13 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-23.801

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00303

Texte de la décision

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2024




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 303 F-D

Pourvoi n° A 22-23.801




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024

La société Milee, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée la société Adrexo, a formé le pourvoi n° A 22-23.801 contre l'arrêt rendu le 26 août 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [R] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Milee, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 26 août 2022), M. [L] a été engagé en qualité de distributeur à compter du 4 mars 2019 par la société Adrexo, aux droits de laquelle vient la société Milee, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel modulé à raison de 26 heures mensuelles. Par avenants successifs, les parties sont convenues de modifier la durée du travail du salarié et de lui confier également des missions de chauffeur-livreur.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 28 janvier 2021 de demandes en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et en paiement des rappels de salaires subséquents.

Examen des moyens

Sur le second moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein à compter du 12 août 2019, de le condamner à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire pour la période du mois d'août 2020 au mois de juillet 2021, outre les congés payés afférents, de lui ordonner de procéder au règlement du rappel de salaires au regard d'un temps plein, déduction faite des sommes déjà perçues, pour les périodes allant d'août 2021 à la date de prononcé du jugement, de le condamner à verser au salarié les rappels de salaire dus sur la base d'un temps plein, déduction faite des sommes déjà perçues, pour la période allant du mois de décembre 2021 au prononcé de l'arrêt et de lui ordonner de remettre au salarié des bulletins de salaire conformes, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour juger que le contrat de travail à temps partiel modulé de M. [L] devait être requalifié en contrat à temps complet à compter du 12 août 2019 et condamner la société Adrexo à lui payer un rappel de salaire à compter du mois d'août 2020 jusqu'au prononcé de l'arrêt, la cour d'appel a relevé que ''quant au moyen avancé par l'employeur selon lequel un nouvel avenant a été conclu entre les parties à compter du mois de janvier 2021, marquant la fin de la période de requalification, la cour relève que le salarié n'en fait pas mention et que l'exemplaire versé aux débats est vierge de toute signature'' ; qu'en statuant ainsi quand ledit avenant mentionnait qu'il avait été signé électroniquement par M. [L] ''le 08/12/2020 11:45:32'' et par la société Adrexo ''le 08/12/2020 à 11:40'' et qu'il contenait une clause selon laquelle ''en vertu des dispositions contractuelles relatives à la dématérialisation, le salarié reconnaît que sa signature électronique vaut reconnaissance de la validité des informations figurant dans l'avenant et acceptation de ses termes, y inclus le PIM qui lui est annexé'', la cour d'appel, qui a dénaturé cet avenant régularisant le temps partiel modulé, applicable à compter du 11 janvier 2021, qui avait bien été signé par les parties, a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet à compter du 12 août 2019, sans fixer de terme, l'arrêt retient, sur le moyen avancé par l'employeur selon lequel un nouvel avenant a été conclu entre les parties à compter du mois de janvier 2021, marquant la fin de la période de requalification, que le salarié n'en fait pas mention et que l'exemplaire versé aux débats est vierge de toute signature.

6. En statuant ainsi, alors que l'avenant litigieux contient les mentions « signé électroniquement par Adrexo le 08/12/2020 à 11:40 » et « signé électroniquement par [R] [L] le 08/12/2020 11:45:32 », outre une clause par laquelle le salarié reconnaît que sa signature électronique vaut reconnaissance de la validité des informations figurant dans l'avenant et acceptation de ses termes, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. La cassation prononcée est sans incidence sur les chefs de dispositif de l'arrêt prononçant la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein à compter du 12 août 2019 jusqu'au mois de janvier 2021.

8. Elle n'emporte pas non plus cassation des chefs de dispositif statuant sur les dépens et les frais irrépétibles, qui sont justifiés par d'autres dispositions non remises en cause.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein pour la période postérieure au 11 janvier 2021, condamne la société Adrexo à payer à M. [L] la somme de 7 390,50 euros à titre du rappel de salaire, outre celle de 739,05 euros à titre d'indemnité de congés payés, ordonne à la société Adrexo de procéder au règlement du rappel de salaires au regard d'un temps plein, déduction faite des sommes déjà perçues, pour les périodes allant d'août 2021 au 23 novembre 2021, condamne la société Adrexo à verser à M. [L] les rappels de salaire dû sur la base d'un temps plein, déduction faite des sommes déjà perçues, pour la période allant du mois de décembre 2021 au 26 août 2022 et lui ordonne de lui remettre des bulletins de salaire conformes, l'arrêt rendu le 26 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne M. [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.

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