18 janvier 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/14421

Pôle 4 - Chambre 10

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 18 JANVIER 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01811 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDAGO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2020 - Tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 19/00560





APPELANT



Monsieur [I] [Z]

Né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté et assisté par Me Thibaud VIDAL de la SELEURL VIDAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0056





INTIMÉE



Madame [J] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Défaillante, régulièrement avisée le 25 mai 2021 par procès-verbal de remise à l'étude







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 21 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne ZYSMAN, Conseillère, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère





Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA









ARRÊT :



- par défaut



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Florence PAPIN , Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.






***

EXPOSE DU LITIGE



M. [I] [Z] et Mme [J] [H] se sont rencontrés en 2013 et ont entretenu des relations amoureuses, puis amicales.



Soutenant avoir passé commande d'un véhicule Porsche Cayenne, le 13 novembre 2017, et réglé la somme de 102.999,76 euros entre novembre 2017 et le 25 avril 2018, puis avoir remis ledit véhicule à Mme [H] afin de la soutenir dans son projet professionnel de devenir agent immobilier, M. [Z] a, le 15 novembre 2018, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure Mme [H] de lui rembourser le prix d'achat du véhicule, ou à défaut, de lui restituer ce véhicule muni de la carte grise.



Mme [H] n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, M. [Z] l'a assignée devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Créteil, par exploit d'huissier du 15 janvier 2019, en indemnisation sur le fondement d'un enrichissement injustifié.



Par ordonnance du 26 mars 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil a autorisé M. [Z] à procéder à la saisie conservatoire de la carte grise du véhicule Porsche Cayenne détenu par Mme [H].



Par jugement contradictoire en date du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :



- Débouté M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,



- Condamné M. [Z] au paiement de la somme de 2.500 euros à Mme [H] au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamné M. [Z] au paiement des entiers dépens de l'instance,



- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.



Par déclaration en date du 26 janvier 2021, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement.



Par conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 26 avril 2021, M. [Z] demande à la cour de :

Vu les articles 1303 et suivants du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,



- Réformer le jugement de première instance,



Par conséquent :



- Déclarer M. [Z] recevable et bien fondé en sa demande,



- Condamner Mme [H] à lui payer la somme de 102.999,76 euros,



- Condamner Mme [H] à verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure,



- Condamner Mme [H] aux dépens.



Mme [J] [H] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ont été signifiées par acte du 25 mai 2021, remis à l'étude de l'huissier. Le présent arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2023.






MOTIFS



Sur l'enrichissement sans cause



Le premier juge, après avoir constaté que M. [Z] ne disposait d'aucune autre action ouverte sur un fondement contractuel, quasi-contractuel ou délictuel, a considéré que si un enrichissement de Mme [H] et un appauvrissement corrélatif de M. [Z] étaient caractérisés à l'occasion de l'achat du véhicule litigieux, ils n'étaient pas injustifiés, M. [Z] étant animé d'une intention libérale à l'égard de Mme [H] à la date des faits d'où procédait l'enrichissement.



M. [Z] ne critique par le jugement déféré en ce qu'il a constaté que le fondement de l'enrichissement sans cause était le seul envisageable, rendant son action justifiée sur ce fondement, conformément à l'article 1303-3 du code civil et en ce qu'il a estimé qu'il y avait bien un enrichissement du patrimoine de Mme [H] par la détention du véhicule haut de gamme payé par lui et un appauvrissement corrélatif de son propre patrimoine.



Il reproche en revanche au tribunal d'avoir estimé qu'il était animé d'une intention libérale lors de l'achat du véhicule et rappelle que la charge de la preuve de l'intention libérale incombe à Mme [H], celle-ci ne pouvant être présumée et devant être entendue de manière restrictive.



Il soutient qu'en l'espèce, Mme [H] ne peut rapporter la preuve d'une telle intention libérale par de simples références à sa situation financière, à sa nature généreuse et à la relation intime puis amicale qu'ils ont entretenue avant l'achat du véhicule, de telles allégations n'étant étayées par aucun élément.



Il affirme avoir acheté le véhicule à la demande de Mme [H] afin de favoriser l'image de cette dernière auprès de sa nouvelle clientèle dans le cadre d'une prétendue reconversion professionnelle et ce, avec la promesse d'un remboursement. Il explique que compte tenu des relations entretenues avec Mme [H], il a cru que celle-ci honorerait sa promesse et que ce n'est que lorsqu'il l'a vue effectuer ses déplacements personnels avec sa Porsche, sans réaliser une seule des ventes immobilières qu'elle s'était, pourtant, engagée à faire qu'il a entrepris de lui réclamer la restitution du véhicule ou la somme correspondante.



M. [Z] invoque par ailleurs la mauvaise foi de Mme [H] dans la mesure où, après s'être engagée à lui rembourser la somme due, elle s'est montrée violente par messages et oralement à son encontre dès qu'il a souhaité la restitution du véhicule ; qu'en outre, elle lui a menti sur la finalité de l'acquisition du véhicule de luxe, utilisé à des fins personnelles et non à des fins professionnelles comme elle l'avait laissé entendre initialement. Il ajoute que son comportement dans le cadre de la présente procédure caractérise également sa mauvaise foi, ce qui justifie le paiement de l'indemnité réclamée à hauteur de 102.999,76 euros par application de l'article 1303-4 du code civil.



Sur ce



Selon l'article 1303 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.



L'article 1303-1 du même code dispose que l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale.



Selon l'article 1303-2 du même code, il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel. L'indemnisation peut être modérée par le juge si l'appauvrissement procède d'une faute de l'appauvri.



Par ailleurs, l'article 1303-3 du code civil énonce que l'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.



En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a constaté que M. [Z] ne disposait d'aucune autre action ouverte sur un fondement contractuel, quasi-contractuel ou délictuel.



C'est également à bon droit qu'il a estimé qu'étaient démontrés l'enrichissement du patrimoine de Mme [H] et l'appauvrissement corrélatif de celui de M. [Z]. En effet, si le bon de commande du véhicule Porsche Cayenne en date du 13 novembre 2017 est établi au nom de [J] [H], l'extrait du Grand-livre du concessionnaire Porsche fait apparaître des règlements effectués entre le 1er janvier 2018 et le 25 avril 2018 dont trois sont intitulés « VIRT [Z] ».



Pour retenir l'existence d'une intention libérale de M. [Z] à l'égard de Mme [H] lors de l'acquisition de ce véhicule, le premier juge a relevé qu'il ressortait de l'examen des conversations tenues entre les parties qu'avant que M. [Z] ne passe commande du véhicule Porsche Cayenne, le 13 novembre 2017, et règle son prix de 102.999,76 euros entre novembre 2017 et le 25 avril 2018 avant de le remettre à Mme [H], il lui avait adressé, le 18 octobre 2017, un message dans lequel il lui indiquait qu'il serait « fier de lui offrir cette Porsche » ; que de même, en réponse à des messages du 25 octobre 2017 adressés par Mme [H], il indiquait « essayer de [leur] faire plaisir et de [leur] apporter du bonheur ».



Il a en outre considéré que la teneur des échanges entre les parties, et notamment le caractère véhément des rares messages adressés par Mme [J] [H] à M. [I] [Z], révélaient que celle-ci souhaitait rompre tout contact avec lui, ce qui rendait improbable l'existence d'une obligation de restitution du véhicule telle qu'alléguée par M. [Z].



Ces éléments caractérisent suffisamment l'intention libérale de M. [Z] à l'égard de Mme [H] lors de l'acquisition du véhicule Porsche Cayenne et, en cause d'appel, M. [Z] ne produit aucun élément probant établissant que l'acquisition du véhicule aurait été faite contre la promesse d'un remboursement.



Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que l'enrichissement de Mme [H] et l'appauvrissement corrélatif de M. [Z] procédaient d'une intention libérale et n'étaient pas injustifiés et a, en conséquence, débouté M. [Z] de sa demande en paiement fondée sur l'enrichissement sans cause.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Le sens du présent arrêt conduit à la confirmation des dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, mis à la charge de M. [Z].



M. [I] [Z], qui succombe en son recours, supportera la charge des dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne M. [I] [Z] aux dépens d'appel.





LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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