6 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-23.993

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00117

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Créances nées après l'adoption de ce plan - Nouvelle procédure collective ultérieure - Créances privilégiées - Conditions - Déclaration et admission à la nouvelle procédure collective

Il résulte des dispositions du I et du II de l'article L. 622-17 du code de commerce que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation bénéficient d'un privilège sur les autres créances, sauf exceptions limitativement énumérées. Par suite, les créances nées après l'adoption d'un plan de redressement, qui met fin à la période d'observation, ne peuvent bénéficier de ce privilège lorsqu'elles sont déclarées et admises à la nouvelle procédure collective ouverte après la résolution du plan

Texte de la décision

COMM.

SH



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 mars 2024




Cassation partielle sans renvoi


Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 117 F-B

Pourvoi n° J 22-23.993




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 MARS 2024

1°/ La société [S] [B], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [S] [B], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Schanus,

2°/ la société Schanus, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], société en liquidation judiciaire, représentée par la société [S] [B], en la personne de M. [S] [B], prise en qualité de liquidateur judiciaire,

ont formé le pourvoi n° J 22-23.993 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1ère section), dans le litige les opposant à la société Banque du bâtiment et des travaux publics (BTP Banque), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société [S] [B], ès qualités, et de la société Schanus, représentée par la société [S] [B], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, M. Riffaud, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 octobre 2022), un jugement du 1er décembre 2015 a mis la société Schanus en redressement judiciaire et a désigné la société [S] [B] en qualité de mandataire judiciaire. Un jugement du 6 juin 2017 a adopté un plan de redressement. Ce plan a été résolu par un jugement du 13 juillet 2021, et la société Schanus a été mise en liquidation judiciaire. La société [S] [B] a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

2. Le 3 août 2021, la société Banque du bâtiment et des travaux publics (la banque BTP) a déclaré des créances à titre privilégié, sur le fondement de l'article L. 622-17 du code de commerce, que M. [B], ès qualités, a contestées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société [S] [B], ès qualités, fait grief à l'arrêt d'admettre au passif de la procédure collective les créances déclarées par la banque BTP pour un montant total de 62 061,06 euros, ce à titre privilégié, alors « que seules les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation sont, lorsqu'elles ne sont pas payées à leur échéance, payées par priorité avant toutes les autres créances ; que ne sont pas éligibles à ce privilège les créances nées postérieurement au jugement homologuant le plan de redressement de l'entreprise, qui met fin à la période d'observation ; qu'il appert des constatations mêmes de l'arrêt que les créances dont la Banque du BTP sollicitait l'admission au passif étaient nées de la cession, opérée le 7 juillet 2021, de créances professionnelles correspondant à des factures émises en juin 2021 et d'un cautionnement bancaire conclu le 18 juin 2021 (en réalité 2018) ce dont il s'inférait que ces créances étaient nées postérieurement au jugement du 6 juin 2017, ayant arrêté le plan de continuation de la société Schanus et antérieurement au jugement du 13 juillet 2021, ayant prononcé la liquidation judiciaire de cette même société, ensuite de la résolution du plan ; qu'en considérant néanmoins qu'elles devaient être admises au passif privilégié, au seul motif qu'elles étaient nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et qu'elles étaient potentiellement utiles à la poursuite de l'activité de la société Schanus, cependant que ces créances n'étaient pas nées pendant la période d'observation, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 622-17 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-17, I et II, du code de commerce :

4. Selon ce texte, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation bénéficient d'un privilège sur les autres créances, sauf exceptions limitativement énumérées. Il en résulte que les créances nées après l'adoption d'un plan de redressement, qui met fin à la période d'observation, ne peuvent bénéficier de ce privilège lorsqu'elles sont déclarées et admises à la nouvelle procédure collective ouverte après la résolution du plan.

5. Pour ordonner l'admission au passif de la liquidation judiciaire de la société Schanus des créances déclarées par la banque BTP à titre privilégié au titre d'une cession de créances professionnelles intervenue le 7 juillet 2021 par la société débitrice à la banque et au titre d'un cautionnement délivré le 18 juin 2021 (lire 2018), l'arrêt retient que ces créances sont postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective et que, par leur nature, elles ont eu une utilité potentielle sur la poursuite d'activité de la société Schanus.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que ces créances étaient nées après le jugement adoptant le plan de redressement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il admet à titre privilégié les créances déclarées par la banque BTP au passif de la procédure collective de la société Schanus, l'arrêt rendu le 11 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que ces créances sont admises à titre chirographaire ;

Condamne la société Banque du bâtiment et des travaux publics (BTP Banque) aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Banque du bâtiment et des travaux publics (BTP Banque) à payer à la société [S] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Schanus, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.

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