19 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.221

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201051

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Exonération - Exonération relative aux sommes portées par une entreprise à la réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l'entreprise - Bénéficiaires - Entreprises ayant régulièrement conclu et déposé un accord de participation

Il résulte de l'article L. 3324-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, applicable au litige, que lorsque l'augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par la voie collective, le supplément de participation doit faire l'objet d'un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés. A défaut d'un tel accord régulièrement déposé à la DIRECCTE, les suppléments de participation ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations. Il résulte de l'article L. 3314-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-67 du 21 janvier 2008, applicable au litige, que lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur ne peut mettre en oeuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement. A défaut d'un tel accord régulièrement déposé à la DIRECCTE, les suppléments d'intéressement ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Sommes versées au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise - Conditions - Détermination

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Exonération - Supplément d'intéressement - Conditions

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 octobre 2023




Rejet


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1051 F-B

Pourvoi n° U 21-10.221




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023

La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-10.221 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Picardie, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société [3] (la société) les suppléments de participation et d'intéressement alloués aux salariés au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au supplément de participation, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 3322-6 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2007-329 du 3 décembre 2007, les accords de participation peuvent notamment être conclus « 1° Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3324-9 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, (…) selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6 » ; que l'avenant prévoyant un supplément de participation peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3322-6 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuel conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément de participation dans les conditions de répartition prévues par l'accord de participation en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre la participation dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; que ces trois accords collectifs, déposés auprès de la DIRECCTE, valant mise en place des suppléments de participation octroyés au titre de ces trois exercices, la société remplissait les exigences posées par la loi pour que ces suppléments de participation soient exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que « le fait que des protocoles d'accord de négociation annuelle incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas établir que les participations auraient fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées », cependant que le versement de suppléments de participation pouvait être régulièrement institué par les protocoles d'accord de négociation annuelle prévoyant l'attribution de supplément de participation, protocoles qui ont été déposés auprès de la DIRECCTE au titre des exercices 2012, 2013 et 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 3325-1, L. 3322-6, L. 3323-4 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, l'article L. 3324-9 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et l'article L. 3323-5 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'à titre subsidiaire, selon l'article L. 3322-6 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2007-329 du 3 décembre 2007, les accords de participation peuvent notamment être conclus « 1° Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3324-9 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, (…) selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6 » ; que l'avenant prévoyant un supplément de participation peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3322-6 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuel conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément de participation dans les conditions de répartition prévues par l'accord de participation en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre la participation dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; qu'en retenant, pour valider le redressement, que « le fait que des protocoles d'accord de négociation annuelle incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas établir que les participations auraient fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées », sans rechercher si la mise en place des suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ne correspondait pas légalement à la mise en place du supplément de participation par un accord spécifique déposé suivant les modalités exigées par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3325-1, L. 3322-6, L. 3323-4 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, l'article L. 3324-9 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et l'article L. 3323-5 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 3324-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, le conseil d'administration ou le directoire peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, dans le respect des plafonds mentionnés à l'article L. 3324-5 et selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation, ou par un accord spécifique, conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6.

5. Il en résulte que lorsque l'augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par la voie collective, le supplément de participation doit faire l'objet d'un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé à la DIRECCTE du lieu où il a été conclu.

6. L'arrêt relève que si un accord de participation a été signé le 28 mars 2003 et dûment déposé à la DIRECCTE, la société a versé durant chacune des années contrôlées, des suppléments au titre de la participation qui n'ont pas fait l'objet d'un avenant régulièrement déposé. Il ajoute que le fait que des protocoles d'accord de négociations annuelles incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas à établir que les suppléments de participation ont fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial, déposé suivant les modalités exigées.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'en l'absence d'accord spécifique régulièrement déposé, les suppléments de participation ne pouvaient pas bénéficier d'une exonération de cotisations.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au supplément d'intéressement, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 3312-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, les accords d'intéressement peuvent notamment être conclus « 1° Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3314-10 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos (…) selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5 » ; que l'avenant prévoyant un supplément d'intéressement peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3312-5 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuelle conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément d'intéressement dans les conditions de répartition prévues par l'accord d'intéressement en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre l'intéressement dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; que ces deux accords collectifs, déposés auprès de la DIRECCTE, valant mise en place des suppléments d'intéressement octroyés au titre de ces deux exercices, la société remplissait les exigences posées par la loi pour que ces suppléments d'intéressement soient exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que « les accords de négociation annuelle déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales ; Dès lors, l'attribution de suppléments de participation [lire d'intéressement] en 2012, 2013 et 2014 n'ouvre pas droit aux exonérations de cotisations au vu de l'absence de respect de la formalité de dépôt », cependant que le versement de suppléments d'intéressement pouvait être régulièrement institué par les protocoles d'accord de négociation annuelle prévoyant l'attribution de supplément d'intéressement, protocoles qui ont été déposés auprès de la DIRECCTE au titre des exercices 2012 et 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 3312-5 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, L. 3313-3 et L. 3314-10 du code du travail dans leur version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et L. 3312-4 dans sa version issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'à titre subsidiaire, selon l'article L. 3312-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, les accords d'intéressement peuvent notamment être conclus « 1° Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3314-10 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos (…) selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5 » ; que l'avenant prévoyant un supplément d'intéressement peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3312-5 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuelle conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément d'intéressement dans les conditions de répartition prévues par l'accord d'intéressement en vigueur ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; qu'en retenant, pour valider le redressement, que « les accords de négociation annuelle déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales ; Dès lors, l'attribution de suppléments de participation [lire d'intéressement] en 2012, 2013 et 2014 n'ouvre pas droit aux exonérations de cotisations au vu de l'absence de respect de la formalité de dépôt », sans rechercher si la mise en place des suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ne correspondait pas légalement à la mise en place du supplément d'intéressement par un accord spécifique déposé suivant les modalités exigées par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3312-5 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, L. 3313-3 et L. 3314-10 du code du travail dans leur version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et L. 3312-4 dans sa version issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 3314-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-67 du 21 janvier 2008, le conseil d'administration ou le directoire peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos, dans le respect des plafonds mentionnés à l'article L. 3314-8 et selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5.

11. Il en résulte que lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur ne peut mettre en oeuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé à la DIRECCTE du lieu où il a été conclu.

12. L'arrêt relève que si un accord d'intéressement couvrant les années 2012 à 2014 a été mis en place en janvier 2012 et dûment déposé à la DIRECCTE, la société a versé des suppléments au titre de l'intéressement qui n'ont pas fait l'objet d'un avenant régulièrement déposé. Il ajoute que les accords de négociations annuelles déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas à établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant les conditions requises.

13. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'en l'absence d'accord spécifique régulièrement déposé, les suppléments d'intéressement ne pouvaient pas bénéficier d'une exonération de cotisations.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.