21 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-22.967

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:C300173

Texte de la décision

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 mars 2024




Cassation partielle
sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 173 F-D


Pourvois n°
U 22-22.967
E 22-23.368 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024



I- 1°/ M. [T] [G],

2°/ Mme [V] [S], épouse [G],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° U 22-22.967 contre un arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Pierres et terres, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à M. [K] [F], domicilié [Adresse 7],

3°/ à M. [C] [Z],

4°/ à Mme [W] [B], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

5°/ à la société [Localité 8] Insurance Public Limited Compagny, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1],

6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

7°/ à la société MAAF assurances, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

II- La société Pierres et terres, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° E 22-23.368 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [T] [G],

2°/ à Mme [V] [S], épouse [G],

3°/ à M. [K] [F],

4°/ à M. [C] [Z],

5°/ à Mme [W] [B], épouse [Z],

6°/ à la société [Localité 8] Insurance Public Limited Compagny, société de droit étranger,

7°/ à la société Axa France IARD, société anonyme,

8°/ à la société MAAF assurances, société d'assurance mutuelle,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs aux pourvois n° U 22-22.967 et E 22-23.368 invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.


Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de M. et Mme [G], de la SCP Gury & Maitre, avocat de la société Pierres et terres, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. et Mme [Z], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société [Localité 8] Insurance Public Limited Compagny, après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 22-22.967 et E 22-23.368 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Pierres et terres du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [F], M. et Mme [G] et les sociétés [Localité 8] Insurance Public Limited Company, Axa France IARD et MAAF assurances.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 septembre 2022), M. [F] a fait édifier trois immeubles sur un terrain lui appartenant.

4. Suivant jugement d'adjudication du 21 octobre 2010, ces immeubles ont été acquis par la société Pierres et terres.

5. Le 1er avril 2011, la société Pierres et terres a revendu le lot n° 2 à M. et Mme [Z] qui l'ont, eux-mêmes, revendu à M. et Mme [G] le 9 février 2017.

6 Se plaignant d'un sous-dimensionnement de la charpente avec risque de rupture, M. et Mme [G] ont, après expertise judiciaire, assigné, les 4, 6, 11 et 12 janvier 2021, M. et Mme [Z], la société Pierres et terres, M. [F] et la société MAAF assurances, son assureur, aux fins de remise aux normes du bien, action fondée notamment sur la garantie des vices cachés.

7. Par conclusions du 7 octobre 2021, M. et Mme [Z] ont formé une action récursoire sur ce même fondement contre la société Pierres et terres.



Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° E 22-23.368 de la société Pierres et terres

Enoncé du moyen

8. La société Pierres et terres fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre de l'action récursoire de M. et Mme [Z] et tirée de la prescription de leur action en garantie des vices cachés, alors « que l'action en garantie des vices cachés qui doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente initiale ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés des époux [Z] qui avaient acquis le bien le 1er avril 2011 et exercé l'action en garantie des vices cachés contre la société Pierre et terres par conclusions notifiées à leur vendeur le 7 octobre 2021, pour cela que le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce avait été suspendu jusqu'au jour de l'assignation reçue des époux [G] le 6 janvier 2021, quand il résultait de ses constatations que l'action des époux [Z] exercée plus de cinq ans après la vente initiale était prescrite, la Cour a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

9. L'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés est assuré par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-17.789, publié).

10. La cour d'appel a constaté que la vente à l'origine de la garantie invoquée au soutien de l'action récursoire avait été conclue par la société Pierres et terres le 1er avril 2011.

11. Il en résulte que l'action récursoire intentée le 7 octobre 2021 par M. et Mme [Z] à l'encontre de cette société, moins de vingt ans après cette vente, est recevable.



12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déclare recevable l'action récursoire de M. et Mme [Z] contre la société Pierres et terres.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° U 22-22.967 de M. et Mme [G]

Enoncé du moyen

13. M. et Mme [G] font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action en garantie des vices cachés formée contre la société Pierres et terres, alors « que la loi du 17 juin 2008 a réduit le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4, I, du code de commerce, sans préciser son point de départ, de sorte que celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil ; qu'il en résulte que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir, et que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale ; que pour juger prescrite l'action en garantie des vices cachés des consorts [G] à l'encontre de la société Pierres et terres, la cour d'appel a jugé que « l'action en garantie des vices cachés s'exerce tout à la fois dans le délai de deux ans de l'article 1648 du code civil mais s'inscrit également dans le délai quinquennal de l'article L.110-4 du code de commerce, dans les actions dans lesquelles au moins un commerçant est impliqué » de sorte que l'action en garantie des vices cachés des consorts [G], bien que recevable au regard du point de départ fixé par l'article 1648 du code civil, était « également encadrée dans le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce, soit un délai de prescription de cinq ans dont le point de départ est la date du contrat de vente de l'immeuble litigieux par la société Pierres et terres à M. et Mme [Z], soit le 1er avril 2011 » et qu' « aucun événement interruptif ou suspensif de prescription n'est intervenu avant le 1er avril 2016 » ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'action en garantie des vices cachés des consorts [G] devait seulement être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale, la cour d'appel a violé les articles L.110-4 du code de commerce et 1648, 2224 et 2232 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1er, et 2232, alinéa 1er, du code civil :




14. Selon le premier de ces textes, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

15. Aux termes du second, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

16. L'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés est assuré par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-17.789, publié).

17. Pour déclarer prescrite l'action en garantie des vices cachés de M. et Mme [G] formée contre la société Pierres et terres, l'arrêt retient que cette action est encadrée dans le délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce, dont le point de départ est la date du contrat de vente de l'immeuble par cette société à M. et Mme [Z] le 1er avril 2011, qu'aucun événement interruptif ou suspensif de prescription n'est intervenu avant le 1er avril 2016, de sorte que, bien qu'initiée avant la forclusion édictée à l'article 1648 du code civil, l'action formée devant le juge des référés le 17 mai 2019, a été intentée plus de cinq années après le 1er avril 2011.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la recevabilité.

21. Il résulte de ce qui précède que le bien ayant été vendu par la société Pierres et terres le 1er avril 2011, l'action directe de M. et Mme [G] en garantie des vices cachés intentée le 11 janvier 2021 à l'encontre de cette société, moins de vingt ans après, est recevable.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° E 22-23.368 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en garantie des vices cachés formée par M. et Mme [G] contre la société Pierres et terres, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare recevable l'action de M. et Mme [G], fondée sur la garantie des vices cachés, formée contre la société Pierres et terres ;

Condamne la société Pierres et terres aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Pierres et terres et par la société [Localité 8] Insurance Public Limited Company et condamne la société Pierres et terres à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros et à M. et Mme [G] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-quatre.

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