2 février 2024
Cour d'appel de Lyon
RG n° 20/06633

CHAMBRE SOCIALE B

Texte de la décision

AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/06633 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIHK





[A]



C/

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 21 Septembre 2020

RG : F 16/00493











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 02 FEVRIER 2024







APPELANT :



[B] [A]

né le 18 Janvier 1968 à

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par Me Ludivine BOISSEAU, avocat au barreau de LYON



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2020025081 du 05/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)





INTIMÉE :



Société CARREFOUR HYPERMARCHES

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON





DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Novembre 2023



Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller



ARRÊT : CONTRADICTOIRE



Prononcé publiquement le 02 Février 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



La société Carrefour Hypermarchés a pour activité la grande distribution. Elle fait application de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216). Elle a recruté M. [B] [A] le 15 septembre 1999 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 14 septembre 1999 en qualité d'équipier de vente niveau 1A.



Par courrier remis en mains propres le 16 décembre 2015, M. [B] [A] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 23 décembre 2015 et a été mis à pied à titre conservatoire. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 janvier 2016, la société Carrefour Hypermarchés a notifié à M. [A] son licenciement pour faute grave.



Par requête du 8 février 2016, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et de voir condamner la société Carrefour Hypermarchés au paiement de diverses indemnités à ce titre.



Par jugement du 21 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon a débouté M. [A] de l'intégralité de ses demandes, ainsi que la société Carrefour Hypermarchés de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné M. [A] aux dépens.



Le 26 novembre 2020, M. [A] a enregistré par voie électronique une déclaration d'appel à l'encontre de ce jugement, en précisant le critiquer en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens.





EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2023, M. [B] [A] demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :



- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société Carrefour Hypermarchés à lui verser les sommes suivantes :


8 289,85 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

4 032,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 403,29 euros de congés payés afférents,

2 016,45 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée, outre 201,65 euros de congés payés afférents,

48 394,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur et manquement à l'obligation de sécurité,




- condamner la société Carrefour Hypermarchés à délivrer les documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés,



A titre subsidiaire,

- requalifier la faute grave retenue pour son licenciement en faute simple,

- condamner en conséquence la société Carrefour Hypermarchés à lui verser les sommes suivantes :


8 289,85 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

4 032,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 403,29 euros de congés payés afférents,

2 016,45 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée, outre 201,65 euros de congés payés afférents,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur et manquement à l'obligation de sécurité,


- condamner la société Carrefour Hypermarchés à délivrer les documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés,



En tout état de cause,

- condamner la société Carrefour Hypermarchés au versement de la somme de 998,40 euros à titre d'indemnité qualifiée de frais et honoraires auprès de Me Ludivine Boisseau, avocat de M. [A], qui pourra directement les recouvrer,

- condamner la société Carrefour Hypermarchés à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- donner acte à Me [M] [Z] de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour où la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer auprès de M. [A] la somme allouée, et si cette somme est supérieure à l'indemnité qui aurait été versée au titre de l'aide juridictionnelle.



M. [A] ne conteste pas la réalité de l'altercation survenue le 3 décembre 2015 avec M. [N] mais affirme avoir agi en état de légitime défense et n'être que la victime de la violence de cet autre salarié. Il soutient que son licenciement pour faute grave apparaît être manifestement disproportionné au regard de ses seize années d'expérience, ainsi que de son comportement exemplaire, alors qu'en outre, la société ne l'a licencié qu'un mois et demi après la survenue des faits. M. [A] ajoute que l'employeur avait connaissance du comportement injurieux et moqueur de M. [N], ainsi que de de ses problématiques en matière d'alcool et de drogues mais qu'elle n'a pris aucune mesure afin d'y remédier, ce qui constitue un manquement à ses obligations de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail.



Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2021, la société Carrefour Hypermarchés, intimée, demande pour sa part à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 21 septembre 2020 et de :



- dire que M. [A] a été licencié pour faute grave,

- débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes comme étant injustifiées et non fondées,

- condamner M. [A] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



La société Carrefour Hypermarché fait valoir que le licenciement pour faute grave de M. [A] est justifié dans la mesure où celui-ci a pris part à une violente altercation physique avec un autre salarié de l'entreprise devant la clientèle et leurs collègues, dans les locaux de l'entreprise et durant l'exécution de leur contrat de travail. Elle précise que, si M. [A] avait plus de 16 ans d'ancienneté, il avait déjà fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires. La société précise qu'elle n'a engagé la procédure de licenciement huit jours ouvrables après la survenance des faits en raison du déroulement de l'enquête interne qu'elle a immédiatement diligenté. Enfin, la société Carrefour Hypermarchés soutient qu'elle a satisfait à son obligation de sécurité en adressant, en 2014, un avertissement à M. [A] et M. [N], qui s'étaient opposés au cours d'une altercation, puis en rompant le contrat de travail de ces deux mêmes salariés, lorsque les faits ont été réitérés en 2015.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.



La clôture de la procédure était ordonnée le 26 septembre 2023.








MOTIFS DE LA DECISION



1. Sur l'exécution du contrat de travail et l'obligation de sécurité



Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.



En l'espèce, M. [B] [A] reproche à son employeur d'avoir fait preuve d'inaction quant aux problèmes comportementaux de M. [D] [N], dont il a été victime pendant plusieurs années, ce dont le salarié affirme qu'il avait une parfaite connaissance. Il verse aux débats plusieurs attestations à ce sujet.



M. [TB] [E], ancien salarié, affirme avoir « vu le comportement de M. [D] [J] (sic) suite au problème d'alcool et de drogue au moment ou il a été embauché à Carrefour », ajoutant qu'il avait « eu une altercation avec [D] [J] qui sentait l'alcool, nous nous somme embrouillés au rayon, ça a failli partir aux mains, son supérieur est intervenu au bon moment ». M. [E] souligne que l'encadrement avait connaissance des problèmes de cette personne, qui avait suivi une cure pour l'alcool, mais qu'aucune mesure n'avait été prise (pièce n° 7 de l'appelant).



M. [P] [K], ancien salarié, affirme : « j'ai constaté plusieurs problèmes dans le rayon concernant notre collègue M. [N], ce dernier ne s'entend pas avec les collègues, et il y avait toujours des embrouilles dans le rayon. Le chef et l'ancien chef sont au courant de ce qui se passe dans le rayon mais ils ont laissé faire. J'ai assisté à une réunion d'équipe avec le chef du rayon pour discuter du problème concernant M. [N] mais rien n'a été fait de la part de la direction. Cette dernière a laissé faire les choses (...). L'absence de soutien de la direction de Carrefour aux employés a provoqué le licenciement de mes deux collègues » (pièce n° 8 de l'appelant).



M. [Y] [X] atteste avoir travaillé au rayon marée de l'hypermarché Carrefour sis à [Localité 2] et d'y avoir côtoyé MM. [A] et [N]. Selon lui, « la direction de l'hypermarché Carrefour [Localité 2] avait connaissance des difficultés que rencontrait M. [N] avec l'alcool, sans pour autant prendre la peine d'essayer d'y remédier » (pièce n° 9 de l'appelant).



M. [R] [G], salarié affecté au même rayon, précise, s'agissant de M. [A], que « son licenciement fut étonnant car tout le magasin savait qu'il s'entendait mal avec [D] [N], moi-même j'avais des difficultés à travailler à ses côtés. Depuis qu'ils ont été licencié tous les deux, leur remplacement n'a jamais été effectué. A croire que ceci était prémédité par la direction » (pièce n°11 de l'appelant).



M. [V] [I], salarié affecté au rayon « fruits », témoigne qu'il a « déjà eu une altercation avec M. [D] [N] suite à son état et son comportement anormal (drogue et alcool) et beaucoup d'employés ont eu le même problème que moi ». Il ajoute que la direction était informée de ce problème et qu'elle n'avait rien fait, ce que l'attestant trouve inadmissible, au point que son collègue, [B] [A], a été licencié (pièce n° 10 de l'appelant).



Enfin, le délégué syndical de la CGT indique, dans un courrier daté du 27 janvier 2016, « avoir connaissance du problème récurrent rencontré par M. [D] [N], employé au rayon poissons, avec l'alcool. Cette situation a généré, à plusieurs reprises, des problèmes de comportement envers ses collègues et la clientèle du magasin. Le manque de prise en charge de cette pathologie a provoqué récemment, une nouvelle altercation, entre l'intéressé et M. [B] [A], l'un de ses collègues, ce qui a conduit tout naturellement au licenciement des deux employés » (pièce n° 17 de l'appelant).





Il résulte de l'ensemble de ces pièces que M. [D] [N] a, avant l'altercation du 3 décembre 2015, eu à plusieurs reprises un comportement inadapté, sinon violent, envers d'autres salariés du magasin où il travaillait, voire envers des clients.



Si plusieurs attestants évoquent l'addiction alcoolique de M. [N], il n'appartenait pas à son employeur de prendre en charge cette problématique. En revanche, il appartenait à ce dernier de prendre des mesures, dans le cadre de son obligation de sécurité, afin de prévenir le risque que M. [N] réitère un comportement violent, de nature à porter atteinte à l'intégrité des autres salariés.



Or la société Carrefour Hypermarchés ne mentionne pas quelles mesures ont été éventuellement prises à la suite des altercations qui ont opposé M. [N] à M. [E] et à M. [I], selon les indications données par ces derniers. Si elle allègue avoir adressé à M. [N] un avertissement à la suite de l'altercation qui l'a opposé à M. [A] le 13 juin 2014, elle n'en justifie pas.



En conséquence, la société Carrefour Hypermarchés ne démontrant pas avoir pris toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité en particulier de M. [U], elle sera condamnée à verser à celui-ci la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité.



2. Sur le bien-fondé du licenciement



En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.



La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.



Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.



Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.



En outre, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.



En l'espèce, la lettre de licenciement adressée le 15 janvier 2016 à M. [B] [A] est rédigée dans les termes suivants :



« Nous vous avons reçu le mercredi 23 décembre 2015 à 11 heures pour un entretien préalable au licenciement que nous envisageons de prononcer à votre encontre. Vous vous êtes présenté accompagné de M. [W] [L], délégué syndical.



Après avoir recueilli les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour les motifs qui vous ont été exposés lors de cet entretien et qui sont les suivants :



Le jeudi 3 décembre 2015 vers 19 heures vous étiez en poste au rayon poissons et vous avez eu une altercation violente et physique avec votre collègue M. [D] [N].



En effet, après une multitude d'insultes, vous avez échangé des coups au visage avec M. [N] tout cela en présence de clients effarés par la scène.



C'est M. [F] [O], manager au rayon fruits/légumes qui revenait de sa pause déjeuner et qui a été averti par un ancien manager M. [C] qui était présent devant le rayon pour qu'il vous sépare et vous demande de vous calmer en attendant l'arrivée de votre responsable hiérarchique M. [T] [H] qui vous a ensuite géré.



Vous avez reconnu les faits.



Votre comportement est d'autant plus inacceptable qu'il constitue la réitération de faits identiques pour lesquels vous avez déjà été sanctionné.



En effet, le 22 juillet 2014 nous vous avons notifié un avertissement pour une altercation avec le même collègue dans le frigo du rayon poisson (').



Ils sont incompatibles avec les valeurs de notre entreprise et portent préjudice à notre enseigne.



Votre licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 15 janvier 2016, sans préavis ni indemnité de rupture, et vous cesserez donc à cette date, de faire partie des effectifs de notre société ».



Ainsi, la société Carrefour Hypermarchés a sanctionné par la mesure de licenciement le comportement de M. [A] lors de l'altercation survenue le 3 décembre 2015 avec M. [N], à savoir qu'il a tenu des propos injurieux et donné des coups de poing, et ce devant des clients.



M. [B] [A] ne conteste pas son implication dans l'altercation mais affirme qu'il n'en était pas à l'initiative.



M. [S] [C], manager métier, « atteste avoir été témoin d'une altercation le jeudi 3 décembre 2015 à 19 heures entre [A] [B] et [N] [D] à l'intérieur du magasin alors qu'ils étaient en poste devant les clients ». Il affirme qu'« après une multitude d'insultes, les deux personnes se sont échangées des coups au visage avant l'intervention du cadre de permanence » (pièce n° 14 de l'intimée).



M. [T] [H], manager métier du rayon poissonnerie, précise que « M. [A] a donné un coup de coude au ventre de M. [N] et ce dernier a répondu par un coup au visage. L'un et l'autre affirment que c'est l'autre qui a commencé à proférer des insultes » (pièce n°15 de l'intimée).



Les parties ne versent aux débats aucune autre pièce dont le contenu serait de nature à éclairer la juridiction sur les circonstances précises de l'altercation.



Par ailleurs, la société Carrefour Hypermarchés fait valoir qu'elle avait d'ores et déjà notifié à M. [A] un avertissement pour des faits identiques le 22 juillet 2014 (pièce n°7-2 de l'intimée) et l'avait de nouveau alerté concernant son comportement puisque son supérieur hiérarchique N+2 mentionne, dans le cadre du compte-rendu d'entretien de suivi individuel de progression professionnelle établi au moins de juin 2015, que « [B] a un comportement impulsif et agressif vis-à-vis de ses collègues, il doit apprendre à se maîtriser pour ne pas avoir d'altercation avec ses collègues » (pièce n° 4 de l'intimée).



Ainsi, il ressort des éléments versés aux débats que, le 3 décembre 2015, M. [B] [A] et M. [D] [N] ont échangé des injures et des coups sur leur lieu de travail, devant des clients et des collègues, sans qu'il soit possible de déterminer lequel des deux salariés a été à l'origine de l'altercation, et ce malgré l'avertissement qui leur avait été notifié le 22 juillet 2014 pour des faits de même nature.



Compte tenu de ce précédent et du fait qu'un supérieur hiérarchique de M. [A] avait attiré son attention six mois plus tôt sur la nécessité pour lui de se maîtriser, afin justement d'éviter la survenue d'une altercation avec un collègue, le comportement de M. [A] envers M. [N] le 3 décembre 2015, quand bien même il ne serait pas à l'origine de la rixe, constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, d'autant plus que les faits ont eu lieu en présence de clients du magasin.



Le fait que l'employeur a décidé d'une mise à pied à titre conservatoire treize jours après la survenance des faits ne lui interdit pas, par principe, de licencier le salarié pour faute grave : il doit seulement ne pas tarder à engager la procédure de licenciement après avoir eu connaissance des faits fautifs imputés à ce dernier, dans la mesure où aucune vérification de ces faits n'était nécessaire, et cette condition est respectée en l'espèce.



En conséquence, le jugement sera confirmé, en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [A] au titre du rappel de salaire concernant la mise à pied et des indemnités de rupture.



3. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile



La société Carrefour Hypermarchés, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile. Sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, tant pour les frais irrépétibles exposés en première instance qu'en cause d'appel.



Pour un motif tiré de l'équité, la société Carrefour Hypermarchés sera condamnée à payer à M. [A] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,



La Cour



Confirme le jugement rendu le 21 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;



Statuant à nouveau sur la disposition infirmée et ajoutant,



Condamne la société Carrefour Hypermarchés à payer à M. [B] [A] la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité ;



Condamne la société Carrefour Hypermarchés à payer à M. [B] [A] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société Carrefour Hypermarchés aux dépens de l'instance d'appel.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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