2 février 2024
Cour d'appel de Lyon
RG n° 20/03505

CHAMBRE SOCIALE B

Texte de la décision

AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/03505 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NA2D





[W]



C/

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

SELARL MJ SYNERGIE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon

du 02 Juin 2020

RG : 18/00534











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 02 FEVRIER 2024







APPELANT :



[S] [I] [W]

né le 20 Décembre 1965 à[Localité 6]a (99)

[Adresse 5]

[Localité 3]



représenté par Me Marcelin SOME, avocat au barreau de LYON







INTIMÉES :



Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 2] -

[Localité 4]



représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON



SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [J] [E] agissant en qualité de liquidateur Judiciaire de la SARL JRSP SECURITE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON



DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Novembre 2023



Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseiller

- Régis DEVAUX, Conseiller



ARRÊT : CONTRADICTOIRE



Prononcé publiquement le 02 Février 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


********************



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



M. [L] [V], exerçant en nom personnel une activité commerciale sous la dénomination JRSP Sécurité, exerçait une activité de sécurité et de gardiennage. Il faisait application de la convention collective nationale des entreprises de prévention de sécurité (IDCC 1351). Il a engagé M. [S] [I] [W] à compter du 24 novembre 2008, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, pour occuper un emploi à temps partiel puis, par avenant du 1er avril 2014, à temps complet, d'agent de sécurité.



A compter du 1er septembre 2016, M. [V] a perdu les marchés conclus avec la société Carrefour, au profit de la société Goron GSL; l'un d'entre eux correspondait au site d'affectation de M. [W].



M. [W] a été embauché par la société Goron GSL, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à temps complet, en qualité d'agent de sécurité confirmé, avec effet à compter du 7 septembre 2016.



Par jugement du 22 février 2017, le tribunal de commerce de Lyon a placé M. [V] en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.



Par requête reçue au greffe le 27 février 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de diverses demandes à caractères salarial et indemnitaire.



Par jugement du 2 juin 2020, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Lyon a :



- fixé la créance de M. [W] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société de M. [L] [V], sous la dénomination JRSP Sécurité, constituée des sommes suivantes :


332,15 euros de rappel de salaire au titre de la période du 1er au 7 septembre 2016,

1 943,05 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

2 878,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;


- rappelé que l'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts légaux ;

- déclaré la présente décision opposable à l'UNEDIC, AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône dans les limites et plafonds légaux de sa garantie ;

- dit n'y avoir lieu à garantie de l'AGS pour les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la SELARL MJ Synergie, ès qualités, de remettre à M. [W] un bulletin de salaire récapitulatif rectifié conformément à la présente décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

- condamné la SERARL MJ Synergie, ès qualités, à verser à M. [W] la somme de 1 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la SELARL MJ Synergie ès qualités aux dépens.



Par déclaration du 6 juillet 2020, M. [W] a interjeté appel, critiquant le seul chef du dispositif de jugement ayant fixé sa créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société JRSP Sécurité aux sommes suivantes : 332,15 euros de rappel de salaire au titre de la période du 1er au 7 septembre 2016 ; 1 943,05 euros au titre de l'indemnité de licenciement ; 2 878,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.



La clôture de la procédure de mise en état a été ordonnée le 25 avril 2023.



Par arrêt du 8 septembre 2023, définitif à ce jour, la chambre sociale (section B) de la cour d'appel de Lyon a :



- déclaré la décision opposable à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône, dans les limites et plafonds légaux de sa garantie ;

- rejeté la demande de M. [W] tendant à ce qu'il soit prononcé son licenciement ;

- confirmé le jugement rendu le 2 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Lyon, en ce qu'il a fixé la créance de M. [W] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de M. [V], qui exploitait une activité sous la dénomination RJSP Sécurité, constituée de la somme de 332,15 euros de rappel de salaire au titre de la période du 1er au 7 septembre 2016 ;



Avant dire droit,

- invité les parties à conclure sur le moyen de pur droit tiré du fait que la rupture du contrat de travail est intervenue à la date du 7 décembre 2016 ;

- sursis à statuer sur la demande de M. [W] relative à l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés ;

- sursis à statuer sur les dépens, ainsi que sur la demande de M. [W] en application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

- renvoyé l'examen de l'affaire à son audience du 17 Novembre 2023.



EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



M. [W] n'a pas conclu postérieurement au prononcé de l'arrêt du 8 septembre 2023.



En application de l'article 954 quatrième alinéa du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.



Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2020, M. [S] [I] [W] demande à la Cour de :



- prononcer son licenciement,

- fixer au passif de la procédure collective de la société JRSP Sécurité les sommes suivantes :


57 572 euros bruts à titre de rappel de salaire, à titre subsidiaire, 8 635,80 euros bruts,

3 598,25 euros à titre d'indemnité de licenciement,

2 878,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2 000 euros à titre d'indemnité de congé payés, pour l'année 2016,


- dire que l'AGS fera les avances des sommes réclamées par le salarié,

- enjoindre à la société JRSP Sécurité représentée par la SELARL Synergie à lui délivrer ses bulletins de salaire depuis le mois de septembre 2016, son attestation Pôle emploi, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner la société JRSP Sécurité à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société JRSP Sécurité aux dépens de l'instance.



M. [W] fait valoir que son contrat de travail n'a jamais été transféré de RJSP à la société Goron GSL et qu'en conséquence, il est demeuré à la disposition de M. [V] postérieurement au 1er septembre 2016, sans que ce dernier ne lui fournisse du travail, ni ne le rémunère. L'appelant en conclut qu'il était toujours salarié de RJSP à la date de l'audience devant le juge départiteur, à tout le moins à la date de la liquidation judiciaire de son employeur.



Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023, la SELARL MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de M. [V], intimée, demande pour sa part à la Cour de :



- dire que M. [W] a fait l'objet d'une rupture de son contrat de travail le 7 septembre 2016 ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur le montant de l'indemnité de licenciement ;

- dire que le montant de l'indemnité de licenciement est de 2 817,43 euros ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 2 juin 2020, en ce qu'il a débouté le salarié du paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- débouter M. [W] de ses autres demandes.



Le liquidateur judiciaire de M. [V] met en avant que la Cour a pris acte qu'il n'y a pas eu de transfert du contrat de travail de M. [W] au profit de la société Goron GSL, son contrat de travail avec M. [V] a donc été rompu à compter du 7 septembre 2016 (et non pas le 7 décembre 2016).



Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023, l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône, demande pour sa part à la Cour de :



- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le contrat de travail de M. [W] a été rompu le 7 septembre 2016  ;

- statuant à nouveau, fixer l'indemnité de licenciement à 2 871,43 euros

- subsidiairement, en cas de réformation du jugement et de fixation d'une date de rupture postérieurement au 7 septembre 2016, débouter M. [W] de ses demandes

- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés ;

- en tout état de cause, dire que :


sa garantie n'intervient qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles,

elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail,

son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-20 du code du travail,

elle ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ni les créances d'astreinte,


- la mettre hors dépens.



L'AGS-CGEA soutient que le contrat de travail de M. [W] n'a pas été transféré à la société Goron GSL et que celui-ci ne se tenait plus à la disposition de JRSP Séurité au-delà du 7 septembre 2016. Elle ajoute que, compte tenu de l'ancienneté de M. [W] (de 7 ans), il convient de recalculer le montant de l'indemnité de licenciement, pour le ramener à 2 817,43 euros.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DECISION



La Cour, par arrêt du 8 septembre 2023, définitif à ce jour, a rejeté la demande de M. [W] tendant à ce que soit prononcé son licenciement et a confirmé le jugement rendu le 2 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Lyon, en ce qu'il a fixé la créance de M. [W] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de M. [L] [V], qui exploitait une activité sous la dénomination JRSP Sécurité, constituée de la somme de 332,15 euros de rappel de salaire au titre de la période du 1er au 7 septembre 2016. Il n'y a pas lieu de statuer de nouveau sur ces points.



Dans le même arrêt, la Cour, adoptant les motifs du premier juge, a retenu que le contrat de travail de M. [W] n'a jamais été transféré à la société Goron GSL, du fait d'une carence de l'entreprise sortante, M. [V].



En effet, M. [W] a été embauché par la société Goron GSL, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à temps complet, en qualité d'agent de sécurité confirmé, avec effet à compter du 7 septembre 2016, sans reprise de son ancienneté (pièce n° 14 de l'appelant). Il a alors travaillé et a été rémunéré par la société Goron GSL pour 35 heures par semaine, sans compter d'éventuelles heures supplémentaires.



A compter du 7 septembre 2016, alors que M. [W] occupait déjà un emploi à temps plein dans le cadre de sa relation de travail avec M. [V], il ne se trouvait plus à la disposition de ce dernier, dans la mesure où le cumul de deux emplois à temps plein a pour conséquence une durée de travail d'au moins 70 heures par semaine, ce qui est prohibé, comme dépassant la durée maximale de 48 heures fixée par la loi.



Alors que M. [W] n'a plus fourni aucune prestation de travail, à compter du 7 septembre 2016, au profit de M. [V], ni n'était à la disposition de ce dernier, il se déduit de ces éléments de fait que le contrat de travail a été rompu à cette date.



En conséquence, M. [W] a droit à une indemnité compensatrice de préavis, dont le montant a été fixé à 2 878,60 euros par le premier juge, ce qui n'est fait l'objet d'aucune contestation à hauteur d'appel, ni dans le principe, ni dans le quantum. Le jugement déféré ne pourra donc qu'être confirmé sur ce point.



S'agissant de l'indemnité de congés payés pour l'année 2016, M. [W] allègue qu'il n'a joui d'aucun jour de congé en 2016, sans aucune précision.

Toutefois, il résulte de ses fiches de paie pour les mois de janvier à août 2016 (pièce n° 4 de l'appelant) que M. [W] a bénéficié de congés payés du 1er au 31 janvier 2016, du 1er au 8 mai 2016, du 15 au 30 juin 2016, du 13 au 31 juillet 2016, du 1er au 31 août 2016, sans que l'appelant ne conteste avoir pris effectivement ces jours de congé, ni avoir été effectivement payé durant ces mêmes jours de congé. Dès lors, sa demande n'est pas fondée et doit être rejetée.



S'agissant de l'indemnité de licenciement, en vertu de l'article R.1234-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 et applicable au 7 septembre 2016, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure, pour un salarié ayant moins de 10 ans d'ancienneté, à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté.



M. [W] comptait une ancienneté de 7 ans et 10 mois. Il a donc droit à une indemnité légale de licenciement dont le montant est de (1 439,30 / 5) x 7,83 = 2 253,94 euros. Toutefois, MJ Synergie et l'AGS-CGEA offrant de fixer ce montant à 2 817,43 euros, le jugement déféré sera infirmé sur ce seul point et il sera inscrit au passif de la liquidation la somme de 2 817,43 euros à titre d'indemnité de licenciement.



Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile



M. [W], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile. Sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS,



LA COUR



Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône, dans les limites et plafonds légaux de sa garantie ;



Dit que le contrat de travail conclu entre M. [L] [V], qui exploitait une activité sous la dénomination JRSP Sécurité, et M. [S] [I] [W] a été rompu le 7 septembre 2016 ;



Confirme le jugement rendu le 2 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Lyon, en ce qu'il a :

- fixé la créance de M. [S] [I] [W] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de M. [L] [V], qui exploitait une activité sous la dénomination JRSP Sécurité, constituée de la somme de 2 878,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- ordonné à la SELARL MJ Synergie, ès qualités, de remettre à M. [S] [I] [W] un bulletin de salaire récapitulatif rectifié conformément à la présente décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;



Infirme le jugement rendu le 2 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Lyon, uniquement en ce qu'il a fixé la créance de M. [S] [I] [W] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de M. [L] [V], qui exploitait une activité sous la dénomination JRSP Sécurité, constituée de la somme de 1 943,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;



Statuant sur la disposition infirmée et ajoutant,



Rejette la demande de M. [S] [I] [W] en paiement d'une indemnité de congés payés ;



Fixe la créance de M. [S] [I] [W] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de M. [L] [V], qui exploitait une activité sous la dénomination JRSP Sécurité, constituée de la somme de 2 817,43 euros à titre d'indemnité de licenciement ;



Condamne [I] [W] aux dépens de l'instance d'appel ;



Rejette la demande de M. [S] [I] [W] en application de l'article 700 du code de procédure civile.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.