20 mars 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/00093

Pôle 3 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 20 MARS 2024



(n° 2024/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00093 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3M4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2022 -Tribunal judiciaire d'EVRY - RG n° 22/03173





APPELANTS



Monsieur [T] [W]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 15]

[Adresse 12]

[Adresse 12]



Monsieur [K] [W]

né le [Date naissance 7] 1952 à [Localité 18]

[Adresse 9]

[Adresse 9]



Monsieur [U] [W]

né le [Date naissance 6] 1949 à [Localité 18]

[Adresse 10]

[Adresse 10]



Association [14] en sa qualité de curateur renforcé de Monsieur [U] [W]

[Adresse 10]

[Adresse 10]



représentés et plaidant par Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0165







INTIMES



Monsieur [T] [W], assigné à étude par acte d'huissier du 25.01.2023

né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 17]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Monsieur [H] [W], assigné à étude par acte d'huissier du 25.01.2023

né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 17]

[Adresse 2]

[Adresse 2]





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

M. Bertrand GELOT, Conseiller



Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON





ARRÊT :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.








***





EXPOSE DU LITIGE :



[U] [W] est décédé le [Date décès 4] 2018.



Par testament olographe du 21 novembre 1988, il avait institué deux cousins, MM. [T] et [H] [W] ainsi qu'une cousine [J] [W] en qualité de légataires à titre universel à raison d'un tiers chacun.



[J] [W] est prédécédée le [Date décès 11] 2011.



Après recherches du notaire chargé de la succession, il est apparu que [U] [W] laissait pour lui succéder trois oncles : MM. [T], [K] et [U] [W].



Outre des liquidités, il dépend de la succession de [U] [W] une maison d'habitation sise [Adresse 16].



Par acte d'huissier du 8 juin 2022, MM. [T], [K], [U] [W] et l'association [14] curateur renforcé de M. [U] [W], ont fait assigner MM. [T] et [H] [W] devant le président du tribunal judiciaire d'Évry statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins, notamment, de voir désigner tel administrateur judiciaire en qualité de mandataire successoral de la succession de [U] [W], avec mission d'administrer tant activement que passivement ladite succession, et autoriser le mandataire successoral à vendre la maison d'habitation sise [Adresse 16], moyennant un prix minimal de 280.000 euros net vendeur.



Par jugement réputé contradictoire rendu le 28 novembre 2022, le président du tribunal judiciaire d'Evry a :

-débouté MM. [T], [K] et [U] [W] ainsi que l'association [14] de l'ensemble de leurs demandes,



-condamné MM. [T], [K] et [U] [W] ainsi que l'association [14] aux dépens,

-rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile.



MM. [T], [K] et [U] [W] ainsi que l'association [14] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 décembre 2022.



Par avis de fixation du 18 janvier 2023, l'affaire a été fixée à bref délai conformément à l'article 905 du code de procédure civile.



Les appelants ont notifié leurs premières conclusions par RPVA en date du 19 janvier 2023.



Par acte de commissaire de justice du 25 janvier 2023, les appelants ont signifié la déclaration d'appel, l'avis de fixation ainsi que les conclusions à tous les intimés.



MM. [T] et [H] [W] n'ont pas constitué avocat.



Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 19 janvier 2023, MM. [T], [K] et [U] [W] ainsi que l'association [14], appelants, demandent à la cour de :

-infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

vu les articles 813-1 et suivants du code civil,

-désigner tel administrateur judiciaire en qualité de mandataire successoral de la succession de [U] [W], né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 17], demeurant de son vivant au [Adresse 16] et décédé même ville le [Date décès 4] 2018, avec mission d'administrer tant activement que passivement ladite succession,

-juger qu'en particulier, le mandataire successoral pourra faire procéder par le ministère d'un commissaire-priseur à la vente aux enchère publiques des meubles et objets mobiliers, toucher le montant de toutes ventes et toutes autres sommes à quelque titre que ce soit, interroger le service FICOBA et FICOVIE, retirer des mains, bureaux et caisses, de toutes personnes, banques, établissements et administrations quelconques, tous objets, titres, papiers, deniers et valeurs qui auraient été déposés par le de cujus, ou contenus dans tous coffres de cette dernière, et qui seront ouverts à la requête dudit administrateur ; payer toutes dettes et privilèges de succession, régler tous comptes, en donner valables quittances, payer ou remettre matériellement les legs particuliers dont la délivrance a été consentie volontairement ou ordonnée judiciairement ; représenter tant en demande qu'en défense la succession dans toutes les instances dont l'objet entre dans la limite de ses pouvoirs de mandataire, à l'exclusion de celles qui concernent le partage de la succession ou qui conduiraient à des actes de disposition sur les biens successoraux,

-juger que la mission du mandataire successoral est donnée pour une durée d'un an,

-juger que la mission du mandataire successoral pourra être prorogée,

-fixer la provision sur frais et honoraires du mandataire successoral, laquelle sera avancée par les appelants, à charge pour le mandataire successoral désigné d'en assurer le remboursement avec les fonds de la succession,

-juger que la rémunération du mandataire successoral sera fixée conformément au barème en usage dans le ressort du tribunal judiciaire de Paris et sera mise à la charge de la succession administrée,

-juger que la décision de désignation à intervenir sera enregistrée au greffe du tribunal judiciaire de Paris et sera publiée au BODACC,

vu l'article 814 alinéa 2 du code civil,

-autoriser le mandataire successoral à vendre la maison d'habitation sise [Adresse 16], cadastrée section [Cadastre 13], moyennant un prix minimal de 280 000 euros net vendeur,

-condamner solidairement M. [T] [W] et M. [H] [W] à payer aux appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner solidairement M. [T] [W] et M. [H] [W] aux dépens de l'instance, tant de première instance que d'appel.



MM. [T] et [H] [W], légataires à titre universel, n'ont pas conclu.



Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.



L'affaire a été appelée à l'audience du 21 février 2024.






MOTIFS DE LA DECISION



Pour rejeter les demandes, le premier juge a considéré que la preuve n'était pas rapportée de démarches amiables auprès des légataires universels qui seraient restées sans réponse, ni d'un défaut de gestion et d'entretien du bien immobilier.



Les appelants, qui font grief au premier juge de s'être référé aux démarches amiables préalables au partage rendues obligatoires par l'article 1360 du code civil, soutiennent que le règlement de la succession de [U] [W] est totalement paralysé en raison de l'absence de réponse de Monsieur [T] [W] et de Monsieur [H] [W], légataires à titre universel pour 1/3 chacun ; que leur demande constitue un acte conservatoire et non une demande en partage de sorte qu'aucun texte n'impose la mise en 'uvre de démarches amiables préalables ; qu'en l'espèce l'inertie et ou/la carence des deux intimés est avérée.



Aux termes de l'article 813-1 du code civil, « le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'une ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale ».

L'article 814 alinéa 2 du code civil dispose que le juge « peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et en déterminer les prix et stipulations ».



La dévolution successorale de [U] [W] a été établie à la suite d'un contrat de révélation de succession, dans le cadre duquel MM. [T], [K] [W] et [U] [W] assisté de son curateur, les trois oncles maternels héritiers légaux à hauteur d'un tiers et chacun divisément à hauteur d'un neuvième, ont donné procuration, et qui a donné lieu à l'établissement d'un projet de déclaration de succession.

Par ailleurs, les cousins germains MM. [T] [W] et [H] [W] sont légataires à titre universel en vertu du testament olographe du 21 novembre 1988.



Le premier juge s'est référé à l'absence de démarches amiables non pas au sens de l'article 1360 du code civil qui les impose avant toute demande de partage, mais dans la recherche d'une éventuelle inertie des légataires à titre universel qui se seraient abstenus de réagir aux sollicitations à eux faites.
Il n'est en effet produit aucun courrier auquel les légataires à titre universel se seraient abstenus de répondre.

Cependant, Monsieur [T] [W] et Monsieur [H] [W], légataires à titre universel pour 1/3 chacun, régulièrement assignés à personne s'agissant du premier et à tiers présent s'agissant du second, étaient défaillants en première instance comme ils le sont devant la cour.

Ils n'ont pas demandé la délivrance de leurs legs à titre universel auprès des héritiers légaux, contrairement aux dispositions de l'article 1011 du code civil, alors que le décès du testateur remonte au [Date décès 4] 2018.

Ils n'ont pas déposé de déclaration de succession alors que le projet établi par le notaire révèle qu'ils sont redevables de droits de mutation à hauteur de 32 884 €.

En dépit de l'ancienneté du décès de [U] [W], aucune attestation immobilière après décès n'a été publiée au Service de Publicité Foncière.

Le défaut d'une telle publication constitue une situation de carence justifiant la désignation d'un mandataire successoral.

L'inertie des légataires à titre universel exigée par le texte est ainsi suffisamment démontrée.



Le bien immobilier sis à [Adresse 16], cadastré Section [Cadastre 13] est constitué d'une maison d'habitation évaluée entre 280.000 € et 320.000 € net vendeur.

La vente de ce bien inoccupé et qui risque d'être squatté et de se dégrader permettra de mettre un terme aux charges récurrentes (entretien, taxe foncière, etc') et de régler les frais de succession.



Le jugement dont appel sera donc infirmé.



En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

L'équité ne justifie pas en l'espèce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant publiquement par décision rendue par défaut et en dernier ressort,


Infirme le jugement en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;



Statuant à nouveau,



Désigne Me [V] [I], [Adresse 8], en qualité de mandataire successoral de la succession de [U] [W], décédé le [Date décès 4] 2018, avec la mission d'administrer tant activement que passivement ladite succession ;



Dit que le mandataire successoral pourra se faire remettre par tous détenteurs les documents nécessaires à l'exercice de sa mission ;



Dit que le mandataire successoral pourra faire procéder par le ministère d'un commissaire-priseur à la vente aux enchère publiques des meubles et objets mobiliers, toucher le montant de toutes ventes et toutes autres sommes à quelque titre que ce soit, interroger le service FICOBA et FICOVIE, retirer des mains, bureaux et caisses, de toutes personnes, banques, établissements et administrations quelconques, tous objets, titres, papiers, deniers et valeurs qui auraient été déposés par le de cujus, ou contenus dans tous coffres de cette dernière, et qui seront ouverts à la requête dudit administrateur ; payer toutes dettes et privilèges de succession, régler tous comptes, en donner valables quittances, payer ou remettre matériellement les legs particuliers dont la délivrance a été consentie volontairement ou ordonnée judiciairement ; représenter tant en demande qu'en défense la succession dans toutes les instances dont l'objet entre dans la limite de ses pouvoirs de mandataire, à l'exclusion de celles qui concernent le partage de la succession ou qui conduiraient à des actes de disposition sur les biens successoraux ;



Conformément aux dispositions de l'article 813-9 du code civil, dit que :

- la mission du mandataire successoral sera fixée pour une durée d'un an et pourra être prorogée,

- la rémunération du mandataire successoral sera déterminée conformément au barème en vigueur auprès du Tribunal Judiciaire de Paris, lequel a été établi conformément aux dispositions de l'article 721 du code de procédure civile ;



Autorise le mandataire successoral à vendre la maison d'habitation sise à [Adresse 16], cadastrée Section [Cadastre 13], moyennant un prix minimal de 280.000 € net vendeur ;



Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne Messieurs [T] et [H] [W], intimés, aux dépens de l'appel.





Le Greffier, Le Président,

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