1 février 2024
Cour d'appel de Caen
RG n° 22/01691

1ère chambre sociale

Texte de la décision

AFFAIRE : N° RG 22/01691

N° Portalis DBVC-V-B7G-HAQV

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LISIEUX en date du 23 Juin 2022 - RG n° 20/00018









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 01 FEVRIER 2024





APPELANTE :



S.N.C. LIDL

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Thierry YGOUF, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me DEBECQUE, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE :



Madame [GL] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me David VERDIER, avocat au barreau de l'EURE, substitué par Me MARI, avocat au barreau de CAEN







DEBATS : A l'audience publique du 20 novembre 2023, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré



GREFFIER : Mme FLEURY



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,



ARRET prononcé publiquement le 01 février 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier












Mme [GL] [C], engagée le 7 septembre 1998 en qualité d'employée administrative par la société LIDL, a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 mai 2019 par lettre du 20 mai précédent, mise à pied à titre conservatoire, puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 juin 2019.



Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Mme [C] a saisi le 26 février 2020 le conseil de prud'hommes de Lisieux, qui, statuant par jugement du 23 juin 2022 , a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société LIDL aux dépens et à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

- 60 100 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-7 737,36 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 774,74 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 23 564,89 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 2 141,10 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire injustifiée, outre 214,11 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère vexatoire de sa mise à pied conservatoire ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclaration au greffe du 6 juillet 2022, la société LIDL a formé appel de cette décision.



Par conclusions remises au greffe le 30 septembre 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société LIDL demande à la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement et débouter Mme [C] de ses demandes et la condamner à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement ;

- à titre subsidiaire, dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, limiter les condamnations aux sommes suivantes, infirmer le jugement pour le surplus et débouter Mme [C] du surplus de ses demandes, la condamner à à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement ;

- à titre infiniment subsidiaire, limiter les condamnations aux sommes suivantes ;

- condamner Mme [C] au paiement d'une somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



Par conclusions n°3 remises au greffe le 7 novembre 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [C] demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour réparer le préjudice subi du fait du caractère vexatoire de la mise à pied, condamner la société LIDL à lui payer respectivement la somme de 93 000 € et celle de 5000€, également celle de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et débouter la société de ses demandes.






MOTIFS



I- Sur le licenciement.

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité rendant impossible la poursuite du contrat de travail du salarié et la preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur.



Au vu des avenants produits au dossier, Mme [C] a exercé les fonctions de caissière employée libre service, de chef de magasin (1er mars 2014) puis de responsable de magasin (1er décembre 2016).



La lettre de licenciement vise les griefs suivants :



1) un management inapproprié et contraire à nos principes de management

- avoir courant avril 2019 attrapé par la manche une de vos subordonnées, et alors que celle-ci vous demandait de cesser, de vous êtes emportée en surface de vente en hurlant devant les clients du magasin ;

- avoir répété ce geste envers un membre de votre équipe le 10 mai 2019 ;















- avoir indiqué en avril 2019 à un membre de votre équipe qui souhaitait modifier son planning en raison d'un évènement personnel, ne pas pouvoir faire suite à sa demande en lui répondant « Fous toi en arrêt et là je changerai les planning »

- avoir dit le 13 mai 2019 à un membre de votre équipe vous ayant annoncé sa grossesse, « c'est pas la peine de venir demain, tu sers à rien » ;

-avoir affublé vos équipes des termes suivants : « les grosses qui ne pensent qu'à bouffer », « les nunuches », les connasses », « les coches » et « les [O] salopes ».



L'employeur produit aux débats :



- une lettre en date du 14 avril 2019 adressée par Mme [K], adjointe manager, à M. [OS] directeur régional se plaignant du comportement de Mme [C] (lunatique, ne dit pas bonjour, ne sait pas parler sans « nous engueuler » voire « nous aboyer dessus), en ce qu'elle refuse que nous portions nos oreillettes (outil de travail), que nous fassions notre pause ensemble quand c'est possible, donne les plannings au dernier moment, nous appelle « nunuches » « [O] salope », que son fils [U] va et vient dans la réserve et les locaux au moment de la pause déjeuner. Mme [K] ajoute qu'elle et ses collègues ont alerté leur responsable M. [VN] sans que la situation s'améliore et qu'aujourd'hui elle s'empire, Mme [C] s'en prend maintenant physiquement à certaines filles en les tirant par le bras.



- une lettre du 15 avril 2019 adressée à M. [OS] par « les salariés de LIDL 3105 [Localité 4] » et signée par neuf personnes par laquelle elles se plaignent des « pressions, remarques désobligeantes, propos dévalorisants, demandes contradictoires) de la part de Mme [C], responsable de magasin à [Localité 4]. Elles font état : dit rarement bonjour, insultes (nunuches, [O] coche), lunatique, nous gueule dessus en caisse devant les clients, gueule quand on prend nos pauses, cherche constamment le conflit, pousse une personne à bout puis change pour une autre personne, dit que nous sommes dans l'équipe de « grosses », nous envoie des sms le week end et jour de repos pour nous harceler, autorise son fils [U] à manger dans la salle de pause et à sa balader dans la réserve, donne toutes les pertes à une association qui ne paie pas.



- une attestation de Mme [H], caissière employée libre service, dans laquelle elle évoque une « crise d'hystérie en mars insultant [O] Salope car on ne sait pas nettoyer nos toilettes », un « manque de respect en m'attrapant par le manteau », non respect des pauses pas prises ou prises très en retard, le fait qu'elle nous parle mal, nous discrimine en appelant nos collègues « l'équipe des grosses » ;



- une attestation de Mme [DN], salariée du magasin, dans laquelle elle indique que « [GL] change d'humeur tous les jours », « crie toute seule dans la réserve quand rien ne lui plait », change les plannings la veille (le lundi 13 mai pour le mardi 14 mai 2019), qu'elle nous attrape par le pull quand elle est énervée comme « le vendredi 10 mai 2019 à 7H00, elle m'a attrapée par le pull car je lui ait demandé si on devait prendre la viande qui était dans la chambre froide », qu'elle préfère dire aux filles enceintes qu'elle se mettent en arrêt de travail, qu'elle parle mal aux clients quand elle fait de la caisse, qu'elle se permet en caisse de nous crier dessus expliquant qu'en juillet août 2018 ors d'une foire aux vins elle m'a disputée devant le clients ce qui m'a amené à pleurer, que son fils mange dans notre salle de pause les midis, que « le zéro gaspillage est donné à une association qui ne pait pas, qu'elle donne des bouteilles ou des bouquets de fleurs aux clients s'ils sont énervés ;



- une attestation de Mme [K] adjointe manager dans laquelle elle évoque le comportement de Mme [C] (sautes d'humeur, ne dis pas bonjour, nous parle mal, nous hurle dessus, quand elle s'énerve elle balance tout par terre et c'est à nous de ramasser), précisant que le mercredi 24 avril 2019, en l'absence de planning pour le lundi suivant une de ses collègues a contacte le délégué du personnel qui a lui-même appelé M. [VN] ([DD]). Après contact téléphonique avec ce dernier, Mme [C] nous a dit « si je tiens celle qui m'a balancée je la tue » ;



















- une attestation de Mme [F], caissière dans laquelle elle indique le non respect de Mme [C] ('fais ça toute de suite je te dis ou c'est nul à chier tu recommences »), et fait état le 20 novembre 2017 d'une altercation avec les propos suivants « vous êtres trop conne pour vous organiser », en avril 2019, d'une autre altercation durant laquelle Mme [C] l'a « chopée » par le tee shirt par énervement, ne voulait pas la lâcher malgré sa demande, et hurlait dans tout le magasin, indiquant lui avoir demandé de la fermer, et enfin en mai 2019 que Mme [C] a refusé de lui donner un congé pour le 11 mai (anniversaire de son mari) puis malgré son souhait de rester sur le roulement du matin, l'a fait basculer sur l'après midi le jeudi et vendredi, et refusant de changer le planning lui a dit « fous toi en arrêt je changerai le planning » ;



- une attestation de Mme [L] (complétée par une lettre manuscrite) , caissière employée libre service depuis juillet 2016, dans laquelle elle indique que Mme [C] parle comme un chien (nul à chier), aucun respect et évoque plusieurs évènements en 2018, le 20 novembre à la suite d'une altercation, Mme [C] l'insulte « trop conne », en octobre, Mme [C] lui a hurlé dessus (refus de changement de caisse par la salariée) et qu'elle s'est mise pleurer, a prévenu son supérieur et a été muté dans le magasin de [Localité 5], et enfin une absence de soutient lorsqu'elle a été insulté par un client (c'est normal car vous êtes une « grosse conne ». Elle précise également que selon Mme [C] il y a une équipe de grosses et une équipe normale. Elle évoque aussi une altercation durant laquelle Mme [C] lui a dit « vous êtes une grosse conne, une grosse vache et une grosse brelle ».



- une attestation de Mme [G], caissière employée libre service, dans laquelle elle indique à propos de Mme [G] : insultes, ne discute pas mais nous hurle dessus, discrimination (équipe de grosses, pensent qu'à manger et boire », refus des pauses communes quand on a le droit d'en prendre une, plannings non remis dans les temps et changement sans informer les intéressées, pas de respect (bonjour merci), ne nous permet pas d'utiliser le matériel (oreillettes) , en février lui a interdit de manger dans la salle de pause a dû manger au vestiaire, et que le 4 mai 2019 que Mme [C] « s'est acharnée sur moi ce qui m'a poussé à bout, je me suis effondrée en larmes » ;



- deux attestations de Mme [B]-[E] caissière employée libre service, dans lesquelles elle fait état du comportement de Mme [C] : comme une gourou on est l'esclave, elle se « permet de nous critiquer avec des clients (nunuche, [O] salope et de coche) source client sur », nous critique sur notre physique (l'équipe des grosses), se permet de faire pleurer [J] en début d'année en caisse devant les clients et s'acharne beaucoup sur une de nos collègues [T] », et le 19 avril 2019, suite à une dénonciation d'une collègue pour plannings non faits, Mme [C] a demandé (à elle et à [S]) qui l'avait dénoncé en indiquant je la tuerai ;



- une attestation de Mme [M] chef de caisse, qui fait état d'une situation de harcèlement moral de Mme [C] à son égard : hurlements permanents, pétage de plomb et paroles blessantes (tu es nul, tu sers à rien, bonne à rien, boulot de merde), lui parle comme un chien devant les clients, également à l'égard de ses collègues (il faut qu'elles arrêtent de manger des pains au chocolat elles sont bien assez grosses comme ça), de même de faire pleurer nos petites étudiantes devant les clients. Elle évoque enfin que suite à une plainte d'une collègue pour des plannings non faits, Mme [C] lui a dit « si je trouve la personne qui a fait ça je la tue » ;



- une attestation de Mme [KE], caissière polyvalente, qui évoque des remarques désobligeantes, ton agressif, changements d'horaires sans être prévenue, et également une demande de prospectus devant les clients et avoir reçu dans la figure celui donné car cela n'était pas le bon, et qui indique avoir menacé de démissionner (le comportement de Mme [C] a changé ensuite à son égard) ;



- un témoignage écrit par courriel du 15 mai 2019 de Mme [V] indiquant qu'elle avait travaillé au magasin durent 9 mois de novembre à août 2016 et évoque l'humeur changeante de Mme [C], pour demander un congé il fallait attendre qu'elle aille bien et si elle avait oublié notre congé et qu'on lui rappelait elle s'énervait ;

















- une attestation de Mme [X] caissière employée libre service, dans laquelle elle évoque le comportement de Mme [C] : change d'humeur en quelques minutes sans raison apparente, nous réprimande en hurlant lorsqu'on lui demande de nous parler correctement répond « je fais ce que veux la responsable c'est moi », se permet des remarques devant les clients, nous envoie par MMS les changements de plannings.



Mme [C] reproche à l'employeur de ne pas avoir procédé à une enquête interne. Outre que la jurisprudence qu'il cite concerne le respect par l'employeur de son obligation de sécurité à l'encontre de la salariée s'estimant victime de harcèlement moral, l'employeur a, à la réception de la lettre du 15 avril 2019, entendu les salariées auteurs de la lettre du 15 avril 2019, les attestations produites datant toutes du 13 mai 2019 ainsi que d'autres salariées non signataires. Le fait que les attestations émanent toutes des subordonnées de Mme [C] ne porte en soi pas atteinte à leur force probante. Il n'est pas contesté que Mme [C] n'a pas été entendue autrement que dans le cadre d'un entretien préalable à son licenciement. Ainsi, des mesures ont été prises par l'employeur et il appartient à la cour d'en apprécier leur pertinence et leur force probante.

Elle fait valoir également que les salariées qui ont attesté avaient à son égard un comportement insultant. Elle vise à ce titre une attestation de M. [Y], client, qui indique que Mme [C] aidait ses collègues malgré son statut de responsable, qu'elle avait la pression de sa direction, était toujours souriante et attentive avec la clientèle, et qu'il a constaté une fois qu'elle se faisait siffler par le mari d'une de ses employées, il avait aucun respect pour Mme [C] ». Ce témoignage est imprécis et concerne pas une employée elle même. De même elle indique avoir averti M. [VN] son supérieur hiérarchique, des difficultés de son équipe (être insultée, sujettes aux cancans histoires) que celui-ci a organisé de nombreuses réunions d'équipe, la dernière s'étant tenue en mai 2019 et avait permis d'apaiser les tensions. Elle ne produit toutefois aucun élément en ce sens.



Elle conteste les griefs qui lui sont reprochés et critique plus particulièrement :

- l'attestation de Mme [F] ([P]) en ce que le témoignage est imprécis quant à sa date et quant aux motifs de l'énervement de Mme [C], relevant l'attitude irrespectueuse de la première sur la seconde.

Mme [F] fixe cette scène en avril 2019 ce qui est suffisamment précis, elle explique que Mme [C] lui avait demandé de dire à [D] de laver les vitres surgelées, si elle n'indique pas l'origine de l'énervement de la première, son témoignage permet de déduire qu'elle n'avait pas satisfait cette demande, la lettre indiquant d'ailleurs que Mme [C] s'est énervée car les vitres surgelées n'étaient pas nettoyées, Mme [C] ne donnant elle-même aucune explication sur cette altercation. Mais même si l'insatisfaction de Mme [C] était légitime, il lui est seulement reproché la manifestation de cette insatisfaction. A ce titre le fait de tirer le vêtement de sa salariée en s'énervant peu important que la lettre parle de tirer par la manche, est un geste inapproprié, étant relevé que si la salariée lui a dit de la fermer c'est seulement lorsque Mme [C] s'est mise à hurler dans tout le magasin.

Elle critique également ce témoignage quant au refus du changement de planning, indiquant que Mme [F] avait une animosité contre elle à la suite d'un refus d'un congé sollicité pour le 11 mai 2019 et d'une impossibilité de satisfaire à sa demande de modification du planning. Mais dans son témoignage, Mme [F] évoque ce premier refus sans aucune animosité puisqu'elle dit « elle me l'a refusé parce que d'autres collègues avaient posé cette journée, je n'ai rien dit j'ai travaillé ». Concernant le refus de modifier le planning pour permettre à la salariée de satisfaire des rendez vous personnels, le refus ne lui est pas en soi reproché mais les propos tenus à la salariée à cette occasion. Or, les propos dont fait état Mme [F] dans son attestation« Fous toi en arrêt et là je changerai les planning » ne sont pas contredit par d'autres éléments.

Concernant les propos à la suite de l'annonce par une salariée de son état de grossesse, Mme [M] indique dans son attestation « pas plus tard que le lundi 13 mai sortir à ma collègue enceinte c'est pas la peine de venir bosser demain tu sers à rien, très sympathique à entendre », et Mme [DN] indique que Mme [C] « préfère dire aux filles enceintes de se mettre en arrêt car elles ne seront pas assez compétentes ». Il est vrai que Mme [M] ne précise pas si elle a été témoin directe de ces faits et ne nomme pas la salariée concernée, et les propos mentionnées par Mme [DN] ne sont pas ceux visés dans la lettre de licenciement. Dès lors, ce grief n'est pas suffisamment établi et ne sera pas retenu.



















Concernant les insultes, Mme [C] critique le témoignage de Mme [B] [E] en ce qu'elle ne fait que rapporter le témoignage d'un client. Mais il résulte de ce témoignage expressément rappelé plus haut que cette salariée indique avoir subi les insultes en présence de clients et non que ces propos lui ont été rapportés par des clients. Au demeurant et en tout état de cause, plusieurs autres salariés attestent avoir subi ou entendu ces propos (Mmes [H], Mme [L], Mme [G], Mme [M]).



La salariée produit aux débats une attestation de Mme [N], cliente, laquelle indique avoir fait ses courses chaque semaine pendant 4 ans et n'avoir jamais constaté aucune altercation entre [GL] et qui que ce soit, ou un comportement inapproprié avec qui que ce soit, une attestation de Mme [RA] vendeuse au magasin de juillet 2016 jusqu'en août 2018 qui indique que Mme [C] nous donnait les missions au quotidien, recadrait les équipes quand il le fallait sans menace ou intention de faire du mal, que c'est une personne correcte et qu'elle n'avait pas de souci avec elle, mais que 'ses collègues ont eu un dialogue un discours pas correct avec elle, elles voulaient tout savoir mélanger tout vie privée insultes brimades' , et enfin une attestation de Mme [R] qui évoque une relation professionnelle amicale et correcte, précisant que Mme [C] Elle l'a » formée sur le terrain en magasin par une attitude juste et égale ». Le fait que ce dernier témoignage émane d'une salariée qui est restée du 17 février au 17 décembre 2018 est en soi insuffisant pour ne pas la prendre en compte.

Mais ces attestations par leurs propos généraux, peu circonstanciés, outre que celle de Mme [RA] vise nécessairement une situation antérieure à août 2018 ne sont pas de nature à remettre en cause les attestations produites.



De ce qui vient d'être exposé, il résulte que les griefs reprochés à l'exception des propos tenus à une salarié ayant annoncé sa grossesse sont établis.



2) le non respect des procédure en vigueur au sein de la société



La lettre lui reproche la remise des articles destinés au «0 gaspi » à une association de manière gratuite alors que ces articles doivent être vendus en arrière caisses.

Il résulte des attestations de Mmes [K], [B] [E], et [F] que Mme [C] remet plusieurs fois par semaine et notamment le 15 mai 2019 les articles 0 gaspi à une association inconnue son responsable repart avec des cadis pleins sans payer.

L'employeur précise que c'est l'entreprise qui décide à qui sont données les pertes.

Toutefois il ne justifie pas des procédures internes en la matière ce qui est contesté par la salariée et alors même que le lettre de licenciement indique que ces marchandises sont mises en vente en arrière caisses. Dès lors, ce grief ne sera pas retenu.



La lettre lui reproche également de remettre aux clients des cadeaux (bouquet de fleurs, bouteille de champagne) et également d'avoir remis à des manifestants le 17 novembre 2018 des viennoiseries et palettes vides.

La salariée ne conteste pas ces faits, indiquant qu'en cas de conflit entre un salarié et un client, il est d'usage de remettre un cadeau au client pour apaiser la situation, sans l'établir alors qu'un tel usage est contesté par l'employeur .

En outre plusieurs salariés attestent que la remise de cadeaux ne concernait pas toujours des clients mécontents, mais ceux qu'elle aime bien ainsi Mmes [K], [W], [B]-[E] qui évoquent des cadeaux à une petite fille [I].

La salariée ne conteste pas par ailleurs les faits de novembre 2018, établis par les attestations de Mmes [B]-[E], [G], [K] évoquant la situation des manifestations de « gilets jaunes ».



La lette lui reproche enfin de permettre à son fils d'entrer dans les locaux et de venir y manger, ce dernier disposant des codes d'accès aux locaux sociaux et salle de pause.

Ce fait est établi par la lettre collective, par l'attestation de Mme [DN] et également par celles de Mmes [B]-[E], [G], et [K].

















La salariée ne conteste pas la présence de son fils dans les locaux et la salle de pause mais nie qu'il ait été en possession des codes, et précise que M. [VN] qui a vu plusieurs fois son fils tolérait ce fait.

M. [VN] dans son attestation affirme n'avoir jamais toléré la présence du fils de Mme [C] dans les locaux du supermarché, Mme [C] n'établissant pas que M. [VN] à l'occasion des visites qu'il pouvait faire ne pouvait pas « ne pas ignorer cette présence ». En outre, Mme [B]-[E] indique que son fils se balade dans la réserve et a les codes des portes, Mme [M] atteste que Mme [C] lui communique les codes.



Dès lors, à l'exception de la remise gratuite de certaines marchandises à une association, ces faits sont établis.



3°) le non respect des régles relatives à la durée du travail



La lettre vise : d'avoir badgé le 19 avril 2019 une fin de poste à 20h19 alors qu'elle est restée dans la supermarché jusqu'à 22h06 selon les rapports de la mise en service de l'alarme, de demander à vos subordonnées de badger votre fin de poste à l'heure prévue et de partir plus tôt, de ne pas respecter les règles relatives à l'affichage des plannings, puisque le 24 avril 2019 le planning de la semaine suivante n'était toujours pas affiché et d'avoir tenu des propos intolérables à l'encontre de la salariée qui s'en est plaint, et de ne pas autoriser les salariées à prendre leurs pauses réglementaires.



La salariée ne conteste pas être restée tardivement au magasin le 19 avril 2019 pour pallier selon elle l'absence de certains salariés, ce dont sa hiérarchie était avisée. Toutefois elle n'explique pas pourquoi elle ne badgeait pas et n'établit pas un accord de sa hiérarchie ou des absences de son équipe.



Sur le badage demandé pour partir plus tôt, Mme [A] indique qu'il est arrivé que Mme [C] nous demande de débadger à 18h alors qu'elle était partie depuis 16h 16H30.

Toutefois, cet unique témoignage ne donne pas de date de ce fait. Ce fait ne sera donc pas retenu.



Concernant les pauses, Mme [H] évoque des pauses qui ne sont pas prises ou prises très en retard, Mme [G] le refus de pauses communes quand on a le droit d'en prendre une, Mme [A] que Mme [C] nous demande de retourner travailler quand on est ne pause nous disant qu'on n'a pas le temps d'en prendre aujourd'hui.

Contrairement à ce que soutient la salariée, ces attestations ne sont pas contradictoires puisqu'elles conduisent toutes à établir que les pauses ne sont pas prises correctement.



Concernant l'absence de planning, la salariée ne conteste pas avoir omis ce jour là d'afficher les plannings et l'avoir fait immédiatement à la demande de son employeur. Elle conteste en revanche les propos tenus aux salariées.

A ce titre, l'employeur produit aux débats un sms que Mme [C] a adressé à Mme [Z], laquelle l'a transféré à Mme [F] qui mentionne : « je fais les plannings parce qu'une connasse m'a dénoncée et du coup la direction me demande d'afficher ça car les dp vont se pointer demain ».

S'il est vrai qu'aucun élément ne permet d'établir que ce sms émane de Mme [C], ce qu'elle conteste, et que les circonstances dans lesquelles il est parvenu à Mme [F] ne sont clairement expliquées, force est toutefois de constater que les propos de Mme [C] à la suite de l'obligation qui lui a été faite par son employeur d'afficher les plannings, résultent suffisamment des attestations de Mmes [K], [B]-[E] qui indiquent que Mme [C] leur a tenu ces propos, la première a parfaitement mentionné sur la première page de l'attestation son lien de subordination, et la seconde si elle n'indique effectivement n'avoir aucun lien de subordination (case non cochée) le contenu de ces trois attestations permet de déterminer qu'elle a attesté en qualité de salariée. Mme [M] atteste que Mme [C] lui a tenu également ces propos en employant les termes « me dire ». Si les deux autres témoins indiquant que Mme [C] est venue les voir ne visent effectivement pas Mme [M], cette dernière n'indique pas non plus que c'était à ce moment là, Mme [C] ayant pu lui tenir ses propos à un autre moment.



Dès lors, à l'exception du fait d'avoir demandé à son équipe de badger pour elle alors qu'elle partait plus tôt, les autres faits sont établis.













Il résulte de l'ensemble de ces éléments que sont établis les griefs relatifs au management inapproprié à l'exception des propos tenus à une salarié ayant annoncé sa grossesse, les griefs relatifs au non respect des procédures à l'exception de la remise de marchandises à une association et les griefs relatifs au nom respect de la durée du travail à l'exception du fait de demander à vos subordonnées de badger votre fin de poste à l'heure prévue et de partir plus tôt .



Concernant la formation, la salariée a bénéficié d'une formation régulière entre 2013 et 2019 (développer et gérer une équipe en 2016, notamment en juin 2018 en matière de risques psycho-sociaux sont établis, et ce même si l'employeur ne justifie pas de la formation « management responsable de magasin le 19 juin 2013.

Concernant enfin l'affirmation que le grief d'insuffisance managériale ne peut relever d'un licenciement pour faute mais pour insuffisance professionnelle, il sera observé d'une part que la lettre de licenciement vise une faute grave et non une insuffisance professionnelle, qu'elle vise en outre des manquements qui procèdent d'une mauvaise volonté délibérée (propos insultants notamment), soit d'une abstention volontaire exclusifs d'une insuffisance professionnelle.

Les manquements établis sont ainsi fautifs.

Toutefois il résulte du témoignage de Mme [K] que celle-ci a alerté préalablement à son courrier du 14 avril 2019 M. [VN] son supérieur hiérarchique du comportement de Mme [C], qui lui indiquait qu'il allait parler avec elle et que cela allait s'arranger ». Dès lors, l'employeur a été informé de difficultés liées au management de Mme [C] et même si selon Mme [K] le comportement de Mme [C] a empiré, il ne justifie pas des mesures qu'il a pu prendre ou des éventuels rappels à l'ordre ou sanctions.

Compte tenu de ces éléments, mais aussi de l'ancienneté importante de la salariée, si les griefs établis sont de nature à constituer cause réelle de licenciement, il n'apparaît cependant pas qu'ils aient revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.



La salariée peut par conséquent prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, augmentée des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité légale de licenciement, et également au paiement du salaire pendant la mise à pied. Il convient de confirmer le jugement à hauteur des sommes allouées, non contestées y compris subsidiairement dans leur quantum.



Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



II-Sur les dommages et intérêts pour le caractère vexatoire de la mise à pied prononcée

La salariée indique que le 20 mai 2019, elle a été convoquée à un entretien informel devant trois supérieurs hiérarchiques dès son arrivée, qu'elle a dû quitter les lieux sans explication de ce qui lui était reproché.

L'employeur rappelle que la mise à pied n'a pas à être motivée et il n'est pas justifié qu'elle ait été mise en 'uvre de manière vexatoire et qu'un préjudice n'est pas au demeurant établi.



La salariée ne produit aucun élément ou pièce de nature à établir que la mise à pied lui a été notifiée de manière vexatoire ou brutale, qu'elle sera en conséquence et par infirmation du jugement déboutée de sa demande.



Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement le présent arrêt constituant le titre ouvrant droit à restitution.



Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d'appel, il n'y a pas lieu à indemnités de procédure mais la société LIDL sera condamnée aux dépens d'appel.





















PAR CES MOTIFS





LA COUR





Confirme le jugement rendu le 23 juin 2022 par le conseil de prud'hommes de Lisieux sauf en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts de 2000 € du fait du caractère vexatoire de la mise à pied ;



Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant



Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;



Déboute en conséquence Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;



La déboute également de sa demande de dommages et intérêts du fait du caractère vexatoire de la mise à pied ;



Dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement le présent arrêt constituant le titre ouvrant droit à restitution.



Dit n'y avoir lieu à indemnités de procédure ;



Condamne la société LIDL aux dépens d'appel.





LE GREFFIER LE PRESIDENT













E. GOULARD L. DELAHAYE

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