accélération suffisante pour son utilisation. Le tribunal a retenu que, selon l'expert, ce vice trouvait sa source dans une défaillance de l'étage basse pression du groupe pompes Volvo dont l'origine résidait dans un usage insuffisant du bateau et dans sa trop longue immobilisation ayant facilité le dépôt de salissures et un taux d'humidité trop élevé de l'essence par condensation dans le réservoir, alors que le filtre à essence n'avait pas été remplacé au bout d'un an comme cela était préconisé par le constructeur.



Le tribunal a déduit de ces constatations la preuve de l'antériorité du vice à la vente, soulignant que bien que l'expert ait émis plusieurs hypothèses, il avait finalement écarté certaines d'entre elles pour conclure à une accumulation de salissures et/ou de petits volumes d'eau dans le filtre à essence et la pompe basse pression à l'origine de son dysfonctionnement et de l'avarie du moteur.



Le tribunal a également constaté l'absence d'entretien du bateau entre 2016 et 2018, alors que le constructeur préconisait le remplacement du filtre à essence chaque année, de sorte que la cause était identifiée, l'antériorité du vice à la vente caractérisée et que celui-ci était caché au moment de la vente.



Le tribunal a estimé, en application de l'article 1644 du code civil, que la demande de M. [I] s'analysait en une action estimatoire dès lors qu'elle tendait à obtenir le montant du coût des réparations du bateau.



Procédant à un examen détaillé du décompte produit par M. [I], le tribunal a considéré s'agissant de la somme de 21 796,16 euros qu'il réclamait, d'une part qu'elle incluait des frais relevant des dépens de l'instance ou des frais irrépétibles ne pouvant être intégrés dans l'estimation du préjudice au titre de l'action fondée sur les vices cachés ; d'autre part, que M. [I] ne versait aucun justificatif pour les autres sommes du décompte prétendument engagées au titre des réparations du bateau, dont certaines ne correspondaient pas à la réparation du vice, de sorte qu'il convenait de le débouter de sa demande au titre de la réduction du prix, laquelle ne pouvait non plus inclure l'indemnisation d'un préjudice de jouissance ne relevant pas de l'action estimatoire mais d'une demande de dommages et intérêts .



Pour rejeter la demande de dommages et intérêt formulée par M. [I] tirée de ce que la société Goga Gosselin aurait eu connaissance du vice de la chose et l'aurait dissimulé par des man'uvres dolosives pour forcer la vente, le tribunal a considéré, au visa de l'article 1645 du code civil, qu'une telle connaissance de l'antériorité du vice ne pouvait toutefois être retenue à l'encontre de la société Goga Gosselin dès lors qu'il n'était pas démontré qu'elle serait effectivement à l'origine de l'installation d'une pompe Facet ce qui caractériserait selon le demandeur une manoeuvre dolosive, le bateau étant passé entre plusieurs mains.



M. [I] a interjeté appel de ce jugement le 22 juillet 2021, « en tant qu'il a débouté M. [I] de ses demandes en le condamnant en tous les frais et dépens ».



La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 mars 2023.





MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 septembre 2022, M. [I] demande à la cour de :

- le déclarer bien fondé en son appel ;

- y faisant droit, réformer le jugement entrepris dans la limite ci-après ;

- statuant à nouveau, condamner la société Goga Gosselin au paiement de la somme de 21 796,16 euros avec intérêts légaux à compter du 8 juillet 2019, date du rapport d'expertise judiciaire conformément à l'article 1643 du code civil ;

- condamner la société Goga Gosselin au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1645 du code civil au titre des 'manières' dolosives employées pour forcer la vente ;

- condamner la société Goga Gosselin au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard des man'uvres dolosives employées ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus en ce qu'il a conclu à l'existence du vice caché sur le fondement de l'article 1641 du code civil ;









- condamner la société Goga Gosselin aux entiers frais et dépens y compris ceux de l'expertise judiciaire ;

- condamner la société Goga Gosselin au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens y compris ceux de l'expertise judiciaire.



Au soutien de son appel, il rappelle les conclusions de l'expert judiciaire selon lesquelles « les dysfonctionnements observés du moteur VOLVO (instabilité du régime moteur et claquements sonores) ajoutés à la présence d'une pompe Facet exogène à la configuration d'origine VOLVO et installée avant la vente révèlent un vice caché non déclaré par le vendeur au propriétaire » dont résulte une impossibilité « de contrôler le régime du moteur [ayant] eu pour conséquence directe l'interdiction de navigation du bateau bohème en toute sécurité ».



Il se prévaut également de ce que l'expert a constaté différents vices et manquements aux règles de l'art notamment dans l'installation de la pompe Facet, ainsi que dans la préparation du bateau, relevé le fait que le vendeur n'avait pris, dans la période de garantie contractuelle de 3 mois, aucune disposition immédiate et concrète pour "solutionner" les désordres énoncés par l'acheteur ainsi privé de la jouissance de son bien seulement 10 jours après son achat, et retenu que la responsabilité professionnelle du vendeur était engagée au titre des désordres rencontrés par M. [I], quel que soit l'auteur de l'installation de la pompe Facet.



L'appelant soutient qu'il résulte du rapport d'expertise que les conditions de mise en 'uvre de l'article 1641 du code civil sont remplies en ce que les désordres sont avérés, leurs causes et leurs origines identifiées, qu'ils étaient antérieurs à la vente du bateau, que la société Goga Gosselin en avait connaissance et qu'elle les avait dissimulés par la pose d'une pompe Facet non conforme destinée à cacher les dysfonctionnements de la pompe Volvo, ce qui témoignait d'une volonté dolosive.



Il considère que c'est bien la société Goga Gosselin qui a installé la pompe Facet, et a vendu le bateau en l'état avec cette pompe, la société Accastillage diffusion chargée par M. [I] de constater l'état du bateau ayant indiqué ne pas avoir été à l'origine de l'installation de ladite pompe.



En outre, il critique les photographies versées aux débats par l'intimée qui auraient prétendument étaient prises avant la vente et soutient qu'elles datent en réalité de la période allant 2011 à 2015 tel que l'a relevé l'expert dans son rapport.



Il reproche au premier juge de n'avoir pas tiré les conséquences du constat de l'existence d'un vice caché et fait application de l'article 1644 du code civil, l'expert ayant 'fixé' son préjudice à 21 796,16 euros, et sollicite la condamnation de l'intimée au titre de l'article 1645 du code civil à lui verser des dommages et intérêts au regard de son comportement dolosif.



Il chiffre son préjudice à la somme totale de 21 796,16 euros dont 7 151 euros au titre d'un préjudice matériel lié aux avaries et 8 333 euros au titre d'un préjudice d'agrément, se référant au tableau récapitulatif des dépenses figurant au rapport d'expertise et aux factures versées aux débats.













Il sollicite en outre la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 5 000 euros au regard de la dissimulation volontaire des vices et désordres affectant le bateau.



*



Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 avril 2022, la société Goga Gosselin conclut au rejet de l'appel principal et à la confirmation du jugement entrepris. Elle demande à la cour de :

- déclarer l'appel mal fondé, et le rejeter ;

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses fins et prétentions ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes au titre de la réduction du prix de vente, au titre des dommages et intérêts pour les man'uvres dolosives et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

y ajoutant, de :

- juger en tant que de besoin nulles et non avenues les conclusions du rapport d'expertise judiciaire pour n'avoir pas rempli la mission qui lui était confiée par le juge des référés ;

- juger que la démonstration par M. [I] de l'existence d'un dol, d'un vice caché ou d'un défaut de conformité n'est pas apportée ;

- en tout état de cause, condamner M. [I] à lui verser une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris ceux de l'expertise judiciaire.



Elle fait valoir tout d'abord qu'elle avait donné son accord pour prendre en charge la réparation au titre de la garantie mais que plutôt que de fournir un devis ou de lui ramener le bateau, M. [I] s'est obstiné à solliciter à une expertise, s'opposant ainsi à toute réparation de sa part.



Elle relève que l'expert a choisi de ne pas faire analyser l'essence présente dans le réservoir du bateau, analyse pourtant élémentaire qui aurait pu éclairer sur une éventuelle faute de l'acquéreur résidant dans une erreur ou absence de carburant de nature à causer les désordres dénoncés par M. [I], et qu'aucune analyse contradictoire du circuit d'essence n'a été menée malgré son importance pour déterminer les causes du désordre.



Elle reproche également à l'expert de ne pas avoir tenu compte des factures de révision de la société Sensey Nautic intervenue à la demande de l'ancien propriétaire du bateau, et s'appuie sur les termes d'un courrier adressé par son conseil à l'expert, le 21 février 2019, dans lequel elle contestait avoir installé la pompe Facet comme le lui imputait l'expert et renvoyait à une facture de la société Sensey Nautic en date du 5 juillet 2018, démontrant que celle-ci n'avait pas non plus installé la pompe litigieuse sur le bateau.



Elle estime que l'existence d'un vice caché n'est pas démontrée, et souligne que l'expert judiciaire avait admis dans sa réponse du 21 mars 2019 qu''il n'était pas exclu que le dérèglement du moteur avait pu intervenir « à tout moment » pour les raisons listées par le constructeur lui-même' et que des indices devaient être recherchés - impuretés du circuit d'essence, défaut d'alimentation électrique, pression et débit de la pompe... -.



Elle reproche à l'expert d'être revenu sur cette position dans son rapport du 9 juillet 2019, sans avoir, ni son sapiteur Volvo, procédé à une analyse contradictoire du circuit d'essence, pour lui imputer la responsabilité dans l'existence d'un vice caché, de sorte que les opérations d'expertises sont empreintes d'une contradiction technique non résolue, outre d'une absence totale d'analyse de la cause des désordres, ce qui fait encourir la nullité, l'expert s'étant comporté en tant que maître d'oeuvre de service après-vente puisque le bateau a été réparé sous son égide.





Reprenant intégralement les termes du dire récapitulatif qu'elle a dressé à l'expert, elle conclut à l'absence de preuve de l'existence d'un vice caché préexistant à la vente ou d'un défaut de délivrance conforme, et considère que n'est pas réfutée l'hypothèse selon laquelle le désordre proviendrait de l'emploi d'un 'mauvais' carburant par l'acquéreur.



Elle observe que M. [I] a fourni les pièces de remplacement lorsque le technicien Volvo est venu réaliser un diagnostic des causes de la panne, empêchant les parties et le tribunal de les connaître, ce qui selon elle démontrerait que l'appelant avait parfaitement connaissance de l'origine de la panne.



Sur le préjudice allégué, l'intimée relève que le bateau est désormais réparé, et partage l'analyse du tribunal en ce que la somme demandée par M. [I] comprend des postes faisant double emploi avec ses autres demandes telles que les frais irrépétibles, les dépens et les frais d'expertise. Elle ajoute qu'il ne peut être sollicité un quelconque montant au titre de l'action estimatoire dès lors que n'est pas démontrée la réalité d'un vice caché.



Enfin le préjudice de jouissance résulte du choix de l'appelant d'engager une procédure judiciaire plutôt que d'accepter la mise en oeuvre de la garantie que la société Goga Gosselin acceptait.





Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.



Lors des débats la cour a soulevé d'office le moyen tiré de la recevabilité, en appel, de la demande d'annulation des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, au regard de l'article 112 code de procédure civile, pour n'avoir pas été soulevé in limine litis en première instance, et la présidente a autorisé les parties à déposer une note en délibéré sur ce point.



Aucune note n'a cependant été déposée.






MOTIFS



Sur la demande d'annulation des conclusions du rapport d'expertise



Conformément à l'article 175 du code de procédure civile la nullité des décisions et des actes relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.



Or, ainsi que l'a soulevé d'office la cour, l'article 112 du code de procédure civile dispose que la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement, mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.



En l'occurrence, comme l'a relevé le tribunal si la société Goga Gosselin a critiqué les conclusions du rapport d'expertise judiciaire en première instance elle n'en a pas pour autant demandé l'annulation, de sorte que la nullité est couverte et que sa demande d'annulation des conclusions du rapport d'expertise judiciaire présentée pour la première fois devant la cour est irrecevable.







Sur le vice caché



Comme l'a rappelé le tribunal il appartient à l'acquéreur qui agit sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue par l'article 1641 du code civil de démontrer l'existence d'un défaut de la chose vendue, son caractère de gravité, l'antériorité du vice à la vente et son caractère non apparent.



En l'espèce, par des motifs pertinents que la cour fait siens, le tribunal a exactement retenu qu'il était constant que M. [I] s'était plaint auprès du vendeur, dans les dix jours de la prise de possession du bateau, d'un dysfonctionnement du moteur consistant en des claquements sonores et pertes de régime dont il n'est pas soutenu qu'ils auraient pu être détectés lors de l'essai limité du bateau qu'il avait effectué avant d'en prendre livraison ; que les essais effectués au cours des opérations d'expertise ont permis de constater une instabilité du ralenti moteur à quai et une perte de régime en navigation empêchant le bateau de circuler en toute sécurité et le rendant impropre à un usage normal ; que selon l'expert, la cause du régime instable du moteur réside dans la défaillance de l'étage basse pression du groupe pompes Volvo qui entraîne le mauvais fonctionnement du moteur, dont il impute l'origine à un usage insuffisant du bateau (280 h en 11 ans) et à sa trop longue immobilisation qui ont facilité un dépôt de salissures et un taux d'humidité trop élevé par condensation dans le réservoir, ainsi qu'à un défaut d'entretien, les préconisations du constructeur relatives au remplacement du filtre à essence n'ayant pas été respectées ; l'ensemble de ces éléments suffisant à caractériser l'antériorité du vice à la vente.



A cet égard, il importe peu que la société Goga Gosselin ne soit pas à l'origine de l'installation de la pompe Facet, dès lors que l'expert n'indique pas que l'installation de cette pompe serait à l'origine du dysfonctionnement du moteur, mais considère qu'elle a été mise en oeuvre afin de tenter de remédier à la défaillance du groupe basse pression.



Comme l'a également retenu le tribunal, les conclusions de l'expert ne sont pas en contradiction avec celles qu'il avait émises lors de son premier accedit à l'issue duquel il avait identifié plusieurs causes possibles dont la qualité du carburant utilisé, hypothèse qu'il a expressément exclue lors du deuxième accedit, après démontage de la pompe Facet et diagnostic électronique Volvo vodia effectué par un technicien de Volvo penta, agissant en qualité de sapiteur, n'ayant pas détecté de défauts sur le moteur, et rétablissement de la configuration d'origine, l'essai effectué lors de cette seconde réunion d'expertise ayant en effet permis de constater les mêmes dysfonctionnements que lors du premier accedit et donc une défaillance du groupe pompes auquel il avait été tenté de remédier par l'installation d'une pompe exogène. Enfin, lors de la troisième réunion d'expertise, le remplacement du groupe pompes d'origine par un groupe pompes neuf a permis de constater qu'il avait été remédié aux désordres.



À cet égard, il sera également souligné que lors des échanges par courriels ayant eu lieu entre M. [I] et la société Goga Gosselin au courant du mois d'août 2018, cette dernière qui avait été destinataire de vidéos transmises par l'appelant n'a jamais évoqué l'hypothèse de l'emploi d'un carburant inadapté mais, après avoir vainement conseillé à M. [I] un changement des bougies dont elle a supporté le coût, a d'emblée évoqué un problème lié à la pompe à essence dont il semblait qu'elle ne débitait pas suffisamment d'essence (cf courriel du 26 août 2018).













Il ne peut enfin être tiré aucun argument du fait que M. [I] a fourni une pompe à essence neuve lors de la troisième réunion d'expertise, cette fourniture ayant en effet été convenue avec l'intimée ainsi que cela ressort du courriel que lui a adressé l'appelant le 15 mai 2019 par lequel il lui transmettait le devis d'achat de cette pompe dont il demandait qu'elle lui en rembourse la moitié.



Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a retenu que la preuve d'un vice caché antérieur à la vente rendant la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il l'avait connu, était rapportée.



La société Goga Gosselin, en sa qualité de professionnel est présumée irréfragablement avoir connaissance des vices de la chose.



Sur la restitution du prix



Selon l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, et selon l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.



Comme l'a relevé le tribunal, la demande de M. [I] qui fait référence au montant retenu par l'expert dans un tableau 'récapitulatif des coûts' figurant en page 32 de son rapport comprend de nombreux postes de frais qui ne relèvent pas d'une restitution du prix mais des dépens et des frais exclus des dépens, qu'il s'agisse pour les premiers des provisions pour expertise versées à la Caisse des dépôts et consignations, d'une facture d'huissier, et pour les seconds des frais d'avocat, de constats par la société Accastillage diffusion et de déplacement à l'expertise. De même, si le préjudice de jouissance peut donner lieu à des dommages et intérêts, il ne peut être pris en compte au titre d'une restitution du prix. Seul peut en effet relever de cette réclamation le remplacement du groupe pompe chiffré par l'expert à 1 591 euros sur la base d'un devis établi par son sapiteur Balconi moteurs le 13 février 2019, les autres postes de dépenses qui ont été précisément détaillés et analysés par le tribunal n'étant soit pas justifiés par des factures, soit dépourvus de lien avec le vice affectant le moteur (autoradio, peinture... ).



Seul ce montant sera donc retenu dès lors qu'il a été validé par l'expert, quand bien même ce devis n'est-il pas produit. Il sera en outre constaté qu'il a été procédé au remplacement de la pompe lors des opérations d'expertise et qu'il n'est pas démontré que des frais de main d'oeuvre auraient été facturés à M. [I]



Le jugement sera donc infirmé en tant qu'il a rejeté en totalité la demande de M. [I] au titre de la restitution du prix, et il lui sera alloué la somme de 1 591 euros.



Le jugement sera par contre confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de manoeuvres dolosives pour forcer la vente, en l'absence de preuve de ces manoeuvres, laquelle ne peut résulter de la seule présence d'une pompe exogène dont il n'est pas établi qu'elle ait été installée par la société Goga Gosselin, qui le conteste, et de démonstration d'un préjudice découlant de ces prétendues manoeuvres.













Sur les dépens et frais exclus des dépens



Il convient de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens de première instance incluant ceux de la procédure de référé expertise, en l'absence d'appel incident sur ce point, et en celles relatives aux frais exclus des dépens.



La demande de M. [I] n'étant que très partiellement accueillie, les dépens d'appel seront partagés par moitié et il sera alloué à M. [I] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de la société Goga Gosselin sur ce fondement étant rejetée.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,



DÉCLARE irrecevable la demande d'annulation des conclusions du rapport d'expertise ;



INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 23 juin 2021 en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande au titre de la réduction du prix de vente ;



Statuant à nouveau dans cette limite,



CONDAMNE la SARL Goga Gosselin à payer à M. [P] [I] la somme de 1 591 euros (mille cinq cent quatre-vingt-onze euros) à titre de restitution partielle du prix de vente ;



CONFIRME pour le surplus, dans les limites de l'appel, le jugement entrepris ;



Y ajoutant,



DÉBOUTE la société Goga Gosselin de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la SARL Goga Gosselin à payer à M. [P] [I] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



CONDAMNE la SARL Goga Gosselin et M. [P] [I] à supporter chacun la moitié des entiers dépens d'appel.



La greffière, La présidente,

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